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La schizophrène confinée

Pendant des années, avec autorité, les soignants ont empêché Madame Y. d’avoir un enfant. Et puis elle a trouvé moyen d’enfanter malgré eux. Et avec un recul de quelques années, ça ne se passe pas si mal. Fallait-il vraiment l’empêcher de vivre comme elle le voulait ? Le premier épisode de la Covid bat son … Lire la suite Continuer la lecture

Publié dans Abus, confinement, CONTRACEPTION, Covid, diagnostic, Ethique, Histoires Vraies, liberté, neuroleptique, psychose, schizophrénie, témoignage | Commentaires fermés sur La schizophrène confinée

LES TROIS MEDECINS (Episode 3/3)

Les deux épisodes précédents sont ici :

Médecin hospitalier :

On pourrait croire que ça va aller vite car tout le monde sait ce qu’est un médecin hospitalier et tous les médecins passent par l’hôpital (alors que tous les médecins ne passent pas forcément en ambulatoire). J’ai tout de même deux trois trucs à préciser et à dire. Premièrement, il est assez amusant de constater que dès qu’on porte une grande blouse, un sthéto autour du cou et qu’on déambule dans les couloirs d’un hosto, tout ce qu’on dit et fait à plus de poids que dans un cabinet de généraliste libéral et ne parlons même pas d’un bureau de consultation de médecin de PMI. Même si sous la blouse, il y a exactement le même toubib. On peut répéter que l’habit ne fait pas le moine tant qu’on veut, c’est pas si vrai. J’ai donc exercé dans un hôpital au sein d’un service de pédiatrie où quand on dit à une maman que le petit n’a besoin que de lavages de nez, ça a beaucoup plus de poids que partout ailleurs. Grosso modo, mon activité se répartissait pour trois quarts  de mon temps aux urgences pédiatriques et le dernier quart dans le service d’hospitalisation. Je ne parlerai que de l’activité aux urgences car à vue de nez, au moins 80 % des consultations relevaient de la médecine générale. Qu’un médecin généraliste assure ces consultations n’était donc finalement pas un non-sens, on peut en revanche se questionner sur le bien-fondé de ces consultations en ces lieux. J’ai en tous les cas fait de mon mieux pour conserver ma casquette de généraliste. Je veux dire par là qu’il me semble que mon expérience de généraliste libéral m’a permis d’éviter parfois de me barricader derrière des examens complémentaires comme des prescriptions médicamenteuses injustifiés voire nocifs. J’ai le sentiment mais ce n’est qu’un sentiment, que plus nous avons un plateau technique à disposition, plus nous perdons notre sens clinique voire notre bon sens tout simplement. Prescrire une CRP chez un enfant souriant bien coloré avalant goulûment son biberon malgré une fièvre plutôt bien tolérée car on ne sait jamais…, je trouve ça con, inutile, coûteux et chronophage. Prescrire une Xième radio à un gamin simplement pour rassurer les parents qui viennent une fois par mois aux urgences parce que ça va plus vite que chez leur médecin traitant, sans se poser la question des conséquences futures de ces irradiations, ça me fout les boules. Je ne veux surtout pas laisser entendre par là que les médecins hospitaliers sont nuls, loin de là, mais on peut reconnaître qu’il y a comme partout ailleurs un certain formatage et certains automatismes de prescriptions pas toujours judicieux qui pourraient peut-être être diminués grâce à un passage systématique de tous les futurs médecins par un exercice ambulatoire à l’écart de toutes facilités liées à un plateau technique disponible 24 h sur 24.

Pour 80 % de mon temps, ma casquette de généraliste aux urgences pédiatriques me suffisait, et très sincèrement, pour le reste, j’étais plus qu’heureux d’être épaulé puis relayé par un confrère pédiatre du service. L’état de mal épileptique, l’asthme aigu grave, le syndrome aigu thoracique chez un drépanocytaire, et tous les autres trucs à la con qu’on n’a jamais vus sur lesquels les grands docteurs vont s’arracher les cheveux pendant des semaines, ben avec mes guiboles tremblantes, mes claquements de dents et la trouille de faire dans mon froc, j’étais vachement content de les trouver les confrères spécialistes hospitaliers. Voilà un atout de l’exercice hospitalier, le travail d’équipe. Echanger, discuter des situations difficiles ou pas, s’enrichir de la pratique et des expériences des uns et des autres, être épaulé dès qu’on est dépassé, quel confort ! Je parle d’équipe médicale, mais aussi paramédicale. La première personne à recevoir et prendre en charge l’enfant aux urgences de ce service était l’infirmière +/- puéricultrice. Les consultations aux urgences sont sensiblement organisées de la même façon qu’en PMI, avec le fameux binôme « infirmière/médecin ». C’est un double regard, des conseils supplémentaires et complémentaires, un confort, une plus-value indéniable.

Quant au statut de médecin hospitalier que je n’ai pas encore évoqué, je le trouve plutôt confortable aussi. Par rapport à certains, je ne suis peut-être pas très gourmand, mais mon salaire me convenait. Il faut dire qu’après celui de médecin PMI, j’avais sans doute l’impression erronée d’être devenu le roi du pétrole. J’avais certes pas mal de gardes, mais avec des repos de sécurité, pas mal de congés payés, des RTT ainsi que des jours de formation.

Voilà ainsi le témoignage tout à fait subjectif des tiraillements entre les trois médecins qui n’en font qu’un.

Pour conclure, il n’est pas impossible que si un jour un bel amalgame était confectionné pour réunir ces trois médecins, je réfléchisse à m’installer pour exercer à nouveau la médecine générale, ce pour quoi j’ai été formé. En d’autres termes pour être précis, si demain on me propose d’exercer la médecine générale alliant prévention et soins, en équipe avec d’autres soignants, sans me soucier de la gourmandise de Miss URSSAF et de ses copines, en reconnaissant et valorisant mon rôle dans le vaste monde médical, il serait alors possible que je ne pense pas seulement le matin en me rasant à m’engager. D’une façon plus générale, je suis persuadé et depuis un bon moment maintenant que toute autre politique de santé qu’une réelle, digne, ambitieuse valorisation et réorganisation de l’offre de soins de 1er recours n’est qu’un sparadrap souillé sur une jambe gangrenée.

Mais quand je lis les propos parfaitement décortiqués par Fluorette de l’ex-indétrônable
se(a)igneur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (dont le récent successeur ne fera que poursuivre l’œuvre), ce sous-fifre des divers ministres de la santé de bien maigre pointure issus de la basse cours sarkozyste comme hollandaise.   Ou encore quand j’entends ceux de cette méprisante et insupportable Catherine Lemorton qui nous prouve que la sidérante nullité n’empêchera jamais d’accéder à de hautes fonctions. Oui, quand de loin j’observe tout ce beau monde grassement payé par nos impôts pour démanteler méticuleusement un système qui pourtant semble encore faire de nombreux envieux, je me dis que rien n’est gagné, mais que l’espoir est mince car tant est déjà perdu… Heureusement, il n’est pas interdit de rêver.

PS : toutes mes excuses les plus sincères au confrère à qui j’ai osé chaparder le titre de cette série de trois billets.

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LES TROIS MEDECINS (Episode 1/3)



Les trois médecins ?

Plus précisément et comme le suggère l’illustration pleine de modestie ci-dessus, il sera question des trois casquettes de médecin que j’ai eu l’occasion de porter jusqu’à maintenant. Dans une série de trois billets, je vais tenter de décrire sommairement ces fonctions, d’en détailler très subjectivement les avantages et inconvénients, et d’en tirer quelques réflexions très personnelles. Simple témoignage, petits commérages, rien de plus.

Avant tout, il me semble utile de préciser que je suis généraliste et fier de l’être. La voie de la médecine générale a pour moi été choisie et non subie. A la fin de mes études, je désirais profondément quitter le milieu hospitalier pour voler de mes propres ailes, dans MON cabinet libéral.

Médecin libéral :

J’ai exercé en tant que généraliste remplaçant. Issu d’une promotion de carabins dans les années de grande rudesse du numerus clausus, non effrayé par le fait de m’éloigner de la grande ville universitaire sans m’exiler pour autant dans un trou paumé, faut pas exagérer, je me suis rapidement constitué un petit pool équilibré de médecins à remplacer régulièrement. J’ai donc très vite travaillé autant que certains généralistes installés s’octroyant régulièrement quelques moments de répit, en jonglant entre différents cabinets de petites villes et de campagnes, entre exercice isolé et exercice groupé, consultations sur et/ou sans rendez-vous, avec ou sans secrétaire, ou encore avec secrétariat à distance. J’ai même tenu plusieurs mois de suite la « boutique » d’un médecin contraint de s’arrêter pour raisons personnelles. J’ai ainsi pu vivre au plus près le quotidien d’un médecin installé.

 

Ces années constituent à ce jour ma plus belle expérience professionnelle. Humainement, intellectuellement, ce fut très riche et j’ai beaucoup d’anecdotes en tête, quelques

histoires de chasse, ainsi que de nombreuses leçons à tirer de ces années. Preuve en est : une bonne partie des billets partagés sur ce blog comme ici ou  est inspirée de ces expériences.


J’ai en revanche eu beaucoup de mal à m’adapter au statut de médecin libéral. Livre « recettes-dépenses », BNC, 2035, AGA, CARMF, Taxe Professionnelle, compte professionnel, tout cela m’a rapidement gavé.

 

Je crois que la pire fut Miss URSSAF, quasiment la première que tu rencontres lorsque tu débarques dans le fabuleux monde de la médecine libérale. Pourtant au début de notre union, Miss URSSAF était plutôt charmante et peu gourmande. Mais avec le temps, on change, le charme s’estompe, et les assiettes finissent par voler. Face à ses longs et surprenants silences, tandis que j’attendais avec émoi ses courriers auxquels j’avais pourtant fini par m’habituer tant par leur contenu que par leurs dates fatidiques, j’ai régulièrement tenté de l’appeler pour recoller les morceaux, en vain. Un beau jour, la grognace a fini par redonner des nouvelles via une mise en demeure, et toc ! Amour consommé, plus de pitié.

 

Un médecin généraliste libéral doit être capable de trouver un juste équilibre entre d’une part un nombre d’actes suffisant pour honorer ses charges tout en gagnant convenablement sa vie, et d’autre part l’exercice d’une médecine qui lui convient et qu’il considère comme bonne. Beaucoup semblent y arriver, moi pas, je reconnais cette lacune. Il m’arrive parfois de m’en énerver au point de devenir maladroit en affirmant haut et fort qu’avec ce système, pour bien gagner sa vie, il faut faire de la médecine fast-food, donc de la médecine de merde. Caricatural et arrogant j’en conviens, alors tout mon profond respect à ceux qui travaillent vite et bien.
 
Personnellement, je n’ai pas eu la force de résister à l’engrenage infernal : engranger de l’argent-faire gaffe aux charges-en garder pour soi-en refiler de plus en plus-donc voir de plus en plus de patients-et ainsi de suite. A partir du moment où lorsque le soir je rentrais chez moi en me demandant non pas si j’avais bien fait ou pas mon boulot ni ce que j’avais fait d’intéressant mais combien j’avais vu de patients, j’ai dit stop. Quelque chose ne tournait pas rond. Je n’ai donc jamais (peut-être pas encore qui sait car quand je serai grand…) posé ma jolie plaque dorée de docteur.
 
Avec le recul, je persiste à penser que le principal élément m’ayant fait fuir ce métier que pourtant j’aime est le paiement à l’acte. Conclure chaque consultation par cet échange argent/ordonnance me rendait mal à l’aise. Je me sentais parfois contraint de faire une prescription pour justifier mon gain. Comme si tout ce qui s’était déroulé avant, à savoir l’interrogatoire, l’examen clinique, les explications, le fait de rassurer, conseiller, tout cela était gratis, et que seule la prescription de médicaments méritait mon chèque ou mon billet. Alors que paradoxalement, dans le déroulé d’une consultation, c’est sans doute en pharmacologie que j’ai été le moins et le plus mal formé durant mes études…
Je me souviens avoir remplacé des médecins s’étant engagés sur le chemin des prémices d’un autre mode de rémunération avec l’option médecin référent. Il s’agissait de laisser le choix aux médecins comme aux patients de contractualiser cette option. Le patient bénéficiait alors du tiers-payant chez son médecin. Le médecin recevait une rémunération forfaitaire annuelle pour chaque patient en contrat référent, s’engageait à tenir un dossier médical digne de ce nom ainsi qu’à ne pas multiplier les actes et maîtriser ses prescriptions. C’était grosso modo une façon de passer du temps avec ses patients sans perdre d’argent. Mais la sournoise complicité entre gouvernants-assurance maladie-certains syndicats médicaux a balayé ce dispositif en moins de temps qu’il ne faut pour le résumer sommairement comme je viens de le faire. Soit. Je me souviens aussi du passage de la consultation de 22 à 23 euros que certains patients considéraient comme « oh ben vous l’avez bien mérité docteur » pendant que d’autres lançaient avec aigreur « pfff, c’est toujours les mêmes qui sont augmentés, l’argent va aux riches ! ».
 
Ainsi, j’avais compris que de façon cyclique, tous les trois, cinq, dix ou quinze ans, ce cycle semblant irrégulier, il faudrait reprendre son bâton de pèlerin pour aller piauner (pleurer en patois) un euro de plus, démarche soutenue par certains patients mais en horrifiant d’autres.

 
Certains défenseurs du paiement à l’acte considèrent qu’il fait partie de la consultation, qu’il est inconcevable de le supprimer, et qu’il permet au patient d’avoir conscience que la médecine a un coût. LA VALEUR DE L’ACTE MEDICAL ! Bof. 23 euros… ça peut aller, OK c’est pas gratos mais ça va, c’est pas non plus la mer à boire si ? Si on veut suivre cette logique, pour bien prendre conscience du coût, autant faire payer chaque passage dans un service d’urgences, ça parlera peut-être plus non ?

 
Bref, petit à petit, je me rends compte que finalement, même la Ministre de la Santé Touraine ne semble pas à l’aise avec le paiement à l’acte puisqu’il est désormais question de généraliser le tiers-payant. C’est la meilleure façon de préserver le paiement à l’acte mais en le cachant : « bouh, cachons nous les yeux entre nos doigts écartés, c’est pas beau mais regardons un peu de loin ! »
 
Avant cela, elle avait laissé percevoir une autre preuve de son malaise face à la médecine à l’acte avec son contrat de Praticien Territorial en Médecine Générale (PTMG), arme présentée comme fatale contre la désertification médicale. Le PTMG a pour vocation d’aller exercer en zone sous-médicalisée, là où on manque de toubibs. Mais au cas où le PTMG ne fasse pas suffisamment d’actes au milieu de son désert, la ministre lui garantit une rémunération minimale. Assez drôle non ? J’aurais plutôt imaginé que le PTMG serait submergé d’actes dans ces zones sous dotées et qu’une garantie contre la submersion eut été plus logique, mais je suis loin d’avoir la logique d’un ministre. Malgré nos différences nous avons au moins un point commun : notre malaise face au paiement à l’acte.
 
Même si encore aujourd’hui je pense que le métier de généraliste est formidable, son statut ne me convenant pas, je suis allé voir ailleurs ce qui se passait.
 

Fin du premier épisode.
 

 
Dans les épisodes à venir :
 
Extraits :
 
« Basta la CARMF, l’URSSAF, le paiement à l’acte et tout le reste. »
 
« les infirmières puéricultrices m’ont beaucoup appris et je suis aujourd’hui persuadé que de nombreuses consultations lorsque j’exerçais en libéral auraient gagné à être effectuées avec et même pour certaines d’entre elles uniquement par une infirmière puéricultrice. »
 
« …des services dotés de grands chefs, de moins grands chefs, de petits chefs, de plus petits chefs, de encore plus petits chefs, de sous-chefs, de sous-sous-chefs, du chef du papier, du chef des gommes, du chef de la machine à café… »


Extraits

« On peut répéter que l’habit ne fait pas le moine tant qu’on veut, c’est pas si vrai. »
 
« Qu’un médecin généraliste assure ces consultations n’était donc finalement pas un non-sens, on peut en revanche se questionner sur le bien-fondé de ces consultations en ces lieux… »
 
 « …barricader derrière des examens complémentaires comme des prescriptions médicamenteuses injustifiés voire nocifs… »
 
« …toute autre politique de santé qu’une réelle, digne, ambitieuse valorisation et réorganisation de l’offre de soins de 1er recours n’est qu’un sparadrap souillé sur une jambe gangrenée… »
 

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