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Bonne boîte orange à vous

Quand je repense à ma grand mère, c’est un fouilli de souvenirs qui remontent.

Son accent espagnol et cette chanson à base de gato qui mange des sardinas qu’elle nous chantonnait tout le temps.

La voir danser dans la cuisine sur Ricky Martin en faisant un pas en avant et un pas en arrière parce que nous on ne comprenait pas, mais c’est ce qu’il lui disait de faire, à Maria.

Les énormes tablées familiales avec des cousins grouillant de partout et ses platrées de paëlla.

La caisse aux jouets remplis de merdouilles qui nous semblaient des trésors.

Le vieux parquet sur lequel il fallait glisser avec les patins. En fait elle s’en fichait bien qu’on mette les patins, mais ça nous amusait.

Les horribles tapisseries au point de croix qui ornaient les différents murs de la maison.

Les lits à ressort sur lesquels on sautait pendant des heures en s’inventant mille et un jeux, persuadés que les adultes, en bas, n’entendaient pas nos bétises. En fait, ils les entandaient très bien -comment en aurait-il été autrement – mais ils savouraient le fait d’être tranquilles pendant ce temps.

Son petit jardin où il n’y avait pas grand chose à part des hortensias bleus mais où on allait voir et nourrir les lapins, ces lapins que mon grand père échangeait au bout d’un moment avec son voisin, pour ne pas avoir à tuer ceux qu’il avait élevés.

C’est aussi la boîte orange qu’elle sortait pour le café, toujours remplie de gaufrettes maison ou de rosquillos, rosquillos dont on n’a jamais réussi à trouver la recette, tout simplement parce qu’il n’y en avait pas, de recette.

rosquillos

rosquillos in progress

 

C’est aussi ce petit village niché dans la boucle du fleuve, entre les collines, avec ses maisons et ses paysages façonnés par les ardoises. Ce petit village si loin du pays où elle est née, où le temps semblait être allé moins vite, avec ses vieilles ardoisières, son école de fille et son école de garçon, et ses veillées funéraires à la maison.

 

 

Quand elle est décédée, à la difficile tâche de vider et nettoyer la petite maison aux ardoises s’est associé le plaisir de temps passé en famille à se rappeler les bons moments. Le partage des maigres biens n’a pas été trop difficile, l’héritage étant très modeste. La séparation avec le Christ ensanglanté en (points de) croix  ou avec la malle aux trésors merdouilles n’a pas posé plus de problèmes que ça. Cela n’a pas empêché le reste de la famille de sourire quand j’ai très officiellement demandé à récupérer dans le garage de vieilles caisses en bois de mon grand père. Des caisses en bois qui sont maintenant très en vogue dans les magasins de déco où elles sont vendues faussement vieilles, mais les miennes sont vraiment vieilles, et sont officiellement estampillées « explosifs de l’ardoisière » et ça leur donne toute leur valeur.

Ma seule autre demande concernait la boîte orange, que l’on consentit à me laisser pour héritage.

Depuis qu’elle est chez moi, elle a de nombreuses fois servie à ranger les différents petits gâteaux, chocolat et autres cochonneries qui font du bien.

 

Lors d’une stupide et inutile brouille familiale, il y a quelques années, c’est naturellement que j’ai amené une boîte remplie de sablés de Noël… dans la boîte orange.

boite orange

 

 

Et lorsque ce matin, mon oncle m’envoya une photo de boîte orange pleine de gaufrettes pour la nouvelle année, j’ai trouvé que c’étaient les meilleurs voeux du monde.

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Pas de billet en 2015 ici, pour plein de raisons plusse meilleures les unes que les autres. Et je n’en promets pas spécialement plus en 2016.

 

Je ne suis pas adepte des voeux de bonne année. Mais je vous souhaite à tous… une chouette boîte orange.

 

 

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Un rendez vous au cabinet

Pourtant je pensais m’y être pris suffisament à l’avance. J’ai appelé quelques jours avant la rentrée, je voulais que tout soit réglé d’ici là.

Et pourtant pas de rendez-vous avant DEUX SEMAINES. Pffff on peut mourir hein. Bon certes j’ai pris rendez-vous pour deux, c’est un peu plus difficile à caser.

« – ah non jeudi je ne travaille pas

– ah oui mais là y’a école

– non le mardi je peux pas venir je bosse tard »

Elle a fini par me donner rendez-vous pour moi, puis pour Tétarde 1h plus tard, après l’école. Mais quand même dans deux semaines quoi. En raccrochant j’ai hésité à appeler ailleurs pour voir si on ne pouvait pas me prendre plus vite. Mais bon c’était pas très sympa de ma part quand même, et puis soyons honnête, c’était pas vital.

Mais je n’étais quand même pas très bien la semaine avant, limite je comptais les jours.

 

Elle avait du retard, alors j’ai pris un magazine périmé en attendant. Ca parle de bio et de remèdes naturels. C’est son truc à elle. Ca me va. Au bout d’un moment elle m’a fait signe de venir m’asseoir.

Son associée est partie, elle est toute seule maintenant, ça explique les délais. Elle s’efforce de prendre toutes les personnes qui étaient déjà clients ici mais « je ne prend plus de nouveaux clients » me dit-elle avec un petit sourire. Elle m’explique que ça n’a pas été facile, surtout qu’elle a du s’arrêter à cause d’une blessure. Heureusement sa remplaçante habituelle a pu la dépanner au pied levé. Mais elle tient à garder son jour de repos, malgré les reproches. On a ce luxe dans nos boulots, de pouvoir choisir nos jours et nos horaires de travail me dit-elle, alors autant en profiter, elle tient à passer du temps avec ses enfants. J’acquiesse. Et puis à côté de ça, elle bosse tous les samedis.

Je m’assois, elle me regarde dans les yeux.

« Alors, expliquez-moi. »

C’est un peu mon problème ça en fait. J’arrive jamais à expliquer comme il faut. Elle me pose quelques questions pour être sûre, me redemande de temps en temps des précisions. Ca fait du bien de se laisser aller un peu, et de sentir que quelqu’un prend soin de moi, ça change. Aujourd’hui, pour une fois, j’ai envie de causer. Des fois, souvent, non. C’est pas grave, dans ces cas là elle n’insiste pas.

Comme d’habitude, je n’ai pas suivi ses recommandations, ni ses traitements. Et comme d’habitude, je lui demande plutôt si elle n’a pas une solution magique pour faire disparaître les problèmes là. Un truc définitif, qui demande pas trop d’effort et pas trop de temps. Elle sourit, me répond ce que je sais déjà – que non ça n’existe pas, qu’elle n’a pas de baguette magique – mais que je m’en sors plutôt bien.

Et finalement, elle arrive à comprendre exactement ce que je veux dire, elle le comprend mieux que moi même. J’ai bien fait de ne pas prendre rendez-vous ailleurs. Ici elle me connaît bien, je peux avoir confiance. Au moment de payer, je lui demande si je peux payer les 2 rendez-vous en même temps, vu que je reviens avec Tétarde tout à l’heure. Pas de problème.

 

Tétarde, d’habitude je m’en occupe moi même. Je me suis dit que ça lui ferait pas de mal que pour une fois ça soit quelqu’un d’autre. Un oeil nouveau, extérieur, professionnel. Bon après je pense que je reprendrais les choses en main, mais elle me donne des conseils, et je la laisse faire. Pendant ce temps là j’essaie de canaliser la Squatteuse qui touche à tout son matériel.

 

Tétarde a le sourire en sortant, visiblement ça lui a plu. Moi aussi. Me voilà repartie pour 2 mois, ou 3, vu que je vais reprendre rendez-vous en retard, comme d’habitude. Mais bon, ce n’est pas grave, un rendez-vous chez le coiffeur, c’est pas vital. Enfin presque.

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Lara Croft aussi se cache pour pleurer

Quand j’étais petite, je voulais être Lara Croft.

 

Pas seulement pour être gaulée comme une bombasse et avoir de gros seins (et heureusement, parce que ça serait un gros fail). Mais parce que je me voyais comme une femme forte, une baroudeuse qui n’a peur de rien et qui est capable de réparer un tank avec un trombonne et un bout de ficelle pour sauver le monde.

Je voyagerais dans tous les pays du monde, m’adaptant sans soucis à toutes les conditions de vie, parlant toutes les langues, et intégrée naturellement à une population qui m’accueillerait à bras ouverts.

En tant que médecin qui sait tout faire, j’irais dans les pays en guerre sauver les gens, et me révolter contre l’oppresseur des populations démunies quel qu’il soit.

J’aurais des enfants bien sûr, plein, 5 ou 6 au moins, qui me suivraient dans mes périples, loin des sentiers battus, ils apprendraient la vie la vraie, ce serait des mini baroudeurs en herbe, élevés loin d’une société de consommation superficielle, qui connaitraient les vraies valeurs de la vie.

J’aurais un amoureux aussi bien sûr, probablement le père de mes enfants (mais petite je ne réfléchissais pas à ce genre de détails) que je ne verrais pas souvent parce que je serais trop occupée à sauver le monde, et lui aussi probablement, mais ça ne gênerait aucunement notre vie de couple, et nos retrouvailles épisodiques seraient d’autant plus torrides.

J’aurais acheté une vieille maison en ruine comme pied à terre, que j’aurais retapée de mes mains et décorée avec goût, pendant mes heures de repos.

Avec tout ça, je n’aurais pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil, et de toutes façons je m’accommoderais de tout. Je serais toujours fraîche et dispose, jamais énervée, sauf contre les vils oppresseurs, et de toutes façons dormir c’est pour les faibles.

 

Voilà comment j’imaginais ma vie, jusqu’à il n’y a pas si longtemps. C’est pas facile d’admettre qu’on n’est pas Lara Croft. Et pas seulement à cause de la profondeur du bonnet.

 

J’ai voyagé, dans plusieurs pays, et je m’adapte à toutes les conditions, sauf qu’en fait souvent il fait trop chaud, ou trop froid, et qu’avoir des vraies toilettes c’est bien, et niveau bouffe aussi je m’adapte à tout mais pas trop longtemps quand même. Voilà, franchement je peux vivre à la dure sans soucis, sauf qu’en fait je crie et je pleure quand je trouve une araignée dans ma baignoire.

J’aime marcher, je fais des trecks et tout. Mais pas trop vite, et pas trop longtemps, et faut pas que j’oublie ma Ventoline non plus.

Je suis médecin, mais je sais pas tout faire, et je sais pas ce que j’irais foutre dans un pays en guerre, et quelles compétences supplémentaires je pourrais apporter à un pays quelconque. Je vois des gens qui ont des infections urinaires, des nez qui coulent et la gorge qui gratte. Je sais pas opérer des gens en urgence pour des plaies d’armes à feu. Je fais même pas de plâtres.

Je me révolte toujours contre les méchants, mais pas trop fort, et puis c’est pas si facile de comprendre qui sont les méchants dans l’histoire, et puis si ça se trouve ils ont pas trop le choix et ils sont pas si méchants que ça.

J’ai des enfants, deux, et ils me suivent, des fois. Sauf qu’en fait je me sens déjà débordée avec deux. Sauf qu’en fait mon parcours du combattant à moi c’est de trouver une nounou, et d’arriver à les poser à peu près habillés le matin sans arriver (trop) en retard au boulot. Sauf qu’en fait des fois j’aimerais bien pas les avoir dans les pattes pour picoler avec mes potes baroudeurs et nous raconter nos sauvetages du monde ; et puis même si c’est des mini-baroudeurs, ben faut quand même penser à trimballer les couches ; pis en fait les potes baroudeurs ils ont pas forcément envie de se coltiner tes mômes tout le temps non plus. Ils apprennent la vraie vie, et les vraies valeurs, sauf qu’en fait ils font quand même des caprices en se roulant par terre pour avoir le verre Hello Kitty à table.

J’ai un amoureux, c’est même le père de mes enfants, et je ne le vois pas souvent, parce qu’on essaie de sauver le monde – enfin un petit bout du monde – enfin 2-3 personnes ptet. Et ben en fait nos retrouvailles sont pas si torrides, et l’absence de l’autre ne stimule bizarrement pas tant que ça notre vie de couple.

J’ai pas acheté une vieille maison en ruine à la campagne. J’ai acheté une maison neuve, un peu à la campagne, mais pas trop loin de la ville non plus, genre à 500m, pis en plus à la campagne les araignées sont grosses ;  où il n’y avait qu’un peu de peinture à faire. Ce que je n’ai pas fait.

J’ai pas beaucoup d’heures de sommeil, et je ne suis jamais fraîche et dispose à moins de 9h par nuit. Je m’énerve parfois souvent, pas spécialement sur l’oppresseur des pauvres opprimés, mais sur mon mari-qui-a-pas-mis-son-bol-dans-le-lave-vaisselle, ma fille qui-traîne-encore-en-culotte-alors-que-ça-fait-trois-fois-que-je-lui-dit-de-s’habiller et surtout contre moi qui suis incapble de garder une maison à peu près propre ou de prendre le temps de repiquer les fleurs dans la jardinière.

Le soir, je ne débouche pas une bonne bouteille avec des potes après un bon repas. Des fois je débouche une bouteille de bière que je sirotte toute seule sous un plaid, ou des fois je m’enferme un peu plus longtemps que nécessaire dans les toilettes pour pleurer un peu, et parce qu’ici au moins personne ne se plaint d’avoir mal à l’oreille, de pas vouloir manger ses haricots ou d’avoir fait caca dans sa couche. Et encore, les toilettes ne sont plus le lieu sacré de la tranquilité comme je l’espèrais.

Je ne répare pas des tanks, et je déborde déjà de fierté quand je change mes essuis-glaces toute seule ou que je pose du parquet.

 

Non je ne suis pas Lara Croft. J’ai accepté que je ne peux pas tout faire dans la vie. En tous cas pas tout en même temps. Il y a des choix à faire, et qui sait…

Je ne serais jamais ce médecin qui sait tout faire (et qui sait bien le faire) mais dans quelques années je peux être un médecin qui fait des échographies, des sutures, des infiltrations ou des missions à l’étranger. Il suffit que je fasse ce qu’il faut pour.

Mes gamines dorment dans des vrais lits et le plus important pour elles, c’est de pouvoir regarder la Reine des Neiges au moins une fois par semaine, mais je pense que ça n’empêche pas qu’on les abreuve d’amour et de valeurs importantes pour nous. Elles ne découvrent pas le monde dans un coin de sac à dos ; elles le découvriront petit à petit, à leur rythme, et ptet dans une chambre d’hôtel avec option baignoire à bulles.

Je ferais ptet un treck sous assistance respiratoire.

J’irais même peut être un jour changer la chambre à air de mon vélo qui attend depuis 4 ans maintenant.

 

Je sais que je sauve le monde d’une autre manière. D’une manière un peu plus discrète, un peu moins tape-à-l’oeil, un peu plus dans l’ombre, beaucoup moins reconnue aussi.

 

Je ne sais pas si Lara Croft sait écouter, soigner et accompagner cette jeune mère de famille qui se fait tabasser par son conjoint après avoir avoir enfermé ses gosses en larmes dans la salle de bain pour les protéger.

Pas sûre que Lara Croft sache obtenir un scanner cérébral en urgence.

J’aimerais voir Lara Croft se démerder face à Tétarde quand elle a décidé coûte que coûte de mettre sa robe d’été – celle qui tourne – par -10°C.

J’aimerais voir Lara Croft essayer de joindre quelqu’un – de compétent – qui veuille bien lui rembourser les sommes perçues en trop – à l’URSSAF, sans lui coller son gros calibre sous le nez au bout de 20 secondes.

Lara Croft est pétée de tunes et a hérité d’un manoir gigantesque rempli de gens à son service. Ce qui est loin d’être mon cas.

J’aimerais voir Lara Croft supporter au quotidien un mec qui fait DEUX thèses.

Tiens j’aimerais bien voir Lara Croft garder un mec même, avec sa vie complètement instable et dissolue.

 

 

C’est pas facile d’admettre qu’on n’est pas Lara Croft, que certaines choses ne sont pas réalisables, pas réalistes, qu’on a des limites et des faiblesses.

C’est pas facile de reconnaître les défis, les combats et les victoires qui se cachent dans notre quotidien, qui ne paraissent rien mais qui sont si importants.

C’est pas facile de savoir ce qu’on veut, de faire des choix (avoir des gros seins ? Faire le tour du monde ? apprendre à réparer un tank ?) mais une fois qu’on le sait, on peut se donner les moyens d’y arriver.

 

Et puis soyons honnêtes, Lara Croft elle fait bonne figure devant la caméra ou dans la console, mais dès qu’on éteint l’écran, je suis sûre que Lara Croft aussi, des fois, elle se cache pour pleurer.

 

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Et là, tu vois, c’est un bigorneau …

« Et là tu vois c’est un bigorneau ! » « Ah oui, un bigorneau ! Oui ! »   3 ans. Quel âge merveilleux. En fait toutes les étapes de l’enfance sont merveilleuses. Le premier cri, les premières tétées, les premiers sourires « réponses », … Lire la suite Continuer la lecture

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Sérénité

J’ai 11 ans. Je suis en 6ème. Comme tous les jours je vais au collège à pied. Ce n’est pas très loin de chez moi, il suffit de couper par ce petit chemin qui longe la rivière, quelques marches et on arrive en face du collège. Sinon il faut faire tout le tour jusqu’au rond point et revenir, ça rallonge drôlement, ça serait vraiment bête.

D’habitude je vais au collège avec Aurélie, elle habite pas loin de chez moi, mais aujourd’hui j’étais en retard, elle était déjà partie. J’arrive au niveau du petit chemin, je jette un coup d’oeil pour en voir le bout. Je regarde un instant mes pieds. Je respire un grand coup et j’y vais. C’est vraiment ridicule de faire le tour, et puis je suis déjà en retard. Hop j’avance je passe et je suis arrivée voilà, c’est tout.

En arrivant en bas des marches je les entends rigoler, j’ai une boule au fond du ventre. Comme tous les matins, et les midis, et les soirs, il y a Paul et ses copains qui squattent le haut des marches. Je baisse la tête, je me cache derrière mes cheveux. Si je ne les regarde pas dans les yeux peut-être qu’ils ne verront même pas que je passe. Je monte les marches les unes après les autres, j’arrête de respirer, parce qu’ils se retrouvent tous ici pour fumer, et ça pue. Ils ne se poussent même pas quand je passe, je dois presque les enjamber, mon coeur bat à toute allure. Une main se tend vers mon visage, une cigarette  « Vas-y, tu veux tirer ? » Je fixe cette main, avec cette cigarette. Je ne réponds pas, je passe encore plus vite. Ils rigolent encore plus fort.

 

Ca y est, je suis passée. Je souffle. Il ne s’est rien passé. Il ne s’est jamais vraiment rien passé en fait. Paul et ses potes sont en 5ème, 4ème peut être. Des grands quoi.

 

Dans les couloirs du collège, Cathy me bouscule. Elle s’excuse bruyament. Elle ne l’a pas fait exprès. Nous savons toutes les deux que c’est faux. Je ne réponds pas et je rentre en classe. Elle s’asseoit derrière moi.

« Hey, psssst, tu veux pas sortir avec Julien ? Il a dit qu’il était d’accord !!! Mais si j’te jure. » Julien est plutôt mignon, mais ça sent le coup fourré. Je secoue la tête négativement. Ca m’étonnerait de toutes façons. Qui voudrait sortir avec une grande asperge comme moi, une intello première de la classe avec ses grosses lunettes en plastique et son appareil dentaire ?

Je sens quelque chose derrière moi, Cathy est en train de frotter mon dos avec une règle, dans le but de dépister la présence d’un potentiel soutien-gorge. L’absence constatée, je l’entends pouffer de rire avec Laure.

Laure, c’était ma meilleure amie jusqu’à il n’y a pas longtemps. Jusqu’à ce qu’elle décide qu’elle ne serait plus mon amie, et qu’elle me pourrisse la vie. Aujourd’hui, j’ai encore passé une demi-heure à chercher mes affaires qu’elles avaient cachées, retenant les larmes dans mes yeux pendant qu’elles ricanaient en me regardant.

 

Mais la journée est bientôt finie, je vais me dépêcher de sortir, comme ça je pourrais passer par le petit chemin avant que Paul et sa bande ne s’y installe.

Le collège ça ne dure que 4 ans. 4 ans à pleurer certes.

 

– – – – – – – –

 

J’ai 30 ans. Je viens de m’installer à TrouVille, le patelin de mon enfance. Je suis mariée, j’ai deux enfants, je viens d’acheter une maison. Cette année, c’est mon année.

Oh c’est pas facile tous les jours, loin de là, des disputes, de la fatigue, des crises de nerfs, des doutes… mais au fond de moi, il y a comme…

de la sérénité.

 

Je vois en consultation Mr R.

Il vient pour des douleurs abdominales, c’est assez récurrent, et une grosse fatigue. Faut dire, il a beaucoup de boulot. Enfin il ne va pas se plaindre, ça marche bien, c’est déjà ça. Il vit seul, depuis que sa femme est partie. Ses deux enfants sont grands maintenant, ils ne vivent plus là non plus. Je vois un homme fatigué par la vie, peut être pas très heureux.

A la fin de la consultation, un peu timidement, il me demande si je veux bien être son médecin traitant, maintenant.

 

J’ai également vu Mr F. qui venait pour remplir un certificat MDPH. Son handicap, je le vois d’emblée, c’est cette main difforme, suite à un grave accident dans l’enfance. Multiples opérations, douleurs, rétractations. Avec ses deux moignons de doigts, il garde la possibilité d’une pince, pour attraper les objets. Nous prenons le temps de faire le tour de son handicap et de ses limitations. Il en a peu, à dire vrai. Il a toujours très bien fait son boulot, depuis l’enfance il a appris à compenser. D’ailleurs il monte sa propre boîte, avec l’aide de l’agefiph, et c’est pour ça qu’il a besoin du dossier. Ca a l’air d’être un chic type, j’espère que ça va marcher, il le mérite. En rigolant, il me propose ses services quand sa boîte tournera. Pourquoi pas.

 

En garde je vois le petit de garçon de Mme G. Il a quelques mois, le SAMU me l’envoie pour « constipation ». Je n’y allais pas avec un grand enthousiasme, une constipation depuis hier hum… ça ne sent pas l’urgence vitale. Et en effet, je vois un charmant bébé de 3 mois, gazouillant et souriant. Qui n’a pas fait caca depuis hier matin. Sa mère est inquiète, parce que voyez-vous d’habitude il est réglé comme une horloge. Elle l’allaite exclusivement. Normalement ils vivent en Angleterre, mais là ils sont en vacances chez ses parents, peut être le voyage…?

Ils sont touchants, la partie de moi qui grognait d’avoir été appelée pour « ça » se tait. J’examine, je rassure, j’explique. Tout va bien. Il est magnifique et en pleine forme.

 

 

Si on m’avait dit, il y a 20 ans, que je serais heureuse de revoir le père de Laure R. et que je lui demanderais des nouvelles de sa fille.

Que je serais heureuse d’aider Paul F. dans ses démarches, et heureuse de revoir sa main me tendant, non pas une cigarette, mais sa toute nouvelle carte de visite.

Que je serais heureuse de dire à Cathy G. que oui je la reconnais, que oui moi aussi j’ai des enfants et que je suis heureuse de la voir aussi épanouie avec un aussi beau petit garçon.

 

Les revoir faisait partie de mes craintes en revenant à TrouVille. Au final, il m’ont permis sans le vouloir de faire la paix avec eux, avec mon passé, avec moi même, en fait.

Et là au fond de moi je sens comme…

… de la sérénité.

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Un matin

Le réveil sonne. Trop tôt. Mais ça ne dérange pas le moins du monde la Squatteuse qui roupille à côté de moi.

Il faut que je m’extirpe du lit. Aujourd’hui, c’est l’Ours qui emmène les filles à l’école/chez nounou. C’est dire si j’ai des raisons d’être stressée.
Hier j’ai préparé tout ce qui était préparable mais il n’empêche que. La semaine dernière tout était prêt dans le sac, il a quand même oublié le sac.

Au radar direction la douche. Je passerais bien 30 minutes à réfléchir à des questions existencielles sous l’eau chaude, mais chaque minute compte. Ca sera donc 2 minutes.

Je m’habille à la va vite dans le couloir pour ne pas réveiller (tout de suite) l’Ours et la Squatteuse. Heureusement que les mots « crème de jour » , « brushing » , ou « maquillage » n’existent pas dans mon vocabulaire, parce que mon geste beauté du jour consistera en un coiffage rapide aux doigts, dans un savant pas-travaillé coiffé-décoiffé (mais surtout décoiffé). Comme tous les jours en fait.

Je prépare le thé, je vais réveiller Tétarde, qui se traîne sous son tas hirsute de bouclettes blondes en ronchonnant jusqu’à la cuisine.
Après âpres négociations (non un carré de chocolat ça n’est pas un bon petit déjeuner complet) elle accepte une compote et des biscuits.

Coup d’oeil sur l’horloge, il faut aller réveiller la Squatteuse si je veux qu’elle au moins ait un bon petit déjeuner. Etant donné qu’elle ne daigne prendre – en rechignant – que 60ml de lait par jour chez nounou, autant faire quelques réserves le matin. Je réveille l’Ours en même temps. Il zone jusqu’à la douche avec force plaintes sur son pied qui lui fait mal. Des douleurs d’homme quoi. J’admet que le pied est légèrement écarlate, et qu’il a légèrement doublé de volume.

Un main soutenant la Squatteuse au sein, une main pour boire mon thé, une main qui donne la compote à Tétarde parce que tu-comprends-je-peux-pas-j’ai-mal-au-genou. Le parent est multitâche.

Coup d’oeil à l’horloge. L’Ours refléchit aux origines de l’univers sous la douche. Je ne vais pas avoir le temps d’habiller les deux. J’emmène la Squatteuse en comptant sur une coopération de Tétarde pour enlever le pyjama/enfiler la culotte toute seule ou au moins avancer jusqu’à sa chambre.

Après avoir bien macéré toute la nuit, les fringues que je comptais mettre à la Squatteuse empestent le dégueuli à un mètre. Merde. Direction la chambre la Squatteuse dans une main, j’attrape le premier vêtement venu. Pendant ce temps Tétarde chante en se roulant en pyjama sur son tapis et l’Ours refait le monde dans la salle de bain.

La Squatteuse à peine habillée en profite pour régurgiter sur ses vêtements et – on n’est plus à ça près – faire une grosse bouse. Pendant ce temps Tétarde chouigne parce que finalement elle ne veut pas mettre cette robe là, qu’elle a mal au genou, et que Maël ne voulait pas lui préter le dauphin à l’école. Enervement, menace de sévices corporels.

Et pendant ce temps l’Ours… heu… l’Ours s’est installé sur son ordinateur. Enervement, menace de sévices corporels. Fail. Menace d’absence de sévices corporels. Il daigne aller habiller Tétarde.

Coup d’oeil à l’horloge. Je suis en retard.

Squatteuse dans le transat. Gilet pour Squatteuse juste à côté. Couches, lait, habits de rechange, sac pour Squatteuse. Tétarde réclame des collants bleus.

Ma sacoche, les clés du cabinet.

Descendre les 3 étages. Courir jusqu’à la voiture. Démarrer. Détection de l’absence de téléphone par la voiture. (c’est bien les voitures modernes)

Merde.

Se regarer. Courir. Monter les 3 étages. Croiser la voisine qui part au boulot. Attraper le téléphone sur son chargeur. (c’est mal les téléphones modernes, ça tient pas dans la poche et ça tient pas 12h en veille)

Redescendre les 3 étages. Croiser la voisine qui remonte en courant.

Courir, démarrer.

Souffler.

 

Je résiste à l’envie d’écraser 3 djeuns qui traversent indolemment la route en faisant des pauses pour ricaner bêtement.

Calme.

J’appelle l’Ours pour ne pas qu’il oublie le doudou de Tétarde, et qu’elle mange à la cantine à midi. Ok, il raccroche.

 

Penser qu’il faudrait le rappeler, pour qu’il lui enlève ses collants, il va faire chaud. Résister.

Souffle, lâche du lest, c’est pas grave si elle a des collants.

Essayer de se calmer.

La radio me souhaite bonne journée avec Stromae « Formidable ». Merde.

Essayer de se calmer.

Y arriver au bout de 20 km.

 

L’Ours rappelle, peut être qu’il faut que je lui dise pour les collants.

 « Dis, où est le siège auto de la squatteuse ? »

Dans ma voiture.

 

Et merde.

ET MERDE.

 

Coup d’oeil à l’horloge. Si je fais demi-tour, Tétarde arrive avec 1/2 de retard à l’école et moi avec 1h de retard au cabinet. L’Ours raccroche, il va se débrouiller.

Je le rappelle : peut être retrouver le lit auto.

Je le re-rappelle : peut être demander à nounou de venir jusqu’à la maison.

Je le re-re-rappelle : peut être demander à une voisine. Il m’engueule, il va vraiment arriver en retard si je continue de l’appeler.

 

A peine arrivée au cabinet, je lui envoie un message pour qu’il me tienne au courant : il a couru, s’est fait -encore plus- mal au pied, a retrouvé la nacelle, mais pas les attaches, il a bricolé un truc fort peu sécuritaire avec les ceintures, est arrivé 10 minutes en retard à l’école, mais étant donné qu’il n’arrivait même plus à poser le pied par terre, la maitresse n’a rien dit.

 

Souffler. Tant pis pour les collants.

Il n’est même pas 9h, je suis déjà vidée, et je me perfuserais bien un litre de café.

Commençons la journée.

Léo a une angine.

Mme C. a besoin d’une ordonnance de bas de contention.

Mr L. est plein d’arthrose et a mal au dos. Tellement que ça le gêne pour respirer. Hum ? L’examen est normal mais je n’arrive pas à éteindre la petite lumière qui clignotte avec cette histoire de gêne respiratoire. Je pousse mon examen. Non vraiment rien d’inquiétant. Nous en resterons à de l’arthrose.

Le petit Jules a un panaris. Pas bien grave, mais à 18 mois il n’est pas trop d’accord avec les soins proposés. Il resort avec une main complètement emmaillotée de bandes et de sparadrap pour éviter qu’il y touche.

Mme P. tousse.

C’est l’aide ménagère de Mr R. qui a appelé. Il a 96 ans, et est normalement suivi à domicile, à Saint-Pierre-Derrière-La-Colline, mais elle propose de l’amener au cabinet, ce qui m’arrange carrément. Il a des vertiges depuis ce matin. « Comme si j’avais bu mais sans boire ». Et pas qu’un peu, nous ne sommes pas trop de deux pour l’amener jusqu’au cabinet. Son examen est normal sauf que lui qui a une petite tension d’habitude est à 19/10. Ca pourrait expliquer ses vertiges. Alors pourquoi je pense AVC cérebelleux moi ? Quelle idée. Il n’a aucune raison de faire un AVC cérébelleux hein. J’essaie de faire taire cette alarme qui clignotte encore. Il faut juste faire baisser sa tension. Oui mais Mr R. est complètement désorienté, et vit tout seul. L’aide ménagère est inquiète, à raison. Il peut se casser la figure à tout moment, et ne prendre absolument pas son traitement.

Mais je suis un peu folle, et un peu extrémiste de la non-hospitalisation. Surtout ici où les gens rechignent clairement à quitter leur campagne.

Appel du cabinet infirmier pour qu’ils passent au moins matin et soir les prochains jours. Je tombe sur le répondeur, je laisse un message. On se met d’accord avec l’aide ménagère pour que les voisins qui sont très proches se relaient aujourd’hui à ses côtés pour vérifier que les choses rentrent dans l’ordre. Comme je ne suis pas si folle que ça, courrier est fait pour les urgences avec consigne aux voisins de l’y envoyer si ça ne va pas mieux d’ici ce soir.

 Mme L. vient pour son suivi de grossesse. Et surtout pour que je reconduise son arrêt de travail. Elle est professeur des écoles mais n’a pas fait sa rentrée. Elle entamme son 3ème mois de grossesse et me fait comprendre tout de suite qu’elle n’a pas l’intention de retravailler de sa grossesse. Par contre si je pouvais arrêter son arrêt avant les vacances de la Toussaint, parce qu’ils voudraient partir un peu.

Mme B. est ma dernière consultation. Elle voudrait aller voir une diététicienne pour faire partir sa boule de graisse. Un lipome qu’elle a sur le ventre. Je lui explique que cela n’aura pas d’impact sur son lipome, mais elle ira quand même. Soit.

 A l’heure de rentrer à la maison un coup de fil. L’aide ménagère de Mr Foutu. Il faut venir vite vite il est vraiment pas bien.

Impossible de retrouver le dossier de Mr Foutu. Foutu vous dites ? Oui Foutu avec un F comme Faucisse. Aaaah Soutu ?! Oui Soutu c’est ce que je disais mais venez !

C’est où ?

Ben à Gros Bourg. (A 10km donc)

C’est pas trop dur à trouver (= c’est très dur à trouver)

Faut traverser le bourg, et c’est une route à droite (= une route à gauche avant le bourg)

 

Après 10 minutes à tourner dans le bourg, j’essaie d’appeler Mr Soutu, il ne répond pas. J’essaie d’appeler DrRemplacé, il ne répond pas. Je me résous à m’arrêter à la pharmacie. Malgré mes signes d’impatience manifestes, la pharmacienne finira sa conversation de 5 minutes sur la-rentrée-du-grand-à-l’école-qu’a-été-un-peu-dure-mais-là-ça-va-mieux-maintenant-mais-bon-quand-même-il-s’est-encore-réveillé-cette-nuit-ça-le-perturbe-un-peu.

Après de nouvelles explications, et une nouvelle erreur, je finis par trouver la ferme isolée de Mr Soutu. Qui souffle comme un boeuf sur sa chaise. Et paradoxalement mon examen est strictement normal.

– il vit tout seul isolé

– je suis incapable d’expliquer pourquoi Mr Soutu est essouflé, et donc encore moins de le soulager

– il est vendredi

– je suis énervée

– j’ai mal aux seins, manquerait plus que j’ai une montée de la… Trop tard.

– j’ai faim

autant de signes de gravité qui font taire les ardeurs de WonderWoman et indiquent formellement l’hospitalisation de Mr Soutu.

Qui n’est pas d’accord et qui souhaite que j’appelle sa fille.

J’appelle sa fille qui le rejoindra directement à l’hôpital.

Oui mais le chien.

J’appelle le voisin qui viendra récupérer le chien.

J’appelle le taxi pour l’emmener.

L’Ours appelle pour savoir si je rentre manger. Je lui explique que oui mais que je vais rentrer tard vu la situation. « Ok je vais me débrouiller, je vais trouver un truc, ne t’inquiète pas pour moi » Ah mais… je n’en avais pas l’intention. Je m’inquiète plutôt pour moi en fait.

J’aide Mr Soutu à rassembler 3 slips. Impossible de retrouver sa carte Vitale ni son ordonnance.

Le médecin de PetiteVille appelle. Il me parle de mon avenir, mais j’abrège, j’ai pas le temps, j’ai faim, je cherche la carte Vitale.

J’écris une belle lettre pour les urgences, enrobant mon « Merci d’accueillir Mr Soutu… vieux… seul…. altération de l’état général… dyspnée…et pis c’est vendredi et demain c’est le week end, cordialement, bisous » de plein de petites fleurs tant je me souviens que cette situation m’horripilait quans j’y étais moi, aux urgences.

 

L’ambulancier arrive, tout le monde s’en va.

Il est 14h, j’ai faim, je vais rater les Feux de l’Amour (oui bon quoi).

J’appelle l’Ours, pour me plaindre, et surtout parce que j’ai faim. Il promet de me préparer quelque chose à manger.

Je n’ai pas eu le temps de passer à la pharmacie pour son pied.

 

15h j’arrive à la maison. La table du petit déjeuner est encore mise, rien n’est prêt, l’Ours a mangé les restes.

 

Bref, un matin.

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Le lac

Il a toujours été admis entre l’Ours et moi que j’étais plus mobile que lui. C’est bien connu, des médecins on en a besoin partout, surtout dans tous ces déserts médicaux dont on entend tellement parler hein, c’est la pénurie ma pauv’ dame. Pour l’Ours, c’est plus compliqué. Il ne peut pas trouver partout. Comme mes rêves d’ado ne parlaient que voyages et découverte du monde, ça ne me dérangeait pas du tout de le suivre là où le vent nous porterait. Mais en attendant de trouver, nous nous sommes installés-mais-pas-trop dans une vie stable-mais-pas-trop. Petit à petit j’ai pris mes habitudes dans mes cabinets de remplacements, repoussant les propositions d’installation sans les refuser, gardant des portes plus ou moins entrouvertes sans me les fermer… mais sans prendre de décisions.

 

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?

 

Tout en râlant contre la situation instable de l’Ours, qui m’empêchait de prendre des décisions pour avancer dans ma – forcément brillante – carrière de docteur, au fond, j’étais bien contente d’avoir un prétexte pour ne pas m’engager. Aussi, lorsque cette année il n’a pas obtenu sa qualification de maître de conférence, j’étais bien sûr désolée et déçue mais… mais aussi soulagée, d’avoir un an de répit à me complaire dans ma petite vie pas-si-instable-que-ça.

Et puis finalement, partir… oui bon s’il le faut quoi. Parce que finalement, la région est belle là, la famille est pas loin, j’ai des cabinets où j’aime bien travailler, mon orchestre, des potes avec qui boire une bière de temps en temps… Alors tout quitter pour quoi ?

Une frilosité qui a bien éborgné l’image de la baroudeuse voyageuse de mon adolescence.

 

« Ô temps ! suspends ton vol »

 

Début septembre, Tétarde entre à l’école. ENFIN. Je repense encore en ricanant à ces reportages Jean-Pierre Pernesques plein de parents niais les larmes aux yeux qui n’arrivaient pas à laisser leur enfant à l’école. Le genre de truc qui risque pas de me tomber dessus, tellement 4 mois de congé maternité avec ma glue m’ont asphyxié. Nan, ça, ça risque pas de m’arriver.

L’école, çe fera du bien à tout le monde, ça ne m’inquiète pas du tout, et Tétarde est enthousiaste. Je ne travaille pas, je pourrais l’accompagner sans soucis, et même profiter d’un peu de temps pour moi.

Alors bon, c’est quoi cette nervosité, cette tension là depuis quelques jours ? Fin de l’été, fin du congé maternité, rentrée en maternelle pour Tétarde et chez SuperNounou pour la Squatteuse, l’Ours qui parle d’acheter une maison alors qu’il ne sait même pas où il va bosser dans 4 mois… et moi non plus d’ailleurs.

A l’insu de mon plein gré, me voilà angoissée, sans même savoir pourquoi. Comment est-ce qu’elle va s’habiller ? (avec des habits totalement décoordonnés qu’elle a choisi, absolument pas comme tu as prévu depuis 10 jours) Qu’est-ce qu’il faut amener ? (un sac, des chaussons, et ta fille surtout, le reste, on s’en fout) Où est-ce que je vais me garer ? (ben là où y’a de la place, on verra, pis on marchera s’il faut) Et la Squatteuse qu’a jamais pris un biberon comment je vais faire ? (ça tombe bien, t’as pas de boulot, la vie est bien faite, t’as le temps) Et la nounou, je lui dis quoi ? (la vérité, que tu sais pas exactement quand tu vas reprendre, et que tu t’excuses, et au pire tu lui payes une semaine de rab). Des prises de têtes inutiles sur des détails sans importance. La vie coule autour de moi, je n’arrive plus à la saisir.

 

J’étais au milieu du lac, à attendre de voir où le vent me porterait, où le courant me pousserait, persuadée que de toutes façons, le jour où il faudrait prendre des décisions, je n’aurais que l’embarras du choix. Et puis j’ai réalisais que je stagnais, sur mon lac d’huile. (Un lac d’huile, c’est comme une mer d’huile, sauf que c’est un lac en fait). Et que si je voulais avancer, il fallait ptet donner quelques coups de pagaie et PRENDRE DES DECISIONS. (Il est assez affligeant de voir que je me disais à peu près la même chose il ya 1 an 1/2)

 

« Le temps m’échappe et fuit »

 

Fin du congé maternité, et prise de conscience qu’avec mes 2 marmots et mon Ours migrateur, je ne peux plus continuer mes remplacements comme avant. Besoin de stabilité un peu. Oui mais c’est pas si simple. A regarder les autres pagayer et avancer, à garder des portes entrouvertes-sans-vraiment-les-ouvrir, je n’ai pas avancé moi.

Fin du congé maternité, et bilan tout aussi catastrophique que pour le premier niveau productivité. Les albums photos de la naissance de Tétarde ne sont toujours pas fait c’est pour dire.

Fin du congé maternité, fin des indemnités, et l’Ours qui regarde les annonces de maison à vendre parce-que-c’est-le-bon-moment-pour-acheter. Comment dire.

 

Il est temps d’arrêter d’avoir peur. Il est temps d’arrêter de regarder les autres avancer. Il est temps de pagayer et d’aller voir ailleurs.

 

« L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »

 

Demain, je souffle un bon coup, j’emmène ma fille à l’école, et j’avance. Dans le brouillard peut être, je ne sais pas trop où ça me mènera, mais peu importe, je le découvrirai, et ça sera beau, dans tous les cas.

Ca y est, le sac à chaussons est prêt, la boule au ventre est partie.

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Billet écrit en brillante collaboration avec Alphonse.

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Persillé…

Tandis que ma moitié me raconte sa folle journée, Fripouille, 2 ans et des brouettes, gigote à mes côtés sur la banquette du restaurant japonais où nous avons décidé de diner. Après avoir trempé profondément  une branche de persil dans … Continue la lecture Continuer la lecture

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Coquelicots

Après les consultations, les longues soirées de juin permettent parfois de s’échapper à quelques centaines de pieds au dessus de la campagne francilienne,des vols paisibles à la verticale d’un paysage verdoyant et cette année particulièrement … rougeoyant… Carpe Diem Continuer la lecture

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M’asseoir sur un banc …

55. Cinquante cinq marches pour rejoindre le sentier qui longe la crique. Cinquante cinq marches que nous avons gravies tous les trois, ta maman, toi et moi. Enfin, toi tu les as montées dans mes bras, et à la fin … Continue la lecture Continuer la lecture

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Climax

Devant moi, la mélodie des flûtes répond à celle des hautbois et clarinettes. Il n’y a qu’eux qui jouent, mais c’est tout l’orchestre qui les accompagne silencieusement.

Chants et contre-chants. Les cascades cristallines de notes s’entrecroisent, aériennes.

 

Depuis que je les connais, ils ont grandis, et moi aussi. Voilà 15 ans que nous jouons ensemble.

Oh l’orchestre a bien évolué depuis. Il y a 15 ans, j’étais la petite dernière arrivée, et une des plus jeunes. Aujourd’hui, si je ne suis pas la plus vieille, je suis l’une des plus anciennes.

 

Au premier rang, Lucie attaque son solo. Sa fille a maintenant 4 ans. Elle a été la première. La première de mes amies à avoir un enfant. Celle qui nous fait rendre compte tout à coup que oh-là-là-on-a-veilli-mais-tu-te-rends-compte-on-a-connu-nos-premiers-flirts-ensemble-c’est-fou-ça.

 

Les saxophones se rajoutent à l’ensemble des bois. La pression monte doucement, ainsi que la nuance. Des frissons commencent à apparaître dans mes mains.

 

Mon premier flirt justement, Julien. A mon exact opposé dans l’orchestre. Passé le malaise qui a logiquement suivi notre rupture, nous prenons toujours autant de plaisir à jouer ensemble. Nous avons grandi, chacun de notre côté, mais malgré tout ensemble.

Lors de d’un des repas qui rythment nos journées de répétition, il s’est amusé à regarder qui dans l’orchestre n’était pas sorti un jour ou l’autre avec l’un des membres attablés. Dans un grand éclat de rire, nous nous sommes rendus compte que bien peu de mains se levaient.

Nous nous sommes connus enfants, nous nous retrouvons maintenant en adultes, naissances et mariages ponctuent nos rencontres. Non loin de moi, sur le rang du fond, Nico redresse son tuba. Il se prépare doucement. Je souris en repensant à ces échanges de sms qui n’avaient abouti à rien, lorsque nous étions ado. Finalement il a trouvé son bonheur avec Caroline, quelques sièges devant. Cet été, ils sont venus à mon mariage, à quelques jours de la naissance de leur deuxième enfant. Il y a quelques semaines, j’étais au leur, enceinte moi aussi de ma squatteuse.

 

Le rythme entêtant des saxophones ténors rend la tension palpable. Fébriles, nous embouchons doucement nos instruments. Nous, le rang du fond. Les gros. Les basses, au sens large.

Le crescendo, amplifié par l’entrée de la caisse claire, prépare notre arrivée. Nous inspirons silencieusement tous ensemble.

Puissant, le son emplit la pièce. Les rythmes lourds et profond remplacent les envolées des bois, et résonnent au fond de mon ventre.

 

Juste à côté de moi, Sébastien. Les sonneries de sa trompette entrecoupent mon chant. J’ai une tendresse toute particulière pour lui, sans que je ne puisse l’expliquer. Sébastien n’est pas médecin, et ça c’est formidable. Il est pépiniériste, et sa boîte commence à bien tourner. D’autres autour de nous sont informatien, mécanicien, professeur des écoles, assistante sociale, architecte, musicothérapeute, ou encore ouvrier. Nous n’avions rien en commun, mais nous partageons pourtant beaucoup. Lui et moi sommes arrivés ensemble dans l’orchestre, au tout début. Les concerts, les soirées arrosées, les voyages au bout du monde,… nous avons plus de souvenirs et d’émotions en commun qu’avec beaucoup d’autres personnes.

 

Tout l’orchestre est à présent entré dans la danse, marchant, roulant, entraîné dans la même direction par les infimes indications de notre chef, qui lui aussi a grandi vieilli avec nous. Le lent crescendo monte, l’air emplit mes poumons, et les frissons mes membres. Derrière moi les coups lourds des timbales résonnent dans mes entrailles, le roulement accompagne notre montée fortissimo, mes lèvres vibrent, tout comme mon instrument entre mes doigts….

 

Climax

 

Mes yeux se ferment à moitié, mes doigts, mon souffle et mes lèvres connaissent la partition, ils fonctionnent à l’instinct. Je laisse les vagues de l’explosion déferler et refluer en moi.

La pression redescend, la nuance aussi. Les timbales se taisent, mais leur résonance accompagne encore les vagues de mélodies successives qui viennent s’échouer doucement, suivant les pupitres qui s’éteignent au fur et à mesure.

Doucement les dernières notes se posent en toute légèreté.

Nous attendons le silence complet avant de décoller et reposer nos instruments.

 

Seul un léger sourire s’affiche sur nos visages. Nul besoin de parler, ni même de nous regarder. Ce que nous venons de vivre, nous l’avons tous ressenti de la même manière. En osmose, à quarante. Je n’ai jamais pris le même plaisir en solo.

Ces journées, même fatigantes, même 4 ou 5 fois par an seulement, sont une bouffée d’oxygène que je ne louperais pour rien au monde.

 

Ils sont plus que des amis, ils sont mon équilibre, ma stabilité, mon ouverture sociale… ils sont le troisième pied de mon trépied.

 

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Y’a comme un air…

C’est le printemps. Enfin il paraît.

Si l’année dernière, mi mars, les prunus enjolivaient mon rond-point-à-moi, cette année, ils font encore grave la tronche. Si les jonquilles ont fait les courageuses, rares sont les bourgeons à avoir osé fleurir.

GrosseRivière est en crue. Oh comme tous les ans remarquez. J’aime dans ma région observer la nature vivre sa vie et nous nous adapter. Tous les ans, en hiver et au printemps, GrosseRivière et PetiteRivière font leurs crues. Oh ça ne gêne pas, on a l’habitude, elles n’inondent que les prés. Parfois une route est coupée, une cave inondée, ou une vache coincée sur une butte, au pire.

J’admire sans me lasser PetiteRivière à l’état sauvage, ayant creusé son lit plein de méandres au milieu des prés de Trouvillois. Je me l’imgine à chaque crue telle le Nil venant déposer son limon fertilisant dans… heu… l’herbe des vaches.

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GrosseRivière prend ses aises

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PetiteRivière qui – telle un marmot parfait – veut bien rester dans son lit

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PetiteRivière dépose son limon

 

Donc les nappes phréatiques sont remplies certes mais qu’à cela ne tienne, c’est le printemps bordel !

J’ai envie de fleurs, de pic-nics au bord de l’eau et de grand ménage. De gazouillis d’oiseaux, de barbecue et même – même !– de nouvelles chaussures.

Mon ventre est heureusement un bon frein à ma frénésie de nouvelles fringues.

 

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(ouais j’ai des envies de chaussures ROUGES)

 

Alors qu’à cela ne tienne, suivant l’exemple de mon pêcher et de ses petits bourgeons fleuris, j’enchaîne les après-midi jardinage, je plante mes tomates mes radis et mes fraises, et dans la petite serre, Tétarde regarde ses petites graines qui poussent.

 

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Malgré la pluie, et avec un gros manteau, la chasse aux œufs aura bien lieu.

Au premier rayon de soleil, nous voilà sur les quais de GrosseRivière, à regarder les cygnes, écouter l’orgue de Barbarie et enchaîner les tours de manège, sourire aux lèvres de la voir si heureuse, et qu’enfin – enfin, enfin ! – nous profitions d’un moment tous les trois.

 

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Profiter des rares éclaircies, pour une sieste au soleil, un tour au parc et un bouquet de pâquerettes.

parc ralstonventre ralston

 

Profiter des rares moments ensemble, à trois, trois et demi, avant de repartir dans notre marathon quotidien, nos jongleries entre mes remplacements et ses déplacements, mes gardes et ses astreintes, mes concerts et ses matchs.

 

 

(Mais il serait temps qu’il arrive pour de vrai ce printemps, parce que mon manteau ne ferme plus)

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J’aime l’URSSAF (pour de vrai)

Travailler en libéral, par certains aspects, c’est très chiant. Par exemple j’ai frôlé la crise de panique en découvrant trois enveloppes de l’URSSAF au courrier ce matin. Mais à voir ce que vit ma copine PetitWombat, je me dis que … Continue la lecture Continuer la lecture

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Inférieur à 3 ?

Quand dans mon texto je demande à ma fille « Quand penses tu… » que ma fille dans son texto en retour m’écrit « 2min », que je lis « 2 minutes » au lieu de « demain », … je lui envoie malgré tout plein de  » … Lire la suite Continuer la lecture

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L’erreur

En tant que remplaçante, une des principales difficultés, et donc une des choses qui me pèsent le plus, c’est d’avoir difficilement des nouvelles des patients que j’ai vu.

Que ce soit pour savoir si le diagnostic que j’avais posé était le bon, ce que le spécialiste auprès duquel j’avais envoyé mon patient avait trouvé, si mon traitement avait marché… mais aussi les conneries que j’ai pu faire.

Nous apprenons énormément de nos erreurs, même si c’est jamais très agréable. D’autres de mes confrères en ont remarquablement parlé, l’erreur en médecine est un tabou qu’on nous apprend dès le début de nos études à nier, cacher, étouffer et quand bien même nous aimerions en parler, le peu d’oreilles prêtes à entendre nos épanchements nous oblige plus ou moins à les taire et à tenter de les oublier. Je pourrais largement m’étaler sur cette question, et ptet ben que je vais le faire, un jour.

Ainsi donc l’absence de retour sur ma pratique me gêne beaucoup. Oh absence est un grand mot, j’ai de temps en temps des nouvelles. Parfois je pense à noter le nom des patients, et je profite du remplacement suivant pour ouvrir le dossier et voir ce qu’il est devenu, lire les comptes rendus des spécialistes quand il y en a, ou simplement le contenu de la consultation qui a suivi.

Souvent, je ne trouve rien de concluant. De temps en temps un compte rendu d’hospitalisation me confirmant que j’ai bien fait d’envoyer ce patient à l’hôpital, ou au contraire que j’aurais dû m’abstenir. Parfois, et ça me fait grogner intérieurement, la consultation d’après indique « ne va pas mieux » ou « aucun effet du traitement » voire « c’est encore pire ». Bon je ne suis pas meilleure que les autres, même si je m’efforce de faire au mieux.

 

Je suis encore plus attentive aux remarques directes qui peuvent m’être faites par les patients ou par mes remplacés. Oui j’aime qu’on m’aime, j’avoue.

Bien sûr c’est biaisé. La plupart des patients qui n’ont pas été satisfaits de moi (guérison trop lente d’une rhinopharyngite fulgurante, non prescription d’un pshit-à-nez salvateur par exemple) soit s’arrangent pour ne pas me revoir, soit s’ils n’ont pas le choix, s’abstiennent de commentaires négatifs durant la consultation. Ceci dit, certains ne s’abstiennent pas, et malgré le côté désagréable de la chose, je les en remercie.

Quant à mes remplacés, je suppose que s’ils font de nouveau appel à moi, c’est qu’ils ont été satisfaits, à moins qu’ils ne soient vraiment désespérés et qu’ils ne trouvent personne d’autre.

Oh wait.

 

Bref la plupart des remarques que j’ai, quand j’en ai, sont plutôt positives (« Ah Docteur merci, le traitement que vous m’avez donné ça a été miraculeux ! » Ah oui de la cortisone sur une trachéite, j’eusse aimé qu’on me félicitât pour une prescription moins honteuse…) mais j’essaie de les prendre en ayant conscience du biais, et je suis plus attentive encore aux remarques négatives.

De choses que j’ai faites, pas faites, mal faites, ou même plus ou moins volontairement oublié de faire.

Oui je dois me battre contre un ennemi perpétuel : la flemme, la procrastination. La flemme d’appeler un patient à 20h parce que son INR est (juste-un-tout-petit-peu) trop haut et que comme il est sourd ça va me prendre 10 min pour lui expliquer qu’il faut baisser (juste-un-tout-petit-peu) ses doses d’anticoagulants, et qu’en plus la prochaine fois il va être trop bas, alors bon est-ce qu’il ne vaut pas mieux ne rien faire et attendre le prochain contrôle puisqu’il y a des chances que ça rentre dans l’ordre tout seul… Par exemple.

Ou se rassurer (ou se convaincre?) que ce patient au bilan si catastrophique est de toutes façons suivi toutes les semaines à l’hôpital pour ce problème, et qu’ils reçoivent forcément les résultats, donc ils vont bien s’en occuper hein. La patate chaude. Encore un inconvénient de la remplaçante : le remplacé le sait bien lui, si l’hôpital gère ou pas d’habitude. Moi je fouille le dossier, essaie de récupérer le numéro de téléphone noté une fois sur deux (selon les remplacés) pour finir par m’entendre dire au bout d’1/4h que « c’est gentil docteur mais c’est prévu avec l’hôpital, j’y vais demain pour ma transfusion ! » Bon valait mieux s’en assurer, mais je lutte continuellement contre la petite voix qui me dit de fermer les yeux, que quelqu’un s’en occupera bien.

 

 

Comme ELLE. Je m’étais bien dit en début de rempla qu’il faudrait que je vérifie comment elle allait dans la semaine. Mais ça pouvait attendre.

Et pis elle ne disait rien, ne se plaignait pas alors bon. Et puis une chose en chassant l’autre j’ai zappé. Elle n’a rien dit, personne dans son entourage pour prévenir.

Et puis, un des inconvénients d’une maison médicale : on se dit toujours que sur le tas, quelqu’un s’en occupera. La collaboratrice a zappé aussi.

 

Et c’est mon remplacé, en rentrant de vacances, qui a constaté les dégâts. Déshydratation majeure. Pronostic vital engagé. Je n’en menais pas large.

Il a fallu 2 jours de réhydratation prudente pour être sûr qu’elle s’en sortirait.

A priori sans trop de séquelles.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort il paraît. Enfin c’est ce que dis l’Ours. Pour elle je ne suis pas sûre que ça sera le cas.

 

Grosse remise en question de ma part. Certes je ne risque plus de passer à côté maintenant mais est-ce qu’il me refera confiance ? Est-ce qu’il partira en vacances tranquille, en sachant que j’en ai la responsabilité, comme de tous ses patients ?

 

Parce que quand même, la plante a failli mourir. A cause de moi.

la plante

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La maman de Maxence.

Vous allez m’accuser de faire du neuf avec du vieux mais je vous re poste ici un article de mon ancien blog. J’aurais sans nul doute de plus intéressantes, et inédites, histoires à vous rédiger lorsque j’aurais repris mon stage, c’est-à-dire demain. Et dieu sait que cela me manque. Une semaine sur trois, 2 externes […] Continuer la lecture

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La maman de Maxence.

Vous allez m’accuser de faire du neuf avec du vieux mais je vous re poste ici un article de mon ancien blog. J’aurais sans nul doute de plus intéressantes, et inédites, histoires à vous rédiger lorsque j’aurais repris mon stage, c’est-à-dire demain. Et dieu sait que cela me manque. Une semaine sur trois, 2 externes […] Continuer la lecture

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Peut-être que c’est ça, être fort.

Comme nous pouvions, mais ne voulions pas, nous y attendre, monsieur H est mort ce matin. Très agréable patient, mais aussi fort et robuste, puisqu’il n’avait jamais cessé de travailler jusqu’à son hospitalisation, il y a quelques jours, justifiée d’une perte de poids de 14 kilos. Les imageries découvraient alors un cancer de l’oesophage, et […] Continuer la lecture

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Peut-être que c’est ça, être fort.

Comme nous pouvions, mais ne voulions pas, nous y attendre, monsieur H est mort ce matin. Très agréable patient, mais aussi fort et robuste, puisqu’il n’avait jamais cessé de travailler jusqu’à son hospitalisation, il y a quelques jours, justifiée d’une perte de poids de 14 kilos. Les imageries découvraient alors un cancer de l’oesophage, et […] Continuer la lecture

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J’ai peur.

C’était un samedi après-midi. En l’espace de deux heures, on s’était déjà raconté la moitié de nos vies. Etudiant infirmier, c’était un homme du sud, de mon âge, qui laissait entrevoir au travers d’un fine barbe d’étincelants sourires, lâchés par mégarde. Tout de suite, on s’est plus, et on parlait comme de vieux amis, connaissances […] Continuer la lecture

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J’ai peur.

C’était un samedi après-midi. En l’espace de deux heures, on s’était déjà raconté la moitié de nos vies. Etudiant infirmier, c’était un homme du sud, de mon âge, qui laissait entrevoir au travers d’un fine barbe d’étincelants sourires, lâchés par mégarde. Tout de suite, on s’est plus, et on parlait comme de vieux amis, connaissances […] Continuer la lecture

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Monsieur le doyen, cher maître.

Un billet de mon ancien blog Monsieur le Doyen, cher Maître, Malgré le courant de pensée actuelle, j’ai toujours prôné la présence en cours, qu’il soit de plus ou moins bonne qualité, plus ou moins dans l’axe que l’ECN nous impose, même si, j’en conviens, aucune connaissance n’est superflue. Que nous les préparions ou non, […] Continuer la lecture

Publié dans chir pédia, D4, doyen, ECN, j'en peux plus, Perso, Stage | Commentaires fermés sur Monsieur le doyen, cher maître.

On ne parle que de ça.

Il arrive un jour, un malheureux jour, où on se rend compte. On fait intérieurement le point sur toutes les dérives qui nous entraînent depuis le début, et dont on ne peut saisir l’intensité croissante au vu de la lente cinétique de leurs inerties. J’ai perdu toute notion d’attachement. Trop, pas assez, pas du tout, […] Continuer la lecture

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