Archives de catégorie : obligation vaccinale

En raison de l’obligation vaccinale je suis pour la délégation des tâches : j’aurai le temps de faire autre chose.

L’obligation vaccinale chez les nourrissons (j’étais contre) conduit à cette évidence : à quoi sers-je en tant que médecin généraliste ?Je suis donc pour la délégation des tâches, je veux dire la vaccination des nourrissons et des autres, en pharmacie,… Continuer la lecture

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UN DE PERDU DIX DE RETROUVÉS ?

L’aînée a dix ans, la cadette en a six, le petit dernier vient de souffler ses trois mois.J’ai suivi et vacciné les deux grandes. J’ai accompagné comme j’ai pu la maman durant une période de sa vie qui ne laissait pas présager un long fleuve tranquill… Continuer la lecture

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Quand le Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins menace.

Le docteur Patrick Bouet, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (PCNOM), nouveau membre de l’Académie de médecine (on le félicite pour l’ensemble de ses titres et travaux), répond à un journaliste dans la revue médicale Le Généraliste, journal dont l’équilibre financier est assuré par la publicité pharmaceutique et je signale en passant aux commerciaux que j’en ai assez de la recevoir gratuitement dans ma boîte à lettres. 

Avant que de lire mes commentaires, lisez l’entretien, il est ICI.

Rappelons aussi qu’il est probable que cet entretien fait suite à la lettre ouverte que nous avons écrite et à la pétition qui a suivi :  voir LA

Le PNCOM nous dit d’abord qu’il faut que les médecins sachent que s’ils n’adoptent pas une attitude conforme aux données de la science ou s’ils mettent en danger les patients ils devront en assumer les responsabilités

Diable.
Nous sommes d’accord !

Mais.

J’ignorais que le PCNOM menât un combat sans relâche contre les médecins qui n’adoptaient pas une attitude conforme aux données de la science. Enfin, ça se saurait, on me l’aurait dit.
Ou alors.
J’avais certainement piscine quand le PCNOM a entamé des actions disciplinaires contre les gentils médecins qui ont prescrit Mediator pendant des années hors AMM et sans respecter les données de la science ; j’avais aussi piscine quand le PCNOM a poursuivi les gentils médecins qui prescrivaient le procubitus pour les nourrissons (600 morts par an), les gentils médecins qui pratiquent annuellement un frottis du col utérin chez des femmes sans facteurs de risque, les gentils médecins qui nient le sur diagnostic engendré par le dépistage organisé du cancer du sein (et les mutilations féminines qui s’en suivent), les gentils médecins qui accordent des AMM à des molécules anti cancéreuses qui n’ont aucune efficacité clinique significative selon le critère Amélioration de l’espérance de vie et qui mettent en jeu l’intégrité des patients, les gentils médecins qui ont conseillé (et qui continuent de conseiller) le dosage du PSA chez les hommes afin de dépister un cancer de la prostate sans aucun bénéfice sur la mortalité globale et au prix de mutilations masculines, les gentils médecins français qui, contre toute attente, prescrivent beaucoup (trop) d’antibiotiques…

sans oublier que notre PCNOM a dû, mais j’avais piscine, en se fondant sur les données de la science et sans céder à des considérations politiques et/ou commerciales, se prononcer pour le déremboursement des médicaments dits anti Alzheimer qui sont inutiles, nuisibles et dangereux (on me dit dans l’oreillette que ce n’est pas encore fait) et intenter une action contre la ministre de la Santé Madame Buzyn qui, contrairement aux données de la science et à l’intérêt des patients, a maintenu le remboursement….

Mais, Monsieur le PCNOM, j’assume mes responsabilités. J’attends sans peur que le PCNOM intente des actions de justice contre les signataires de la lettre ouverte adressée aux députés de la République. Je suis prêt à me défendre et à montrer que les arguments scientifiques sur lesquels repose cette  obligation vaccinale à 11 vaccins sont ténus et sans aucun rapport avec une menace sanitaire de grande ampleur, telle que vous semblez l’évoquer. Quant à restaurer la confiance, notre collègue Lehmann a montré combien le discours buzynien était avant tout un discours touchant à la novlang orwellienne : voir LA.
Vous avez également dit lors de cet entretien, je vous cite, « Créer l’obligation pour ces vaccins dont nous savons qu’ils protègent et sauvent des vies, c’est une action de santé publique. »

Connaissez-vous ces données ?
Les décès des enfants  de moins de 1 an : Les chiffres de 2008 montrent que 53 (1,6 %) des 3095 décès chez des enfants de moins de 1 an sont liés à des causes infectieuses et parasitaires (dont une partie seulement sont vaccinopréventables). Voir LA.

1 : Certaines affections d’origine périnatales (1557) dont complications de la grossesse (408), affections respiratoires (287),  affections hémato et hémorragiques (181), infections (145),
2 : Malformations congénitales (640)
3 : Mort subite du nourrisson (261)
4 : Causes inconnues non précisées (151)
5 : Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques (69).

Heureusement que vous avez sous la main le bon professeur Joyeux qui vous permet d’amalgamer sa personne, farfelue, peu crédible, et peu informée et l’assimiler aux médecins qui s’interrogent. Le professeur Joyeux est l’idiot utile des vaccinolâtres et permet de cacher la forêt des légitimes interrogations.

Mais vous allez plus loin, cher PCNOM, pour faire peur en agitant devant l’opinion médusée le spectre d’une épidémie d’encéphalopathie rougeoleuse ! Comme l’a écrit un excellent confrère en son blog (ICI) il n’y a jamais eu en France d’épidémie d’encéphalopathie rougeoleuse !

Sont-ce les données de la science que de faire peur ?

Les données de la science vont sans doute venir, il suffit que la ministre de la Santé et/ou la DGS commande au Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, le phare des publications scientifiques mondiales, le journal paroissial des Eglises françaises de vaccinologie et de dépistologie réunies, un article ad hoc, une étude prospective dans le style stochastique –très à la mode–, annonçant des milliers de morts dues à une encéphalopathie rougeoleuse dramatique si le taux de couverture vaccinale descend au dessous de 74,197 %.

Mais j’imagine quand même qu’un praticien finlandais qui aurait accepté de vacciner des enfants avec Pandemrix, le vaccin anti grippal, et dont certains auraient développé une grave maladie auto-immune, la narcolepsie, n’aurait-il pas dû refuser de façon jusqu’au boutiste ? Je laisse cela à votre appréciation, Monsieur le PCNOM. Je suis certain par ailleurs que les poursuites sont engagées à l’égard des experts qui soutenaient en 2009 que Pandemrix était sûr : vous voulez des noms ?

Au delà de Pandemrix nous nous rappelons, lors de la grande pseudo pandémie grippale de 2009, les prévisions alarmistes des experts (une encéphalopathie rougeoleuse à la puissance mille) qui ont conduit au fiasco organisationnel, idéologique, commercial et scientifique que nous avons tous vécu, fiasci qui a entrainé une défiance du public à l’égard de la vaccination en général. Eh bien, ces experts, apprenez, mon cher confrère membre de l’Académie de médecine, ils sont toujours là, en poste ou en d’autres endroits de la République vaccinale. Pour vous paraphraser : « Avez-vous eu le courage de ne pas assumer leurs déclarations ? »

Le problème du refus de vaccination par des praticiens ne me concerne pas, Monsieur la PCNOM, car, dans une démarche d’information claire et loyale, si des parents veulent ou exigent que leurs enfants soient vaccinés, je les vaccine. Apprenez, cher PCNOM, qu’il existe en France des praticiens qui 1) savent que a décision partagée est un objectif respectable, qui 2) tentent, malgré tous les obstacles, de l’appliquer et qui 3) ne pensent pas qu’il s’agit la fin de la médecine.

Le cas des parents qui refusaient jusqu’à présent les 3 vaccinations obligatoires, soit diphtérie, tétanos et polio, était simple pour moi, je ne concevais pas qu’il faille faire des faux, faux certificats de vaccination et/ou faux certificats de contre-indication à la vaccination. Mais, l’après-midi où j’étais à la piscine, j’ai dû manquer les actions du PCNOM pour exiger du Ministère de la Santé qu’il exige que les industriels fournissent un vaccin combiné Diphtérie/Tétanos/Polio, comme la loi l’imposait, et non des vaccins combinés imposant des vaccinations non obligatoires. C’était l’intérêt des enfants car, ne pas vacciner les enfants, c’est leur interdire l’école qui est un droit fondamental pour tous.

Quand vous dites « Il n’y a pas de débat » alors que vous n’apportez pas les preuves de votre assertion, que devons-nous en penser ? Pas de débat scientifique ? La science se fonde sur le débat, je parle aussi du débat socratique et pas des décisions autoritaires prises dans des antichambres ministérielles largement polluées par l’argent de l’industrie pharmaceutique.

L’histoire de la science et, accessoirement, de la médecine est celle de l’incertitude, du doute raisonnable, de la confrontation des arguments comme le montrent nombre de retours en arrières liés non pas à des avancées de la science mais à la prise de décisions précipitées et pas assez étayées. Lire CECI qui parle du pays de Pasteur.

Je me permets de citer intégralement la dernière réponse que vous faites dans cet entretien.

« Nous estimons qu’il faut donner un caractère obligatoire à la vaccination antigripale chez tous les personnels de santé. Nous continuons de penser que les professions de santé doivent être exemplaires. Se vacciner, c’est montrer que l’on est convaincu du bien-fondé de l’action que l’on mène. La vaccination antigrippale nous apparaît être une exigence déontologique. C’est la raison pour laquelle nous conseillons au ministère de la Santé et au gouvernement de mettre en place l’obligation vaccinale des personnels de santé exerçant dans des collectivités et l’exigibilité vaccinale pour les personnes hébergées en EHPAD.« 
Nous sommes en plein délire. Premièrement, Monsieur le docteur Brouet, la vaccination anti grippale n’est pas efficace (mais il est certain que vous avez des preuves scientifiques disant le contraire) et, plus précisément chez les patients de plus de 65 ans (vous devriez poursuivre les officiels américains : LA). Deuxièmement, il n’existe aucune donnée consistante sur le fait que la vaccination des personnels soignants soit efficace dans les établissements de soins. Troisièment, je crois que vous avez oublié les textes de loi fondamentaux sur les droits des malades.

Bon.
Vous avez donné un coup de menton pour faire cesser la récréation.
Cela vous a fait plaisir.
Cela a contenté dont vous êtes l’obligé. Vous affirmez pourtant ne pas, j’utilise vos mots, vous être mis à genoux devant le gouvernement et ne pas être à la solde des laboratoires.

Belle novlang orwellienne.

Je ne cèderai pas à ce genre de menaces, Monsieur le PCNOM,  et je garderai ma faculté de critiquer, approuver, comprendre.

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LETTRE OUVERTE AUX DÉPUTÉS CONTRE LE PROJET D’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE VACCINATION DES NOURRISSONS

Médecins généralistes                                                                                Le 16 octobre 2017
concernés par le projet d’obligation
vaccinale pour les nourrissons.

A Mesdames et Messieurs les députés
Copie à : Monsieur le premier Ministre
Copie à la Ministre des solidarités et de la santé
Copie aux présidents de groupes parlementaires
Copie au Président de la République française M. Macron


Mesdames et Messieurs les député(e)s :


Nous, médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article 34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire aux données de la science, aux droits des patients et aux principes du Droit en démocratie.

Parce que nous sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation vaccinale chez les nourrissons.

Nous ne nous situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse stérile et idéologique entre partisans et opposants à la vaccination en général.

Nous sommes simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu pour cause d’efficacité/inefficacité, voire de dangerosité. Mais nous souhaitions surtout réaffirmer que chaque vaccination s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des conditions de vie régnant dans la société et notamment des conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés, grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes de prévention primaire et de promotion de la santé.

Pour la première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour, considérant que la population était plus instruite que par le passé et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale, les autorités n’ont pas jugé utile d’imposer de nouvelles obligations vaccinales.

Donc, pourquoi revenir sur cette décision des années 60 ?

Madame la ministre des solidarités et de la santé indique que l’obligation vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.

Elle déclare fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la défiance de la population française à l’égard des vaccins qui se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des nourrissons. Or, ces deux arguments nous paraissent sujets à caution. La population française n’est pas fondamentalement méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes d’opinion (Annexe I). Mais un infléchissement de la confiance est survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces dernières années dont les autorités alors en place portent l’entière responsabilité.

Le premier est le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en 2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud, qui a mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire » (mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques évidents de contamination.

Cet épisode représente un double échec : celui de l’expertise scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens. Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée par cette succession d’erreurs.

Le deuxième épisode est celui, non encore résolu, des pénuries récurrentes et durables de vaccins recommandés pour les nourrissons, les enfants et adolescents depuis le début 2015 devant lesquelles les gouvernements successifs sont restés sans réaction alors qu’elles pénalisaient de très nombreux parents. Ces pénuries peuvent facilement expliquer à elles seules la modeste baisse de couverture observée à partir de cette période du fait des contraintes pratiques pour les parents qui ne trouvaient plus les vaccins recommandés dans les pharmacies.

Malgré le risque de baisse de couverture vaccinale dû à cette pénurie, les différents gouvernements n’ont pas jugé utile d’intervenir pour mettre fin à cette situation. Pourtant, comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 février 2017 concernant l’indisponibilité depuis 2008 sur le marché français du vaccin Diphtérie-Tétanos-Polio obligatoire non combiné à d’autres valences, le gouvernement et la ministre des Solidarités et de la Santé disposent de nombreux moyens légaux pour sanctionner les laboratoires pharmaceutiques défaillants et/ou se substituer à eux. En dépit de cela les ministres successifs ont toujours refusé d’utiliser ces moyens légaux à l’encontre des laboratoires. Cet épisode a également entamé la confiance des Français dans les recommandations vaccinales.

En tant que citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les Français ont le droit d’exiger des informations précises, claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions précipitées et à une interprétation maximaliste de la concertation sur les vaccins. A plusieurs reprises dans les médias Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les nourrissons jusqu’à 2015 (Annexe II), illustrant ainsi l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de fondements solides à sa décision.

En outre, cette décision ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa mission n’était pas de déterminer des priorités de santé publique. Le HCSP devait décider si le rapport bénéfice-risque de chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance partielle des risques. Ces recommandations comportent donc une part importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas compte du contexte global de santé publique. Les décisions concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit de définir des priorités en favorisant les actions de santé publique les plus coûts-efficaces (Annexe III).

Dans une perspective de santé publique, il faut savoir qu’il y a en France environ 2700 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de définir la mortalité infantile, et 4000 décès au total chez les moins de 15 ans. Toutefois, 99% de ces décès ne sont pas évitables par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires. Même dans l’hypothèse irréaliste d’une couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100 % stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1% des décès survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes accidentelles représentent 8 à 9% de la mortalité des moins de 15 ans et 25% des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.

D’autre part, le modèle de la rougeole, constamment mis en avant, maladie pour laquelle la diminution du nombre de cas est proportionnelle à l’augmentation de la couverture vaccinale, n’est pas généralisable à toutes les maladies et à tous les vaccins et constitue plutôt une exception.

On peut ainsi noter que parmi les huit vaccins supplémentaires que l’on voudrait rendre obligatoires, certains concernent des maladies qui font déjà l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B ne représentent aucun risque pour les autres enfants. Pour d’autres vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la population générale. Cette vaccination est donc préconisée non pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens, d’une éradication possible de cette maladie rare. Pour d’autres vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre (vaccin contre le pneumocoque). (voir Annexe III).

Pour chacun des onze vaccins concernés par cette mesure, les parents, vont être privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège, lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à l’éducation. Or, comment justifier de faire peser de telles contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation groupée, inexistants ou infinitésimaux ?

On peut faire les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation, marginaux ou très discutables.

Les sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables moralement  et éthiquement mais surtout, la privation de la liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la question de la proportionnalité des contraintes. Cette proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en assurant quela puissance publique ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics ».

A l’aune de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccinsconcernés et qu’elle le fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs, démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des enfants, et l’amélioration de la santé publique.

L’affaire Levothyrox est également là pour confirmer que le manque d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à des incompréhensions, des souffrances, des non-dits, et des rumeurs. Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur traitement au risque de mettre leur santé en péril.

Madame la ministre des solidarités et de la santé a placé cette obligation sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).

Il nous semble donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l’état, sans que les réelles conditions d’un débat démocratique aient été instaurées.

En annexe, plusieurs documents vous sont présentés afin d’illustrer cette lettre et de vous éclairer. L’un d’entre eux, l’annexe III, met en évidence les contradictions et les insuffisances dans les motifs ayant mené à cette décision et fait la démonstration que pour au moins trois vaccins sur les onze concernés par l’obligation cette mesure n’apportera aucun bénéfice de santé publique.

Premiers signataires :

Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste ;
Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste ; Dr Christian Lehmann, médecin généraliste ;
Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste ; Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste ;
Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste ; Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste ;

Dr Dominique LOUBET, médecin généraliste ; Dr Isabelle CHIVILO, médecin généraliste ;
Dr Armel SEVESTRE, médecin généraliste ; Dr Alain SIARY, médecin généraliste


Les annexes, l’argumentaire détaillé et l’ensemble de ce courrier sont téléchargeables en PDF sur ce lien.

Nous invitons tous les soignants et tous les citoyens qui partagent ces arguments à diffuser cette lettre et à la transmettre à leur député. 

Médecins, vaccinateurs, pour soutenir notre réflexion sur les vaccinations intégrées dans une démarche globale de santé publique c’est ici : SOUTIEN EN LIGNE

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Lettre ouverte aux députés contre le projet d’extension de l’obligation de vaccination des nourrissons

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OBLIGATION VACCINALE ?

Ce billet n’a pas pour objectif essentiel de traiter de l’intérêt de tel ou tel vaccin. Il s’agit avant tout de partager des réflexions sur le fait d’en imposer un certain nombre puisque la ministre de la santé mûrit la question.

D’où je parle ?

Je parle de ma place de médecin vaccinateur qui tente d’avoir une réflexion la plus indépendante possible.

De quoi je parle ?

De la possibilité d’élargir l’obligation vaccinale qui concerne actuellement trois vaccins (diphtérie, tétanos, polio) à onze vaccins (les trois actuels + coqueluche, haemophilus, hépatite B, pneumocoque, rougeole, oreillons, rubéole, méningite C).

La difficulté du sujet ?

Aborder ce sujet est terriblement difficile du fait de la volonté manifeste de caricaturer malhonnêtement la réflexion en opposant deux mondes qui existent pourtant bel et bien :

-le monde des anti-vaccins qui vous taxent de rouler pour Big Pharma dès que vous avancez le moindre argument pourtant solide pour défendre l’intérêt d’un vaccin.

-le monde des vaccinateurs tous azimuts qui parlent toujours de LA VACCINATION sans nuance et qui vous clouent au pilori des antis dès que vous émettez un doute voire une simple réflexion sur l’intérêt d’un vaccin en particulier.

Entre cette dichotomie, tente de naviguer à vue une majorité de citoyens et de professionnels de santé beaucoup plus mesurée et nuancée incapable de se faire entendre.

En 2015, la ministre de la santé d’alors lançait que la vaccination, ça ne se discutait pas. Avait-elle déjà en tête la conclusion de la concertation citoyenne mise en place quelques mois plus tard, laissant pourtant entrevoir que finalement, la vaccination pouvait se discuter un peu ? Apparemment, les différents groupes de la concertation ont échangé, discuté, pour aboutir à certaines préconisations mais comme dans de nombreux domaines qui dépassent largement le thème vaccinal, ce sont les experts qui ont tranché et remporté la mise. Merci les membres des groupes de travail, vous êtes bien braves. Ainsi, les experts recommandent d’élargir pour un temps l’obligation vaccinale au moment où le conseil d’État demande au ministère de mettre tout en œuvre pour rendre le vaccin obligatoire DTP disponible au moment où de toute façon les carottes sont cuites pour la ministre qui passe le flambeau à l’actuelle ministre qui réfléchit mais laisse entendre qu’elle penche du côté des experts. Si vous m’avez suivi jusque-là, bravo ! On voit que le contexte est compliqué et bourré de paradoxes là où le sujet mériterait clarté et transparence.

Alors revenons à notre place.

Moi, médecin vaccinateur, que penser et comment aider les familles que je reçois à penser ?

Prenons un exemple me semblant peu controversé, le vaccin recommandé mais possiblement bientôt obligatoire contre la bactérie haemophilus influenzae de type b.

De mon expérience, je n’ai jamais entendu des parents me dire : « Nous sommes contre le vaccin haemophilus influenzae ! »

A ma connaissance, il n’y a pas eu de suspicions autour de ce vaccin.

Et comme il est associé avec d’autres au vaccin DTP, il est seulement recommandé mais de fait quasiment imposé.

Cette vaccination semble acceptée alors que peu de parents en connaissent l’intérêt.

On peut discuter de tout, tout remettre en cause, voir le mal partout, mais d’après cette courbe, on comptabilise de nos jours beaucoup moins de méningites à haemophilus influenzae de type b chez les enfants de moins de cinq ans. Il se peut que le vaccin y soit pour quelque chose. Il y a ce que cette courbe semble dire et tout ce qu’elle ne dit pas.

Je sais que les courbes, les indicateurs, les statistiques chapeautent tout, surtout quand ils viennent des experts. Mais je persiste à penser que l’expérience des petites gens de terrain est un élément à prendre en compte. J’ai exercé quelque temps dans un service de pédiatrie où l’on accueillait également les urgences. Je n’ai pas vu un seul cas de méningite à haemophilus. Je n’ai pas vu non plus une autre pathologie potentiellement grave liée à ce germe et que la courbe ne mentionne pas : l’épiglottite. On peut me rétorquer que ce que je n’ai pas vu dans un service sur un laps de temps donné n’est pas suffisamment fiable pour en tirer la moindre conclusion. OK, je prends. J’ai échangé à des temps séparés de plusieurs années avec des pédiatres hospitaliers exerçant dans des CHU diamétralement opposés en France. Ils disaient ne pas avoir vu de cas d’épiglottite depuis très longtemps. D’autres expériences plus longues et ailleurs que la mienne semblent mener au même constat. Je n’oserais en tirer la moindre conclusion, je laisse le lecteur libre de penser voire de s’exprimer en commentaire.

Simple réflexion : cette vaccination ne semble pas soulever trop de suspicions, elle semble bien acceptée même si cela est biaisé par le fait qu’elle soit en réalité imposée, elle me semble avoir des bénéfices pour peu de risques. Son obligation officielle changera-t-elle radicalement les choses si ce n’est radicaliser les anti-vaccins de tout poil ?
***
Autre exemple un peu plus controversé : le vaccin contre la rougeole inclus dans le ROR (rougeole, oreillons, rubéole).

A la différence du vaccin précédent, celui-ci permet de lutter contre un virus. Comme le vaccin précédent, c’est un vaccin recommandé. Mais non lié au DTP, il s’agit véritablement d’un vaccin recommandé dont on peut appliquer la recommandation. Ce n’est pas un vaccin recommandé imposé. Mais il est ou serait en passe de devenir obligatoire.

Je propose tout le temps ce vaccin. Malgré les suspicions rôdant autour de ce vaccin et l’autisme, je rencontre très rarement de refus.

Voilà donc un vaccin simplement recommandé, sur lequel le trouble est jeté mais qui ne me semble pas être massivement rejeté par la population que je reçois.

Pourtant, certains experts ont un autre discours. Par exemple, le Professeur Chast n’hésite pas à affirmer dans les colonnes du Parisien :

«Quand il n’y a pas d’obligation vaccinale en France, on ne vaccine pas. Il faut en passer par là pour obtenir des résultats.»

Voici quelques données intéressantes bien plus fiables que ma modeste expérience de médecin non expert :

D’autres données de couverture selon l’âge ici

Je sais que les experts souhaiteraient un taux de couverture plus élevé, supérieur à 95 %. Mais de là à affirmer que sans obligation en France, on ne vaccine pas, c’est un peu prendre les patients comme les médecins pour des jambons.

Il est vrai que la rougeole a tué des enfants en France. C’est un argument qui fait réfléchir la ministre sur l’extension de l’obligation vaccinale.

Entre le 1/01/2008 et le 31/12/2016, dix enfants sont morts de la rougeole. Dix morts en huit ans.
On ne parle ici que de la mortalité, il y a évidemment aussi les complications à prendre en compte.

Parlons froidement de la mortalité. Posons-nous la question suivante : quelle est la première cause de mortalité des enfants de moins de 15 ans en France ?

230 décès chez les moins de 15 ans parmi les 15 à 20 000 décès annuels.

S’il faut réfléchir à rendre obligatoire le vaccin contre la rougeole qui a tué à 10 reprises en 8 ans, alors que pourrions-nous imposer pour éviter les 230 décès annuels d’enfants causés par les accidents domestiques ?

Allons plus loin.
Le tabac tue 79 000 personnes par an en France soit 216 décès/j ce qui en fait la première cause de mortalité évitable.

Quant à l’alcool, c’est 49 000 morts par an et 1 200 000 malades.

Un seul ministre de la santé a-t-il déjà réfléchi à interdire le tabac et l’alcool ?

Et les maladies cardiovasculaires, je vous laisse aller chercher le nombre de morts, pourrait-on envisager l’obligation d’exercice physique pour les prévenir ? Pourrait-on envisager l’obligation à la prise des médicaments pour éviter qu’elles ne s’aggravent chez ceux qui en souffrent ?

N’est-ce pas dans cette logique-là où l’on souhaite nous entraîner ?

Je suis modeste médecin non expert, je propose des vaccins, je pratique des vaccins, l’extension de l’obligation vaccinale faciliterait mon quotidien et me ferait gagner du temps.

Malgré tout, je crains que cela radicalise et gonfle les rangs des antis tout en glorifiant des experts suffisamment pédants ainsi et loin de la réalité de terrain. Quant à l’effet sur les esprits nuancés, je le vois proche de zéro.

En 2017, je crois surtout que notre société a passé ce stade d’infantilisation et que pour lutter contre les morts prématurées, il y a d’autres priorités à réfléchir. 

Pour réfléchir à l’obligation vaccinale ailleurs, vous pouvez piocher chez :

-Docdu16 : ici ainsi que dans la série de CMT sur le sujet.

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CMT (conclusion) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ?

Voici la conclusion de cette saga sur les vaccins.

Vous pouvez reprende ICI dès le début.


Conclusion

Il faut donc se rendre à l’évidence et admettre que l’on ne sait pas tout au sujet des agents infectieux et que les bénéfices d’une vaccination généralisée restent pour le moins incertains et imprévisibles, tandis que ses risques sont importants relativement aux bénéfices attendus et sont largement sous-estimés en raison de l’organisation de la pharmacovigilance et de l’affectation des moyens.

La mortalité des moins de 15 ans a diminué d’environ 40% pendant les 15 dernières années en France. On ne peut pas en dire autant de celle liée aux maladies à prévention vaccinale, nous avons vu pourquoi.



La rougeole, maladie considérée comme bénigne il y a cinquante ans en Europe et aux Etats-Unis, est aujourd’hui utilisée comme épouvantail, sur la base de faits dramatisés et tronqués, pour imposer l’idée qu’il n’y aurait point de salut hors de l’obligation vaccinale.



D’autre part, la campagne mettant en avant une supposée défiance des populations vis-à-vis des vaccins est sans fondement dans la réalité et simplement destinée à préparer le terrain pour cette obligation.



L’idée d’une obligation vaccinale étendue progresse en Europe. Ainsi, le 20 mai 2017, l’Italie a rendu obligatoires 12 vaccins pour les nourrissons.[1]En excluant de cette obligation le vaccin contre la pneumocoque mais en y incluant le vaccin contre la varicelle, que le CSHPF avait refusé de généraliser en France il y a quelques années en raison de son très faible intérêt et le vaccin contre le méningocoque du groupe B, qui présente des effets indésirables redoutables, comme nous l’avons vu.

L’obligation vaccinale est extrêmement favorable aux laboratoires pharmaceutiques, qui bénéficient alors de marchés captifs, sans aucune obligation en contrepartie, pas même celle d’approvisionner régulièrement ces marchés en vaccins. En cas d’obligation, les laboratoires pharmaceutiques ne seraient   même pas tenus d’indemniser les victimes d’accidents, et celles-ci seraient indemnisées au coup par coup par l’Etat, comme c’est le cas actuellement, avec les difficultés que ceux qui ont été victimes d’effets indésirables graves connaissent bien.

Pour la plupart des vaccins que j’ai analysés ici, ceux contre la coqueluche, contre le pneumocoque, contre l’hépatite B, contre le méningocoque, les rapports bénéfice–risque et coût-efficacité d’une vaccination généralisée est manifestement et fortement défavorable, en tout cas en France. Seuls les scenarii éternellement optimistes du Comité technique de vaccination et des experts, s’employant à surestimer les bénéfices et à ignorer les risques, peuvent faire croire le contraire.

Pourquoi ce fait reste-t-il largement ignoré dans un débat public polarisé entre anti-vaccinalistes et vaccinolâtres ? Parce que ces deux mouvances ont en commun un positionnement essentiellement idéologique et dogmatique qui les empêche de prendre en considération les faits établis scientifiquement dans leur complexité.

L’époque actuelle, héritière de la révolution industrielle, est marquée par sa technolâtrie et l’illusion que la technique permettra à l’Homme d’acquérir la maîtrise absolue de son environnement et de son corps. La mythification  des vaccins en est une manifestation parmi d’autres.



La désinhibition modernisatrice, ce concept élaboré par Jean-Baptiste Fressoz, qui englobe et permet d’expliquer une grande partie des défis du monde moderne, avec ses catastrophes annoncées est aussi à l’œuvre, à une échelle plus modeste, pour les vaccins. On le voit à travers l’exemple des vaccins contre le rotavirus, où des effets indésirables létaux, qui imposaient le retrait du vaccin au début des années 2000, prêtaient à discussion et à controverse quelques années plus tard et n’empêchent plus désormais les experts de recommander chaudement la généralisation de ce vaccin.



La préférence pour le présent, qu’on peut énoncer en langage courant en disant qu’ »un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », est jugée légitime et parfaitement intégrée dans le domaine de la finance mais est inversée lorsqu’il s’agit de vaccins. Parce que, à gravité égale, les conséquences d’un effet indésirable grave survenant immédiatement chez un individu sain sont systématiquement minimisées par les experts, tandis que les conséquences des maladies, lointaines et hypothétiques pour les vaccinés, sont dramatisées à l’extrême, comme le montre le cas de la rougeole.



On n’ose même plus aborder les questions éthiques et morales, alors que les leaders d’opinion, les  experts, en communion parfaite avec les laboratoires pharmaceutiques s’emploient, avec un franc succès, à faire du lobbying, afin de banaliser la vaccination qui reste pourtant un acte médical.



Un acte médical dont la dangerosité augmente et le rapport bénéfice-risque devient de plus en plus aléatoire, au fur et à mesure que les procédures de mise sur le marché se font toujours plus « simplifiées » et « accélérées » et que la dégradation  du système de surveillance tend à rendre les effets indésirables de moins en moins visibles.



Les critères définissant le succès ou l’échec d’un vaccin généralisé demeurent particulièrement flous  et ne permettent pas d’envisager la suspension des recommandations en cas d’échec. Quels sont les critères d’efficacité et comment les évalue-t-on ? Quel  est l’écart entre les risques que le vaccin fait encourir aux nourrissons et les bénéfices observés qui serait intolérable ? Personne ne le sait et dans les faits, cet écart se réduit avec le temps et les nouveaux vaccins. Le rapport bénéfice risque peut même être négatif, sans que cela entraîne de décision d’arrêt de la vaccination de masse. Ce flou autorise toutes les dérives désinhibitrices, qui ne manquent pas de se produire et tous les échecs sont attribués à une cause unique : le défaut de couverture vaccinale. Les experts, pour leur part, ne sont jamais responsabilisés ou sanctionnés pour leurs erreurs, jouissant du soutien constant des laboratoires et de l’oreille attentive des ministres. Ils peuvent donc continuer à agir en toute irresponsabilité.



Les critères d’efficacité lorsque des vaccins sont généralisés peuvent aussi changer au gré des déconvenues. Un jour, le vaccin contre le pneumocoque est présenté comme étant destiné à lutter contre les infections invasives à pneumocoque. Le lendemain on s’aperçoit qu’il en augmente la fréquence alors on décide que son véritable intérêt est de réduire la résistance aux antibiotiques.

Dans notre histoire pas si lointaine, ce que la raison n’avait pas pu accomplir, la désinhibition au risque, la naissance du corps expertal le réussit. Mais les experts se sont laissés fasciner par l’objet technique et par leur propre autorité et ont oublié que la technique n’était pas la finalité mais seulement un moyen. Désormais, aux biais idéologiques, viennent se greffer les nombreux conflits d’intérêts savamment entretenus par une industrie pharmaceutique particulièrement rompue aux techniques d’influence et de manipulation. Et alors les corps, y compris, et surtout ceux des enfants peuvent se voir transformer en de simples outils de valorisation marchande.



Les experts d’aujourd’hui, comme ceux d’autrefois, s’emploient, de par leur entre-soi, de par les rapports financièrement, politiquement et académiquement fructueux qu’ils entretiennent avec l’industrie pharmaceutique à organiser leur propre aveuglement et, par suite, l’ignorance des populations.



Les bénéfices des vaccins sont rares parce que le risque infectieux est devenu rare. Ils sont fragiles et transitoires parce que le monde vivant est complexe. La technolâtrie implique une vision simpliste du monde et dans le même temps la négation constante  des risques  que la technique comporte alors que ceux-ci ne sont pas « accidentels » mais lui  sont consubstantiels.



Lorsque ces vérités commencent à apparaître aux yeux d’une population plus éduquée, et que celle-ci commence à s’interroger légitimement, la brutalité de l’autorité expertale éclate et on cherche à imposer par la contrainte ce qu’on ne peut pas obtenir par la persuasion dans un mouvement à la fois autoritaire et  marqué par l’arbitraire.



La raison n’est pas la « défiance » ou la « baisse de la couverture vaccinale ».



La raison de cette contrainte est à chercher ailleurs : dans l’urgence, toujours plus impérieuse, des profits, et dans l’absence d’arguments rationnels, factuels et scientifiques, capables d’emporter notre conviction.



Seule  la notion d’urgence sanitaire, la garantie d’un bénéfice majeur de santé publique, pourraient justifier la contrainte que l’Etat prétend exercer sur les parents en s’octroyant le droit de contourner l’autorité parentale qui leur est garantie par la loi.



Je pense avoir montré qu’il n’y a ni urgence, ni bénéfice majeur de santé publique à attendre de l’obligation vaccinale généralisée à onze vaccins pour les nourrissons.

 



[1] http://www.bbc.com/news/world-europe-39983799

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CMT (7) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 7 : coqueluche, pneumocoque, hépatite B, méningite C.

Claudina MICHAL-TEITELBAUMJe déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique Estimation du nombre de décès dus aux maladies à préventi… Continuer la lecture

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Claudina MICHAL-TEITELBAUM

Je déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique

Discussion sur la légitimité de l’obligation vaccinale à propos de  quelques exemples de vaccins


Nous devons maintenant revenir à la question posée. Rendre obligatoires  les vaccins recommandés à titre systématique  pour les nourrissons,  et donc se substituer aux parents et déroger à l’autorité parentale, au nom des bénéfices pour la santé publique que ceci entraînerait, est-ce légitime ?

Une couverture vaccinale la plus proche possible de 100 % par chacun de ces vaccins garantit-elle un rapport bénéfice risque à ce point favorable pour la santé publique qu’elle rendrait cette mesure incontournable ?

Si ce n’est pas le cas l’obligation vaccinale relèverait d’une mesure anti-démocratique dont le caractère arbitraire serait inacceptable.

Mais sur quoi s’appuie la théorie selon laquelle le bénéfice, pour un vaccin donné, serait proportionnel à la couverture vaccinale ?

Efficacité vaccinale


L’efficacité des vaccins dans le monde réel n’est jamais établie au moment de leur mise sur le marché ni, le plus souvent, au moment où ils sont recommandés. Les études exigées par les agences de régulation (FDA américaine, EMA européenne) pour l’obtention de l’AMM (autorisation de mise sur le marché), se fondent sur des critères intermédiaires ou de substitution, le  plus souvent sur l’élévation du taux d’anticorps au-delà d’un certain seuil, supposé protecteur chez une proportion considérée comme suffisante des sujets du groupe vacciné. Les Anglo-saxons distinguent deux concepts « efficacity » ou efficacité lors des essais cliniques basée sur l’élévation des anticorps et « effectiveness »  ou efficacité sur le terrain basée sur le recul de la maladie visée. En français l’emploi d’un seul et même terme pour les deux aspects contribue à la confusion des esprits car il est difficile de savoir  de quoi l’on est en train de parler.

La relation entre taux d’anticorps et « protection » n’est pas toujours évidente. Par exemple pour le vaccin Gardasil on n’a jamais pu établir de corrélation entre le taux d’anticorps et la protection contre l’infection aux sérotypes vaccinaux. Il faut aussi savoir qu’ au cours de l’infection naturelle par voie sexuelle les anticorps ne jouent qu’un rôle auxiliaire.

Si on peut supposer que le niveau de protection augmente, généralement, avec l’élévation du taux d’anticorps, la relation entre vaccination et taux d’anticorps est complexe et dépend de l’agent infectieux, comme nous le verrons plus loin avec le cas de la rougeole.


C’est aussi ce que montre une étude concernant la diphtérie. En effet, cette étude indique qu’entre 18 mois et 15 ans, avec 5 doses de vaccin diphtérie-tétanos pratiqués entre la naissance et cet âge, la proportion d’enfants ayant un taux d’anticorps protecteurs augmente pour le tétanos, mais diminue pour la diphtérie, notamment après 13 ans[1].

L’immunité de groupe

La notion d’immunité de groupe (herd immunity en anglais), constamment invoquée par les experts a été d’abord imaginée par Hedrich dans les années 30, comme une théorie dont la mise en application devait permettre  de combattre les épidémies de rougeole[2].  Elle a ensuite été généralisée par les experts à beaucoup d’autres vaccins.


 Elle repose sur une idée simple : puisque le vaccin protège les personnes vaccinées, plus on vaccine de personnes plus on a des chances d’interrompre la circulation d’un agent infectieux Donc, si suffisamment de personnes sont vaccinées, la chaîne de transmission de l’agent infectieux sera interrompue. Ainsi, une fois qu’un certain seuil de couverture vaccinale est atteint, ceux qui ne sont pas  vaccinés bénéficieront de la protection collective du fait de l’interruption des chaînes de transmission de l’agent infectieux.


Dans l’utilisation qui en est faite par les experts, l’expression « immunité de groupe » apparaît à la fois comme un synonyme de couverture vaccinale élevée et comme un critère de substitution qui prétend rendre compte de l’efficacité vaccinale sur le terrain. En effet, on nous explique qu’il existe une équivalence entre l’immunité de groupe (donc la couverture vaccinale élevée) et l’impact de la vaccination sur la santé publique.


Le corollaire de cette théorie est que toute recrudescence d’une maladie ne peut être due qu’à une couverture vaccinale insuffisante.


C’est une théorie très simple, on le voit, qui implique que plus la couverture vaccinale pour un vaccin est élevée, plus les bénéfices pour la santé publique seront grands.

Or, les faits établis nous démontrent que l’impact d’un vaccin sur la santé publique ne dépend directement ni de l’immunité de groupe, ni de la couverture vaccinale et ne pourra être vérifié durablement que si certaines conditions sont remplies qui sont autant d’exceptions à cette supposée règle.

L’immunité de groupe ne pourra, par exemple, interrompre la transmission de l’agent infectieux que si le réservoir de cet agent est exclusivement humain, qu’il n’y pas d’autre hôte, insecte ou animal, susceptible de transmettre l’infection ce qui réduirait ou annulerait l’intérêt d’une couverture vaccinale élevée dans une perspective d’immunité de groupe.

De même, si l’agent infectieux mute sous la pression de la vaccination massive, il n’y aura pas d’immunité de groupe mais un effet inverse : plus on vaccinera, moins la population sera protégée contre l’agent infectieux.

La même chose se produira si une autre souche du même agent infectieux vient remplacer la souche ciblée par la vaccination : l’intérêt pour la santé publique sera alors limité ou réduit à zéro.


Ou encore,  si un autre agent infectieux, tout aussi virulent, vient occuper la niche écologique laissée vacante par celui ciblé par le vaccin.


Enfin, l’immunité de groupe ne sera proportionnelle à la couverture vaccinale que si une partie de la population n’a pas déjà acquis une immunité naturelle, car dans le cas contraire les gains provoqués par une augmentation de la couverture risqueront d’être limités et les personnes déjà immunisées subiront des risques sans retirer de bénéfices de la vaccination.


Tous ces points, remettent en question la théorie d’une efficacité vaccinale, simple, constante, et proportionnelle à la couverture vaccinale. Ils remettent donc en question l’intérêt d’une vaccination généralisée.

En réalité, les agents infectieux des maladies à prévention vaccinale répondent rarement à la définition de l’agent infectieux idéal des vaccinologues.

Cas de la diphtérie et du tétanos


Par exemple, pour ce qui concerne la diphtérie, une dynamique propre à la maladie est apparue, sous la pression d’une vaccination généralisée, qui a fait varier le profil immunitaire de la population au cours du temps. Les programmes de vaccination, le niveau socio-économique de la population et les changements de style de vie sont tous des facteurs qui concourent à déterminer le profil immunitaire d’une maladie dans une population, qui change au cours du temps, et donc aussi le risque d’émergence d’épidémies[3].


Pour le cas de la diphtérie, une étude montre que le profil immunitaire de la population se modifie au cours du temps, de manière relativement indépendante des rappels vaccinaux[4].

Alors que les vaccinations contre la diphtérie et le tétanos ont toujours lieu de manière concomitante, on constate sur les figures suivantes que le profil immunitaire de la population évolue différemment aux différents âges de la vie pour ces deux vaccins.




Cas de l’éradication de la variole



Ajoutons que, contrairement à ce qui est encore couramment colporté, l’éradication de la variole, seule maladie humaine éradiquée mondialement à ce jour, n’eut pas lieu par la vaccination de masse, qui fut un échec dans de nombreux pays d’Asie très peuplés comme l’Inde. Cet échec obligea le directeur en charge de la campagne mondiale d’éradication de l’OMS, le Dr Henderson, à modifier la stratégie de la campagne, notamment en Inde. En lieu et place de la vaccination de masse, on mit en place une surveillance des foyers épidémiques. Dès qu’un foyer épidémique était repéré,des équipes spécialisées se rendaient sur place et mettaient les malades à l’isolement, sous la surveillance d’un personnel soit vacciné, soit qui avait déjà contracté la variole et vaccinaient en anneau autour du foyer épidémique.



 Cette stratégie ne fut efficace que parce que la variole présentait plusieurs caractéristiques favorables : un réservoir du virus exclusivement humain, une transmission exclusive entre humains, des symptômes visibles concomitants de la contagiosité de la maladie et une propagation lente. A cela, il faut ajouter la mise à disposition de vaccins stables à température ambiante, la conservation des vaccins ayant toujours posé des problèmes importants dans les pays pauvres. Enfin, le timing de la vaccination par rapport au moment de la contamination des sujets, pourrait aussi avoir joué un rôle essentiel.[5] [6].

Enfin, il existe un effet asymptotique qui s’applique ici au même titre que dans d’autres actions de santé publique. Et  plus le nombre de cas et décès sera faible, plus il sera difficile de le réduire. Or, le nombre de cas des maladies infectieuses dans les pays développés et, en particulier  des conséquences graves des maladies visées par les vaccins les plus récents, est particulièrement faible. Cela signifie beaucoup d’efforts et des coûts élevés pour un résultat improbable et dont l’intérêt pour la santé publique sera marginal et non significatif au niveau statistique.

On voit qu’on est très loin de l’effet magique d’une augmentation de la couverture vaccinale qui pourrait servir de critère de substitution à l’efficacité sur le terrain des vaccins et à un bénéfice substantiel pour la santé publique.


Infections asymptomatiques, circulation des agents infectieux et immunité durable

C’est un phénomène extrêmement massif et pourtant peu évoqué, voire nié, concernant les maladies infectieuses en général. La plupart des contaminations par des agents infectieux sont asymptomatiques, transitoires, et, lorsqu’elles sont asymptomatiques, elles sont aussi souvent dépourvues de complications. Elles  permettent pourtant de nous immuniser comme le ferait un vaccin, mais souvent de manière plus complète et plus durable.

Ce que nous voyons des maladies infectieuses, n’est que la partie émergée de l’iceberg. Au-delà de ce qui est rendu visible par les symptômes, notre organisme mène un travail permanent pour permettre une cohabitation pacifique avec les agents infectieux qui nous entourent en assurant ainsi notre sécurité et en évitant une dépense d’énergie inutile.

Malgré les apparences, je ne suis pas en train de faire une présentation idyllique de notre relation avec les agents pathogènes. Ce que j’explique est factuel.

C’est souvent, mais pas toujours, l’infection inaugurale, ou primo-infection, notre première rencontre avec un agent infectieux, qui est bruyante et symptomatique. Cette symptomatologie dépend de l’agent et de sa virulence, mais aussi de notre âge, de notre état général et nutritionnel. Les symptômes déclenchés par une infection couvrent tout le spectre de ce qui est possible, de l’absence totale de symptômes à une maladie caractéristique et éventuellement grave.

Lorsque nous rencontrons à nouveau la plupart des agents infectieux, si l’intervalle écoulé n’est pas trop long depuis le premier contact, nous aurons de grandes chances de ne pas avoir de symptômes, dans la mesure où l’immunité acquise lors du premier contact est encore présente, mais ce nouveau contact va servir de rappel à notre système immunitaire.

En effet, l’immunité acquise lors d’une infection ne serait jamais définitive[7]. La mémoire immunitaire peut être prolongée dans le temps mais ne doit pas être confondue avec l’immunité protectrice. La  durée de l’immunité protectrice  dépend d’une part de l’agent infectieux et de l’intensité et de la qualité de la réponse immunitaire initiale et, d’autre part, du renouvellement régulier des contacts avec les antigènes de l’agent infectieux. La circulation d’un agent infectieux dans une population peut donc permettre d’entretenir l’immunité individuelle et collective de cette population sans générer de symptômes ni se traduire en termes d’augmentation du nombre de malades. L’exemple typique en est la rougeole.



Or, la vaccination systématique vise, justement, à empêcher cette circulation.

 

Je prendrai l’exemple de la rougeole pour illustrer mon propos[8].

Vaccins disponibles : MMR vaxpro du laboratoire MSD (rougeole oreillons rubéole), PRIORIX du laboratoire GSK (rougeole oreillons rubéole), Rouvax de Sanofi Pasteur (rougeole seul).



L’éradication mondiale de la rougeole fait partie des objectifs de l’OMS, décliné dans des plans nationaux, dont l’échéance a dû être sans cesse reportée en France. Ce fut d’abord 2007, puis 2010, puis 2015. Le vaccin contre la rougeole est un des rares vaccins, avec celui contre les oreillons et la rubéole inclus dans le calendrier vaccinal, à faire appel à des virus atténués. Cela veut dire que se vacciner n’est rien d’autre qu’anticiper sur la maladie en provoquant une infection qui sera atténuée donc asymptomatique dans 95 % des cas environ. Dans les 5 % de cas restants des symptômes atténués de rougeole seront présents. Si l’on a bien suivi mes propos précédents, on comprendra que cette forme atténuée de la maladie provoquera une immunité, durable, certes, mais limitée dans le temps. En l’absence de circulation naturelle du virus, cette circulation qu’à la fois l’immunité de groupe et la volonté d’éradication cherchent à supprimer,  des adultes resteront sans protection face à une nouvelle infection virale. Or, la rougeole est historiquement une maladie de l’enfance, très contagieuse, qui a été longtemps considérée comme bénigne, provoquant, dans une population en bonne santé et bien nourrie, une létalité (nombre de décès sur nombre de malades) environ 10 fois inférieure à celle attribuée à la grippe. Celle-ci était  de un à deux pour 10 000 malades à la fin des années cinquante au Royaume Uni, juste avant que la vaccination des enfants ne soit mise en place[9].



Mais la sévérité de la rougeole est plus importante dans une population adulte où les cas d’encéphalite, une complication neurologique de la rougeole qui survient pour un malade sur 1000 chez l’enfant, sont multipliés par trois et la létalité multipliée par deux. La létalité était aussi de 30 à 100 fois supérieure au début du vingtième siècle en Europe occidentale, comme elle l’est encore actuellement dans les pays les plus pauvres, en raison des carences nutritionnelles et de la promiscuité.



Voici ce qu’en disait un rapport de l’INVS datant de 2004[10] :



« Les causes principales de décès sont la pneumonie chez l’enfant et l’encéphalite chez l’adulte. La

malnutrition, en particulier quand il existe une carence en vitamine A et la promiscuité, sont des facteurs

augmentant le risque de décès, ainsi que l’âge (enfants de moins de 1 an ou de plus de 10 ans) [27,28].

Dans les pays en voie de développement, la létalité de la rougeole varie entre 3 et 6 %. Elle est bien plus

faible dans les pays industrialisés (1 à 2 pour 1 000 aux USA). En Angleterre et au Pays de Galles, des

données sur les cas notifiés entre 1971 et 1988 ont montré des létalités de 43/100 000 chez les moins

de 1 an, de 10/100 000 chez les enfants de 5-9 ans et de plus de 85/100 000 chez les sujets âgés de 20 ans

et plus [29]. La létalité est autour de 1 % pour les cas hospitalisés »


La fiabilité de ces taux, dépend, bien sûr, de l’exhaustivité du recueil des cas, sachant qu’il est très difficile de recenser la totalité des cas, et que les infections asymptomatiques restent, de toutes façons, invisibles.


Les propos alarmistes entendus aujourd’hui chaque fois que des cas de rougeole surgissent, avec des létalités élevées tiennent à ce que le nombre de cas réel est sous-estimé. Car il n’y a aucune raison que la rougeole soit plus grave aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a cinquante ans.

Au prix de quelques contorsions et d’une modification de la définition du terme d’ « éradication », les Etats-Unis ont déclaré la rougeole éliminée de leur territoire et sont, à ce titre, montrés en exemple par les experts et leaders d’opinion[11].



Pourquoi donc ce pays, où la couverture vaccinale est particulièrement élevée avec un vaccin réputé protéger à vie est pris de panique dès que le moindre cas d’une maladie qui était considérée comme bénigne dans les années soixante, apparaît sur son territoire ? Sans doute parce qu’il faut entretenir la ferveur vaccinaliste. Mais ce n’est qu’une hypothèse.



En réalité, s’il ne fait pas de doute que le vaccin est efficace dans les années qui suivent la vaccination, et peut anticiper sur une maladie naturelle qui risque de comporter davantage de complications, la protection conférée par le vaccin sera de moindre durée que celle de la maladie naturelle, et elle ne pourra être renforcée au cours de la vie, par la circulation asymptomatique du virus.



Mais le fait que le vaccin soit efficace ne signifie pas pour autant que l’immunisation d’une population soit proportionnelle à la couverture vaccinale.  Parce que celle-ci dépend aussi de la chronologie des doses de vaccin. Lorsque la deuxième dose est administrée de manière rapprochée par rapport à la première, l’immunité conférée par la première dose, encore élevée, neutralise totalement l’effet de rappel de la deuxième dose, qui ne prolonge pas alors la durée de l’immunité[12] [13][14].



Le déclin de l’immunité post-vaccinale avec le temps, toujours nié par nos experts, avait pourtant été reconnu par le directeur de la revue « Vaccine », A. Poland, dans un article publié en 2012 [15] :



« Because field studies demonstrated evidence of primary vaccine failure and population-levels of immunity below this threshold, the United States, like many other countries, adopted a two-dose measles vaccination policy in the early 1990’s. However, even with two documented doses of measles vaccine, our laboratory demonstrated that 8.9% of 763 healthy children immunized a mean of 7.4 years earlier, lacked protective levels of circulating measles-specific neutralizing antibodies [11], suggesting that even two doses of the current vaccine may be insufficient at the population level.”



L’insistance des autorités à vouloir éliminer la rougeole en augmentant la couverture vaccinale aura alors plusieurs conséquences :

Premièrement, l’ajout d’une deuxième dose de vaccin rapproché qui ne prolonge pas l’immunité et est inutile pour les 95% d’enfants ayant déjà acquis une immunité avec la première dose. Deuxièmement, laisser la population adulte sans protection, dépendante d’une nouvelle vaccination, en empêchant le virus de circuler de manière asymptomatique. Troisièmement, diminuer la protection passive des jeunes nourrissons qui ne peuvent être vaccinées, car les mères transmettront moins d’anticorps de manière passive avec une durée de protection plus faible, ou n’en transmettront pas.



Ce dernier point  serait particulièrement délétère dans les pays pauvres[16] [17]  [18].

Ce qui est vu comme un bénéfice de la vaccination systématique, peut donc être aussi envisagé comme un inconvénient, voire même un risque de cette même vaccination : c’est à dire laisser une population, jadis protégée à bon compte et de manière indolore, sans aucune protection en empêchant la circulation de l’agent infectieux.



A SUIVRE…


Pour le calendrier vaccinal 2017 : http://vaccination-info-service.fr/var/vis/storage/original/application/download/calendrier_des_vaccinations_2017.pdf


[2] Hedrich AW. Monthly estimates of the child population “susceptible” to measles, 1900–1931, Baltimore,Maryland, Am J Hyg , 1933, vol. 17 (pg. 613-636)

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CMT (5) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 5 : Bénéfices/risques des vaccins

 Claudina MICHAL-TEITELBAUMJe déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publiqueLes vaccins et la santé publique, bénéfices et risq… Continuer la lecture

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CMT (4) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 4 : l’obligation vaccinale est un contre-sens historique.

L’histoire de l’obligation vaccinale au XXème siècle montre que l’obligation vaccinale est un contre-sens historique

De 1900 à 1969 la politique vaccinale française est essentiellement fondée sur l’obligation

Le premier vaccin rendu obligatoire en France fut donc le vaccin contre la variole en 1902. L’obligation de vaccination généralisée fut promulguée par la première Loi de Santé Publique. A la fin des années 30, deux autres vaccins furent rendus obligatoires, celui contre la diphtérie et celui contre le tétanos. Néanmoins, avant la deuxième guerre mondiale, la généralisation de la vaccination demeura un objectif inatteignable, et la couverture vaccinale demeura très inégale dans les différents départements qui avaient la charge de la vaccination.



En janvier 1950  le parlement vota  l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose, malgré les insuffisances, déjà connues de ce vaccin, actées lors du premier congrès international sur le BCG à l’Institut Pasteur en 1948, congrès qui avait admis l’efficacité « relative » du vaccin, classé plus tard comme vaccin égoïstecar n’empêchant pas la transmission du bacille de Koch et ne protégeant que dans 50% des cas les vaccinés contre la tuberculose. Néanmoins, parce que la tuberculose était encore la  principale cause de décès chez les jeunes adultes en France, le vaccin contre la tuberculose, ou BCG (Bacille de Calmette et Guérin) fut rendu obligatoire, dans l’espoir de réduire radicalement sa fréquence.



Cette obligation, dans le texte initial de la loi, était assortie de sanctions pénales en cas de non respect, des amendes et un emprisonnement de quelques jours. Dans le texte final la peine d’emprisonnement fut supprimée et seules les amendes furent conservées.



Le débat sur l’obligation de vaccination contre la tuberculose eut lieu en marge des organes officiels et n’apparut pas dans la presse « sérieuse » ni sur les bancs des parlementaires qui votèrent en faveur de l’obligation à la quasi unanimité. Les thématiques récurrentes des partisans de l’obligation portaient sur l’efficacité  de la vaccination et son caractère inoffensif. L’argument de l’exemple des autres pays européens qui avaient rendu le vaccin obligatoire pour leur population fut également utilisé. Mais au fur et à mesure que les pays européens levèrent l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose cet argument perdit de sa valeur.



Le système français de vaccination était entièrement fondé sur l’obligation. Malgré cela, ses résultats sur la couverture vaccinale furent très mitigés et pas seulement en raison de la défiance de la population et de l’action des ligues anti-vaccinalistes. En 1963, un médecin constate, dans « le Monde », quenviron 70 % des enfants échappent à la vaccination par le BCG, et que pour bon nombre d’entre eux, c’est en raison de conseils médicaux.



C’est en 1964 que le vaccin antipoliomyélitique à virus atténué oral (vaccin Sabin) fut rendu obligatoire en France. Aux  Etats-Unis, le vaccin Salk, vaccin atténué injectable contre la poliomyélite, avait provoqué, lors de l’accident de Cutter, quelques 200 cas de poliomyélite et 40 000 contaminationslors de la vaccination de 200 000 enfants par un vaccin insuffisamment atténué (les fameux impondérables de la technique)[1] [2]. En France, le nombre moyen de poliomyélites symptomatiques était d’environ 500 à 1500 pendant les années précédant l’obligation vaccinale.



L’incident de Cutter avait rendu les parlementaires un peu moins affirmatifs sur le profil de sécurité des vaccins. Sous la pression des ligues opposées à l’obligation vaccinale ils acceptèrent, pour la première fois, dansun amendement que l’Etat assume la responsabilité « des dommages directement imputables à une vaccination effectuée  dans un centre de vaccination agréé ».

Abandon de l’obligation vaccinale pour les nouveaux vaccins par les autorités en raison de son inefficacité

En 1969 eut lieu la pandémie grippale de Hong Kong. Les épidémiologistes français estimèrent à 8000 le nombre de morts dus à cette pandémie. Il est intéressant de remarquer que le nombre de morts estimés pour la pandémie grippale de 1969, fut bien moindre que le nombre de morts estimés pour une épidémie de grippe banale en 2015, 18 300, alors que les groupes à risque étaient, au moins en partie, vaccinés.



A l’automne suivant, les autorités françaises appelèrent la population à se faire vacciner. Pour ce faire, ils mirent en place une campagne « d’information » de type publicitaire, utilisant tous les moyens modernes tels la radio et la télévision. Le succès fut inattendu et les Français se firent vacciner en masse, bien que le vaccin ne fût pas remboursé et que son efficacité fût reconnue comme limitée.



Cet épisode marqua un tournant, et même un retournement de situation. Un comité de prévention de la grippe réclamant la mise en place de l’obligation vaccinale  pour la grippe et son remboursement se vit opposer un refus.



A partir de ce moment, plus aucun nouveau vaccin ne fut rendu obligatoire.



L’histoire n’est donc pas en faveur de l’obligation vaccinale comme outil de diffusion des vaccins comme le montre ce qui s’est passé lors de .la levée de l’obligation vaccinale pour le BCG : l’idéologie avait pris le pas sur les preuves scientifiques


L’exemple de la tuberculose.

La tuberculose fut longtemps une maladie redoutable. Bien que l’on manque de statistiques fiables pour la France on estime que la mortalité par tuberculose était de 220 pour 100 000 habitants au début du siècle, touchant surtout des jeunes adultes de 20 à 40 ans. Cela représente la mortalité totale par cancer de nos jours. Les statistiques britanniques sont plus précises et anciennes et montrent une mortalité par tuberculose en constante baisse. Entre 1865-69 et 1936-38, la mortalité par tuberculose en Grande Bretagne est passée de 453 à 140 décès pour 100 000 habitants, soit une diminution de 69%[3].



Cette mortalité de 220 pour 100 000 habitants était toutefois très inégalement répartie et touchait de manière très prépondérante les catégories les plus pauvres de la population. C’est ce que montre de manière frappante le Dr Lowenthal pour la ville de Paris, dans un travail accessible en ligne[4]. La ville de Paris comptait alors 2,7 millions d’habitants et quelques 80 000 habitations. Environ 11000 habitants mouraient de la tuberculose chaque année.

En s’appuyant sur les travaux d’un hygiéniste qui a recensé  pendant 11 ans la domiciliation des décès par tuberculose dans la ville de Paris, Lowenthal montre que sur cette période, la moitié des habitations parisiennes, les moins densément peuplées, c’est à dire 40 000, correspondant aux habitations bourgeoises, n’ont connu aucun décès par tuberculose, tandis que dans quelques habitations dont la densité des habitants et la promiscuité sont très importantes, la mortalité par tuberculose atteint 9 fois la mortalité tuberculeuse moyenne à Paris soit 4419 pour 100 000 habitants. Il montre ainsi que la mortalité tuberculeuse est en relation directe avec les conditions de vie, et notamment avec la promiscuité[5].



Malgré l’instauration de l’obligation vaccinale  dans les années cinquante la couverture vaccinale  pour les nourrissons n’augmenta que très peu et ne commença vraiment à croître qu’à la fin des années soixante-dix[6]. Entre temps et indépendamment de cette couverture, le nombre de cas de tuberculose et leur mortalité avaient beaucoup diminué. Au début des années 70 le nombre de cas (on ne parle plus ici des décès) était de 60 pour 100 000 habitants. Puis il a diminué à 16 pour 100 000 habitants en 1993 (environ 9000 cas).



C’est à partir des années quatre-vingtqu’on commença, en France, à débattre de la possibilité de mettre fin à l’obligation de vaccination généralisée contre la tuberculose. En outre, la France avait atteint à la fin des années 90 les critères épidémiologiques fixés par l’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (UICTMR) pour permettre l’arrêt de l’obligation de vaccination par le BCG. En 1999, parut un rapport de l’INVS, recommandant la suppression du rappel et la levée de l’obligation vaccinale généralisée des enfants[7]. Ce rapport envisageait plusieurs scénarii et tenait compte des effets indésirables du vaccin, bien connus, que l’arrêt de la vaccination de masse allait permettre de réduire,  et du fait que la moitié des cas observés l’étaient chez des personnes nées à l’étranger. En effet, l’incidence de la tuberculose chez les étrangers arrivant, notamment, d’Afrique Sub-saharienne est celle de leur pays d’origine, c’est-à-dire environ 30 fois plus  élevée que celle  des personnes nées en France. Cette différence s’atténue avec la durée du séjour en France et la prévalence de la tuberculose dans ces populations tend à rejoindre celle des personnes nées en France.


Ce n’est cependant que le 9 mars 2007, que le comité technique de vaccination émit un avis  demandant la levée de l’obligation vaccinale généralisée chez les enfants, afin de la remplacer par une vaccination ciblée. Il fallut donc 30 ans après qu’eut débuté la réflexion sur le sujet et huit ans après que l’INVS eut considéré cette levée comme souhaitable pour qu’une décision fût prise.



Pourquoi la prise de décision prit elle autant de temps ?  Parce que, malgré l’efficacité limitée du vaccin,  malgré l’intérêt limité de le réaliser chez des enfants nés en France, la crainte, non justifiée scientifiquement, était qu’un arrêt de l’obligation généralisée produisît une augmentation brutale des cas de tuberculose. Cette crainte avait donc son origine dans des positions idéologiques, et des croyances attribuant au vaccin une efficacité bien au-delà de ce qui était établi par la science. Si d’autres raisons peuvent avoir joué un rôle, c’est en tous cas cette crainte qui justifia officiellement que l’arrêt de l’obligation fut sans cesse reporté.



Les effets indésirables du BCG, bien connus car visibles et non contestés, furent mis en balance avec les risques d’un arrêt de la vaccination, c’est-à-dire avec une augmentation potentielle des cas de tuberculose, notamment chez les enfants de moins de 15 ans. L’hypothèse retenue du vaccin par multipuncture, alors utilisé en France, lui attribuait, de manière bien hasardeuse, une efficacité de 85% contre les miliaires et méningites tuberculeuses et une efficacité de 75% contre les autres formes. La vaccination ciblée aurait donc, selon ces hypothèses, dû entraîner une augmentation de 200 à 485 cas supplémentaires, selon la couverture vaccinale, des cas de tuberculose chez les enfant de moins de 15 ans soit un doublement ou triplement des cas dans cette tranche d’âge[8]. On aurait donc dû constater dans cette tranche d’âge une augmentation du taux de tuberculose de 1,6 à 4 pour 100 000, alors que le taux de base était à 2,7.



En réalité, l’arrêt de la vaccination généralisée eut lieu, et il n’y eut non seulement aucune augmentation des cas de tuberculose chez les enfants de moins de 15 ans mais au contraire une baisse ( de 2,7 avant l’arrêt à 2,1 après l’arrêt[9]),montrant a posteriori que toutes ces tergiversations étaient infondées car en réalité le vaccin par multipuncture n’était pas du tout efficace et n’apportait aucune protection.



Cet épisode montre surtout le caractère illusoire d’une obligation transitoire de vaccination dont les experts et idéologues vaccinolâtres détiendraient les clés. En effet, l’initiative de l’arrêt de l’obligation reviendrait alors à ceux-là même qui l’ont instaurée et qui cherchent à l’imposer. Autrement dit les comités et experts seraient juges et partie d’une obligation qui accroît considérablement leurs pouvoirs au détriment d’une science sans conflits d’intérêts et éclairée et de la liberté de choix des citoyens en situation d’incertitude scientifique.



En 1984 fut levée l’obligation de vaccination contre la variole qui avait été déclarée comme éradiquée en 1980 par l’OMS.


[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Cutter_Laboratories On April 12, 1955, Cutter Laboratories became one of several companies that the United States government licensed to produce Salk polio vaccine. In what became known as the Cutter Incident, some lots of the Cutter vaccine—despite passing required safety tests—contained live polio virusin what was supposed to be an inactivated-virus vaccine. Cutter withdrew its vaccine from the market on April 27 after vaccine-associated cases were reported.

Surgeon General Scheele sent Drs. William Tripp and Karl Habel from the NIH to inspect Cutter’s Berkeley facilities, question workers, and examine records. After a thorough investigation, they found nothing wrong with Cutter’s production methods.[2] A congressional hearing in June 1955 concluded that the problem was primarily the lack of scrutiny from the NIH Laboratory of Biologics Control (and its excessive trust in the National Foundation for Infantile Paralysis reports).[3]

A number of civil lawsuits were filed against Cutter Laboratories in subsequent years, the first of which was Gottsdanker v. Cutter Laboratories.[4] The jury found Cutter not negligent, but liable for breach of implied warranty, and awarded the plaintiffs monetary damages. This set a precedent for later lawsuits. All five companies that produced the Salk vaccine in 1955—Eli Lilly, Parke-Davis, Wyeth, Pitman-Moore, and Cutter—had difficulty completely inactivating the polio virus. Three companies other than Cutter were sued, but the cases settled out of court.[5]

The Cutter incident was one of the worst pharmaceutical disasters in U.S. history, and exposed several thousand children to live polio virus on vaccination.[6] The NIH Laboratory of Biologics Control, which hadcertified the Cutter polio vaccine, had received advance warnings of problems: in 1954, staff member Dr. Bernice Eddy had reported to her superiors that some inoculated monkeys had become paralyzed (pictures were sent as well). William Sebrell, the director of NIH wouldn’t hear of such a thing.[3]

The mistake produced 120,000 doses of polio vaccine that contained live polio virus. Of children who received the vaccine, 40,000 developed abortive poliomyelitis (a form of the disease that does not involve the central nervous system), 56 developed paralytic poliomyelitis—and of these, five children died from polio.[7] The exposures led to an epidemic of polio in the families and communities of the affected children, resulting in a further 113 people paralyzed and 5 deaths.[6] The director of the microbiology institute lost his job, as did the equivalent of the assista stepped down. Dr Sebrell, the director of the NIH, resigned.[3] nt secretary for health. Secretary of Health, Education, and Welfare Oveta Culp Hobby

[5] Article cité : pages 14 et suivantes

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CMT (3) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 3 : Histoire de l’inoculation et de l’expertise pour expliquer la désinhibition modernisatrice.

Claudina MICHAL-TEITELBAUM

Je déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique[A]  


Histoire de l’inoculation et naissance de l’expertise comme exemple des processus de désinhibition modernisatrice d’après Jean-Baptiste Fressoz[1]




La thèse de Jean-Baptiste Fressoz

Jean-Baptiste Fressoz est historien des sciences des techniques et de l’environnement, et maître de conférences à l’Imperial College de Londres. Il a publié, en 2012, un ouvrage intitulé, « LApocalypse Joyeuse, Une histoire du risque technologique », où il développe une thèse, basée sur un travail historique et sur des exemples précis richement documentés.


On pourrait résumer sa thèse de la manière suivante. Alors que nous pensons que nous subissons aujourd’hui les conséquences écologiques de l’aveuglement de nos ancêtres, emportés par l’enthousiasme provoqué par les progrès techniques et totalement inconscients des risques que les progrès techniques impliquaient, J-B Fressoz démontre qu’en réalité il n’y a jamais eu de consensus concernant  ces risques, mais que des objections et des oppositions se sont élevées de tout temps, mélange d’intérêts personnels froissés, d’anticipations suspicieuses plus ou moins réalistes, mais aussi, et surtout de la conscience des risques que les progrès techniques faisaient subir à l’environnement, au travail et à la sécurité des personnes. Ces résistances ne se sont pas tues, comme le veut l’histoire officielle, l’histoire réécrite, par le simple jeu de l’enthousiasme généré par les progrès techniques et leurs bienfaits. Certains groupes ont étouffé ces réticences par des coups de force, la manipulation des faits, l’adaptation des politiques et le dévoiement de la science.


Le passage du XVIIIème au XIXème siècle a été marqué par l’avènement de l’économie libérale et capitaliste et par un changement radical du rapport à la nature. D’une conception organiciste de la nature, milieu vivant avec lequel l’Homme devait composer pour vivre, on est passé à uneconception mécaniciste de la nature, qu’on se représentait désormais comme un corps inerte qu’il fallait maîtriser et sur lequel l’Homme allait étendre sa domination par la technique.

J-B Fressoz rappelle que Marx avait dit, à propos du capitalisme : « la particularité du métabolisme capitaliste est son insoutenabilité ».


Le  « nouvel Homme » de l’ère capitaliste et de la Révolution industrielle est un Homme autonome,  rationnel et calculateur ; sa religion est la technolâtrie.


Après la Révolution les Français cessent d’être des sujets de sa majesté, soumis à sa volonté, pour devenir des sujets autonomes liés contractuellement à l’Etat. En tant que sujets autonomes et éduqués, ils sont réputés prendre des décisions rationnelles et jouer leur rôle en tant qu’acteurs économiques. Dans le même temps, les théories libérales prônant la dérégulation des échanges tombent à point pour justifier la dérégulation de la production dans une économie en transition vers le capitalisme, et permettre ainsi son développement.

Le capitalisme est marqué par une urgence permanente : urgence de l’accumulation de capital et des profits, qui implique l’urgence de la production et de la diffusion de toute innovation technique. Il est donc naturel que la vénération de la technique soit une caractéristique du système capitaliste. L’avènement de l’organisation économique capitaliste s’accompagne donc de l’avènement d’une nouvelle religion, la technolâtrie, par laquelle tout  progrès technique est assimilé à un progrès humain. Cela est cohérent d’un point de vue idéologique si on envisage que dans l’imaginaire et dans l’idéologie technolâtres aussi bien que capitaliste, l’horizon est la maîtrise totale par l’Homme de la nature, c’est-à-dire un rêve de toute puissance qui propulserait l’Homme au rang de dieu.


Compte tenu de cette urgence incessante, il existe un « état d’exception permanent », dit J-B Fressoz, il  est donc aussi prévisible que le capitalisme ne tolère pas la régulation.


La transition des modes de production médiévaux vers des modes de production capitalistes a été marquée par le démantèlement de la régulation, par exemple des polices urbaines de l’Ancien régime veillant au respect des interdits et à la protection de l’environnement, et son remplacement par une logique assurantielle de compensation, compenser après coup plutôt que réguler à priori, et par le développement des normes. L’étymologie du mot « norme » ne fait d’ailleurs pas appel à la notion de régulation, mais plutôt ce qui est la règle, ce qui est vrai en moyenne. D’où l’on comprend  que les normes ne sont pas destinées à réguler, mais ne  font que pérenniser un état de fait.


Le rôle de la compensation est d’éviter la régulation et de la remplacer par un marché et une logique assurantiels (par exemple, le marché du carbone, mais aussi la compensation après accident vaccinal). Le rôle des normes est de rendre le risque licite, de le banaliser, de transférer la responsabilité du risque technique de la technique elle-même vers le facteur humain, et également d’établir une tolérance sociétale et culturelle au risque (exemple de l’établissement de normes de seuils de toxicité pour les substance cancérogènes pour lesquelles aucun seuil n’a été scientifiquement établi). Les normes sont utilisées, notamment, quand les catastrophes surviennent, pour faire taire les critiques, empêcher de mener une réflexion approfondie et ainsi permettre la poursuite d’une fuite en avant technologique.


Au total ces stratégies et ces mécanismes (coups de force, compensation plutôt que régulation, normes) autorisent une banalisation du risque technique, et le sentiment du risque technologique étant ainsi neutralisé au sein des populations, cela empêche une régulation politique, cela autorise également le cumul de multiples risques technologiques et un accroissement de la prise de risques dans la durée, pouvant aboutir à des grandes catastrophes comme le dérèglement climatique. En même temps l’aveuglement face au risque technique permet une vision irréaliste de la technique, surestimant ses bénéfices et sous-estimant ses risques,  et entretient la technolâtrie. Il se crée ainsi une fuite en avant permanente, les problèmes générés par la technologie étant réputés être solubles par des innovations technologiques, qui à leur tour génèrent de nouveaux problèmes, etc. etc.


Le processus par lequel l’ensemble des acteurs devient incapable d’anticiper les risques des nouvelles techniques, n’en voyant plus que les avantages, est  ce que J-B Fressoz appelle la désinhibition modernisatrice.


L’émanation suprême de la technique est l’innovation, qui bénéficie d’un statut particulier.  On le voit, par exemple, dans les procédures spécifiques, les procédures accélérées, de mise sur le marché de certains médicaments et vaccins.


L’innovation se caractérise par l’enthousiasme qu’elle provoque chez les technolâtres mais surtout par le fait qu’elle est réputée, par définition, devoir être diffusée de manière urgente et, donc, ne pouvoir être ni régulée ni mise en concurrence avec des options alternatives.

Homme calculateur et inoculation

Le nouvel Homme  ou Homo Oeconomicus de la théorie libérale est réduit à sa dimension calculatrice car il est censé être en recherche permanente de maximisation de son bien-être par la consommation. Ce que la théorie libérale exprime par le terme de maximisation de « l’utilité »[2]. Il doit donc réfléchir constamment en termes de gains et de pertes escomptés, donc de risque.

C’est cette notion de calcul et d’évaluation du risque qui le rapproche de l’individu autonome  et rationnel voulu par les promoteurs de l’inoculation au début du dix-neuvième siècle. Cet individu autonome et rationnel choisit le risque, car autonome,  et il est obligé de le prendre, car rationnel.

 

Origines de la notion de risque,  au centre de la logique vaccinale

Le mot « risque » aurait été d’abord utilisé par les marchands pisans et vénitiens. Ils l’auraient emprunté à leurs partenaires commerciaux du monde arabe. En arabe, le mot » rizq » signifie « la part de biens que Dieu attribue à chaque homme » et donc, d’une certaine manière, la part d’impondérable dans toute transaction[3].



Pour Rousseau le risque désigne « un danger auquel on s’expose volontairement avec quelque espoir d’y échapper dans l’espoir d’obtenir quelque chose qui nous tente plus que le danger nous effraie ».



L’inoculation, ou variolisation, est l’opération qui consistait à pratiquer une incision dans la peau d’une personne bien portante pour y introduire le pus d’une personne malade de la variole contenant le virus variolique[4]. On comptait ainsi provoquer une forme atténuée de la maladie qui préserverait l’inoculé de la variole et donc prolongerait la vie de la personne inoculée.



Dans l’Europe du dix-huitième siècle, l’inoculation fut d’abord utilisée dans l’espoir d’optimiser  la rente capitaliste. On inocula les trente immortelles de Genève, trente jeunes filles sur la tête de qui des banquiers suisses avaient accordé des emprunts à Louis XIV. Ces emprunts viagers avaient un rendement élevé de 10 % par an et étaient calculés sur la base d’une espérance de vie moyenne de 20 ans[5].



On inoculait aussi certains esclaves, au prix de 20 francs par tête, les inoculateurs devant en revanche rembourser 1000 francs en cas de décès de l’inoculé du fait de l’inoculation.

 

Comme la religion, la propagation de l’inoculation en Europe est consécutive à un évènement fondateur

Et comme dans la religion cet évènement fondateur fut mythifié, à savoir qu’il fut impossible pendant des siècles et jusqu’à aujourd’hui de percevoir les éléments de réalité qui en atténuaient la portée.



Au dix-huitième siècle la dissémination des maladies entre continents était prévenue par la pratique de la quarantaine, qui consistait à isoler pendant une période de temps hommes et animaux en provenance de pays lointains et arrivant par bateau en vue de s’assurer qu’ils n’étaient pas porteurs de maladies contagieuses.



Alors que la variole était endémo-épidémique en Europe, la ville de Boston en Nouvelle Angleterre en était indemne depuis plusieurs décennies. Cependant, en 1721, un cas de variole y apparut, arrivé par bateau, et cette maladie se propagea comme une traînée de poudre dans cette population qui n’avait jamais été en contact avec la maladie. Alors qu’il n’y avait pas de quantification des cas de variole en Europe, l’administration employa tous ses moyens pour tenir un compte précis des malades et des morts. En même temps une campagne d’inoculation fut lancée sous l’impulsion de deux pasteurs protestants, Cotton Mather et Benjamin Colman. Face aux critiques nombreuses sur cette pratique inconnue, jugée dangereuse et contre-nature ils publièrent une analyse quantitative réputée démontrer l’intérêt de l’inoculation.



Ainsi, sur une population de quelques 12000 âmes à l’époque dans la ville de Boston, 7989 habitants furent contaminés par la maladie et un sur neuf en mourut, soit 844. Tandis que sur 286 inoculés il y eut « seulement » six décès, soit un sur 48.

 

La logique était imparable et semblait établir de manière incontestable de quel côté se situait le plus grand risque.

Cette manière d’évaluer et de comparer les risques en faisant appel à la raison et au calcul était nouvelle dans le domaine médical. La médecine était alors plutôt un art et la faculté de médecine était, en France, rattachée à la République des lettres.



Si l’inoculation suscitait les critiques c’est aussi parce qu’elle ne pouvait être rattachée à aucune des deux approches existantes : à celle qui avait le corps malade pour objet et qui autorisait des pratiques contre-nature pour retrouver la santé, ni à celle qui traitait de l’hygiène et préconisait des pratiques naturelles chez les bien-portants pour prolonger et conserver la santé. En fait l’inoculation introduit un paradigme nouveau et inaugure la transformabilité des corps, c’est-à-dire des pratiques non naturelles aux fins d’améliorer les performances de l’être humain.



Tous les débats qui eurent lieu pendant les siècles suivants eurent pour base le chiffrage du rapport bénéfice-risque effectué par Mather et Colman dont les promoteurs acharnés de l’inoculation furent incapables de se détacher.



En réalité ce rapport n’était pas transposable dans des populations où la variole était endémique et où un grand nombre de sujets avaient déjà été contaminés et donc étaient immunisés contre la variole. Bien que la vérité des chiffres parût éclatante elle était largement nuancée par des faits dont ces chiffres ne tenaient pas compte tels que l’inutilité de l’inoculation chez des personnes déjà immunisées, la durée de la protection par l’immunisation comparée à celle de la maladie naturelle et au maintien de l’immunité à long terme par une réinfestation asymptomatique dans une population où le virus circule, le risque de contamination de l’entourage par l’inoculé ou le risque de transmission d’autres maladies lors de l’inoculation.



En tous cas cet évènement historique marqua le début de l’intérêt pour l’inoculation en Europe. L’histoire de l’inoculation est à la base de la vaccinologie moderne. Elle marque aussi l’émergence du risque et le détournement de la science qui est utilisée comme mode de gouvernement des conduites pour les aligner dans le sens de la technique.



Les premiers à s’emparer de ce phénomène nouveau furent l’Eglise protestante et les aristocrates.

Théologie de l’inoculation et éthique aristocratique

L’épidémie meurtrière de Boston voit la naissance d’une nouvelle théologie de l’inoculation. Elle a ses apôtres, au premier rang desquels se trouve Mather, le pasteur protestant, qui entreprend «  l’évangélisation  du peuple.». Pour le pasteur Colman : « Si quelqu’un meurt de l’inoculation, il meurt dans l’usage du moyen le plus probable qu’il connaissait pour sauver sa vie ; il meurt dans la voie du devoir et donc dans la voie de Dieu ».



Mather et Colman, échangeaient des lettres avec James Jurin à Londres, médecin et secrétaire du Royal College. Pour celui-ci la différence des probabilités révèle l’origine divine de l’innovation.



Charles Chais, un pasteur suisse, écrit en 1755 un « Essai apologétique sur l’inoculation ». Il se livre à une comparaison marchande pour concilier théologie et vision utilitaire. Selon lui, la vie ne m’appartient pas. Elle est seulement un « précieux dépôt » que Dieu m’a confié et dont « je suis comptable ». Ne pas choisir les meilleurs risques revient donc à léser Dieu.



En 1752 l’évêque de Worcester fonde, à Londres, le Smallpox and Inoculation Hospital et inocule gratuitement, grâce aux dons des paroissiens, les populations démunies.



En France la situation est bien différente.



En 1754, l’avocat général du parlement de Paris, Omar Joly de Fleury, tranche : « cette pratique étant dangereuse en elle-même, il convient de poursuivre sévèrement tous ceux qui la mettraient en pratique ».



En 1763 les casuistes, des théologiens chargés de juger les cas de conscience, ainsi que les juristes de la Sorbonne, rejettent  conjointement l’inoculation. D’une part, la question de la responsabilité en cas de décès ne peut être tranchée, d’autre part, l’inoculation est un non-choix car elle est d’abord subie par les enfants, l’entourage risque lui-même d’être contaminé à la suite de l’inoculation, et donc celle-ci risque aussi de multiplier les foyers d’infection. Progressivement, au début des années 1760, la pratique de l’inoculation est interdite sous peine de sanctions, dans plusieurs grandes villes françaises.



Au même moment où l’inoculation est bannie en France de l’espace public, elle connaît un certain succès auprès des aristocrates. En effet, le risque même attaché à cette pratique correspond à l’éthique aristocratique de courage. Se faire inoculer ou faire inoculer ses enfants est un exploit, un acte héroïque qui donne lieu à la remise d’une médaille. Les aristocrates  tiennent des journaux d’inoculation, décrivant dans le détail l’évolution de leur état et leurs symptômes après l’inoculation. Ou bien ce sont des proches qui se livrent à cette pratique descriptive en rendant des visites quotidiennes  aux inoculés. Ils diffusent ensuite les connaissances acquises dans la haute société sous la forme de journaux d’inoculation qui, par la précision et le soin apportés à leur rédaction, acquièrent la même valeur que des ouvrages médicaux.



Personne ne songe alors à remettre en question la parole aristocratique lorsque celle-ci décrit les accidents graves et les décès consécutifs à l’inoculation. Chacun s’incline et s’émeut devant le drame subi par le marquis de la Perrière, qui perd un de ses fils et dont l’autre devient sourd après leur inoculation par le médecin Acton. Ce fait donna lieu à plusieurs publications. Personne ne songe  à contester les objections de certains aristocrates qui argumentent sur le fait que l’inoculation dénature les relations filiales par une logique marchande. Venant des aristocrates cet argument apparaît comme légitime. Et, surtout, l’idéologie ne s’est pas encore emparée du sujet.



Les  récits des échecs de l’inoculation sont issus des inoculateurs eux-mêmes, des médecins qui font commerce de leurs compétences comme inoculateurs, et qui s’appliquent à décrire les échecs de leurs concurrents, afin de mieux valoriser leur propre travail.



Le tableau de l’inoculation dressé par ces récits, quoique non centralisé et composé d’informations souvent issues de profanes, est très différent de celui qui va apparaître lorsque ce sera l’Etat qui va s’emparer de l’inoculation pour en faire un outil d’optimisation de la population et de la force guerrière.



Tant que le débat sur l’inoculation est resté ouvert et a eu lieu sur la place publique, les aspects moraux, politiques, éthiques et affectifs aussi bien que mathématiques de l’inoculation demeurèrent inextricablement mêlés. En France, on dut se rendre à l’évidence : le risque ne parvint pas à produire un alignement des conduites.

Inoculation et duel de mathématiciens : une simple question comptable ?

Dans son « Mémoire sur l’inoculation de la petite vérole » en 1754, Charles Marie de la Condamine, aristocrate, scientifique, explorateur et mathématicien, favorable à l’inoculation, présente la controverse sur l’inoculation comme un simple problème mathématique. Ni la médecine, ni la morale, ni les sentiments n’y avaient leur place. Il dit ainsi : « gardons nous de faire un cas de conscience d’un problème purement arithmétique ».



Daniel Bernoulli, médecin et mathématicien bâlois, lui emboîte le pas. Avec son frère, Nicolas, il fonde le concept d’ « utilité » évoqué plus haut, qui est à la base de la définition de l’Homo oeconomicus comme un sujet cherchant à maximiser son bien-être par la consommation. Il jette aussi les bases du concept de risque et d’aversion au risque utilisés dans la théorie économique et financière. En tant que mathématicien il envisage le problème de l’inoculation comme un calcul probabiliste. Il se positionne en se plaçant du point de vue de l’Etat comme s’il s’agissait d’un entrepreneur cherchant à optimiser la rentabilité de son capital. Au dix-huitième siècle, une population nombreuse est un facteur de puissance pour l’Etat, car il faut beaucoup de bras pour cultiver la terre et faire la guerre. Le calcul de Bernoulli est que si les enfants sont inoculés à la naissance, le risque de l’inoculation, un décès pour 200 inoculés d’après lui, fera gagner 79,3 individus sur 1300 enfants.



Son calcul se base sur l’hypothèse que chaque individu de la population a le même risque à chaque âge de la vie.Pour lui ce raisonnement resterait valable même si la différence de létalité  entre inoculation et  variole était très faible et ne faisait gagner que quelques jours d’espérance de vie en moyenne.



Ce  calcul, comme tous ceux qui ont été faits lors de son débat avec d’Alembert, et comme d’Alembert le fera remarquer, repose sur deux présupposés : le premier est que l’inoculation protège à vie et le deuxième est qu’elle ne transmet aucune maladie mortelle ou dangereuse. Un autre présupposé est oublié ici, pouvant modifier radicalement la balance bénéfice-risque théorique : il ne faut pas que la variolisation génère par elle-même des nouveaux foyers de variole. Tous ces présupposés s’avèreront faux, comme on le verra plus tard.



En fait, Bernoulli raisonnait en capitaliste. Il considérait les vies humaines comme des unités monétaires, toutes identiques, dont il fallait optimiser la valeur pour l’Etat. Il avait dit sa préférence pour un âge précoce pour la variolisation estimant que les enfants, non productifs, n’avaient pas de valeur en termes d’accumulation de richesse et de pouvoir pour l’Etat, le but étant de maximiser le nombre de jeunes hommes pour cultiver la terre et aller se battre et le nombre de jeunes femmes reproductrices. Il raisonnait sur l’humain de manière abstraite comme une masse uniforme devant se plier aux ambitions de rendement de son gestionnaire, l’Etat.



Son raisonnement n’était pas seulement humainement et moralement contestable (euphémisme) mais aussi mathématiquement faux, car fondé sur une pure abstraction ne tenant aucun compte des éléments factuels du monde réel.  C’est pourtant sur ce même type de raisonnement hyper simplificateur et irréaliste qu’est fondée la vaccinologie actuelle.



Jean-Henry Lambert, un autre mathématicien du dix-septième siècle originaire de Mulhouse, fit remarquer que le risque de contracter la variole et d’en mourir n’était pas le même à tous les âges, contrairement au postulat de Bernoulli, et que l’on devait définir un âge optimum pour la variolisation.



D’Alembert, mathématicien et physicien français, auteur de l’Encyclopédie, présenta, en novembre 1760, un mémoire sur l’inoculation et les probabilités devant l’Académie des Sciences. Quoique plutôt favorable à l’inoculation, sous les présupposés évoqués précédemment, il disputa surtout l’idée que les raisonnements mathématiques soient pertinents pour la prise de décision individuelle dans des domaines qui relèvent de la politique et de choix personnels. Rappelons qu’à l’époque la variolisation était rejetée à la fois par les juristes et par la population et que, si elle devait s’imposer, cela ne pouvait se faire que par la persuasion et des choix individuels.



Parmi les objections soulevées par d’Alembert on en retiendra trois
D’une part, il estime que les choix humains sont marqués par une préférence pour le présent : exposer un enfant en bonne santé au risque de l’inoculation au prétexte d’un risque, quantitativement supérieur en théorie, mais de survenue indéterminée dans le temps n’est pas l’option intuitive. Cette préférence pour le présent est une règle intégrée maintenant en économie et illustrée par le paradoxe de Saint Petersbourg[6]. Le choix qui semble, de prime abord, mathématiquement rationnel n’est pas ici le choix jugé humainement raisonnable par les parents. 
Une deuxième objection de d’Alembert porte sur les différences interindividuelles. Il explique ainsi que le bénéfice individuel relatif  de l’inoculation sera d’autant moindre que le risque global pour une personne donnée, de mourir d’une autre cause est grand. Il évoque, pour sa démonstration, des métiers dangereux.

En troisième lieu d’Alembert explique, et cela est lié au point précédent, qu’il est faux de dire quéviter une maladie ramène le risque de mourir d’une personne au risque moyen. Ce qu’il énonce là  est une vérité générale mais c’est encore plus vrai quand les conséquences graves d’une maladie touchent majoritairement des personnes fragilisées par la misère ou des pathologies chroniques. Pourtant, c’est encore ce postulat qui prévaut dans les calculs de gains d’espérance de vie, calculs qui attribuent à chaque personne évitant une maladie grâce à un vaccin un gain d’espérance de vie qui est fonction de son âge et de l’espérance de vie moyenne de cette population. C’est ce même raisonnement qui est utilisé pour le calcul du rapport coût-bénéfice permettant ainsi une majoration injustifiée  des bénéfices et donc des coûts tolérables.


La conclusion de D’Alembert est que, même sous des hypothèses extrêmement simplifiées et favorables à l’inoculation, le risque est  incapable de produire une conviction généralisée et que, « loin de standardiser le jugement, le risque éparpille les consciences ».


Ce débat démontre que même en simplifiant à l’extrême le calcul  et en ne prenant en compte qu’un seul critère, en l’occurrence le décès (par variole ou par inoculation), le défi posé par le calcul probabiliste du bénéfice d’une vaccination généralisée est de nature à générer la controverse et à mettre en difficultés des mathématiciens chevronnés [6].



Nous devons en conclure que la présentation actuelle qui est faite du rapport bénéfice-risque des vaccins témoigne surtout de l’ignorance des experts en la matière.

Au bout de plusieurs décennies de propagande des tenants de l’inoculation, en 1758, il n’y avait qu’une centaine d’inoculés à Paris. La fin du dix-huitième consacre ce que J-B Fressoz appelle l’échec moral du risque comme mode de gouvernement des consciences.


Le risque n’a pas réussi à aligner les consciences dans le sens de la technique, mais c’est ce que la philanthropie, l’expertise, l’Etat  et une certaine idée de la science vont entreprendre de faire au dix-neuvième siècle.



Cruelle philanthropie

La Révolution française marqua un changement de paradigme. Les sujets étaient devenus des individus autonomes entretenant un lien, non plus de subordination mais de nature contractuelle avec l’Etat. Ceci justifiait, aux yeux des dirigeants, d’exercer des contraintes sur le corps social en vue d’accroître ses performances. En 1793 parut un décret rendant obligatoire l’inoculation pour tous les enfants dont les parents recevaient des secours publics. Ce décret ne fut pas appliqué. On pensait  qu’en attendant que la République forme des citoyens éclairés, sachant reconnaître leurs propres intérêts, la souveraineté nationale pouvait imposer au peuple les moyens de son propre bonheur.



Une idée, commença alors à s’imposer, idée d’une étonnante actualité. Cette idée était que la philanthropie éclairée soulage la misère non par la charité mais par l’innovation.



C’est ce qu’il faut garder à l’esprit pour comprendre ce qui va suivre. Les promoteurs de la vaccine qui succéda à l’inoculation étaient certainement animés par un sentiment technolâtre de nature religieuse. Face à cette innovation qu’était la vaccine, ils furent saisis de ce sentiment d’euphorie et d’urgence qui anime les technolâtres devant toute innovation, et la foi que celle-ci allait sauver le monde autorisa toutes les dérives éthiques imposées par cet état d’exception.



En 1798, Edward Jenner, médecin anglais, révéla l’existence de la vaccine,  ou cowpox, maladie de la vache moins virulente que la variole mais qui semblait immuniser les trayeuses contre cette maladie. Il publia une étude sur 23 cas. D’autres avaient fait des inoculations de la vaccine avant lui, mais il fut le premier à faire une étude et une communication officielle.



En 1800, de retour d’exil sous la protection de Talleyrand, Alexandre Frédéric La Rochefoucauld duc de Liancourt, subjugué par ce qu’il avait vu dans les pays anglo-saxons, lança une souscription publique afin de créer un comité de notables, le « comité vaccine », chargé de propager la vaccine en France. Il prétendait ainsi mener une œuvre philanthropique, soustraire la vaccine au marché et la juger impartialement.



Il inventa ainsi la figure  de l’expert zélé et désintéressé, celui qui est à la fois propagandiste et juge de l’innovation.



En mai 1800, le comité vaccine se fit envoyer par Jenner un échantillon de vaccine, sous forme de pus desséché, afin de l’expérimenter. Les résultats de cette expérimentation sur trente enfants trouvés laissèrent les membres du comité perplexes. Seuls sept de ces enfants développèrent un bouton. Ils utilisèrent alors celui des enfants qui avait la plus belle pustule et firent une contre-épreuve en l’inoculant avec la variole. L’enfant contracta alors la variole. Ils remarquèrent plus tard que des varioles survenaient pendant la vaccine. Les médecins finirent pas convenir que la vaccine est une maladie différente de la variole.



En janvier 1801, Chaptal, chimiste et médecin, fut nommé ministre de l’Intérieur. Admirateur des innovations techniques, Chaptal était aussi un fervent défenseur de l’inoculation. Lorsque, en 1804, il créa le corps préfectoral, il lui donna pour mission prioritaire la diffusion de la vaccine.



La vaccine est donc réputée protectrice mais moins virulente que la variole. En revanche elle est rare et d’une conservation difficile. En réalité l’être humain semble être le seul incubateur du vaccin.



Chaptal décide alors de créer des dépôts de vaccins. Les quelques 60 000 enfants trouvés qui sont à la charge de l’Etat et présents dans les hospices (dont il confie la direction à des médecins zélés) pourront servir d’incubateurs pour permettre  la conservation du vaccin et la vaccination des populations. Le pus est donc passé de bras à bras. Cette pratique est justifiée par l’idée de rentabiliser la charge que sont les enfants trouvés pour l’Etat. Un enfant « incubateur » peut être inoculé jusqu’à 50 fois pour permettre d’inoculer de nombreux sujets.



Lorsque ces enfants étaient amenés dans les villages par les officiers vaccinateurs pour des séances d’inoculation de la vaccine, les parents se plaignaient du danger de transmission de maladies, mais jamais de l’inhumanité du procédé. Quelques rares médecins s’élevèrent contre cette pratique.



C’est au moment où  la vaccine commença à se propager qu’un courant anti-vaccinaliste naquit. Il n’était pas représentatif de la population qui exprimait des doutes concrets sur le rapport bénéfice-risque de la vaccine, mais s’organisait autour de la thématique de la dégénérescence de la race humaine par la vaccine en tentant de démontrer le lien entre cette supposée dégénérescence et l’inoculation. Il ne critiqua jamais les aspects scientifiques et idéologiques des campagnes vaccinales et demeura marginal et inaudible pendant toute cette période.



En 1800 la vaccine devint obligatoire dans les armées britanniques, françaises et prussiennes, dans le but d’optimiser, pensait-on, les forces guerrières.



En 1805 environ 400 000 personnes avaient déjà été inoculées par la vaccine.

Malgré les pressions exercées par le comité vaccine prônant l’obligation vaccinale, Fouché, le ministre de l’Intérieur qui avait succédé à Chaptal, leur rétorqua en 1808 que « les mesures coercitives ne sont pas autorisées par les lois, et que la douceur et la persuasion sont les moyens les plus efficaces d’assurer le succès de la nouvelle inoculation ».



L’Empire veut aussi éviter de discréditer la puissance paternelle en imposant une pratique non approuvée par les pères, relais de son autorité dans les familles.



Ce n’est qu’en 1902 que la vaccination anti variolique deviendra obligatoire pour l’ensemble de la population.

Mais au début du dix-neuvième siècle, un débat scientifique fut ouvert  autour de la vaccine en même temps que la défiance de la population se développa à son encontre. Comment expliquer que les manifestations de la vaccine soient aussi différentes de celles de l’inoculation variolique ? Les contre-épreuves (inoculation de la variole aux sujets ayant reçu la vaccine) ne démontraient pas de résultats probants et étaient sujettes à des critiques justifiées de la part des opposants mettant en avant leurs limitations.



Il devint urgent de regagner la confiance du public, de le rassurer et de définir des critères clairs de succès de la vaccine chez les inoculés.



Pour être acceptable, implémenté massivement et philanthropique le vaccin  devait être parfaitement bénin et pouvoir être  réalisé par n’importe quel officier de santé. Emporté par ses convictions le comité vaccine, qui avait acquis un pouvoir expertal, celui de dicter la vérité aux médecins et à la population, élabora progressivement le mythe du vaccin parfait, totalement efficace et sûr et protégeant  les vaccinés à vie.



Mais comment expliquer alors les échecs de la vaccine ?

Cela ne pouvait être qu’un malentendu. Cela ne pouvait provenir que d’erreurs humaines.



Jenner avait évoqué la « spurious cowpox », une vaccine non immunisante qui n’était pas la « vraie vaccine ». Les médecins français inventèrent la « vaccinelle ». Mais les médecins n’ayant  accès qu’aux signes de la maladie et non à son essence, ils décidèrent donc  que la maladie ETAIT ses symptômes.



On se lança alors dans des descriptions de plus en plus fines de l’aréole vaccinale, qu’on dessina, dont on fit des gravures. On était persuadés que l’allure de l’aréole vaccinale définissait le succès ou non de la vaccination. Sans en avoir néanmoins la moindre preuve.



En réalité les symptômes de la contamination par la vaccine comme ceux de la variole et de toutes les maladies infectieuses étaient un continuum, un spectre, allant de la maladie asymptomatique aux formes les plus sévères. Le problème était de savoir où se situaient les symptômes de la vaccine sur ce spectre.



Toutes ces spéculations qui n’étaient pas bien utiles pour déterminer le succès ou non de la vaccine, eurent néanmoins une fonction importante : elles instaurèrent l’expertise officielle comme la référence absolue de la vérité scientifique sur la vaccination. Seuls les experts officiels avaient la légitimité pour dire ce qu’était une « vraie » vaccine.



Les médecins devinrent finalement obsédés par l’objet vaccine et en oublièrent de se préoccuper de sa finalité première qui était la protection des patients.



En 1805 parut le premier atlas illustré décrivant les différentes formes observables de l’aréole vaccinale. Cet épisode signa la naissance de la nosologie clinique.



Dans le même temps les comités vaccine se multiplièrent au niveau local. Ils devaient recueillir des statistiques produites par les officiers vaccinateurs du service vaccine. Ceux-ci pouvaient en théorie rapporter les effets indésirables relevés mais  n’étaient guère incités à le faire. D’une part ils manquaient de place car les registres permettaient tout juste d’enregistrer les vaccinés. Ensuite, ils craignaient d’être accusés de pratiques défectueuses et sanctionnés s’ils rapportaient des effets néfastes puisque la vaccine étant parfaite ses effets néfastes ne pouvaient relever que d’une faute ou une erreur humaines. A la différence des inoculateurs du dix-huitième siècle, s’empressant de narrer les accidents d’inoculation de leurs concurrents, ceux-ci n’avaient aucun intérêt à rapporter les effets indésirables de l’inoculation par la vaccine.



J-B Fressoz a trouvé néanmoins la trace, dans les archives historiques, de deux vaccinateurs partis inoculer 600 personnes dans les villages alpins, qui provoquèrent 40 décès chez les inoculés soit un inoculé sur quinze. Ce phénomène  ne fut néanmoins pas révélé par les registres vaccinaux mais par la correspondance d’un notable s’en plaignant aux autorités.



Les comités vaccine locaux, gagnés par la technolâtrie, eurent finalement pour rôle principal de réfuter les plaintes des parents, de filtrer les mauvaises nouvelles afin que n’arrivât au comité central vaccine que ce qu’il voulait bien entendre : les preuves de l’efficacité parfaite et sans défauts de la vaccine.



En combinant la nosologie et les statistiques, le comité central de la vaccine, seul investi du pouvoir de publier, de réfuter, de sanctionner et de dire la vérité vaccinale créa les conditions de l’auto-censure et de l’auto-confirmation de ses théories.



En 1810 commencèrent à apparaître les premiers cas de variole  atténuée chez des personnes précédemment inoculées. En 1820 la défiance envers la vaccine s’accrut, car, faute de rappel, les cas de contamination parmi les inoculés se multiplièrent. En 1868, à la suite d’une controverse entre spécialistes au sujet de la transmission de la syphilis, l’Académie des Sciences finit par admettre que l’inoculation était un mode de transmission pour cette maladie, ce que le comité vaccine s’était employé à nier pendant plusieurs décennies.



L’épisode de la vaccine signa aussi le divorce entre public et médecins. J-B Fressoz explique quau fur et à mesure que des litiges émergeaient en raison des accidents vaccinaux et étaient réfutés par le pouvoir expertal, la perception du public par les médecins se transforma :  « D’une instance de jugement et de production d’information, d’une instance rationnelle qu’il fallait convaincre, le public devint une masse, dotée d’une inertie, qu’il fallait subjuguer par l’autorité médicale et administrative et par l’explication de sa propre incompétence. Un nouveau genre apparut dans la littérature médicale : le traité sur les erreurs et préjugés populaires ».



Pour J-B Fressoz, le comité vaccine « … permit, au fond, à la politique et aux individus, de se décharger du poids moral de la décision. »



Il conclut : « De manière bien plus efficace que le risque, l’expertise produisit de la désinhibition : en administrant des preuves et aussi de l’ignorance elle fut la condition de l’acceptation de la vaccine et, derechef, celle du changement d’échelle de l’humanité ».


[1] Fressoz, J-B, L’Apocalypse Joyeuse, une histoire du risque technologique, Editeur Seuil, collection Univers Histoire, 2012.
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Saint-P%C3%A9tersbourg : Le paradoxe de Saint-Pétersbourg se résume à la question suivante : pourquoi, alors que mathématiquement l’espérance de gain est infinie à un jeu, les joueurs refusent-ils de jouer tout leur argent ? Il s’agit donc non d’un problème purement mathématique mais d’un paradoxe du comportement des êtres humains face aux événements d’une variable aléatoire dont la valeur est probablement petite, mais dont l’espéranceest infinie. Dans cette situation, la théorie des probabilités dicte une décision qu’aucun acteur raisonnable ne prendrait.

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Publié dans COMITE VACCINE, DESINHIBITION MODERNISATRICE, FRESSOZ JB, obligation vaccinale, VACCINATION OBLIGATOIRE | Commentaires fermés sur CMT (3) : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 3 : Histoire de l’inoculation et de l’expertise pour expliquer la désinhibition modernisatrice.

CMT : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ? Partie 2 : Cette concertation citoyenne est-elle légitime ?

Claudina MICHAL-TEITELBAUM

Je déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique[A]  

Cette concertation citoyenne est-elle légitime ?

Le comité est-il légitime au regard des conflits d’intérêts de ses membres ? 

L’influence des conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique sur les positionnements et décisions de ceux qui en bénéficient a été démontrée par de nombreux travaux.[1]


A cet égard, les positions de notre Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui prétend que participer à un « board » comité scientifique au sein d’un laboratoire pharmaceutique, est une garantie de compétence, sont très inquiétants.


Voici la description que fait Bernard Dalbergue, un ancien cadre repenti de l’industrie pharmaceutique, chargé à l’époque des relations avec les médecins, du déroulement d’un de ces boards :

« Certains boards ont des agendas cachés encore plus stratégiques. Il arrive que la communauté scientifique et les autorités sanitaires, entraînées par quelques poils à gratter particulièrement clairvoyants, soupçonnent les dangers potentiels d’une nouvelle molécule. Le labo est alors tenu de réaliser une étude clinique supplémentaire, ce qui est aussi coûteux que compliqué. Dans nos pires cauchemars, ce travail inédit révèle des effets secondaires très gênants…

D’où notre acharnement à éviter qu’un tel scénario ne se produise. Le board commence par une présentation à rallonge, l’occasion de perdre tout le monde dans des méandres de chiffres. S’ensuit une vague promesse que des travaux en cours au Japon ou aux Etats-Unis vont répondre aux questions en suspens. La partie est gagnée dès qu’un leader se range du côté du labo. »


Les leaders d’opinion sollicités par les laboratoires pour participer à ces boards, et rémunérés pour cela  plusieurs milliers d’euros par demi journée, sont persuadés qu’on les sollicite pour leurs compétences. En fait, ces boards, sont des outils pour tenir en laisse et contrôler ces leaders d’opinion bien malléables, adapter les stratégies marketing en fonction de leurs réactions, et pour éluder et étouffer toutes les questions qui sont vraiment pertinentes.

Or, plusieurs membres du comité présentaient des liens et des conflits d’intérêts comme cela a été souligné et critiqué  à la fois par la presse, dans les colonnes du « Monde » notamment[2], mais aussi par l’agence d’information médicale APM, qui affirme que le comité aurait élaboré ses propres règles de gestion des conflits d’intérêts[3]. Les déclarations publiques d’intérêts (DPI), ont été  en effet publiées sur le site de la concertation, mais, comme l’écrit Anne-Laure Challieu, présidente du Formindep, la consultation du site Base Transparence Santé[4], qui recense tous les liens d’intérêt financiers (hors essais cliniques) déclarés par l’industrie pharmaceutique concernant les professionnels de  santé ou des associations, certaines déclarations sont fantaisistes et omettent de nombreux liens[5]. Ces conflits concernent, en particulier, certains membres parmi les plus éminents du comité, telle Claire-Anne Siegrist, dont la chaire de vaccinologie à l’Hôpital Universitaire de Genève a été financée par la Fondation Mérieux. La Fondation Mérieux est issue de l’Institut Mérieux, laboratoire pharmaceutique fabriquant des vaccins, qui a historiquement donné naissance à Sanofi MSD, laboratoire leader de la vente de vaccins en Europe, avec qui la Fondation Mérieux conserve un partenariat privilégié. Claire-Anne Siegrist siégeait, par ailleurs, au moment de la concertation, au conseil scientifique d’une biotech française effectuant des recherches sur un vaccin contre la coqueluche, recherches pour lesquelles elle est également rémunérée. Le Pr Thierry May, chef du service de maladies infectieuses à Nancy, ne déclare que quelques uns de ses conflits d’intérêts, alors que la consultations de la Base transparence santé  permet de constater qu’il cumule, entre 2012 et le premier semestre 2016, 144 avantages et 73 conventions, dont certains avec des laboratoires commercialisant des vaccins tels MSD, GSK ou Astra Zeneca. Mais surtout, le Pr Fischer, président du comité et chargé de mission par la Ministre de la santé a reçu en 2013 un prix décerné par Sanofi et l’Institut Pasteur, prix  de 100 000 euros pour ses recherches en immunologie[6].

Cela pose question dès lors que l’on constate que le comité n’a tenu aucun compte des avis des jurys et a outrepassé ses prérogatives et la mission qui lui avait été confiée en prônant l’extension des recommandations de vaccination contre le papillomavirus humain aux garçons, contre l’avis même de Daniel Floret, président depuis 2007 du Comité technique de vaccination (CTV), qu’on ne peut certainement pas taxer d’anti-vaccinalisme primaire.

Les deux motifs invoqués pour la tenue de cette concertation sont ils légitimes ?

Premier motif : existe-t-il vraiment une défiance accrue envers la vaccination ?

La défiance accrue envers les vaccins évoquée de manière récurrente par la Ministre, les officiels, mais aussi, avec complaisance, par les médias[7],ne s’est pas aggravée mais est plutôt retombée ces dernières années, comme le montre le plus récent baromètre INPES, celui de 2014, publié en 2015[8] et également cité dans le rapport Hurel à la page 43[9].  L’INPES annonçait triomphalement en avril  2015, peu après que Mme Hurel eut reçu sa lette de mission : « Près de 80 % des Français sont favorables à la vaccination ». Le paragraphe introductif de ce texte expliquait : « Le Baromètre santé 2014, réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), révèle que l’adhésion à la vaccination repart à la hausse[10]. Alors que 61 % des 18-75 ans se disaient favorables à la vaccination en 2010, ils sont désormais 79 % à déclarer y adhérer2 . Les données récentes3 de l’Institut de veille sanitaire (InVS) confirment cette tendance, avec le maintien de niveaux de couverture vaccinale élevés, voire en augmentation pour de nombreux vaccins[11].  Et l’InVS ajoutait : « Des couvertures vaccinales particulièrement encourageantes chez le jeune enfant » Donc, une augmentation remarquable de l’adhésion à la vaccination de 18% (de 61 à 79%) en 5 ans, et ce, malgré la gestion désastreuse de la pseudo-pandémie grippale de 2009.

Ce baromètre est repris dans les annexes du rapport  du comité d’orientation sur la vaccination ( note 1 annexe 6 p 78) et complété par un compte-rendu partiel anticipé du baromètre 2016[12], selon une enquête menée désormais par l’IPSOS, délégation de service public oblige, qui fait le même constat et annonce que l’adhésion à la vaccination en général aurait « très légèrement diminué » entre 2014 et 2016 avec encore 3 adultes sur 4 favorables ou très favorables à la vaccination dans un contexte où le gouvernement a fait preuve d’une totale inertie face à des pénuries répétées de vaccins qui mettaient les parents en grande difficulté, pénuries que l’on constate encore aujourd’hui et pour lesquelles les laboratoires fabriquants ne fournissent aucune explication crédible.


L’IPSOS explique aussi que s’il était mis fin à l’obligation vaccinale concernant le DTP, 14% des parents ne feraient probablement ou certainement pas vacciner leurs enfants mais ne dit pas si cette opinion est plus ou moins répandue qu’auparavant dans le public.


On peut noter également qu’en 2014, si 7,8% des sujets répondant à l’enquête se déclaraient totalement défavorables à la vaccination en général, contre 19% en 2010,  et que 13% se déclaraient plutôt défavorables à la vaccination en général, contre 19% en 2010,  sur  80% des personnes se déclarant favorables à la vaccination en 2014 , 40% d’entre elles, c’est-à-dire 32% de l’ensemble des sondés, se posaient des questions sur certains vaccins.


Ces questionnements, se concentrent sur trois vaccins, et ne se traduisent pas forcément par une baisse de couverture : il s’agit des vaccins contre la grippe, avec le constat d’une baisse de la couverture chez les plus de 65 ans, du vaccin contre le papillomavirus ou HPV, et du vaccin contre l’hépatite B.


On est très loin du tableau de défiance généralisée et inexplicable vis-à-vis de la vaccination dressé par le gouvernement, les experts officiels et les médias.

Deuxième motif : Existe-t-il vraiment une diminution de la couverture vaccinale ?

En réalité la population française, y compris les enfants, malgré un poids de moins en moins important des maladies infectieuses parmi les causes de morbidité et de mortalité, n’a jamais été autant vaccinée, à la fois en raison d’une augmentation constante de la couverture vaccinale pour les vaccins existants mais aussi de l’introduction et du remboursement de nouveaux vaccins depuis trente ans, et en particulier depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Ainsi, sur les 12 vaccins faisant l’objet d’une recommandation de vaccination systématique chez les nourrissons, quatre ont fait l’objet de cette recommandation par le HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique) pendant les quinze dernières années. Ce sont les vaccins contre l’hépatite B, recommandé en vaccination systématique chez le nourrisson en 2002, contre le pneumocoque, recommandé  en 2006, contre la méningite à méningocoque C, recommandé en 2010 et contre le rotavirus, en 2013. C’est-à-dire un nouveau vaccin tous les 4 ans introduit pendant ces 15 dernières années. Pour que le panorama soit complet, il faudrait également y ajouter le vaccin contre le papillomavirus humain, qui ne concerne pas les nourrissons mais qui est recommandé depuis 2007 chez toutes les adolescentes. Il avait fallu 60 ans pour introduire les huit autres vaccins, à une époque où les maladies infectieuses étaient bien plus menaçantes. 

Le vaccin contre le rotavirus n’a pas été généralisé car il ne bénéficie pas d’un remboursement pour des raisons que nous rappellerons plus loin (cf. chapitre pharmacovigilance). Mais l’adoption d’une loi instaurant l’obligation vaccinale  pour tous les vaccins recommandés chez les nourrissons pourrait changer la donne.

Le rapport Hurel, sur la politique vaccinale, rendu public en janvier 2016,  fait référence à l’estimation de la couverture vaccinale effectuée par l’INVS en 2012[13]. Dans son rapport l’INVS constate une augmentation constante de la couverture vaccinale depuis les années 1980 pour les enfants jusqu’à 24 mois qui seraient visés par l’obligation vaccinale. 

A titre d’exemple, la couverture pour les enfants de 24 mois par 3 doses de vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la polio et la coqueluche (DTP), est passée de 73 % en 1985 à 91,9 % en 2008. La couverture pour 3 doses de DTP atteignait 99% en 2013 (rapport Hurel), et celle par 3 doses de vaccin coquelucheux, 90 %

La couverture, chez les enfants de 13 mois,  pour une dose de vaccin trivalent contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) est passée de 56,2% chez les enfants nés en 2004, à 74,5% chez les enfants nés en 2009. A 24 mois la couverture par une dose a augmenté entre 2010 et 2013, de 89,2 à 90,3 %
Chacun se félicite également des taux très élevés de couverture obtenus avec le vaccin non obligatoire contre le pneumocoque, introduit au début des années 2000 qui a été généralisé par les médecins avant même que les recommandations de vaccination systématique n’aient été effectives, en 2006, et alors qu’il n’était pourtant recommandé que pour des nourrissons  présentant des facteurs de risque. Dans le rapport Hurel il est écrit que la couverture pour 3 doses de ce vaccin atteint 89 à 92 % selon les sources.

On peut faire le même constat en consultant les données en accès libre sur la couverture vaccinale sur le site de Santé Publique France[14]  et constater, par exemple, qu’en dépit de la « défiance » envers le vaccin contre l’hépatite B la couverture pour ce vaccin par une première dose faite avant 6 mois est passée de 26,3 % en 2005 à 96,3 % en 2015 soit une augmentation de 70 % en 10 ans.

En remontant plus loin dans le temps, et comme on l’a vu plus haut, on peut constater que, même pour des vaccins plus anciens, les nourrissons français n’ont jamais été autant vaccinés. Depuis le début des années 80, la couverture vaccinale par 3 doses de vaccins contre la diphtérie le tétanos et la poliomyélite est passée de 92 à 98 %[15].

Paradoxalement, plus le rôle des maladies infectieuses dans la morbidité et la mortalité des nourrissons et enfants en France devient marginal, plus les vaccinations se font nombreuses et impératives.

L’évènement invoqué comme élément déclenchant du plan d’action prôné par la Ministre et de la « concertation » sur la vaccination[16] avait été une supposée baisse de la couverture vaccinale par les  vaccins combinés chez les nourrissons entre les premiers trimestres 2014 et 2015[17]. Cette baisse, qui n’est toujours pas officiellement et publiquement documentée, alors qu’un rapport était attendu fin 2015, est intervenue à un moment où des pénuries récurrentes et durables de vaccins destinés aux nourrissons sont apparues et se sont pérennisées, en particulier pour ces vaccins combinés, ce qui peut, en soi, largement expliquer la réduction de la couverture vaccinale observée sur la même période[18].

Le prétexte invoqué pour instaurer une obligation de vaccination généralisée par onze à douze vaccins chez tous les nourrissons paraît donc bien fragile, insuffisamment fondé et sujet à interprétation .

On peut retenir plusieurs choses de cet ensemble de faits.

Il n’existe pas, en France, de réduction inexplicable de la confiance dans la vaccination. La seule réduction notable et vérifiée est consécutive à l’exécrable gestion de la pseudo-pandémie de 2009 et est donc réactionnelle à des évènements dont les autorités et les experts portent l’entière responsabilité. Cette réaction compréhensible s’est ensuite estompée dans le temps comme le montre le graphique en tête de cet article.

Il n’y a pas non plus de réduction de la couverture vaccinale chez le nourrisson actuellement documentée, qui ne pourrait pas être expliquée par la pénurie des vaccins recommandés imposée par les laboratoires, devant laquelle les autorités ont fait preuve d’une totale inertie.

Un récent arrêt du conseil d’État, saisi en raison de l’indisponibilité des vaccins obligatoires DTP  non associés à d’autres vaccins pour le nourrisson, établit que l’État et la ministre de la santé, qui sont restés passifs devant cette situation, disposent  pourtant de plusieurs moyens d’action et de coercition vis-à-vis  des laboratoires qui auraient pu permettre  de mettre fin à ces pénuries[19][E].

Au regard des faits établis on ne peut donc prétendre que la défiance des Français aurait augmenté vis-à-vis de la vaccination ou que la couverture vaccinale aurait diminué en raison de cette défiance. En revanche, il est tout à fait certain que les attentes et les exigences en matière de vaccination, concernant le nombre de vaccins et la couverture vaccinale, de la part des pouvoirs publics se sont accrues de manière accélérée pendant ces dernières années, sans que cela soit justifié par des besoins nouveaux identifiés.

Néanmoins les leaders d’opinion, ceux qu’on retrouve parmi les membres d’Infovac[20], se livrent à un lobbying acharné en faveur de l’obligation vaccinale et ont, comme cela a toujours été le cas sous les différents gouvernements, l’oreille attentive de la ministre de la Santé.


On connaît les nombreux conflits d’intérêts financiers des leaders d’opinion les plus influents tels Claire-Anne Siegrist, que nous avons évoquée plus haut, ou Robert Cohen, pour lequel les laboratoires ont déclaré 58 avantages et 66 conventions sur la Base Transparence Santé entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2016. Les montants des conventions ne sont pas dévoilés, mais on sait que les laboratoires sont très généreux quand il s’agit de rémunérer les leaders d’opinion et que la moindre convention représente plusieurs milliers d’euros. D’autre part, sur les 18 « experts » Infovac, un seul, Pierre Bègue, ne déclare pas de conflits d’intérêt avec les laboratoires fabricant des vaccins, tandis que l’une d’entre ces experts reconnaît que le fait d’appartenir à Infovac est, en soi, un conflit d’intérêt, puisque les abonnements Infovac sont payés par les laboratoires[21].

Mais au-delà des conflits d’intérêts financiers, dont l’influence sur les prises de position et l’opinion des médecins vis-à-vis des produits des laboratoires qui les rémunèrent a été démontrée par d’innombrables études et rapports, il faut admettre que les motivations de ces experts sont également sous-tendues par des positions idéologiques. Parce que, à n’en pas douter, l’obligation de vaccination généralisée serait un coup de force visant à imposer une adhésion  à des exigences croissantes de vaccination qui ne peut être obtenue par des arguments rationnels.

Pour comprendre l’origine de cette idéologie,  les raisons de la coercition et l’impossibilité d’avoir  au vingt-et- unième siècle un débat factuel et ouvert sur les critères de recommandation et d’arrêt des recommandations de vaccination généralisée, il s’avère indispensable et éclairant de se tourner vers le passé.



[13] http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/Maladies-infectieuses/2012/Mesure-de-la-couverture-vaccinale-en-France
[17] http://invs.santepubliquefrance.fr//Actualites/Actualites/Diminution-de-la-couverture-vaccinale-du-nourrisson-au-premier-semestre-2015

[21] Ref


Autres notes :

[ESelon le Conseil d’Etat :

« « Or le ministre chargé de la santé dispose de plusieurs pouvoirs qui sont de nature à garantir que cette possibilité [d’accès aux vaccins manquants] soit offerte :
–    il peut sanctionner les laboratoires et entreprises qui ne respectent pas leur obligation d’élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries de vaccins et leur obligation de prévenir les risques de rupture de stock ;
–    il peut demander au ministre chargé de la propriété intellectuelle de soumettre le brevet d’un médicament au régime de la licence d’office afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante ;
–    il peut saisir l’Agence nationale de la santé publique, qui a le pouvoir de procéder à l’acquisition, la fabrication, l’importation et la distribution de médicaments pour faire face à leur commercialisation ou production insuffisante »

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CMT : Est-il légitime de rendre obligatoires onze vaccins chez le nourrisson ?

Claudina MICHAL-TEITELBAUM

Je déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts avec des sociétés fabriquant ou exploitant des vaccins conformément à l’article L4113-13 du Code de la santé publique[1] 



Resumé


Au motif d’une supposée « défiance » des Français vis-à-vis de la vaccination qui aurait provoqué une baisse de la couverture vaccinale, la Ministre de la Santé a missionné le Pr Fischer pour mener une concertation citoyenne sur les vaccins. La recommandation principale à l’issue de cette « concertation » a été de vouloir étendre l’obligation vaccinale chez les nourrissons à huit autres vaccins en plus des trois vaccins déjà obligatoires (diphtérie, tétanos, poliomyélite).


Mais, à y regarder de plus près, il n’y a pas de défiance généralisée du public vis-à-vis des vaccinsmais des questionnements justifiés au sujet de certains vaccins. Il n’y a pas non plus de baisse de la couverture vaccinale car la couverture vaccinale n’a jamais été aussi élevée. Ce sont bien les attentes et exigences des autorités vis-à-vis de cette couverture vaccinale qui sont en train de croître.


Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il est utile de se tourner vers l’histoire et d’analyser les fondements de la politique vaccinale actuelle.


Les débuts de l’ère industrielle, aux XVIIIème et XIXème siècles ont marqué le changement du statut des citoyens, qui, de sujets soumis à l’autorité de sa majesté, devaient devenir des individus autonomes, rationnels et calculateurs capables de  prendre les meilleures décisions pour eux-mêmes. Les évolutions techniques fascinaient les élites. Elles étaient le moteur de l’industrialisation à l’ère capitaliste. Pour permettre leur développement, la régulation fut remplacée par les normes et la compensation assurantielle. A la faveur d’une série de coups de force une désinhibition face au risque technologique s’installa progressivement.


C’est dans ce contexte que fut introduite l’inoculation, une technique destinée à prévenir la variole en incisant la peau pour y déposer le pus d’un malade. L’inoculation inaugura une culture théologique du risque. Face à deux risques l’homme rationnel devait choisir le moindre obéissant ainsi à l’ordre divin. L’inoculation inaugurait aussi la transformabilité des corps, c’est à dire la possibilité d’utiliser des moyens contre-nature sur des corps sains pour les maintenir en bonne santé ou améliorer leurs performances. Les débats les plus ouverts et approfondis sur l’inoculation eurent lieu au dix-huitième siècle, alors que l’aristocratie s’était emparée du sujet. Ils ne portèrent pas uniquement  sur les aspects statistiques mais aussi sur les dimensions éthiques, médicales, morales et humaines.


Mais l’apparente rationalité du risque choisi, celui de l’inoculation, ne réussit pas à aligner les comportements. L’inoculation resta donc impopulaire.


Ce que la rationalité du risque n’avait pu accomplir l’autorité expertale le réussit. Par des arguments d’autorité et le détournement de la science, des experts autoproclamés, se pensant comme des philanthropes, réussirent à imposer au peuple les moyens de son bonheur.


Le vingtième siècle fut ainsi marqué par des lois instaurant des obligations vaccinales qui demeurèrent peu suivies d’effet. En raison de son inefficacité l’obligation vaccinale fut abandonnée au profit de simples recommandations à la fin des années 60. La seule levée volontaire d’obligation vaccinale, à part celle concernant la variole, fut la fin de l’obligation de vaccination par le BCG. Le processus aboutissant à cette décision s’avéra inutilement long et complexe.


Pour comprendre le sens des débats actuels, il est nécessaire de s’intéresser aux bouleversements intervenus dans la santé des populations pendant le vingtième siècle, à l’organisation de la prise de décision en matière de recommandations vaccinales et à la pharmacovigilance. Comment fonctionne-t-elle ? Que peut-elle nous dire des risques des vaccins ? Sur quelles bases les décisions sont-elles prises ?


Finalement, la vaccination universelle des nourrissons est-elle justifiée par le bénéfice de santé publique attendu et observé et assure-t-elle un rapport bénéfice-risque statistiquement favorable aux individus ? L’immunité de groupe, sans cesse évoquée par les experts, a-t-elle un sens du point de vue scientifique ?


Pour aider le lecteur à se forger une opinion nous analysons le cas de plusieurs vaccins.


Les vaccins abordés dans ce texte sont le BCG, ceux contre le papillomavirus, le rotavirus, la rougeole, la diphtérie, la coqueluche, le pneumocoque, l’hépatite B et le méningocoque.


Nous verrons ainsi que, contrairement à ce que les vaccinolâtres et les anti vaccinalistes voudraient nous faire croire, il n’existe pas une unicité conceptuelle et/ou idéologique de la vaccination et qu’il est donc nécessaire de raisonner immunisation par immunisation.


Nous en concluons que l’obligation vaccinale pour onze vaccins est illégitime parce qu’elle ne prend pas en considération les enjeux de chaque vaccination en fonction des risques, des avantages et de l’écologie infectieuse propre à la France.

Nous allons vous proposer, le texte étant long, 72 pages et plus de 33 000 mots !, de le diffuser en trois parties.

Voici l’introduction.

Evolution de l’adhésion à la vaccination entre 2000 et 2014 (% 18-75 ans) 

INTRODUCTION

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a saisi le Pr Alain Fischer en février 2016 par une lettre de mission[1]. Dans cette lettre de mission, la ministre constate « une baisse de la vaccination », affirme que cela est dû à ce que les vaccins seraient « victimes de leur succès », et résume l’ensemble des objections à l’égard des vaccins par le terme de « défiance ». L’utilisation de ce terme péjoratif disqualifie par avance toute forme de critique ou de simple questionnement vis-à-vis des recommandations vaccinales car il sous entend un sentiment à priori, non fondé rationnellement.


La concertation  est la mise en œuvre du plan d’action imaginé par la Ministre, et l’objectif recherché à travers cette concertation est le « rétablissement de la confiance dans la vaccination ».


Cette concertation citoyenne, annoncée de longue date, et dont beaucoup attendaient une discussion de fond et une clarification des critères menant aux recommandations de vaccination généralisée pour certains vaccins inscrits dans le calendrier vaccinal  s’est finalement limitée, pour l’essentiel, à une série d’auditions et à des décisions prises de manière opaque par un comité formé  d’experts, de chercheurs  et de représentants d’associations.  A la lecture du rapport, la raison de cette absence de débat de fond apparaît clairement : l’objectif de cette concertation n’était pas de prendre en compte les préoccupations des citoyens, mais d’identifier les freins à l’augmentation de la couverture vaccinale et de décider des meilleurs moyens de les lever. C’est en tous les cas, comme cela que l’a interprété Alain Fischer, ce qui apparaît à travers plusieurs de ses interventions au cours des auditions menées par le comité [A].


En plus des auditions de personnalités diverses, deux jurysont été constitués, l’un formé de citoyens et l’autre formé de professionnels. Ces jurys n’étaient pas chargés, comme la dénomination aurait pu le laisser penser, de participer aux décisions mais d’émettre des avis dont le comité pouvait, ou non, tenir compte [B].


Les citoyens étaient également invités à donner leur avis sur un espace participatif. Quelques 11 000 contributions ont été déposées, les participants étant appâtés par la promesse que leur contribution allait permettre de « faire évoluer la politique vaccinale en France ». Les contributions étaient encadrées mais il était possible d’adresser des questions aux pouvoirs publics [C]. En fait, ces avis ont été uniquement exploités par une analyse de la fréquence statistique des termes employés pour  connaître  la proportion des contributeurs se situant plutôt positivement ou négativement par rapport à la vaccination en général ou à l’obligation vaccinale. De même dans les études grand public (p10 des annexes du rapport) les participants ont été catégorisés selon leurs profils en pro-vaccin, anti-vaccin et hésitants, dont les typologies ont été décrites.


Les conclusions des travaux du comité constitué de seize personnalités, professionnels de santé, chercheurs et  membres de la société civile et présidé par Alain Fischer ont été rendues publiques le 30 novembre par un communiqué succinct[2]. Ces conclusions n’étaient pas unanimes. Et il a fallu le questionnement insistant de certains journalistes pour que M. Fischer explicite la mesure principale  recommandée par le comité, qui était de rendre obligatoires les onze vaccins recommandés dans le calendrier vaccinal pour une vaccination généralisée des nourrissons et actuellement remboursés et donc d’élargir l’obligation vaccinale chez les nourrissons en rendant obligatoires huit vaccins supplémentaires en plus des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite[3][4][D] . Cette mesure serait « transitoire », nous dit-on, et aurait étrangement pour objectif de regagner la confiance des Français en la vaccination. Une confiance qui aurait été perdue et serait la cause d’une baisse de la couverture vaccinale.


D’autres mesures ont été annoncées. Il s’agissait plutôt de mesures d’accompagnement dont la portée symbolique et pratique est bien moindre dont nous n’allons pas discuter ici (il est d’ailleurs possible de trouver des résumés complets de l’ensemble des mesures annoncées[5].


Si quelques voix se sont élevées, comme nous le verrons, pour contester la manière dont cette décision avait été prise, le contenu des discussions et leur indigence scientifique, cette annonce n’a cependant  pas donné lieu à un réel débat.


Alors qu’il s’agit de limiter la liberté de choix des parents et de restreindre l’exercice de l’autorité parentale vis-à-vis d’un acte qui ne peut être considéré comme totalement anodin, on ne s’est pas interrogé un instant sur la solidité des critères qui permettaient de fonder des recommandations de vaccination généralisée pour tel ou tel vaccin. Si ces vaccins devenaient obligatoires, ces recommandations seraient pourtant inscrites dans le marbre comme une priorité absolue de santé publique. Le rapport bénéfice-risque  et coût bénéfice à court, moyen et long terme de chacun de ces vaccins le justifie-t-il ? Peut-on garantir aux parents que le rapport bénéfice-risque individuel de chacun de ces vaccins est favorable pour leur enfant ?


Pour mieux comprendre les enjeux de cette recommandation de généralisation de l’obligation vaccinale je vais donc évoquer le prétexte de cette concertation, ses motivations annoncées, le contexte historique dans lequel ce débat se situe et ce que cela implique et enfin la problématique du rapport bénéfice-risque à travers des exemples concrets.

Autres notes :

[B]  Annexes du « rapport concertation citoyenne sur la vaccination » p5, disponible au téléchargement http://concertation-vaccination.fr/la-restitution/ 
[C] Annexes rapport p 85 :

[D] Ces 11 vaccins sont les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, vaccins inactivés déjà obligatoires , mais aussi les vaccins inactivés contre la coqueluche, contre l’Haemophilus de type B, contre l’hépatite B, contre le pneumocoque, ainsi que 3 vaccins vivants contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.

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