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Archives de catégorie : élève
La Belle au bois courant
La scène se passe dans une Unité pour Malades Difficiles.
Stagiaires
Tu as 17 ans et tu prépares un bac professionnel.
Tu as 22 ans et tu es en Institut de Formation des Aides-Soignants.
Tu as 43 ans et tu es en pleine reconversion professionnelle.
Tu es en stage avec nous pour découvrir, apprendre, te former. Moi, je fais partie d’une équipe. Une équipe avec plein de noms et plein de fonctions. Des aides-soignants (beaucoup), des aides médico-psychologiques, des infirmiers, des agents, des kinésithérapeutes, des animateurs, des assistants de soins en gérontologie, des ergothérapeutes, des cuisiniers, des secrétaires, des cadres de santé, des psychologues… Ça fait beaucoup de monde dans un si petit univers. Je ne te demande pas de retenir les noms et fonctions de tout le monde, moi-même je ne suis pas certaine de savoir qui est qui et qui fait quoi. Mais n’hésite pas à me demander mon prénom si tu l’as oublié, de même que je te redemanderai sans doute le tien. Soyons indulgents l’un envers l’autre, d’accord?
Tu es timide.
Tu poses plein de questions.
Tu es trop familier avec les résidents.
Je suis là pour t’encadrer. La formation des stagiaires, ça fait partie de mon travail.
Si tu es timide, je suis là pour te donner confiance en toi, pour que tu te sentes capable de faire et de dire des choses.
Si tu poses des questions, je suis là pour y répondre. Parfois, j’ai la réponse, je te la donne. Parfois, tu me poses une colle, je ne sais pas, mais on peut chercher ensemble. Ainsi, tu obtiens une réponse, et moi aussi.
Si tu n’adoptes pas la bonne distance avec les résidents ou les patients, je suis là pour te parler d’empathie et de juste distance. Parce que c’est important, pour toi, pour moi, pour les patients.
J’essaierai de ne pas faire de remarques devant tout le monde, je prendrai cinq minutes pour te parler autour d’un café, et je le ferai avec bienveillance. Parce que c’est normal de ne pas tout savoir, de ne pas tout réussir. Tu es stagiaire, il faut que je le garde à l’esprit.
Tu ne sais pas faire un soin.
Tu n’as pas compris quelle était la spécificité du public accueilli.
Tu n’as pas rempli tes objectifs de stage.
T’ai-je bien expliqué les choses? Ai-je été assez présente à tes côtés? T’ai-je suffisamment observé pendant tes soins? T’ai-je donné tous les documents nécessaires à ton apprentissage? Ai-je pris le temps de répondre à tes questions? T’ai-je consacré assez de temps?
Ce que tu n’as pas appris, ai-je su te l’enseigner? Ce que tu n’as pas compris, ai-je su te l’expliquer? Ce que tu n’as pas réussi, n’est-ce pas aussi un peu à cause de moi?
Tu as vu des choses qui t’ont choqué.
Et si on en parlait? Et si tu me donnais ton point de vue? Peut-être n’as-tu pas compris la finalité de certains actes? Peut-être as-tu trouvé que certains de mes propos étaient déplacés? Peut-être que je ne m’en rends pas compte, enfermée dans ma routine de soignante? Dans ce cas, ton avis me sera précieux, car il m’aidera à faire face à mes pratiques professionnelles, et à m’améliorer.
Soyons bienveillants l’un envers l’autre. Je t’aide, tu m’aides. Je t’apprends, tu m’apprends.Tu progresses, je progresse.
Demain, peut-être qu’on travaillera ensemble. On sera heureux de se retrouver, car on aura appris l’un de l’autre, et l’un avec l’autre. Demain, ce sera à ton tour de former des stagiaires. Qui en formeront d’autres. Si je suis bienveillante, si tu l’es aussi, s’ils le sont aussi… alors je crois que ce sera une bonne chose pour tous. Pour toi, pour moi… et pour nos patients!
PS : il y avait eu un chouette débat sur le #mededfr à propos du tutorat, c’est à lire ici.
(Re)découverte
Dernier stage : SSIAD. Bonheur. Retrouver ces petites choses qui font le charme du domicile : rencontrer les patients et leurs familles, découvrir leur intérieur et leurs habitudes, s’émerveiller du chat qui ronronne et respirer l’odeur du pain grillé…
Et, surtout, prendre son temps. Pas de sonnettes intempestives, pas de regard en coin sur la pendule d’argent qui ronronne au salon, celle qui oui qui dit non, celle qui attend.
Le SSIAD, ce sont des gens, plein, mais aussi une équipe. Je fais la tournée avec les uns et les autres, et les trajets nous laissent le temps de discuter. Alors j’écoute leurs histoires, leurs parcours, leurs façons de faire. Je m’enrichis de leurs conseils et de la multitude de petites astuces du quotidien. Je découvre une relation soignants/soignés que j’avais fini par croire impossible, mais aussi une entente entre soignants. Entraide, solidarité, respect. Et forcément, je tombe amoureuse.
Et vous voulez savoir ce qu’il y a de plus fantastique? C’est la réunion d’équipe. Une fois par semaine, réunion après la tournée du matin, et point sur les tournées en cours. Quels sont les points importants de la semaine, les tournées sont-elles équilibrées, y a-t-il des difficultés quelque part? Et là, un truc de folie, l’équipe réajuste la tournée! Oui, l’équipe!
« Ça serait bien d’arriver plus tôt chez Madame Machin, faudrait la mettre sur la tournée B. »
« La tournée C est trop lourde, faudrait rééquilibrer. »
« Celui qui fait la tournée A a du temps pour aller aider chez Monsieur Bidule, ça allégera un peu la E. »
À la fin de la réunion, chacun a pu dire ce qu’il avait à dire, les difficultés des uns ou des autres ont été discutées, et c’est reparti pour la semaine.
Et là, je me surprends à rêver… Si seulement l’encadrement avait été le même quand j’étais auxiliaire de vie à Morteville, si nous avions pu nous voir régulièrement et non une fois tous les six mois, si on nous avait donné un temps pour discuter en toute simplicité de ce qui allait bien ou pas, sans la peur d’être jugées ou blâmées…
Finalement, je crois qu’être heureux au travail ne tient pas uniquement à ce que l’on fait, mais aussi et surtout à comment on le fait.
(Babeth, 37 ans, découvre la vie… Il était temps!) Continuer la lecture
Confidences
Dernier stage. SSIAD. Horaires en coupe. J’ai profité de mon après-midi pour retourner à l’école. J’ai rendez-vous avec ma tutrice « pour faire le point ». Mes collègues de promo sont déjà presque tous diplômés, et presque tous en poste. Moi, je suis encore en stage, et ne serai pas diplômée avant le mois d’octobre. EAS décalée mais pas décalquée.
Ce dernier rendez-vous à l’école, j’avoue que je l’attends avec impatience, pour parler de l’année écoulée, de mon ressenti de formation, de stage, de future professionnelle. De mes projets aussi.
14h. Bureau de la formatrice. Dans ce bureau, j’ai beaucoup parlé, parfois pleuré. Dans ce bureau, une femme m’a beaucoup écoutée, parfois réconfortée. Dans ce bureau, il y a maintenant une formatrice et une presque ancienne élève, une infirmière et une presque aide-soignante. Des presque collègues finalement. On parle. Des cours, des stages, de la découverte des patients et des équipes. De l’empathie, du « prendre soin« , des émotions. Je relate une histoire vécue en stage (faudra que je vous raconte, ça parle de barquettes en plastique, c’est drôle vous verrez), on enchaîne sur l’éthique, le regard, la volonté de ne pas s’habituer à ce qui nous choque (du coup faudra aussi que je vous parle de Cathy un jour, c’est pas drôle vous verrez). Quotidien et routine, éthique et déontologie… La discussion est enrichissante, j’aime cet échange, et c’est tout naturellement que je parle d’écriture quand nous abordons le délicat sujet des projets professionnels. Des projets, j’en ai plein, j’ai d’ailleurs repéré quelques formations sympathiques. Soins palliatifs, maladie d’Alzheimer, Humanitude, thérapie par médiation animale… Ce ne sont pas les sujets qui manquent! Mais, par-dessus tout, au milieu de tous ces domaines à explorer, l’écriture. Écrire, réfléchir, me poser des questions… accepter de ne pas toujours y trouver de réponses. Et partager. La tentation est grande de donner l’adresse de ce blog à ma tutrice. Parce que j’aime le regard qu’elle a sur les choses, parce que j’aime son humanité, parce que j’aime sa façon de parler du métier d’aide-soignante. Parce qu’écrire toute seule dans mon coin et fanfaronner sur les réseaux sociaux, c’est facile, mais me confronter au métier et au regard de mes pairs, c’est une autre paire de manches (courtes, les manches, bien sûr).
Je suis vraiment tentée de tout « avouer »… mais je me retiens. Peur, moi? Oui, un peu. Peur d’avoir fauté, peur d’être réprimandée. Alors j’évoque juste un projet de livre, comme ça, pour voir, un jour peut-être. Moitié sérieuse, moitié rieuse. Mais pas du tout menteuse, ça c’est sûr! Et je promets, une fois la formation vraiment finie, de lui en amener quelques pages… Mais en élève prudente que je suis, j’attendrai d’avoir le diplôme en poche. Pas folle Babeth! Continuer la lecture
MSP3
J’ai fait une pause. Un médecin compréhensif et des formateurs à l’écoute m’y ont aidée. Un arrêt de travail et de la chimie pour le cerveau ont également été salvateurs. À l’IFAS, ma tutrice s’est occupée de tout. Elle m’a trouvé un stage de remplacement en catastrophe et a fait reporter le stage optionnel au mois de juillet. Elle m’a aussi écoutée, rassurée et encouragée.
Il y a eu la dernière journée à l’école, qui marquait la fin de l’avant-dernier stage. Quasiment la fin de la formation. Revoir mes camarades de promo, les écouter parler de leur stage et de la fameuse MSP3, voir les résultats affichés dans le hall et, en face de mon nom, la mention « absente », j’avoue, c’était difficile. Les écouter parler de leurs projets professionnels, alors que j’étais encore en plein doute sur les miens, me donnait une étrange sensation de décalage. Et puis, j’avoue, j’avais peur. Et honte. Parce que si je ratais la MSP sur le stage à venir, je devrais la repasser sur mon stage optionnel. Mais j’avais choisi le SSIAD, et ce n’était pas possible de faire une MSP à domicile. Il me faudrait donc trouver un autre stage optionnel. En juillet. Dans un service où, sans doute, certains de mes collègues de promo feraient déjà leurs armes en tant que jeunes professionnels. Vous imaginez le malaise.
Il y a eu mon affectation de stage. En EHPAD, à une heure de chez moi. Dans un établissement qui dépendait du même pôle de gériatrie que l’EHPAD de mon premier stage. Joie. Autant vous dire que j’y suis allée la peur au ventre. Peur de croiser des membres de l’équipe du premier stage (ça tourne beaucoup par ici). Peur de devoir me justifier sur mon parachutage inopiné. Et surtout, peur d’être médiocre une fois de plus.
Il y a eu le premier jour de stage. La rencontre avec le cadre, rassurant. La découverte de l’équipe, bienveillante. Alors oui, c’est loin. Oui, c’est grand. Oui, il y a beaucoup de résidents pour trop peu de soignants. Mais ici, l’équipe est souriante, encadrante, le cadre de santé est présent. Ici, je peux poser des questions et trouver des réponses. Ici, j’ai l’impression que j’apprends, que je progresse. Ici, je me sens bien. Et ça se répercute sur mon stage. Et sur mon moral.
Il y a eu la revalidation de la MSP d’ergonomie, que j’avais superbement ratée, à cause d’un stress pas du tout maîtrisé. 19,75/20. Une jolie revanche.
Et il y a eu, enfin, la MSP3. J’ai travaillé dur. Le matin, je me levais à 4h30, partais à 5h30, arrivais à 6h30 et, après mes heures, restais sur le lieu de stage pour bosser mes démarches de soins. J’avais une semaine et demie pour préparer l’examen, j’ai vécu ces dix jours à fond. J’ai peu dormi, à peine vu mes enfants et me suis droguée au café. La veille de la MSP, j’étais du soir. Je suis rentrée chez moi à 22h, me suis couchée aussitôt, n’ai pas pu dormir avant minuit à cause d’un baby Georges d’humeur joueuse, me suis levée à 3h30, ai relu et corrigé mes démarches et suis partie à 5h pour arriver, épuisée et anxieuse, à l’EHPAD. Transmissions, stress, relecture, stress, café, stress, questions diverses, stress, préparation du chariot, stress, encouragements de l’équipe, stress, arrivée de ma tutrice, stress, choix du patient, stress… et c’est parti. Après, ça a roulé. Démarche de soins, toilette, diagramme, besoins perturbés, attente. Bizarrement, sans stress. Regards complices de mes jurys, interdiction de donner le résultat avant une bonne semaine mais leur sourire en sortant du bureau me met sur la voie. « Vous pouvez dormir tranquille » me dit ma tutrice. « Tu peux même très bien dormir tranquille » rajoute mon encadrante. Message reçu. MSP réussie.
Et maintenant? Il me reste deux semaines de stage. Puis trois semaines en SSIAD. Il me faut des bonnes notes, histoire de rattraper les évaluations pas terribles de mes deux premiers stages. Mais j’ai regagné en confiance, alors je repars du bon pied. Je finirai en retard, mais je finirai. Après ça, il me faudra attendre début octobre pour être diplômée. En attendant, il faut que je trouve un boulot au plus vite, ce qui s’avère compliqué étant donné que j’arrive en retard et sans diplôme sur le marché du travail. Mais j’ai le moral. Je vois arriver la fin de la formation, et je suis réellement heureuse d’avoir tenu bon malgré les difficultés. Et, enfin, je commence à me faire à l’idée que je suis capable d’être aide-soignante, malgré tout.
PS1 : merci pour votre soutien. J’étais vraiment mal quand j’ai écrit les derniers billets, vos commentaires pleins de confiance et de bienveillance m’ont beaucoup aidée.
PS2 : 28,5/30 à la MSP et note maximale en stage. Je crois que ça va 😉 (et toc pour la cadre dragon!) Continuer la lecture
Vide
L’année a été dure.
Les cours, les stages, la promo, la vie de famille, la précarité, la fatigue… Je n’avais pas imaginé que c’était tout ça, la formation. Bien sûr, j’avais lu des témoignages, sur des forums, des blogs. J’avais vu des étudiants en souffrance, qui disaient que c’était dur, j’avais lu que certains craquaient et lâchaient en cours de route. Mais moi, j’avais confiance. Je me croyais au-dessus de ça. Parce que j’avais déjà fait une formation, parce que j’avais une famille, parce que j’étais un peu plus âgée, parce que j’avais déjà traversé des choses pas faciles, et puis, je l’avoue, parce qu’il y avait des gens qui m’avaient dit que je serais une bonne soignante. Alors, confiante et naïve, je me croyais protégée par tout ça. Mon cursus, ma famille, mon âge, mon expérience, mes amis, me tiendraient à l’écart des difficultés. Une année de formation, un diplôme, un boulot à la clé, et à nous le retour à la vie « normale », avec des horaires « normaux » et un salaire « normal »! Tout était planifié, tout allait bien se passer.
Les cours? Niveau V, ça devait être à ma portée voyons, il suffisait de bien réviser.
Les stages? Facile, il suffirait d’être naturelle, d’écouter, d’obéir aux consignes, et ça se passerait très bien.
La vie de famille? Tout allait bien se passer, je ne verrais pas beaucoup les enfants cette année mais c’était pour une bonne cause.
La précarité? Allez, encore dix petits mois à tenir, dix mois ce n’était rien, et puis c’était délicieux les pâtes, on pouvait faire plein de recettes avec, regardez les Italiens!
La fatigue? Hé ho c’est bon, j’avais deux gosses, c’était pas une petite formation qui allait m’effrayer hein!
Confiante je vous dis! Et naïve. Et un peu conne aussi.
Je n’avais pas prévu le stress des évaluations.
Je n’avais pas imaginé que la position de stagiaire serait si difficile.
Je n’avais pas pensé que la vie de famille serait à ce point bouleversée.
Je n’avais pas anticipé les dépenses supplémentaires dûes aux (longs) trajets à répétition.
Je ne m’attendais pas à être épuisée à ce point.
Bref, je croyais que ça irait, et puis non.
Je croyais que je serais une bonne élève et une bonne stagiaire, et puis non.
Je croyais qu’à la maison ça irait, que ces quelques mois ne seraient qu’un mauvais moment à passer en attendant des jours meilleurs, et puis non.
Tout faux sur toute la ligne.
J’ai ramé pour apprendre mes cours et je me suis vautrée en stage.
J’ai été fatiguée et j’ai crié sur mes enfants.
J’ai pleuré.
J’ai craqué.
Je me suis arrêtée.
Aujourd’hui, je ne sais plus où j’en suis. Je dois rattraper mon stage et passer la MSP3. Mes collègues de promo seront diplômés début juillet et auront du travail cet été. Je ne serai pas diplômable avant septembre ou octobre. En attendant, je ne suis rien. Ni aide-soignante ni auxiliaire de vie. Rien. Je suis à la maison pendant que les autres sont en stage. Je tourne en rond pendant qu’ils tournent dans les services. Je pleure sur mon échec pendant qu’ils se félicitent de leur réussite.
Je me sens vide. Sans envie, sans vie. Sans projet. Je ne sais même plus si je veux encore être aide-soignante. À quoi bon? Si je ne suis pas capable de m’intégrer dans une équipe, comment ferai-je pour travailler? Si je ne peux pas tenir la cadence, comment serai-je efficiente? Si je ne sais pas supporter les remarques, comment pourrai-je progresser?
Mon bel enthousiasme, mes idéaux, tout ça s’est envolé. Il ne me reste que l’amertume de n’être finalement qu’une élève médiocre, pas fichue de réussir là où personne n’échoue. Médiocre vous dis-je.
Et vide.
Témoignage d’EAS
Elle est présente sur Twitter ici : @MerandSarah
Pause
Ce matin, à 8h, j’aurais dû passer la MSP 3. Ce matin, à 8h, je buvais un café tout en écoutant Amélie me parler de sa prochaine évaluation de mathématiques.
Je ne serai pas aide-soignante en juillet. Je le vis un peu mal.
J’ai passé le week-end à tergiverser.
Idée numéro un : retourner en stage lundi matin, faire mon travail cor-rec-te-ment, préparer la MSP, la réussir, finir mon stage en montrant les fabuleux progrès réalisés grâce à cette mise au point, prouver à l’équipe et à la cadre que je peux être une bonne aide-soignante… Et accessoirement, me le prouver à moi-même. Sauf que pour ça, il faut y croire. Manque de pot, je n’y crois plus. Je suis incapable de préparer quoi que ce soit, incapable de réussir le moindre soin, alors un stage et une MSP… Peine perdue! Passons à…
Idée numéro deux : tout pareil, sauf que je m’arrête après la MSP. Il faut juste réussir à donner le change deux ou trois jours, histoire de valider l’examen, et après je peux m’écrouler, j’ai le droit. Sauf que même ça, j’en suis incapable. Me retrouver face à eux est réellement au-dessus de mes forces. J’ai peur et j’ai honte. Passons à…
Idée numéro trois : être malade et ne pas être en état, pour de vrai, d’y retourner. Sauf qu’une maladie, ça ne s’attrape pas si facilement que ça, et je ne suis pas suffisamment bonne comédienne pour simuler un pneumothorax. Personne n’a la varicelle dans mon entourage, dommage. Une gastro, c’est trop court et une scarlatine, trop long. Passons à…
Idée numéro quatre : me blesser. Voilà, ça c’est facile, et je peux le faire toute seule comme une grande : un marteau, une portière de voiture, un couteau… J’ai l’embarras du choix! Il suffit juste de doser les coups, pas besoin d’aller jusqu’à la fracture ouverte non plus! Seule ombre au tableau, il faut quand même que je sois d’attaque pour le prochain stage, ça ne me laisse que deux semaines pour me rétablir, c’est un peu court comme délai. Passons à…
Idée numéro cinq : mourir. Tout simplement. Bye bye la formation, la précarité et tout le reste. Mauvaise élève, mauvaise mère, mauvaise épouse… À quoi cela sert-il de continuer? Sauf que bon, un enterrement, c’est cher, on n’a pas les moyens. Et puis être orphelin(e), je connais, c’est pas la joie, je veux pas ça pour mes enfants. Et puis c’est con mais j’aime mon mari, je veux pas lui faire de peine. En plus mourir, c’est compliqué, faut pas se louper, parce que les séquelles d’un suicide raté ne sont pas très excitantes. Passons à…
Idée numéro six : arrêter la formation. Trouver un travail, n’importe lequel, coiffeuse de poneys ou éleveuse de sauterelles, et oublier mes rêves de soin et de bientraitance. Faire comme si cette année n’avait jamais existé, comme si je n’avais rien vu, rien appris. Oublier le fucking stage à Pétaouchnok et l’EHPAD bientraitant à côté de chez moi, oublier les visages des soignants et des soignés, oublier l’école et les élèves. Oui mais… Tout ça pour ça? Tous ces cours, toutes ces questions, tous ces échanges… Pour rien? Non, impossible. Passons à…
Idée numéro sept : écouter (enfin!) les conseils qu’on me donne. M’arrêter et souffler, parler et pleurer. Ne pas y retourner. Renoncer à la note de stage (médiocre), à la MSP (perdue d’avance), à ma progression (nulle). Aller dès lundi chez un médecin, parler (calmement) de la situation, me faire aider. Prendre un arrêt-maladie et de quoi aller mieux. Puis aller à l’IFAS, affronter ma honte et ma peur et expliquer tout ça. Sans pleurer. Sans craquer. Prier pour ne pas me faire virer.
J’ai choisi la dernière solution.
Arrêt-maladie ok.
Anxiolytiques ok.
IFAS ok.
J’ai pleuré. J’ai craqué. Mais je n’ai pas été virée.
Message à ceux qui sont passés ici ou ailleurs : merci. Vous imaginez même pas à quel point vos mots m’ont fait du bien. Vraiment. Continuer la lecture
EAS de merde
Voilà, le stage, c’est fini. J’arrête les frais. J’en ai pris conscience hier matin quand, planquée dans la réserve pour ne pas pleurer devant « eux », je me suis demandé s’il valait mieux avaler le bidon de javel ou me péter le poignet à coups de marteau pour échapper aux deux semaines qui me restaient à faire. Oui, parce qu’en plus d’être une sombre merde, je suis lâche. Je crois que quand j’en arrive à ce genre de pensées, il est temps que je fasse une pause.
Donc, pour résumer :
Je ne sais pas prendre soin des gens.
Je ne sais pas « faire les liens ».
Je ne sais pas m’organiser.
Je ne sais pas ce qu’est le métier d’aide-soignante.
Je mets les patients en danger.
Je ne respecte pas les règles élémentaires d’hygiène et de sécurité.
Je dois très sérieusement me demander pour quelle raison je veux faire ce métier.
Il est inenvisageable que je puisse être diplômée dans un mois.
And, last but not least, je ne sais pas me remettre en question.
Je ne me cherche aucune excuse. Tout cela est sans doute vrai. Et même, ça ne m’étonne pas. Je suis tellement dans le brouillard depuis une semaine qu’il est plus que probable que j’aie accumulé toutes ces erreurs. Et cela fait sans doute un moment que je les accumule. Seulement, en début de formation, j’avais l’excuse d’être une élève débutante. Maintenant, je n’ai plus cette excuse. Je n’ai aucune excuse. Je suis incompétente, point.
J’ai passé la matinée à essayer de bien faire. Mais, même en essayant, j’étais nulle. À chaque fois que je sortais d’une chambre, j’entendais des bribes de conversations :
« J’aimerais bien savoir combien elle a eu à sa dernière MSP »
« Elle pas dû valider tous ses modules, c’est pas possible »
« Il faudrait que l’IFAS nous procure les notes de ses précédents stages, on devrait les demander pour les prochains stagiaires »
« Une fille comme ça dans les services dans moins d’un mois, c’est carrément pas possible »
« De toute façon elle pourra jamais travailler, les équipes n’en voudront pas »
« Elle est nulle »
Et j’en passe.
Forcément, entre ça, le manque de sommeil et le fait que je saute un repas sur deux, je n’ai pas été très performante. Pour être honnête, j’ai été médiocre. Comme d’habitude. Je me suis occupée de « mes » patients, j’ai rempli les diagrammes, j’ai noté les transmissions. Mais tout était nul.
La cadre m’a appelée à la fin du service. Elle avait dit à l’équipe qu’elle voulait me voir et m’attendait visiblement depuis un moment. Forcément, n’ayant été ni à la pause ni au repas ni aux transmissions, trop occupée que j’étais à parfaire ma médiocrité naturelle (c’est du boulot, croyez-moi), je n’étais pas au courant. Forcément, la stagiaire qui ne répond pas à la convocation de la cadre, ça ne fait pas sérieux. Forcément, quand en plus ladite stagiaire essaie de fourguer son recueil de données au dernier moment à sa tutrice qui a fini son service, le tout devant le bureau ouvert de la cadre, ça aggrave largement les choses. Bref, tout faux. Si je ne m’étais pas rendu compte de la gravité de la situation, il m’a fallu moins de trente secondes pour comprendre que j’étais franchement dans la merde. Je me suis décomposée sur place. Incapable de réfléchir, incapable de répondre. Si j’avais été une bonne aide-soignante, j’aurais bien profité de l’occasion pour prendre mon pouls et ma tension, juste comme ça, par curiosité. Mais je ne suis pas une bonne aide-soignante.
Alors, pendant que la cadre énumérait froidement tous mes défauts et m’enjoignait de lui prouver que j’étais capable de progresser, mon regard s’est échappé par la fenêtre de son bureau. De là, je voyais le long couloir vitré que j’avais si souvent arpenté il y a deux ans. Le couloir que j’avais emprunté enceinte, puis jeune maman, puis orpheline. Au bout de ce couloir, une équipe formidable, qui avait accompagné mon père jusqu’au bout. Une aide-soignante qui m’avait apporté un bol d’eau chaude pour que je puisse me faire une tisane d’allaitement. Une autre qui était allée chercher une blouse propre pour pouvoir prendre mon tout jeune bébé dans ses bras. Une infirmière qui avait accompagné Amélie à l’espace de jeux du service de pédiatrie pas encore ouvert. Une équipe à laquelle j’avais rêvé de ressembler. En vain.
Alors, après l’entretien, j’ai rassemblé mes affaires et, sans dire au-revoir à personne, j’ai quitté le service. Mais je n’ai pas quitté l’hôpital. Je suis d’abord allée au bout du couloir. La veuve de mon père, qui y est hospitalisée en ce moment-même (triste coïncidence), n’était pas dans sa chambre, mais l’équipe était là. Il y a des sourires qui ne changent pas. Il y a de la bonté dans certains regards, de la douceur dans certains gestes.
J’ai repris le couloir dans l’autre sens et ai, enfin, quitté l’hôpital. Puis j’ai pleuré. Toute l’après-midi. Toute la soirée. Une partie de la nuit. Une bonne partie de la journée. Sans doute demain aussi.
Aujourd’hui, je renonce. Y retourner, finir le stage, passer la MSP… je ne m’en sens pas capable. Je ne sais plus rien. Je sais juste que je ne peux pas y penser sans pleurer. Parce que je me sens nulle. Parce que j’ai honte. Parce que j’ai peur. Parce que je me sens incapable de retourner dans ce service. Parce que je ne tiens plus. Parce que je craque. Parce que j’ai envie de tout oublier, de revenir en arrière et de n’avoir jamais commencé cette formation. Parce que l’année a été dure, terriblement dure. Parce que j’ai imposé ce choix à ma famille et que ça a été dur pour eux-aussi. Parce que je ne suis pas digne des efforts qu’ils ont faits pour moi. Parce que je ne suis pas digne d’être aide-soignante, tout simplement.
Doutes
Avant-dernier stage.
Bientôt la MSP (Mise en Situation Professionnelle). Je croyais que ça irait, et puis non, ça va pas. J’ai peur. Je doute de moi. Je doute de tout et de tout le monde. J’entends des consignes contradictoires : changer l’eau, ne pas changer l’eau, mettre un tablier, ne pas mettre de tablier, changer le drap, ne pas changer le drap. Et j’en passe.
Je ne sais plus rien. Je ne sais plus « faire une toilette », je ne sais plus « communiquer », je ne sais plus « faire des liens ». D’ailleurs, ai-je jamais su faire tout cela? Je suis en fin de formation et je ne suis pas prête. Trop lente, trop désorganisée, trop tout. Ou pas assez.
Bientôt la MSP, et je vais être jugée en 1h30. Dix mois se joueront en une matinée. Sur un soin. Un diplôme contre une toilette. Une toilette parfaite. Ça tombe mal, je sais pas faire. Je sais sourire et me poser des questions qui ne servent à rien mais je ne sais toujours pas faire une toilette en technique en étant organisée.
Bientôt la MSP. Les modules écrits sont validés. Les stages aussi. Mais passer devant un jury, être observée, voir les examinateurs prendre des notes, échanger des regards, tourner autour du lit, ça me fait complètement paniquer. Et quand je panique, je fais des boulettes. Et je m’en rends compte. Et ça me fait paniquer… Bref, c’est sans fin. Alors que, seule avec le patient, ça va, je communique, j’observe, je m’adapte. Bref, je fais mon boulot.
Bientôt la MSP. Je la sens pas. J’ai pas envie d’y aller. J’ai juste envie de tout arrêter. Je sais pas ce qui m’a pris de passer ce concours. J’ai bêtement cru que ce serait merveilleux, et puis non. J’ai naïvement espéré faire un beau métier, et puis non. J’ai secrètement rêvé être une aide-soignante, et puis non.
Bientôt la MSP. État de stress maximal. Je ne mange plus, je crie sur les enfants, je pleure pour un rien. Je passe des heures sur une démarche de soins, des heures sur le Vidal, des heures sur la règle d’ORR. Et je passe à côté du spectacle de danse d’Amélie, des cascades de Georges et d’un certain nombre de choses plus ou moins importantes. Manger et dormir sont-ils des besoins absolument indispensables après tout?
Bientôt la MSP. Les quatorze besoins fondamentaux s’appliquent-ils aussi aux élèves aides-soignants? Pas si sûr.
Aide-soignante en devenir
« Mon père est mort au bout de ce couloir »
Voilà trois jours que je suis en stage à l’hôpital et cette pensée ne cesse de me hanter.
Même hôpital, même étage. Pas de chambre 423, pas de fenêtre donnant sur la petite église, mais ce long couloir, que j’ai arpenté si souvent pour aller le voir.
À un bout du couloir, mon stage et la MSP3 qui se rapproche dangereusement, la MSP de tous les dangers, celle qui fait paniquer (presque) tous les EAS. Le stage, la MSP, le diplôme… mon avenir.
À l’autre bout du couloir, la fin de vie de mon père, qui m’a aidée à prendre la décision de passer le concours. La maladie, l’agonie, la mort… mon passé.
C’est étrange comme tout au long de cette formation j’ai eu l’impression d’avancer dans mon deuil. Des lieux, des rencontres, des situations, autant de petites choses qui me font penser à lui et me confortent dans mon choix. Revenir dans cet hôpital avec un regard de soignante, croiser ceux qui ont pris soin de lui, revêtir leur uniforme, apprendre d’eux… Comprendre le fonctionnement de la grosse machine qui a englouti mon père et repenser à plein de petits détails qui m’avaient semblé tellement compliqués à l’époque. Que de chemin parcouru en deux ans! J’ai été une patiente, j’ai été une famille de patient, je suis maintenant une apprentie-soignante.
Un jour, je serai une vraie aide-soignante. J’aurai un diplôme et une blouse blanche, j’arpenterai les couloirs d’un petit EHPAD ou d’un gros hôpital, et je prendrai soin des patients et de leurs familles. J’apporterai un bassin, je tiendrai une main, je rafraîchirai un visage. Et, qui sait, un jour peut-être, je recevrai une stagiaire qui m’avouera qu’elle a choisi d’être aide-soignante parce que d’autres ont su lui donner cette envie dans des moments difficiles. Alors la boucle sera vraiment bouclée. Continuer la lecture
Une histoire de choix (2)
Avril 1999.
J’ai un choix à faire. Ramener ma mère à Paris et rentrer vite fait à Toulouse passer l’oral surprise avec la psy pour tenter de décrocher LE concours qui me permettrait d’exercer un super métier ou rester quelques jours de plus en Vendée, ne pas aller à cet entretien imprévu et retenter le concours l’an prochain.
Évidemment, vu sous cet angle, ça paraît tellement simple, tellement évident! Mais en vrai, non, ça ne l’était pas. Parce qu’en vrai je n’avais plus de congés avant le mois d’août, et d’ici-là, il pouvait se passer tellement de choses. En vrai, je devais interrompre les vacances de ma mère et l’abandonner à la grisaille parisienne alors que ça faisait des mois qu’elle attendait ce voyage. En vrai, il fallait que je réussisse un concours qui pourrait déterminer ma vie professionnelle, soit les quarante prochaines années à venir, alors que je ne savais même pas si je pourrais encore voir ma mère dans un mois.
Forcément, j’ai choisi la voie de la raison. Enfin, quand je dis « choisi », c’est un bien grand mot…
Nous sommes donc allées changer nos billets de train pour un retour anticipé. Départ prévu le lendemain (mercredi), arrivée prévue le jeudi matin à Toulouse par le train de nuit après avoir déposé ma mère. Pour clore cette journée pourrie, on a décidé de s’offrir LE restaurant étoilé du coin. On n’a pas regretté : on a mangé comme des reines, la note était salée mais peu nous importait.
Le lendemain, c’était avec amertume que nous nous apprêtions à prendre le train. Arrivées très en avance à la gare, je profitai de l’attente pour rappeler l’institut de formation afin de confirmer l’heure de l’entretien psy. Heureuse initiative! L’entretien avait été décalé au lundi pour cause d’indisponibilité de la psychologue devant me recevoir. Un peu plus et je me pointais jeudi matin la bouche en coeur… pour rien!
Re-annulation des billets, retour maison et poursuite des vacances pour quelques précieux jours de plus.
Le lundi matin, c’est fraîche et dispose que je me présentai pour le dernier entretien. J’avais rendez-vous à neuf heures, j’étais là très en avance. Le stress. Huit heures et demie. Personne, normal. Neuf heures moins le quart. Toujours personne, normal. Neuf heures. Personne, bizarre. Neuf heures et quart. Toujours personne, vraiment bizarre. Neuf heures et demie. Personne? Vraiment? Dix heures. Euh… je fais quoi? Je rentre? J’allais et venais entre le secrétariat et la salle d’attente, je sortais, rentrais, guettais par la fenêtre, faisais les cent pas. La psychologue a fini par arriver vers onze heures. D’un ton sec, elle m’a dit qu’elle m’avait attendue jeudi, que je n’étais pas venue, et qu’on ne l’avait guère prévenue qu’elle devait me recevoir ce matin. Que j’aurais dû prévoir d’être disponible pour le concours et ne pas partir en congés. J’ai faiblement répondu qu’on ne m’avait pas prévenue de l’éventualité d’un oral supplémentaire, que ces vacances avec ma mère avaient été prévues de longue date en dehors des périodes de concours et que, vraiment, j’étais désolée de ce malentendu.
Forcément, vu le contexte, l’entretien n’a pas été fabuleux. J’étais sur la défensive, j’ai enchaîné les platitudes et les lieux communs, bref, j’ai été nulle!
Forcément, j’ai raté le concours.
Ma mère est morte quelques mois plus tard.
C’était vraiment une année de merde. Continuer la lecture
Une histoire de choix (1)
Avril 1999.
À l’époque je suis « aide-éducatrice » en crèche parentale, ce qui pompeusement veut dire « contrat aidé mi-temps précaire » en crèche parentale. J’aime ce que je fais et je me suis inscrite à un concours qui me permettrait de continuer dans cette voie : éducatrice de jeunes enfants. Les écrits sont passés, les oraux aussi, j’attends maintenant les résultats. J’ai profité d’une semaine de congés pour partir en Vendée avec ma mère. Nous ne le savons pas encore mais ce sont nos dernières vacances ensemble, le cancer aura sa peau dans quelques mois. Nous sommes aux Sables d’Olonne, il fait presque beau et ma mère va presque bien, nous passons de bonnes vacances. Jusqu’à ce que mon colocataire m’appelle sur le portable de ma mère. L’institut de formation a laissé un message sur le répondeur, je suis convoquée le jeudi pour un entretien supplémentaire afin de départager les candidats. Nous sommes mardi. Panique à bord.
Je rappelle aussitôt, j’explique que je suis en congé, loin de chez moi, et que là, pour jeudi, ça risque de pas être possible. La secrétaire est intraitable. C’est jeudi, point.
Je ré-explique. Je suis en congé, loin de chez moi, avec ma mère malade, et pour jeudi ça va pas être possible. La secrétaire ne lâche rien. C’est jeudi, point.
Je ré-ré-explique. Je suis en congé, loin de chez moi, avec ma mère malade qui n’a pas de voiture et qui ne pourra pas rester toute seule parce que okay, elle va presque bien, mais c’est quand même pas la grande forme non plus, donc il faudrait d’abord que je la ramène à Paris (en train) puis que je rentre à Toulouse (en train) et bon, ça va un peu lui gâcher ses vacances quand même, surtout qu’après elle repart pour une chimio, alors honnêtement, est-ce que ça serait pas possible, en demandant gentiment, de décaler un peu l’entretien surprise, entretien qui, je précise, n’avait été évoqué nulle part, afin de permettre à ma mère malade de profiter un petit peu de cette parenthèse au bord de la mer avec sa fille? Cela n’attendrit pas la secrétaire. Soit je viens jeudi passer mon entretien, soit je perds ma place et je n’ai plus qu’à retenter le concours l’an prochain.
Je suis face à un mur. Ma mère, restée à côté, semble se résigner. Elle sait que c’est important, ce concours, qu’il me permettrait de passer un diplôme, d’avoir un travail qui me plaît vraiment, alors elle me dit que tant pis, on n’a qu’à changer les billets de train et rentrer plus tôt, tant pis pour les vacances, tant pis pour le temps passé ensemble, ce temps qui nous manque tellement le reste de l’année, parce qu’elle est à Paris et moi à Toulouse. Et moi, je la regarde, ma mère, avec ses quarante kilos, sa perruque, et les marques tatouées pour la radiothérapie, je regarde cette femme malade depuis des mois, qui lutte seule, qui ne se plaint jamais, et qui, malgré tout ça, continue à m’encourager, à penser à moi, à me faire passer avant elle. Et en la regardant, je me dis que non, c’est trop con, on ne sera peut-être plus jamais là, toutes les deux, en vacances au bord de la mer.
Alors je baisse la voix et, calmement, je raconte tout ça à la secrétaire intransigeante. Réponse cinglante de cette dernière :
« Dans la vie, Mademoiselle, il faut faire des choix! »
Je dois donc choisir entre ma mère et mon concours. Choisir entre ce que j’ai et ce que je veux. Choisir entre le présent qui file entre mes doigts et l’avenir que je désire.
Le choix que j’ai fait? Je vous le raconterai demain. Mais vous, qu’auriez-vous fait à ma place? Continuer la lecture
Élèves
Le 1er février, j’écrivais ça :
« Parce que je suis élève aide-soignante, j’apprends le programme officiel, comme tous les élèves aides-soignants de France. Quand je serai diplômée, j’aurai les mêmes savoirs que tous les autres aides-soignants. Alors, qu’est-ce qui permettra de nous différencier? Pourquoi embaucher celui-ci plutôt que celle-là? »
Je me trompais.
La formation aide-soignante, c’est 840 heures de stage (soit 6 stages de 4 semaines chacun) et 595 heures de théorie (soit 17 semaines pour 8 modules). Dire qu’en fin de formation j’aurai les mêmes savoirs que les autres élèves est une erreur.
Nous ne faisons pas les mêmes stages. Nous ne découvrons pas les mêmes services. Nous ne rencontrons pas les mêmes soignants. Ni les mêmes patients. Parfois, pour un même stage dans un même service avec les mêmes soignants, nos ressentis sont radicalement différents. Parce que nous ne sommes pas les mêmes stagiaires.
Oui mais… nous allons aux mêmes cours, nous devons donc avoir 595 heures de formation commune. Encore raté.
Cours sur la fin de vie. Le psychologue nous parle d’accompagnement et de deuil. Dans la marge, je note « Marie de Hennezel » et Elisabeth Kübler-Ross » en me disant qu’il faudra que je les relise. Je n’ai aucun mérite à connaître ces auteurs, je les ai tout simplement découverts à la mort de mes parents. Tout le monde n’a pas la chance d’être orpheline! Un rapide coup d’oeil sur l’amphi. Clarisse a le visage fermé, ce cours a l’air difficile à encaisser pour elle. Sonia fait des mots croisés. Solange gribouille. Tatiana dort, cachée derrière ses longs cheveux. Nicolas note consciencieusement, il souligne les mots-clés et met plein de couleurs. Caroline lève la main, une question la démange. Rozenn et Juliette chuchotent. Un même cours, et autant d’apprentissages que d’élèves.
Atelier pratique sur la toilette. Trois groupes, trois formateurs. L’enseignement théorique est le même, les façons de le transmettre sont différentes. Dans chaque groupe, des élèves aux parcours différents. Des jeunes, des moins jeunes, des néophytes et des expérimentés. On apprend avec les formateurs et le groupe, chacun y allant de sa petite astuce pour aider ses collègues. Autant d’interactions que d’élèves.
Cours sur les maladies de l’appareil digestif. Forcément, le cancer de l’oesophage, ça me parle. La pancréatite aussi. J’écoute attentivement, j’apprends plein de choses que j’aurais aimé savoir avant. Avant quoi? Avant que mes parents ne soient touchés pardi! Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents alcooliques. Coup d’oeil dans l’amphi. Cette fois encore, chacun est là à sa façon. Plus ou moins présent, plus ou moins apprenant. Autant de cours que de vécus.
Cours sur l’anatomie du rein. Je suis fatiguée, je décroche. Mes yeux se ferment, je les rouvre, ils se referment. Mes notes ne ressemblent à rien, quelques mots épars sur une feuille. Derrière moi, Caroline semble fascinée par le sujet, elle a déjà noirci trois feuilles de son écriture régulière. Je lui demanderai son cours en sortant. En espérant qu’on ne tombera pas dessus à l’évaluation. Autant de centres d’intérêt que de cours.
Entretiens individuels. Les trois formateurs se partagent la promo en tutorat. J’aime bien ces moments-là, dans le calme d’un bureau. On peut parler, faire le point, poser des questions. On peut aussi pleurer. Ou rire. Ou raconter des choses un peu intimes. Ça reste dans le bureau, entre nous. Autant d’entretiens que de confidences.
Finalement, après 1 435 heures d’enseignement théorique et clinique, il n’y aura pas deux élèves ayant reçu la même formation.
Parce que chacun de nous est arrivé avec un certain âge (voire un âge certain) et une certaine expérience.
Parce que chacun de nous aura vécu cette année à sa façon.
Parce que chacun de nous aura vu des choses en stage et appris des choses en cours.
Parce que chacun de nous aura discuté avec les uns plutôt qu’avec les autres.
Parce que chacun de nous aura pris des notes de telle ou telle façon.
Parce que chacun de nous aura pris (ou non) du recul sur ce qu’il vivait en stage.
Parce que chacun de nous est différent de son voisin, tout simplement.
Une formation. Mille élèves. Mille apprentissages. Mille aides-soignants différents. Continuer la lecture
Future aide-soignante
Encore trois mois. Plus que trois mois. À peine trois mois. Peut-être plus, si je rate la dernière MSP, ou un module. On sait jamais.
Trois mois, c’est court. Il va falloir commencer à chercher du boulot pour cet été. Et pour la rentrée. Et pour l’année prochaine.
Et après? Après, je ne sais pas. Aide-soignante en EHPAD? En MAS? En SSIAD? En horaires de journée? Horaires de coupe? Horaires de nuit? En CDD? En CDI?
Et surtout, quelle aide-soignante? Je sais ce que je veux être, de quelle façon je veux travailler, mais y arriverai-je? Dire et faire ne sont pas frères.
Module 8 : organisation du travail. On parle de législation, de tâches AS et… d’encadrement des stagiaires. Ce dernier sujet fait réagir la promo. Forcément, des stages pourris, on est quelques uns à en avoir eus. Stages pourris, notes pourries, tuteurs pourris. Mais au fait, c’est quoi un bon tuteur de stage?
Un tuteur qui prend du temps pour toi? Un tuteur qui t’explique les choses? Un tuteur qui te regarde? Un tuteur qui te fait confiance? Un tuteur qui te met une bonne note? Un tuteur qui te montre les bons gestes? Un tuteur qui relit tes démarches de soins? Un tuteur qui te parle? Un tuteur qui te rassure? Un tuteur qui te donne envie d’être curieux? Un tuteur qui te pose des questions?
J’ai fait quatre stages. J’ai eu huit tuteurs. Et plein d’encadrants. J’ai observé, questionné, noté. J’ai douté, me suis trompée, ai recommencé. Et ce n’est pas fini. J’ai détesté certains tuteurs et adoré certains encadrants. Et vice versa. Et ça ne tenait souvent pas à grand-chose.
Dans trois mois (ou plus) je serai aide-soignante. Dans trois mois (ou plus) je serai potentiellement encadrante. Moi. Encadrante. J’ai peine à y croire. Que faudra-t-il que je fasse pour être une bonne encadrante? Que faudra-t-il que je sois? Comment ferai-je pour dire les choses sans flatter ni blesser? Comment transmettrai-je mon mon savoir-faire et mes valeurs? Comment saurai-je expliquer avec les bons mots? Comment saurai-je montrer les bons gestes? Comment pourrai-je être un bon modèle?
Je ne serai pas la super aide-soignante super pédagogue super sympa. Je ne sais pas être tout ça. Mais s’il y a une chose que je veux être, et une seule, c’est être bienveillante. Parce que finalement, ceux que j’ai aimés pendant la formation et les stages, ceux qui m’ont fait progresser, ce sont ceux qui ont fait preuve de cette qualité. La technique, la théorie, les apprentissages, les notes, tout ça n’est rien sans bienveillance. Sans ce regard qui te donne confiance, sans ce sourire qui t’encourage, sans cette main tendue vers ta main tremblante.
Cher(ère) futur(e) stagiaire AS, je ne serai pas une encadrante parfaite, parce que je suis un peu gauche, un peu timide, et que je fais des blagues pas drôles, mais, quoi qu’il arrive, tu peux compter sur ma bienveillance, et crois-moi, c’est ce que je peux t’offrir de mieux.
In love
Témoignage d’EAS, en vers (3)
Max, élève aide-soignant. Après la prose…
Démons blancs
Témoignage d’EAS (2)
Témoignage de Max, élève aide-soignant
Un matin, une toilette, un centenaire.
On débarque à trois dans la chambre : deux aides-soignants et moi, le stagiaire. Ils ont débarqué en lui expliquant à peine ce qu’ils vont faire : « On va faire ta toilette, Aimé! »
Seule et unique phrase. Il ne comprend pas, il appréhende, il refuse, il se débat. Les deux aides-soignants tentent de l’immobiliser en lui lançant quelques phrases plates et inutiles : « Calme-toi, laisse-nous faire! »
Il riposte. On me demande d’immobiliser ses jambes. Je me dégoûte de l’avoir fait… Il se débat encore plus fort. Finalement, les deux aides-soignants estiment que nous ne sommes pas assez nombreux. Alors ils sortent « chercher du renfort ».
Je suis maintenant seul avec lui. Il ne comprend toujours pas. Je m’avance vers lui, au risque de me ramasser une gifle ou une droite. Je lui parle calmement, d’une voix basse, en lui prenant la main et en le regardant dans les yeux. Je lui explique qu’il s’agit d’une toilette, que c’est un soin d’hygiène et de confort, que ce sera sans doute mieux pour lui. Il écoute, et commence à se détendre au fur et à mesure de mes explications. Je continue de lui parler, en lui souriant. Encore deux minutes et il aurait peut-être accepté le soin…
Sauf que quatre aides-soignants ont déboulé dans la chambre. Continuer la lecture
Normale (2)
Troisième stage.
Psychiatrie en secteur fermé. J’avoue, j’avais les chocottes. Pour plein de raisons. D’abord, parce que c’est loin de chez moi. Très loin. Trop loin pour rentrer tous les jours. Alors je dors loin de chez moi, et je ne rentre que le week-end. C’est la première fois que je quitte mes enfants aussi longtemps. C’est dur.
Et puis, la psychiatrie, honnêtement, c’est LE stage qui me fait peur. Bon, d’accord, je connais un peu, expérience professionnelle toussa toussa, sauf que là, c’est différent. Moi je connaissais les malades Bisounours, du genre de ceux qu’on voit parfois à la télé dans les téléfilms gentillets ou les émissions de Sophie Davant. J’avais bien croisé quelques personnes vraiment spéciales, du genre « Bonjour je m’appelle Louis XIV, et vous? », mais ça restait assez exceptionnel. Là, je ne vois que des personnes vraiment spéciales. Spéciales et dangereuses. Dangereuses pour elles et pour les autres. Pour ceux qui ne me connaissent pas en vrai, je vous fais une description assez sommaire de ma (petite) personne : cinquante kilos toute mouillée, plutôt fluette, et une voix de gamine pré-pubère. Bref, je suis pas du genre imposant, au contraire.
Le premier jour, je me suis perdue. Forcément. Pour démarrer un stage, ça fait sérieux. Et pour la bonne impression de stagiaire sérieuse, on repassera. J’ai passé cette journée à observer : les patients, l’équipe, le fonctionnement, tout. C’est fascinant. Les interactions entre soignants et soignés sont à l’opposé de tout ce que j’ai pu voir ailleurs. Observation et relation. L’à peu près n’a pas sa place ici. Les postures, les intonations, les paroles des soignants semblent réfléchies, travaillées et maîtrisées.
Celles des soignés, par contre… Qui sont-ils, ces hommes qui déambulent du salon à la cour et de la cour au salon? Qu’y a-t-il derrière ces yeux qui me fixent ou qui m’évitent? Que faut-il comprendre de leurs paroles décousues, de leurs discours exaltés ou de leur mutisme assourdissant?
Les jours suivants, j’observe encore et encore. Infirmiers, aides-soignants, agents, médecins, ergothérapeutes, psychiatres, psychologues… J’ai rarement vu une telle équipe de soins. Ils sont passionnés et passionnants.
Fin de semaine, retour maison et retrouvailles familiales. Retour à la vie normale. Chez moi, je peux parler normalement, me tenir normalement, regarder les choses normalement. Après une semaine passée loin de chez moi, à n’avoir pour compagnie que les soignants et les soignés de l’hôpital psychiatrique, ce retour à la normale me paraît brutal. Je suis là sans être là. Je suis là en étant encore là-bas.
Et soudain, entre deux tâches normales de ma vie normale pendant mon week-end normal, je me pose LA question que je n’ai pas réussi à formuler clairement cette semaine : dans quelle dimension du soin sommes-nous ici? Éducative, préventive, maintenance, curative, palliative? Il me reste trois semaines pour trouver la réponse. Pas la réponse attendue par l’IFAS, non, ça serait trop facile (Google est ton ami, le site infirmiers.com aussi). Je veux réfléchir et trouver ma réponse, celle de Babeth, EAS un peu ratée mais pas encore ratatinée.
En attendant, je vais profiter de mon dimanche normal pour faire des choses normales… La normalité, parfois, c’est tout simplement extraordinaire!
Écume
Théâtre.
Elle joue la soignée et je joue la soignante. Son texte est déjà rédigé, je dois improviser le mien. Exercice périlleux, j’attends de voir comment se présenteront les choses. Elle incarne une femme en fin de vie, qui sait qu’elle va mourir. J’ai peur pour elle, elle a déjà frôlé la mort, ça risque d’être difficile. Elle est confiante, « pas de souci » me dit-elle. Alors allons-y.
Théâtre.
Les répliques s’enchaînent. Elle va mourir, elle a peur et elle est en colère. Moi, élève consciencieuse et appliquée, je mets en place les techniques de communication récemment apprises : écoute active, reformulation, questions ouvertes.
Théâtre.
Et soudain, l’émotion. Violente, inattendue. Larmes. Ce n’est pas la soignée qui pleure, c’est l’élève. Le rôle est trop vrai, c’est sa propre histoire qu’elle revit. Autour de nous, le groupe, silencieux, nous observe. Je sens le regard perplexe du psychologue et celui, bienveillant, de la formatrice.
Théâtre.
Face à moi, trois personnes. La soignée qui va mourir, l’élève qui a failli mourir, ma mère qui est morte. Pendant que l’élève/soignée se débat avec ses émotions, j’essaie de faire face aux miennes. Ça fait comme une vague : ça gronde, ça enfle, ça se rapproche, ça va m’engloutir… Fermer les yeux, retenir sa respiration, laisser la vague s’abattre. Attendre un peu, puis ouvrir les yeux pour la regarder s’éloigner… avant de revenir.
Théâtre.
Il y aura d’autres vagues. Plus ou moins violentes. Petite, je les fuyais en hurlant. J’ai grandi. J’ai connu des vagues et des tsunamis. Je ne me suis pas noyée. Mes pieds s’enfoncent dans le sable, les coquillages roulent autour. Je vais bien.
Théâtre.
Je ne m’attendais pas à être submergée par le souvenir de ma mère mourante. C’est tellement loin. Je relève la tête. Face à moi, ce n’est pas ma mère, mais l’élève/soignée qui pleure. Je suis là pour l’aider à accueillir son émotion. J’avance timidement la main et la touche doucement.
Théâtre.
– Tu veux qu’on arrête?
– Non, on continue, il faut le faire.
L’émotion qui m’a traversée, je la sens encore. Elle a laissé comme une traînée, une écume salée comme les larmes de l’élève/soignée. Je me recentre. Je suis là pour elle. Pour l’écouter, elle. Moi, je suis solidement ancrée, j’attends la prochaine vague de pied ferme, je ne me laisserai pas surprendre.
Théâtre.
Je suis une soignante avec une soignée et non une fille avec sa mère. Je me sens bien. À ma place. Je me sens aidante et j’aime ce lien qui se noue dans la saynète.
Je me sens aide-soignante. Continuer la lecture
Nulle!
Je crois que je me suis trompée.
Non, pardon, je suis sûre que je me suis trompée. Je suis pas faite pour l’école.
C’est pas que je ne veux plus être aide-soignante, c’est juste que… j’y arrive pas. J’écoute les cours, j’apprends, j’ai des notes correctes, je m’intègre dans la promo, mais en stage… ça marche pas. « Trop ceci, pas assez cela »… ou le contraire, je sais pas.
« Vous vous posez trop de questions », m’a gentiment dit ma tutrice. Ben en même temps, si je m’en pose pas maintenant, quand le ferai-je?
Si le médecin de ma mère n’avait pas mis son essoufflement et sa fatigue sur le compte de la dépression, aurait-on pu trouver son cancer des poumons plus tôt?
Si l’aide-soignante qui desservait les plateaux-repas avait écouté mon père il y a trois ans quand, hospitalisé pour une banale opération, il s’était plaint d’une gêne à la déglutition, serait-on passé à côté de son cancer de l’oesophage?
Si l’équipe soignante qui a pris mon beau-père en charge s’était posé quelques questions sur l’hygiène hospitalière, serait-il sorti avec une infection nosocomiale?
Si l’équipe éducative qui s’occupait d’Amélie n’avait pas concentré ses recherches uniquement sur ce qui allait mal, aurait-on pu éviter de la prendre pour une autiste?
Trois morts et une surdouée plus tard, n’aurait-il pas mieux valu se poser des questions?
Alors oui, il est sans doute possible d’avancer sans se poser de questions. De trouver normal ce qui nous entoure. Ben oui, c’est comme ça, et tout le monde a l’air d’accord, donc ça doit être bien. Non?
Je sais, c’est très prêchi-prêcha dit comme ça, j’ai l’air de me donner le bon rôle, forcément. Babeth la super auxi, Babeth la super maman, Babeth et ses super réflexions… Ben non, justement, non, mille fois non. Babeth n’est pas super. Ou alors si, super nulle. Nulle en stage et nulle à la maison. Nulle en équipe et nulle en famille.
Je sais pas être une bonne stagiaire.
Je sais pas être une bonne élève.
Je sais pas être une bonne maman.
J’ai envie de tout arrêter. Appuyer sur retour rapide. Retrouver mon père, mon beau-père, et mon boulot. Retrouver l’époque où poser des questions me faisait avancer. Retrouver le temps où je ne me sentais pas aussi complètement nulle.
La vie doit être tellement belle quand on la prend comme elle est!
Témoignage d’EAS (1)
Premier stage.
Ça y est la ligne de stage est tombée. Chouette, le premier à 20 min de chez moi, à 5 min de ma ville d’origine, autant dire chez moi. C’est une USLD (Unité de Soins Longue Durée) qui dépend de l’hôpital psychiatrique le plus proche. À l’école on me dit que c’est de la géronto-psy. Comme une bonne élève, je me renseigne sur les pathologies psy les plus courantes avant d’y aller, et je remplis mes objectifs de stage; le premier : « découverte de la géronto-psy ». Première erreur!
Première semaine. Quand je suis accueillie par la cadre et que je lui montre mes objectifs, elle me rétorque « ici ce n’est pas de la géronto-psy, ce sont des personnes qui sont toutes passées par l’hôpital psy et qui ne peuvent y rester parce qu’elles sont trop âgées, mais ce n’est pas de la géronto-psy. »
Ok je me dis je verrai, on me présente à mes tuteurs, et je commence le deuxième secteur avec mon tuteur, enfin commence, en fait j’ai regardé. On me dit de poser des questions je le fais. Ah, mais j’ai oublié de préciser le service est très lourd, alors ne pas poser les questions ni pendant les pauses, ni pendant qu’on s’occupe des patients. Là je commence à être vraiment perdue, puisque quand le personnel ne fait pas les toilettes il est en pause, quand il ne donne pas à manger il est en pause, en fait ils sont très souvent en pause.
Deuxième semaine. J’ai pris mes patientes en charge, une première démence de type Alzheimer, qui fait ses besoins près de son lit et les cache sous celui-ci, personne ne me l’a dit. Je l’aide à faire sa toilette, l’encourage à faire seule, à s’habiller puis la laisse aller au salon avec les autres résidents. Puis je vais m’occuper de mon autre patiente. Quand j’ai fini, une ASH (Agent de Service Hospitalier) me tope et me dit d’aller chercher ma première patiente parce que, je cite, « elle a encore chié par terre et caché sa merde sous le lit, les autres lui font ramasser donc faut qu’elle ramasse ». Ok, je suis surprise, essaie de voir un aide-soignant pour lui en parler, mais ils sont tous avec les patients et faut pas les déranger. Donc je vais chercher des gants pour moi et la patiente et ramasse avec elle. Puis j’en parle avec l’équipe à la pause (pas le choix) et là, désaccord total, il y a ceux qui disent « moi je lui fais ramasser pour qu’elle apprenne » et ceux qui disent » mais le besoin apprendre est perturbé elle a Alzheimer. » Ok et moi je me place où dans tout ça même quand l’équipe n’est pas d’accord?
Troisième semaine. Repas du midi, une table de 3 patientes, il y en a une qui crie et une qui se marre en regardant la patiente en face d’elle. Je regarde cette patiente, elle a du mal à respirer : fausse route. Je m’approche, lui tapote le dos, ça ne passe pas, je panique un peu, j’appelle à l’aide, une AS arrive et dit d’aller chercher la gériatre, et là la cadre et la gériatre prennent la patiente par les bras (ben oui on va pas l’emmener dans son fauteuil au poste de soins c’est mieux de la traîner) et ils étaient 2 IDE, la cadre, la gériatre, et 3 AS dans le poste de soins à regarder la patiente s’étouffer et à essayer de la sauver. Au bout d’un quart d’heure ils y arrivent, mais je ne suis pas allée voir, je considérais ça comme du voyeurisme au vu de la pathologie de la patiente (hyper angoissée).
Quatrième semaine. Cadre en vacances, je dois donner un bain à une patiente suicidaire à qui il manque une jambe et les bras sont peu utilisables. Ok tout se passe bien, on me laisse seule (bizarre) et l’AS dit à la patiente « ne faite pas exprès de vous laisser glisser de la chaise! » (bizarrerie n°2). Je commence donc tranquillement, tout se passe bien on discute et à la fin quand je laisse la patiente se détendre avant qu’elle ne sorte, elle glisse, j’essaie de la remonter mais impossible, donc je la porte et la tiens par derrière, mes bras sous les siens pour lui maintenir la tête hors de l’eau et réfléchir calmement à une solution. Première solution : sonner pour appeler à l’aide. Souci, la sonnette est sur le mur d’en face, pas à côté de la baignoire, à deux ou trois mètres de distance, autant dire que si je lâche la patiente pour sonner et que je reviens, elle aura la tête sous l’eau et je ne suis pas sûre de pouvoir la remonter. Deuxième solution : vider la baignoire me diriez-vous, ah oui mais dans la panique j’y ai pas pensé (que c’est bête ces stagiaires!). Donc au final j’ai tenu la patiente jusqu’à ce que l’AS arrive et m’aide, elle m’a demandé pourquoi je ne l’ai pas lâchée pour vider la baignoire, ou appeler à l’aide et moi de lui répondre « ben j’ai pensé sécurité du patient, si je la lâchais elle n’était plus en sécurité donc j’ai attendu. » Pas de commentaires.
Fin du stage, retour à l’école, j’appelle la cadre pour le bilan de stage, je vais à mon RDV et là je tombe de très haut. J’ai été maltraitante avec la patiente quand je lui ai fait ramasser ses excréments, j’ai pas été voir comment ils ont sauvé la patiente qui s’étouffait, j’ai pas su gérer une situation d’urgence la dernière semaine. Je devrais songer à changer de projet professionnel, je ne ferai jamais une bonne AS, je ne sais pas donner une toilette, je ne respecte pas les patients et j’en passe…
Heureusement, mon deuxième stage s’est très bien passé, et sans avoir changé ma technique de soins on m’a dit que c’était bien, MSP (Mise en Situation Professionnelle) au troisième stage y a plus qu’à valider et décrocher ce diplôme. Pour une mauvaise élève je m’en sors plutôt bien pour le moment
Une simple toilette?
Deuxième stage. Cette fois encore, nous devons prendre en charge, non pardon, en soin, deux patients. Ce sont « nos » patients. Nous nous occupons d’eux en priorité et, s’il reste du temps, on peut aider auprès des autres.
Je revis. Ici, pas d’aide-soignante planquée derrière la porte pour chronométrer la toilette. Ici, j’ai le droit de prendre le temps. Et je le prends. Je fais connaissance avec les patients. « Mes » patients. Je les découvre, je les observe, je leur parle. Je découvre une équipe, je l’observe, je lui parle. Et je découvre avec bonheur que la prise en soin de l’aide-soignante ne se résume pas qu’à la sacro-sainte toilette. Parce que pendant le soin, on peut faire plein d’autres choses. Parler et faire parler, bouger et faire bouger, poser des questions, écouter des réponses… Aider et prendre soin, aider en prenant soin. Observer et rendre compte, et adapter la prise en soin : à la personne, à sa pathologie, à un objectif.
Finalement, la fameuse toilette n’est plus qu’un simple acte d’hygiène, c’est aussi un temps privilégié pour la parole, le mouvement, l’échange. Il y a de la beauté dans la simplicité.
Je revis. Vraiment. Continuer la lecture
Normale
Retour de stage un peu compliqué. J’ai pleuré (un peu), j’ai voulu renoncer (beaucoup), et j’ai parlé.
J’ai parlé avec mes camarades de promo, avec les formateurs, et avec le psy, en analyse de pratique.
À force de parler j’ai arrêté de pleurer, et arrêté de vouloir renoncer.
J’ai reçu des messages. Certains m’ont fait plaisir, d’autres m’ont fait bondir. Tous m’ont fait réfléchir.
Je n’ai pas la prétention d’être une élève au-dessus du lot. Je ne me pense pas comme étant une super auxiliaire de vie qui sera une super aide-soignante. Je ne suis pas une parfaite petite stagiaire qui voit et comprend tout en moins d’une semaine. Je ne suis rien de tout ça.
Je suis une élève normale, je pose des questions quand je ne comprends pas, je rame sur les cours d’anatomie, et je carbure au café toute la journée.
Je suis (j’étais?) une auxiliaire de vie normale, j’essayais de bien faire mon travail, d’être professionnelle, mais il m’arrivait de me tromper, de mal travailler, peut-être même d’être maltraitante sans m’en rendre compte.
Je suis une stagiaire normale. J’observe, j’essaie de comprendre, de faire, mais je ne suis pas sûre de moi, et ça me rend parfois maladroite.
Bref, je suis normale.
Ni meilleure ni pire que les autres. Ni une stagiaire imbue d’elle-même ni une espèce de petite conne prétentieuse qui se permet de juger sans connaître. Juste une stagiaire normale qui a cru voir des choses anormales et qui a voulu en parler pour voir comment était la normalité des autres.
Visiblement, nous n’avons pas tous la même.
Roméo et Juliette
Réunion de crise dans l’office pour parler de la stagiaire. Il y a là l’équipe du matin, celle de l’après-midi et… la cadre. Attention, ça rigole pas. La stagiaire? Pas conviée. Elle attend dehors, dans le couloir. Elle aurait dû renvoyer sa feuille d’évaluation à l’IFAS il y a deux jours mais… l’équipe n’avait pas encore parlé, pas encore coché les petites cases, pas encore mis son appréciation. C’est que ça prend du temps tout ça, il faut se mettre d’accord et savoir choisir ses mots.
La stagiaire attend. Dix minutes. Vingt minutes. Une demi-heure. Pour passer le temps, elle va dire au revoir à Madame Amour. Son mari est là, comme toujours, et comme toujours, il se tient à côté d’elle et leurs mains sont entrelacées. En apprenant son départ, il se met à pleurer. C’est malin, elle aussi a envie de pleurer maintenant!
Pendant ce temps, l’équipe écrit : « Manque de motivation. Manque de curiosité intellectuelle. » Voilà qui devrait lui faire passer l’envie de devenir aide-soignante!
Monsieur Amour pleure. La stagiaire pleurniche. C’est pas très sérieux tout ça.
Dans l’office, ça parle encore. Une heure que ça parle. De la stagiaire? Du stage? D’autre chose?
Dans la chambre de Madame Amour, la stagiaire remarque soudain quelque chose de nouveau : de la musique! Ce matin, elle avait suggéré à Monsieur Amour de ramener quelques disques à écouter avec sa femme, histoire de changer un peu de la télé qui vomit ses émissions débilisantes à longueur de journée. Sur la commode, elle vient de voir quelque chose : le « Roméo et Juliette » de Gounod! Elle chantonne : « Je veux vivre dans ce rêve… » Monsieur Amour sourit, Madame Amour applaudit, la stagiaire rit.
Qu’est-ce qu’on disait déjà? Ah oui : « Manque de motivation. Manque de curiosité intellectuelle. »
Quinze minutes
« Une toilette, c’est 15 minutes, pas plus! »
Voilà. Cette phrase, prononcée ce matin par une aide-soignante, je l’ai reçue comme un uppercut. Parce que je venais de finir ma première toilette au lit, seule, chez une dame hémiplégique (plus quelques autres broutilles), et que j’ai galéré.
Parce que je n’étais pas organisée. Parce que je n’étais pas douée. Parce que je n’étais pas pressée.
Parce qu’il y avait le change, et puis la toilette, et puis l’habillage, et puis le coiffage, et puis le brossage de dents… et puis le papotage!
Parce qu’il y avait une rougeur suspecte, et que la crème que j’étais censée appliquer était périmée depuis un an, alors forcément je pouvais pas.
Parce que je suis allée chercher l’infirmière, qui est venue, qui a regardé, et qui est revenue avec un pansement.
Parce que forcément, tout ça, ça m’a pris plus que 15 minutes.
Parce que j’aurais pu « oublier » le brossage de dents, « ignorer » la petite rougeur suspecte, « omettre » deux ou trois petites choses (voire plus) et peut-être que oui, j’aurais fini en temps et en heure.
Parce que finalement, malgré mes efforts pour bien faire, je me suis sentie nulle, à côté de la plaque.
Parce que toute la journée il y a eu plein de choses qui m’ont donné envie de pleurer.
Parce que putain, quand je serai vieille et dépendante, plutôt crever que d’aller dans ce genre d’endroit!
Parce que putain de merde, avoir traversé la guerre, avoir enfanté dans la douleur, avoir travaillé, sué, souffert, et finir là, plus tout à fait vivant mais pas tout à fait mort, non, vraiment, non, non, NON!!!! Continuer la lecture
Première semaine
Première semaine du premier stage. Je l’avoue, j’avais un peu peur. Pas des personnes âgées, non, au contraire ça me rassurait de commencer par un EHPAD. Non, LE truc qui me faisait flipper, c’était l’équipe. Parce que chez les AS y a surtout des filles. Donc des équipes de filles. Patati et patata, blablabli et blablabla.
Du coup, pour réussir mon intégration, je me fais stagiaire discrète. Sourires et humilité. Écouter, regarder, poser des questions… Noter plein de choses dans mon cahier, celui qui peut être lu par l’équipe, et noter des petites choses dans mon carnet, celui qui reste dans ma poche. Une petite phrase, un petit geste. Quelques exemples?
Jour 1
Mme A. : « J’ai envie de faire pipi. »
L’AS : « Vous avez une protection, faites dedans. » (euh… non, rien)
Jour 2
Tiens… certains sont couchés à 15h… Oh merde, c’est sérieux là?
Jour 3
Une AS à un résident : « Ça va pas bien dans votre tête vous! »
Jour 4
Une AS, parlant des résidents : « Oh, c’est comme des gosses en fait! » (ben non, en fait)
Jour 5
Une AS, à une personne hémiplégique qui crie de douleur pendant la toilette : « Vous n’avez qu’à la faire toute seule votre toilette! » (ha ha, très drôle)
Bon, je vais continuer dans le rôle de la stagiaire discrète, je sens que c’est préférable. Et planquer mon carnet. Et pleurer.
Une douche et dodo!
Rester assise des heures d’affilée, c’est un peu dur au début, mais on s’y fait assez vite.
Écrire, écrire, écrire encore, c’est juste une habitude à (re)prendre, et retrouver le plaisir d’écrire au plume ferait presque oublier les crampes.
Apprendre, découvrir, comprendre, c’est passionnant.
Discuter, rire, profiter du covoiturage pour relire les cours de la journée, ça rappelle le bon vieux temps (quand j’étais jeune, il y a un certain temps, voire un temps certain).
Mais partir le matin sans embrasser mes enfants, angoisser en permanence pour l’organisation familiale, avoir l’impression de passer à côté de tout… Là j’avoue, j’ai du mal.
Tout change, tout est bouleversé, je ne fais que passer. Un bisou par ci, une tétée par là, une douche et dodo.
Oui, la formation est super, oui, je suis drôlement contente d’y être mais quand même, j’ai hâte d’avoir fini!
Les corps nus
Je vais découvrir des corps. Toutes sortes de corps.
Les corps des bébés, petites choses potelées, avec leur peau toute douce.
Les corps des enfants, toniques.
Les corps des ados, pudiques.
Les corps des adultes, avec leurs bourrelets, leurs poils, leurs odeurs.
Les corps des vieux, fripés, marqués, fatigués.
Les corps des obèses, lourds, dégoulinants de chair.
Les corps des malades, décharnés, fragiles, abîmés.
Les corps des endormis, perfusés, appareillés, ventilés.
Les corps des brûlés, fragiles, sensibles, horribles.
Les corps des blessés, douloureux.
Les corps des morts, froids, raides, apaisés.
Des corps que je vais laver, toucher, masser. Apaiser. Des corps que je vais regarder, sentir, découvrir. Des corps beaux et des corps laids. Des corps propres et des corps sales. Des corps vivants et des corps morts.
Des corps qui me rappelleront d’autres corps. Ceux de mes enfants, ceux de mes parents, le mien.
Le corps de l’enfant brûlé ne sera pas celui de ma fille.
Le corps du bébé maltraité ne sera pas celui de mon fils.
Le corps de la femme malade ne sera pas celui de ma mère.
Le corps de l’homme mort ne sera pas celui de mon père.
Le corps de la femme amputée ne sera pas le mien.
Je veux prendre soin de ces corps inconnus comme je prendrais soin du mien et des corps que j’aime. Je veux être douceur et pudeur, déférence et patience.
Le geste et les mots.
Le souvenir d’un sourire.
Apprendre
Rentrée
J’ai fait ma rentrée.
J’ai préparé ma trousse, mon agenda et mon sac. J’ai révisé l’anatomie, la physiologie, et j’ai pas tout compris. J’ai dit bonjour à des élèves et dit au-revoir à mes enfants.
J’ai donc fait ma rentrée et j’ai raté celle d’Amélie.
J’avais tout prévu : sac fait, pique-nique préparé, trajet repéré. Tout prévu… Sauf un baby Georges réveillé. Qui se met à hurler cinq minutes avant mon départ. Chagrin, câlins, tétée. Re-chagrin… le mien cette fois. Pas fière la Babeth.
Le chômage à 35 ans? Pas peur!
Une nouvelle formation? Pas peur!
Laisser mon bébé? Je pleure!
Ben voilà, c’est malin ça!
Découverte de la promo. Des jeunes et des moins jeunes, des avec ou sans expérience. C’est chouette, il y a de tout, les échanges n’en seront que plus riches. Beaucoup de filles. Normal. Ça papote et ça blablate. Reprendre l’habitude des équipes de filles, ça fait tout drôle. Je trouve ça marrant de manger dehors au soleil, je trouve ça moins drôle quand ça commence à parler crèmes de beauté. Bon, des filles quoi. Mais c’est drôle, j’aime bien.
Découverte des cours. C’est vif, c’est intéressant. Ça me rappelle l’école d’éduc’. Souvenirs souvenirs. La prise de notes, c’est dur de s’y remettre, et rester assise toute la journée… dur dur aussi! Mais qu’est-ce que c’est agréable d’être à nouveau celle qui apprend, celle qui reçoit! Qu’elle est confortable cette position d’élève! Oreilles et yeux ouverts, écouter, regarder… s’enrichir de nouvelles connaissances, faire le lien avec ce que l’on sait déjà, se raccrocher à une situation, rebondir sur une définition. Cerveau en ébullition, j’adore!
Bref, l’année commence plutôt bien, c’est dur de partir le matin, mais ô combien agréable de rentrer le soir.
Et vous savez quoi? J’ai hâte de commencer les stages! Continuer la lecture
Stress
Bon bon bon…
La rentrée c’est bientôt…
Je suis censée connaître l’anatomie du corps humain. Et la physiologie.
Mouais. J’ai un bac littéraire moi! (avec mention… eh ouais!)
Donc, pour résumer, je peux disserter sur les émotions et les sentiments, je peux chanter à tue-tête tout le final de Faust (celui de Gounod bien sûr) avec Marguerite, Faust et Méphistophélès (même que je fais tous les rôles, même pas peur), je peux même vous faire un debout au galop sans les mains (ouais je me la pète grave et j’assume) sur un super canasson nommé Laïba (coucou DocAdrénaline)… Mais…
Je suis pas foutue de situer la rate, le pancréas et tous ces bidules flasques et bizarres qui sont dans le corps humain.
La vie serait plus simple si nous étions tous des mollusques non?
Au commencement
19 janvier 2013
Au commencement, j’ai déjà un blog. D’ailleurs si vous êtes arrivé ici, c’est sans doute en venant de là. Et si vous avez lu ce blog, vous savez que ma situation du moment est précaire. Pas diplômée (du moins pas dans mon domaine), sans emploi ou presque, bref l’avenir s’annonce plutôt sombre. 2012 était une année difficile, j’efface et je ne retiens que Georges, le plus beau petit garçon du monde! 2013, nouvelle année, nouveaux projets : et si je devenais aide-soignante? (oui parce que médecin c’est trop long quand même!)
Alors voilà, un nouveau blog pour écrire, parce que j’ai pas envie d’en parler pour le moment, mais j’ai quand même envie de l’écrire, pour avoir une trace. Un blog secret donc, que je suis la seule à lire. Et selon l’avancée du projet, ce blog sera ouvert au public. Prochaines étapes : Évaluation en Milieu de Travail à partir de lundi dans un domicile partagé, concours oral AS le 30 janvier et le 11 février (je tente deux écoles, sachant que certains en font cinq ou six…), résultats le 4 avril. En attendant, tentatives de révisions entre deux tétées/couches/trajets/courses et j’en passe et tentatives de zen attitude entre deux, non, trois interrogations métaphysiques (D’où viens-je? Où suis-je? Où vais-je?).
Y’a pas grand-monde au courant, parce que je suis tellement sûre de rater ce concours que je préfère ne pas avoir à dire « oh ben zut, j’ai raté ». Si je l’ai, ce sera super méga chouette, sinon, ben tant pis… je retenterai l’année prochaine!
Bon allez zou, Georges dort (enfin!), je retourne à mes révisions!
4 avril 2013
Jour des résultats
14 juin 2013
Et voilà, j’ai fait ma pré-rentrée. Rencontre avec la promo, essayage des tenues de stage, découverte du planning de formation. Effervescence. Et premières questions. Les lieux de stage, le financement, l’organisation familiale… J’avoue que tout ça n’est pas très clair pour moi.
Hâte et peur en même temps. Hâte de commencer, d’apprendre, de découvrir… Et peur. Peur parce que les stages peuvent être assez loin de chez moi, avec des temps de trajet assez conséquents. Je le savais en passant le concours, pas de mauvaise surprise là-dessus, mais ça ne m’empêche pas de stresser un minimum. Par rapport à Georges et Amélie, par rapport aux frais de route, par rapport à… Mon âge! Oui oui, mon âge! Est-ce que j’apprendrai aussi facilement à 36 ans qu’à 20 ans? Comment se passera l’intégration en équipe pour une « vieille » débutante? Comment vais-je appréhender les rapports de hiérarchie?
Je vais découvrir un métier, mais aussi une autre façon de travailler. J’ai pris l’habitude d’être seule, je vais travailler en équipe. Travailler sous le regard des collègues, voilà quelque chose dont j’ai perdu l’habitude. Travailler avec des filles. Beaucoup de filles. Avec des histoires de filles.
Hâte et peur donc.
Mais surtout hâte!
Et pour fêter ça, nouveau blog. Parce que je ne suis plus auxiliaire de vie mais élève aide-soignante. Vieux et merveilles continue sa vie, parce que j’ai encore plein de choses à y écrire, et surtout parce que mine de rien, j’y suis drôlement attachée à ce blog, et encore plus à tout ce qu’il m’a permis de faire. Je serai donc tantôt ici tantôt là-bas… En attendant le diplôme! Continuer la lecture