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Archives de catégorie : colère
10 La colère
Je revenais, avec un peu de retard de ma séance de préparation à la naissance. C’était la faute des massages, clairement. Je finis toujours cette séance-là en retard. Je suis arrivé dans le cabinet, mais il n’y avait personne devant la porte. La salle d’attente était ouverte, ma colocataire finissait ses consultations du matin, mais … Continuer la lecture
Accompagner
Elles ont la mine grave, les regards bas, et le silence lourd. Une fille à sa droite, l’autre à sa gauche, elles la soutiennent et se consolent à la fois. Les larmes dignes, discrètes, du coin de l’œil. Elle a … Lire la suite → Continuer la lecture
Accompagner
Elles ont la mine grave, les regards bas, et le silence lourd. Une fille à sa droite, l’autre à sa gauche, elles la soutiennent et se consolent à la fois. Les larmes dignes, discrètes, du coin de l’œil. Elle a … Lire la suite → Continuer la lecture
Accès de rage
Potage bouillonnant d’acide chlorhydrique Abdomen grommelant, aux crampes frénétiques. Je râle en agitant les flammes qui m’habitent Et chauffent le venin que, las, je régurgite. Maléfiques torsions et relents d’amertume De ce bol corrosif, syndrome dyspeptique, Et sa lente ascension … Lire la suite → Continuer la lecture
Réunion de pigeons
L’histoire se passe il y a quelques années. À l’époque, je travaille à temps très très partiel, nous habitons un quartier un peu pourri, et Amélie vient de commencer sa prise en charge au CPEA… Bref, notre vie n’est pas très gaie. C’est le début du mois, le virement ASSEDIC a du retard et, inquiète, je les appelle. Je tombe sur une charmante dame, D.B., qui m’écoute très gentiment lui expliquer notre situation (catastrophique). Au bout de quelques minutes, elle me dit qu’elle aurait peut-être quelque chose à me proposer et qu’elle me rappellera très vite. Je suis plutôt perplexe. L’ASSEDIC et l’ANPE sont à l’époque deux organismes bien distincts et je me demande pourquoi cette gentille dame se propose de m’aider. Au téléphone, Madame D.B. ne me dit grand chose, alors je prends mon mal en patience, et j’attends qu’elle me rappelle. Le soir, quand mon mari rentre du travail, je lui parle de cette dame, et de sa proposition d’aide. Je suis confiante, mon mari l’est moins. L’avenir me dira qu’il a raison.
Quelques jours plus tard, Madame D.B. me rappelle et me propose un rendez-vous le 10 janvier pour « quelque chose de nouveau ». Oui mais le « quelque chose », c’est quoi ? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec l’éducation spécialisée ? Madame D.B. Sait que je suis monitrice éducatrice en recherche de poste, aurait-elle des contacts dans ce domaine ? Mais la « gentille » conseillère reste mystérieuse. Elle ne veut pas en dire plus au téléphone, et me dit juste dit que c’est « très intéressant ». Je demande alors naïvement si ça a quelque chose à voir avec le social, et mon interlocutrice me répond que d’une certaine façon, oui, puisqu’il y a beaucoup d’argent à gagner… Hem! De moins en moins naïve, je demande si c’est de la vente à domicile ou quelque chose dans le genre, ce à quoi Madame D.B. répond que c’est « du marketing internet ». Voilà. Madame D.B. ne veut pas en dire plus, elle me laisse juste son numéro de portable ainsi que le lieu et la date du rendez-vous.
Du coup, je me pose des questions : est-ce que c’est de la vente pyramidale? Est-ce que c’est Herbalife? Est-ce qu’il faut vendre des manuels « comment gagner des millions sur internet » à des pauvres naïfs? Est-ce que c’est du téléphone rose (ben quoi? j’ai une voix très sexy il parait)? Est-ce que c’est juste une banale secte qui récupère les pauvres chômeurs désespérés? Est-ce que Mme D.B. est la fille du dernier président du Nigéria dont l’héritage a été spolié? Est-ce une extra-terrestre qui enlève les Bretons afin de leur extorquer la recette du kouign amann? Est-ce une dangereuse psychopathe?
Bref, je me pose plein de questions… et je rappelle au passage aux lecteurs attentifs que Mme D.B., travaillant pou l’ASSEDIC, est en contact permanent avec des chômeurs et a accès à plein d’informations sur eux (nom, prénom, date de naissance, numéro de sécu, adresse, téléphone…). The question is : est-ce vraiment déontologique?
Alors, votre avis???
Le 10 janvier arrive et j’ai eu largement le temps de réfléchir à l’affaire « marketing internet ». Je suis de moins en moins motivée pour aller faire ma curieuse au péril de mon état mental précaire… mais je me dis que je n’ai rien à perdre alors, autant aller voir…
Je pars presque à l’heure de chez moi, mais forcément, je me perds en route (acte manqué?), et j’arrrive donc franchement en retard. Petit lotissement tout neuf, petites maisons toutes bien alignées, petites allées, petits rond-points… et me voilà au 2 rue H.T. Je me gare, je respire, je sors de la voiture, je jette discrètement un petit coup d’oeil par la fenêtre… et je vois un petit groupe sagement assis devant un lecteur DVD… mouais, ça sent le bourrage de crâne ce truc. Je sonne, « excusez-moi pour le retard, patati patata, j’ai écrasé un sanglier… bla bla… j’ai porté secours à un hérisson en détresse… patata… j’ai percuté une trottinette conduite par une rasta en string… patata… » bref je me confonds en excuses (mais pas trop quand même), je rentre, je m’assieds… et j’admire! Au programme ce soir : la vie merveilleuse des conseillers A***, leurs salaires mirobolants, leur séminaire au Mexique, leur bonheur, leur joie de vivre, leur beauté… rhoooooo, c’est magnifique, j’en chialerais presque! Fin du DVD… gros silence. Et là, la quasi-chômeuse innocente et naïve que je suis demande :
– Faut vendre quoi?
– Justement, j’ai des catalogues, répond la merveilleuse conseillère A*** (qui est aussi interlocutrice ASSEDIC, pour ceux qui auraient perdu le fil). Je feuillette, les pigeons accompagnateurs aussi… mouais, bof, rien de fabuleux : fringues, produits ménagers, bijoux, produits de beauté… de la marque A*** bien sûr! Le principe est simple: le vendeur touche 5% de ses ventes (mais vu le prix des produits, il a intérêt à être bon vendeur!) et un pourcentage des ventes de ses filleuls… hum hum, mais ça ressemble à de la vente pyramidale ça!
Bref, je ne suis pas convaincue… surtout que Madame D.B. insiste lourdement pour nous refourguer son « complément d’information » avec DVD explicatif et produits test pour la modique somme de… 99 euros! Aaaaaargh, il est là le piège!!! Je reviens à la charge et demande, toujours avec ma douce voix innocente, s’il faut acheter du stock.
– Mais pas du tout, me répond la gentille-conseillère-de-mes-deux, il y a les catalogues… mais il faut les acheter (hi hi, elle est rigolote!). Bon, je suis pas complètement stupide, si je veux qu’un client-pigeon m’achète un truc, il faudra bien que je le lui montre en vrai… donc que je l’aie avec moi… donc il faut que je l’achète AVANT! Bref, je ne suis pas intéressée, et je décline poliment mais sèchement l’offre pas très alléchante de Madame D.B. Au passage, je lui fais quand même remarquer que cette façon de « recruter » n’est pas très déontologique, et que je ne serais jamais venue si elle m’avait annoncé clairement la couleur. Madame D.B. hausse les épaules et, d’un ton condescendant, rétorque qu’elle m’offre une chance de gagner de l’argent et que je devrais l’en remercier au lieu de le lui reprocher. Salope ! Je quitte ce traquenard de façon fort peu cavalière, en me retenant de claquer la porte.
En sortant de là, je suis franchement énervée, d’autant plus que quelques uns des potentiels pigeons convoqués à cette masquarade ont signé un chèque pour acquérir le fameux DVD. Ma seule envie, c’est de contacter l’ASSEDIC pour leur raconter cette histoire, mais Madame D.B. m’a fait entendre que j’avais tout intérêt à garder ça pour moi… Malhonnêteté et chantage…
Plusieurs années plus tard, j’en ai quand même parlé à un conseiller Pôle Emploi. Il a froncé les sourcils et noté le nom, mais je ne pense pas qu’il y ait eu de suite… Combien de chômeurs sont encore contactés par Madame D.B aujourd’hui? Mystère… et crotte de pigeon!
Empathie
Récemment, en parcourant un groupe dédié aux auxiliaires de vie sur Facebook, je suis tombée sur ça :
Instantanément, j’ai pensé à Monsieur B, mais aussi à Madame LDV. J’ai aussi pensé à Madame Pasdbol et à quelques autres qui m’ont laissé un souvenir plus ou moins mitigé. Par curiosité, je suis allée lire les réponses. Au moment où j’écris ce billet, il y a une cinquantaine de commentaires sous ce post, c’est dire si la discussion va bon train. Dans les commentaires, je cherche quelques éléments décrivant un peu mieux la situation. Je découvre quelques précisions données par l’auxiliaire de vie qui témoigne :
« Je les signaler aussitôt le mr est sous tutelle,pas moment il a pas toute sa tête ,il es suivi par un psy.il es handicapée il a eu un avc très jeune .il à 55ans.pas famille »
« Elle a envoyer un mail à la tutrice de je le mois dernier il avait peut un couteau pour ce trancher la gorge on a enlever tout qui était dangereux à domicile »
« il 2frigo 1dans le bâtiment fermer au cadenas et un dans la cuisine nn fermer pour ses repas matin midi soi r prépare »
« ce le à que 12cigarette par jours ,café télé à par cela il fait rien de la journée ces pour au cache la nourriture il mangerai toute la journée. Au juste ces ça seule drogue »
Pour résumer, ce monsieur de 55 ans, célibataire sans enfant, a fait un AVC il y a longtemps, souffre de troubles cognitifs, et est sous tutelle. Il est tabaco-dépendant et semble socialement isolé. Il bénéficie d’une auxiliaire de vie pour les courses (et sans doute d’autres choses) et n’est pas autonome dans la gestion de ses repas. Il peut se montrer violent envers les autres et lui-même. Je pourrais aussi vous dire dans quel département il habite mais c’est sans intérêt pour la suite du billet.
Bon, là c’est résumé dans les grandes lignes.
Maintenant que je comprends un peu mieux le contexte, je relis les commentaires plus attentivement. Beaucoup conseillent de prévenir le/la responsable, de faire une déclaration d’accident du travail et d’exercer un droit de retrait. Des conseils sages au vu de la situation. Mais il me manque quelque chose.
Quand je m’étais trouvée en difficulté face à certains bénéficiaires violents (verbalement et/ou physiquement), j’avais eu la triste impression de ne pas être entendue. Je m’étais retrouvée seule face à des comportements que je ne comprenais pas et auxquels je n’étais pas préparée. Seule et désemparée. L’unique question que je me posais à l’époque était la suivante : comment? Comment réagir? Comment faire? Comment continuer? Je n’avais pas trouvé de réponse idéale et m’étais alors contentée d’étaler mon désarroi ici. Madame Grandchef, en me montrant gentiment la porte après que je lui avais annoncé ma grossesse, m’avait sans le vouloir rendu un grand service. En m’offrant plus de temps libre que ce que mon arrêt maternité m’octroyait, j’avais pu accompagner la fin de vie de mon père et faire une formation d’aide-soignante. Et j’ai compris une chose.
J’ai compris que je ne me posais pas les bonnes questions, ou du moins pas au bon moment. Parce qu’avant de me demander « comment », peut-être aurait-il fallu que je me demande « pourquoi ». Pourquoi Madame LDV ne m’aime-t-elle pas? Pourquoi Monsieur B. est-il aussi agressif? Pourquoi Madame Pasdbol ment-elle continuellement?
Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?
Si j’avais eu la réponse à ces questions toutes simples, j’aurais peut-être plus facilement trouvé le « comment ». Comment réagir? Comment répondre? Comment faire?
Mais, pour me poser les bonnes questions, encore aurait-il fallu que je réfléchisse autrement. Je réfléchissais avec mes valeurs et ma normalité. Je pensais en tant que Babeth, aide à domicile, 35 ans, mariée, maman, en bonne santé physique et mentale. Mais ma normalité n’était pas la leur. Ma vie n’était pas la leur.
J’aurais pu réfléchir différemment, en me mettant cinq minutes à leur place.
Et si c’était moi, la veuve délaissée par ses enfants, dépendante au point de ne plus pouvoir sortir faire ses courses, à qui l’on impose une auxiliaire un peu trop souriante?
Et si c’était moi, celui qui souffre continuellement, rongé par la dépendance à l’alcool, que plus personne ne vient voir?
Et si c’était moi, la femme mal-aimée, rejetée par sa propre mère, qui n’a pas conscience de ses incohérences et reste persuadée que tout le monde ment autour d’elle?
Si c’était moi, ne serais-je pas agressive moi aussi? Ou méprisante? Ou violente?
Je ne me posais pas les bonnes questions, parce que je ne faisais pas preuve d’empathie. Je croyais être une bonne aide à domicile. J’étais souriante, polie, travailleuse. J’aimais mon travail et je ne comprenais pas pourquoi, malgré toute ma bonne volonté et mes sourires polis, je ne parvenais pas à établir une saine relation d’aide avec certains bénéficiaires. Certains m’étaient sympathiques, d’autres carrément antipathiques, et je ne savais pas me situer professionnellement au milieu de cette cascade d’émotions parasites.
Sympathie et antipathie. Voici les mots qui m’ont piégée. Trop ceci, pas assez cela. Trop proche, trop distante, trop souriante, trop sur la défensive.
Puis j’ai fait une pause forcée, j’ai eu un enfant, j’ai perdu mon père, je suis devenue aide-soignante, et j’ai repris le travail. Différemment.
J’ai découvert l’empathie.
L’empathie (du grec ancien ἐν, dans, à l’intérieur et πάθoς, souffrance, ce qui est éprouvé) est une notion désignant la « compréhension » des sentiments et des émotions d’un autre individu, voire, dans un sens plus général, de ses états non-émotionnels, comme ses croyances (il est alors plus spécifiquement question d’« empathie cognitive »). En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l’expression « se mettre à la place de » l’autre.
Cette compréhension se produit par un décentrement de la personne et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l’empathie, indépendamment, et parfois même au détriment des intérêts du sujet ressentant l’empathie. Dans l’étude des relations interindividuelles, l’empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d’altruisme ou de contagion émotionnelle qui peuvent en découler. (Wikipédia)
J’ai réalisé que pour comprendre une situation, je dois réfléchir autrement. Non plus avec ma normalité mais avec celle de la personne qui est en face de moi. Je dois déposer mes valeurs et mes idées sur le paillasson de l’entrée et me plonger dans une autre dimension, celle de l’Autre. Je dois pouvoir l’entendre et l’écouter, le voir et le regarder. Je dois me demander ce que je ferais à sa place, avec ses valeurs, ses possibilités, et non ce qu’une personne de « ma » normalité ferait à sa place. Je dois changer de normalité comme je change de patient, voilà tout. C’est à moi de m’adapter à lui et non le contraire. Ça paraît tellement évident quand je l’écris, et je me sens tellement stupide de ne pas y avoir pensé plus tôt!
Pour en revenir au débat initialement cité, je trouve qu’il illustre parfaitement le sujet. Parce qu’en lisant ce post, la première chose que j’aurais ressentie il y a quelques années, c’est de la sympathie pour la collègue agressée, ou de l’antipathie pour le responsable d’agence qui n’intervient pas. Aujourd’hui, après une naissance, un deuil, une formation et un coup de coeur professionnel (faudra que je vous parle de Naomi Feil un jour, vous m’y ferez penser?), ma première réaction a été de demander pourquoi la nourriture était sous clé, et de me dire que ça devait être terrible de devoir subir une interdiction pareille. Terrible et maltraitant
Ça paraît évident de se poser la question, je sais, mais ça ne l’était pas pour moi il n’y a encore pas si longtemps. Spontanément, ça n’aurait pas été ma priorité. J’aurais demandé « comment » mais pas « pourquoi ». Et je ne me serais pas demandé comment j’aurais réagi à SA place.
Du coup, désolée si je me permets un quart d’heure cocorico (tant pis, j’assume), mais je suis contente du chemin parcouru depuis Monsieur D. et Madame LDV., contente de faire de belles rencontres qui me font voir les choses différemment, et contente de poursuivre ma route en me disant que j’ai encore plein de choses à découvrir.
Et même, j’en profite pour vous balancer un petit lien vers le #mededfr, parce qu’on en avait parlé et que ça avait été un chouette débat :
https://mededfr.wordpress.com/2014/11/13/mededfr-22-lempathie-ca-sapprend/
Petite mamie
Ce billet fait suite à celui-ci, écrit il y a un petit moment.
Parfois, quand je m’ennuie, ou quand je cherche un peu d’inspiration pour un billet ou un article, je vais regarder du côté des réseaux sociaux et de ce qui se raconte sur les groupes dédiés aux auxiliaires de vie. Ma source principale, je l’avoue, c’est Facebook. Et j’y trouve des trésors.
Hier, une auxiliaire de vie en formation a posé la question suivante :
E. : « Que pensez-vous des personnes âgées? »
La question m’a surprise. C’est comme si je demandais à un médecin « que pensez-vous des patients? » ou à un concessionnaire « que pensez-vous des conducteurs? »
Ma curiosité étant piquée, je suis allée lire les réponses. Et j’ai bien failli tomber de ma chaise!
Un petit florilège des réponses lues sur le fil (je n’ai laissé que les initiales des intervenants mais ai laissé l’orthographe et la syntaxe des réponses, je m’appelle Babeth, pas Bescherelle).
M. : « Attendrissant avec des humeurs varier »
Y. : « Des enfants mais avec de l’expérience. Pas si stupides ni naïfs. Se méfier de certains. Parfois même si j’aime mon travail, certains m’agace… Voilà pour ma franchise. »
« On agit avec eux comme pour ces derniers. Ils nous faut faire preuve de patience, tolérance, explications pour ne pas les brusquer. Reexpliquer à plusieurs reprises.. Être egalement doux mais parfois ferme. Cest un travail très psychologique je trouve. Ils nous faut beaucoup de tempérance mais aussi d’écoute. Ils répètent tous ( comme des gosses dans la cour de recré) et nous font aussi répéter. ^^…sont parfois capricieux, et aimes nous tester. voilà en résumé.. »
« Si on est trop laxiste avec certains, on peut facilement se laisser bouffer. »
A. : « Pour certain je pense que effectivement il faut être ferme pour arriver a ses fins c est malheureux mais moi je suis obligée de l être avec un de mes clients qui fuit les douches et ne jure que par les toilettes du coup soucis dermato apres voila »
À ce stade de la lecture, je commence à bouillonner. Je m’imagine, vieille et dépendante, aux mains d’auxiliaires qui me trouveront « attendrissante » (ou pas) et qui me traiteront comme une enfant capricieuse. Je frémis d’horreur devant l’image d’une bonne femme que je ne connais pas me forcer à finir ma soupe ou à aller prendre ma douche. Je pense déjà aux moqueries que je susciterai quand je demanderai pour la troisième fois en une heure à quelle heure passe le médecin. Du coup, je vais voir les autres fils de discussion. Plus bas sur la page du groupe, je trouve une discussion tout aussi sidérante.
S. : « Bjr merci pour l ajout je suis auxiliaire de vie depuis 1 ans et je m occupe d une petite mémé de 104 ans »
« Quand je dit mémé c est par affection elle est seule et pas famille à proximité nous avons tissé des liens forts«
M. : « Tu raison de l appeler mémé si elle est d accord se n’est pas un manque de respect et que sa fasse 1ans ou 10ou est le problème »
R. : « Vous partez loin avec vos histoire de mémé c’est pas une nom qui salis une dame c’est pas comme si tu lapeller la vieille .. »
« Bah petite mémé c’est pas nom plus vulgaire faut pas abuser ya rien de chocant enfin pour moi après chacun son avis »
Donc, quand je serai vieille, on m’appellera « mémé » et je n’aurai pas mon mot à dire. Je ne serai plus ni Madame ni Babeth, je ne serai plus qu’une petite mamie à qui on ne demande plus son avis. Une attendrissante petite mamie qui doit finir sa soupe bien gentiment et ne surtout pas manifester le moindre désaccord sous peine de passer pour une infernale vieille bique.
J’ai 38 ans. J’ai piloté des planeurs. J’ai fait des études. J’ai fait de la voltige et me suis tenue debout sur un cheval au galop. J’ai lu des livres, plein. J’ai pleuré en écoutant le Faust de Gounod. J’ai appris l’allemand, l’anglais, l’italien, le latin, le grec ancien, le polonais et l’espagnol (mais j’ai presque tout oublié, sauf l’italien). J’ai accompagné mes parents en fin de vie, dans la douleur. J’ai assisté à une vraie évasion de prison, avec hélicoptère et tout et tout! J’ai donné le sein à un enfant qui n’était pas le mien. J’ai accouché sans péridurale, deux fois (et je vous prie de croire que j’aurais préféré l’avoir, cette foutue péridurale!). J’ai assisté, impuissante, aux ravages de l’alcoolisme de mes parents. J’ai vécu, de ce fait, des choses pas très rigolotes qu’une enfant ne devrait pas avoir à vivre. Je m’en suis remise. Sacrée résilience. J’ai emménagé en Bretagne sur un coup de foudre et un coup de tête. J’ai fait des choses dont je suis fière, et d’autres auxquelles je ne préfère pas penser.
Et quand je serai vieille, toute cette vie, ma vie, sera balayée par une connasse (pardon pour le terme mais je n’en trouve pas d’autre) qui parlera de moi en penchant la tête sur le côté et en disant d’un air sirupeux « elle est mignonne cette petite mamie, mais faut pas que je me laisse bouffer hein, sinon elle va en profiter, c’est sûr ». Et cette connasse, en disant cela, se sentira sans doute supérieure à la petite vieille ratatinée que je serai devenue. Cette connasse se considérera peut-être même comme ma sauveuse, celle qui est là pour mon bien, parce que moi, pauvre petite vieille, je serai bien incapable de prendre la moindre décision me concernant.
J’ai peur. Peur de vieillir et d’être dépendante. Peur qu’on soit ferme avec moi pour mon bien. Peur d’être aux mains d’une connasse qui viendra me caresser la tête un peu trop gentiment en m’enfonçant une cuillère dans la bouche pour que je finisse cette putain de soupe. Peur qu’un jour ma vie tout entière ne se résume plus qu’à cette image de mignonne petite vieille attendant sagement le passage de sa gentille auxiliaire si dévouée. Peur de n’être plus moi, tout simplement.
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La mésentente
En bleu, c’est Sidonie, auxiliaire de vie diplômée.
En noir, c’est Madame Couché, épouse de Monsieur Couché.
Sidonie est une soignante, Madame Couché est une aidante. Toutes deux prennent soin de Monsieur Couché.
Et voilà, je me suis encore fait avoir! J’aurais dû être ferme, j’aurais dû expliquer (une fois de plus) que je suis auxiliaire de vie, pas aide-ménagère, pas bonniche, pas bonne à rien. J’aurais dû lui dire à cette bonne femme, que je suis pas là pour ça. Mais j’ai pas osé. J’avais pas envie. Pas envie de m’énerver dès le matin. Pas envie de parler, pas envie d’expliquer, pas envie d’argumenter. Alors j’ai fait ce qu’elle m’a dit. J’ai obéi, sans discuter, comme si de rien n’était. Comme si c’était normal.
J’étais censée être là pour Monsieur Couché, pour l’aider à se lever, à se laver, à s’habiller. J’étais censée faire ça, oui, ainsi que le petit-déjeuner. J’avais une heure pour faire tout ça, c’était largement assez. Pour une fois, le plan d’aide permettait vraiment d’intervenir dans de bonnes conditions, et pas au pas de courses comme chez tant d’autres. Mais quand je suis arrivée, à huit heures tapantes comme tous les matins, Monsieur Couché n’était plus couché. Il était levé, lavé et habillé. Il avait même pris son petit-déjeuner! Et moi, j’étais là, complètement inutile, face à ce monsieur qui n’avait déjà plus besoin de moi, à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire avec lui. Alors, en bonne professionnelle que j’espère être, je lui ai proposé autre chose. Après tout, si Monsieur Couché se débrouille tout seul pour « les activités de la vie quotidienne », je peux aussi proposer mon aide pour « le maintien de la vie sociale ». J’étais sur le point de lui suggérer de lui lire son journal (il ne peut plus, le pauvre, avec sa DMLA galopante) quand sa femme a surgi de nulle part pour me demander de faire la vaisselle, les lits (oui, LES lits, donc celui de Monsieur et celui de Madame) et un peu de ménage.
Mais… Mais… Mais?! Mais je suis pas là pour ça! Je suis là pour Monsieur Couché, pour l’aider lui, pas pour la maison, pas pour elle! Je suis auxiliaire de vie, pas aide-ménagère! J’ai fait une formation, j’ai passé un diplôme, c’est pas pour me retrouver à faire du ménage à huit heures du matin alors qu’il y a déjà une aide-ménagère qui vient pour ça deux heures par semaine!
Ça, c’est ce que j’ai pensé très fort… Mais comme tous les matins, je n’ai pas osé le dire. Et comme tous les matins, j’ai fait ce que Madame me demandait de faire. J’ai fait la vaisselle du petit-déjeuner, j’ai fait les lits, j’ai passé un coup de balai et étendu le linge. J’ai fait tout ça en silence, pendant que Madame restait enfermée dans sa chambre. J’ai fait tout ça en retenant mes larmes, parce que je me sentais nulle, et inutile. J’ai fait tout ça en maudissant Madame Couché de me voler mon travail, en maudissant ma responsable de secteur de ne jamais mettre les choses au point avec les bénéficiaires et leurs familles, et en me maudissant d’accepter d’être ainsi rabaissée. J’ai maudit tout le monde, fait signer ma feuille de présence, et suis partie chez Madame Debout, qui allait sans doute me demander de faire la poussière, une fois de plus, alors que je l’ai déjà faite hier…
Ça y est, elle a réussi à me mettre de mauvaise humeur pour la journée! Tous les matins c’est la même chose, et ça fait des mois que ça dure! Elle se pointe à huit heures, la bouche en coeur, avec sa jeunesse effrontée et ses petits bras musclés, et elle se met en tête de s’occuper de mon mari. Sauf que mon mari, merci mais ça va, je m’en occupe. Parce qu’à huit heures, ça fait déjà longtemps qu’il est prêt mon bonhomme! Tu parles, à six heures il est réveillé et il hurle pour que je vienne le lever, alors je vais quand même pas attendre deux heures que Mademoiselle Sidonie se ramène! Je leur ai dit, pourtant, au bureau, que huit heures c’était trop tard, mais ils m’ont dit que personne n’intervenait avant cette heure, et que si je n’étais pas contente je pouvais toujours m’adresser à une infirmière libérale… Sauf que chez nous, les IDEL, elles viennent plus pour les aides à la toilette, alors je fais comment moi? Eh ben je vous le donne en mille : je fais, et puis voilà, c’est pas plus compliqué que ça. Je lève mon mari, parce que tout seul il ne peut plus, et puis je lui fais sa toilette, et puis je l’aide à s’habiller… Et quand tout est fait, il n’est pas sept heures, alors on va pas attendre une heure en se regardant dans le blanc des yeux. Alors forcément, je prépare le petit-déjeuner, et on le prend tous les deux, comme avant. Avant la maladie. Avant la dépendance. Avant la visite du médecin conseil. Avant les plans d’aide qui t’octroient généreusement quelques heures par semaine tout en te faisant bien comprendre que quand même, heureusement qu’on est là hein! Avant la responsable de secteur avec son sourire mielleux et son regard condescendant. Avant Sidonie.
Le café du matin, c’est notre seul moment calme de la journée. Parce qu’après, il y a Sidonie. Et encore après, c’est la course, toujours. Parce que mon bonhomme, c’est toute la journée qu’il a besoin d’aide. Pas juste le matin entre huit heures et neuf heures. Parce que la maladie d’Alzheimer, c’est toute la journée et toute la nuit, tous les jours, tout le temps. Quand il se lève, il est malade. Quand il mange, il est malade. Quand il parle, il est malade. Quand il marche, il est malade. Et quand il dort… il est malade aussi. Et moi je suis malade de sa maladie. Je suis malade de l’aider, de l’entendre crier, de faire à sa place. Je suis malade de notre intimité perdue. Je suis malade de son lit médicalisé qui prend toute la place, et malade de devoir dormir dans une autre pièce, parce qu’il n’y a plus de place pour moi dans la chambre conjugale. Malade de son déambulateur, de sa chaise percée et de la douche adaptée qui a remplacé la baignoire. Malade d’être sa garde-malade avant d’être son épouse. Malade de la famille qui ne vient plus nous voir parce que « c’est compliqué », malade des voisins qui nous évitent parce que « le monsieur est bizarre », malade de Sidonie qui rentre dans notre maison, qui farfouille dans notre cuisine et qui s’adresse à lui comme à un enfant. Qui s’adresse à lui hein, pas à moi. Parce que moi, je n’ai besoin de rien, c’est évident. Moi je suis l’épouse revêche, celle qui vole le travail des gentilles auxiliaires qui ne demandent qu’à aider. Moi je suis la méchante qui demande à la gentille de faire le ménage alors qu’elle est diplômée et pas payée pour ça. Moi je suis celle qui abuse des aides sociales, qui vole l’argent du contribuable pour se faire payer des heures de ménage sur le dos de la dépendance.
Mais je voudrais bien qu’elle comprenne, la gentille Sidonie, que pendant qu’elle fait ce qu’elle appelle les basses besognes, je peux avoir une heure pour moi, une petite heure, une toute petite heure. Une toute petite heure pour me laver et m’habiller. Une toute petite heure pour passer un coup de fil à notre fille à l’autre bout de la France. Une toute petite heure pour courir acheter le pain et son journal. Une toute petite heure pour me reposer quand la nuit a été éprouvante, quand je me suis levée toutes les deux heures pour recoucher mon bonhomme qui déambulait, ou pour nettoyer les toilettes après son passage. Je voudrais bien qu’elle comprenne tout ça Sidonie, qu’elle sache que faire du ménage c’est tout aussi important que le reste, parce que ça allège un peu le quotidien.
Parce que pendant une heure, une petite heure, une toute petite heure, je ne suis plus une aidante. Je suis une épouse pour mon mari, une mère pour notre fille… et une femme.
Monsieur Bitàlair, suite et fin (enfin!)
La début, c’est là.
La petite mise au point, c’est ici.
Et la fin, c’est maintenant.
C’est la demi-heure suivante que tout se joue. Jusqu’ici, je n’avais d’yeux que pour la crasse et la violence de la situation. Mais un « détail » a changé la donne.
Monsieur Bitàlair est assis sur une chaise de la cuisine. Une serviette sur les épaules, une autre sous les pieds. Machinalement, il s’allume une cigarette. Machinalement, je m’écarte. Il ne grogne plus, ne m’insulte plus. Je profite du répit. Je dirais même que je le savoure. Je laisse Monsieur Bitàlair finir sa cigarette et m’accroupis pour lui essuyer les pieds. Jusqu’ici, je n’avais pas prêté attention à cette partie de son anatomie, trop occupée à prier pour qu’il ne se casse pas lamentablement la figure dans la douche. Maintenant, je vois. Et je regarde. Et je suis stupéfaite. Ses pieds sont tordus. Ses orteils sont tordus. Ses ongles ne sont plus des ongles mais des griffes. Je reprends une paire de gants et vais remplir une bassine d’eau chaude. Ça n’est pas du goût de Monsieur Bitàlair qui se remet à grogner.
Monsieur Bitàlair (version longue, revue et corrigée)
C’est une histoire à quatre personnages, une histoire que vivent peut-être des milliers de personnes. Une histoire de travail et de mépris. Une histoire banale dans un monde banal.
Les protagonistes ? Un vieil homme dément, son fils dépassé, une aide à domicile fatiguée et une patronne méprisante.
Le scénario ? Sur ordre de la patronne méprisante, l’aide à domicile fatiguée doit intervenir chez le vieil homme dément qui vit avec son fils dépassé. Un scénario classique dans les services d’aide à la personne.
Le vieil homme dément, c’est Monsieur Bitàlair.
Le fils dépassé, c’est Junior.
La patronne méprisante, c’est Madame Grandchef.
L’aide à domicile fatiguée, c’est moi, Babeth.
Un matin, je débarque donc chez Monsieur Bitàlair avec mes couettes innocentes et ma petite fiche de liaison sur laquelle il est sobrement écrit « aide à la toilette et entretien du logement ». Foutaises!
Je frappe à la porte. Pas de réponse. Je re-frappe. Grognements divers et variés à l’intérieur. La porte reste close. Je re-re-frappe. Et j’entre. Je ressors aussitôt. L’odeur. Putain, cette odeur! Pisse et clope. Je sens que ça va être génial. Allez Babeth, courage, vas-y! Je re-entre. Splitch splotch. Bizarre cette sensation d’humidité sous mes pieds. Une fuite? Une inondation? Splitch splotch. Ça colle un peu. Oh mais suis-je bête? (Oui, je le suis, mais parfois je me pose la question pour vérifier) Une forte d’urine ET du splitch-splotch… Mais oui mais c’est bien sûr! Je patauge dans la pisse! Ô joie, je sens que ça va être encore plus génial que prévu.
Pénombre. Je hasarde un « bonjour ». Pas de réponse. Enfin si, un truc inaudible, comme un grognement venant des entrailles du taudis de la maison. Splitch splotch. Il va falloir que je trouve d’où vient le grognement, j’ai une aide à la toilette à faire. Et un « entretien du logement ». En une heure. Ben c’est pas gagné.
Grognements et éructations, je crois que j’ai localisé Monsieur Bitàlair. J’avance prudemment. Splitch splotch. C’est pas possible, il y en a partout, une inondation de pisse. J’ouvre les volets au fur et à mesure que je passe devant. La clarté remplace la pénombre, et je suis désespérée face à ce qui m’attend. Une heure pour la toilette et le ménage. Non mais c’est du foutage de gueule! Monsieur Bitàlair est devant moi. Avachi dans son lit, baignant dans sa pisse et ses excréments, grognant et vociférant.
Je ne suis pas la bienvenue. « Ordure! Pute! Salope! Fous le camp! » Douces paroles et chaleureux accueil que voilà. Pas grave. Respire. Euh… Non, mauvaise idée. Reste polie. Prends sur toi. Plus que 55 minutes, ça va passer vite. Bon bon bon. Ce monsieur n’a visiblement pas très envie d’une aide à la toilette. Va falloir négocier.
Première étape : le sortir du lit. Enfin non. Faire en sorte qu’il accepte de quitter le lit, nuance. Respect de la personne toussa toussa. Manque de pot, Monsieur Bitàlair n’a pas l’air enthousiaste à l’idée de quitter sa couche douillette. Pas grave, je vais commencer par la réfection du lit, on verra plus tard pour le reste. Ça tombe bien, il faut que je change les draps.
Trouver du linge propre n’est pas une mince affaire. Mais je suis futée…
Draps et taies d’oreiller propres, c’est bon, j’ai tout, il ne me reste qu’un « petit » détail à régler : virer ce type malpropre de sa couche malpropre !
– Monsieur Bitàlair, il faut que je refasse votre lit, pourriez-vous vous lever s’il vous plaît ? (admirez le ton courtois alors que ce type vient de m’agonir d’insultes).
– Dégage salope ! (mince, raté)
Bon bon bon… Je vais bien, tout va bien…
Pas grave, je vais faire comme si. Je commence à défaire le lit, sous les vociférations du charmant monsieur qui l’occupe. Je suis gaie, tout me plaît… Les draps sont imprégnés d’urine et de… je ne préfère pas savoir. J’ai bien fait de mettre des gants. Monsieur Bitàlair grogne encore, je fais la sourde oreille. Je ne vois pas pourquoi, pourquoi ça n’irait pas…
Finalement, je finis par obtenir ce que je voulais (une augmentation ?). L’homme grognon quitte son lit et me regarde finir en m’insultant.
Étape numéro un : check. Passons à l’étape numéro deux : la douche!
Monsieur Bitàlair se tient maintenant devant moi. Debout, il est moins impressionnant. Faut dire qu’il est vieux… et tout tordu… et pas très stable sur ses jambes. Mais il est toujours aussi en colère. Les insultes pleuvent. Inutile de répondre, ça ne ferait qu’envenimer la situation. Pourtant ça me démange. J’ai tout à la fois envie de soupirer, l’insulter, rigoler, partir en claquant la porte, gueuler un bon coup, manger un sandwich (oui, j’ai faim).
– Je suis payée pour venir vous faire une aide à la toilette, Monsieur Bitàlair. J’ai tout mon temps, vous êtes le dernier sur mon planning, alors je vais attendre que vous ayez fini de m’insulter mais je ne partirai pas d’ici sans avoir fait mon travail.
Purée, parfois, je m’épate moi-même! Oui parce qu’en vrai j’ai plutôt envie de lui dire « casse-toi pov’con! » mais ça ne serait pas très professionnel, et puis il est chez lui, c’est plutôt à moi de partir.
Silence. Monsieur Bitàlair est venu à bout de son stock d’injures. Il avance vers moi, je m’écarte pour le laisser passer tout en lui demandant où se trouve la salle de bain. Pas de réponse. Forcément, après les injures, le mépris. Bien bien bien, je vais chercher toute seule alors. Pendant que Monsieur Bitàlair se grille une clope dans la cuisine (la douce odeur de tabac/pisse/crasse, un délice qui me fait immédiatement passer ma petite fringale), je trouve la salle de bain. Je prépare des vêtements propres (enfin, je prépare ce que je trouve), règle l’eau de la douche… et j’attends. Monsieur Bitàlair ne bouge pas. Bon, si le bénéficiaire ne vient pas à toi, tu iras vers le bénéficiaire (proverbe inventé à l’instant).
– Monsieur Bitàlair, vos affaires sont prêtes, on peut y aller?
– Non! Casse-toi salope!
– Monsieur Bitàlair, vous me l’avez déjà demandé tout à l’heure, et je vous ai déjà répondu que je n’en ferais rien. Je vous attends.
Mon calme m’étonne. C’est le calme avant la tempête.
Parce qu’en vrai, je le regarde, et il me donne envie de vomir. En vrai, il est sale, il est moche, il pue, d’ailleurs tout est sale et moche et pue chez lui, une heure ne suffira jamais, il faudrait des jours pour venir à bout de la crasse ambiante.
En vrai, je suis épuisée, la journée a été longue, la semaine aussi, j’ai hâte de rentrer chez moi, au calme, et surtout, au propre.
En vrai, je suis démoralisée, parce que la situation me semble totalement irréelle. Je me tiens debout dans la cuisine d’un type que je ne connais pas et qui me crache sa putain de fumée au visage en m’insultant. Et le pire, c’est que je ne trouve rien d’autre à faire que de rester plantée là à attendre qu’il daigne bouger son séant de cette maudite chaise !
En vrai, j’ai juste envie de l’insulter, de lui hurler dessus, de lui éructer la haine et le dégoût qu’il m’inspire, puis d’appeler Madame Grandchef et de lui dire ce que je pense de sa façon de traiter son équipe. Parce que le pire dans l’histoire, ce n’est pas l’attitude de Monsieur Bitàlair. Il est odieux, irrévérencieux, dégoûtant, agressif et j’en passe, mais à la limite, on pourrait (presque) s’y habituer.
Le pire dans l’histoire, c’est que Madame Grandchef sait tout cela. Elle le sait depuis longtemps, et elle ne fait rien.
Elle sait que nous sommes insultées à chaque intervention chez lui.
Elle sait que Monsieur Bitàlair nous menace.
Elle sait aussi qu’il peut se montrer violent.
Elle sait surtout que les infirmières, pour toutes ces raisons, n’y mettent plus les pieds.
Elle sait tout cela, et elle nous laisse nous débrouiller avec. Elle nous laisse seules face à Monsieur Bitàlair. Elle nous laisse seules face à son mépris, à sa crasse, à sa maison puante, à sa violence.
Elle nous laisse seules et nous acceptons cela. Nous acceptons d’être insultées et méprisées. Nous acceptons de patauger dans l’urine et de travailler dans une atmosphère enfumée. Nous acceptons ce que les infirmières ont fini par refuser. Nous acceptons tout ça pour un salaire de misère. Nous acceptons et nous faisons notre boulot (presque) comme si de rien n’était.
Finalement, qui est le pire ?
Monsieur Bitàlair qui nous insulte ?
Madame Grandchef qui ferme les yeux ?
Ou nous qui nous résignons ?
Je suis donc là, face à ce type qui ne bouge pas. Lui assis, moi debout. Lui, avec ce calme arrogant de celui qui a tout son temps et moi, avec cette colère sourde de celle qui n’en peut plus. Lui, vieux, malade. Moi, moins vieille, enceinte. Oui, enceinte. Parce que c’est tellement plus drôle d’envoyer les femmes enceintes chez les fumeurs alcooliques violents. Parce que Madame Grandchef, c’est pas trop son problème tout ça. Parce qu’on fait pas le ménage avec notre utérus après tout !
La journée a été longue et j’ai hâte de rentrer chez moi. J’accélère le mouvement. Il ne veut pas bouger ? Pas grave. C’est moi qui vais bouger. Je m’approche. Il lève les yeux. Je me rapproche. Il me regarde. Je suis près de lui. Il ouvre la bouche. Je suis tout près. Il gueule.
– Qu’est-ce tu veux encore ? Dégage !
– Je vais vous aider à enlever vos vêtements Monsieur Bitàlair. Je commence par le haut.
Sans lui demander son avis, je passe derrière lui et commence à retirer son t-shirt. Il résiste un peu, j’insiste un peu. Finalement, il capitule. Si on m’avait dit qu’un jour j’obligerais un homme à se déshabiller !
Je continue. Pantalon, slip, chaussettes. Je vous épargne la description des vêtements imprégnés d’urine et de selles, je mettrai les nausées sur le compte de la grossesse !
Monsieur Bitàlair est nu, face à moi (je sens comme une tension sexuelle dans cette phrase, non?)
Cet homme qui nous insulte, qui nous méprise, qui a fait fuir les infirmières libérales et pleurer certaines de mes collègues, se tient là, face à moi, dans son simple appareil et, à ce moment précis, n’a plus rien de redoutable. Ce n’est qu’un amas de chair et de peau et, au creux de cette chair, quelques organes, en plus ou moins bon état. Ce n’est qu’un homme.
La tâche me semble soudain d’une simplicité foudroyante. Je dois laver cet homme et cette maison, rien de plus. Je dois finir mon heure, remplir le cahier de liaison et faire signer ma feuille de présence. Quand j’aurai fini, je rentrerai chez moi, je retrouverai ma maison propre et ma famille normale. Lui restera ici, au milieu de sa crasse et de sa haine. Demain, tout recommencera. Une auxiliaire viendra frapper à sa porte, il l’insultera, elle fera quand même son boulot. Qu’importent ses insultes, sa crasse et son mépris. Qu’importent notre fatigue, notre colère et notre peur. On a un boulot, on le fait, et si ça ne nous plaît pas, libre à nous de postuler ailleurs.
Aujourd’hui, c’est moi, Babeth, 34 ans, enceinte.
Hier c’était Amandine, 19 ans et jolie comme un cœur.
Avant-hier c’était Martine, 50 ans et pas très envie de jouer.
Et demain? Peut-être Julie, 25 ans, enceinte elle-aussi?
Peut-être Sonia, 42 ans, débutante?
En tout cas, certainement pas Madame Grandchef! Pas elle, non, avec son joli petit tailleur et ses talons aiguilles. Pas elle, avec son brushing impeccable et sa voiture de fonction. Pas elle, avec son regard froid et sa voix trop posée. Et d’ailleurs, que ferait-elle, elle, la grande dame, face à ce corps nu? Comment s’y prendrait-elle pour le faire aller de la cuisine à la douche? Comment supporterait-elle la fumée et l’odeur? Comment garderait-elle son calme dans cette situation?
Il faudra que je lui demande un jour. Mais pas maintenant. D’abord, il faut que je lave Monsieur Bitàlair.
Ce dernier, justement, ne semble toujours pas disposé à quitter sa chaise. Je couvre ses épaules avec une serviette (j’ai beau être passablement énervée, je n’en oublie pas la pudeur, bien qu’il ne semble pas en faire cas) et, m’armant de courage, je lui propose à nouveau une douche.
– Monsieur Bitàlair, on peut y aller ?
Ma voix est presque amicale. Je dis bien « presque ». Parce qu’en vrai, non.
La douceur de ma voix est trompeuse, et elle a le mérite de convaincre Monsieur Bitàlair de me suivre.
Cahin-caha, il se lève, grogne, avance, grogne, se rend dans la salle de bain, grogne. Cahin-caha, je le suis.
La toilette est un véritable périple. Monsieur Bitàlair titube, manque de tomber, se rattrape à mon bras, je titube, manque de tomber, me rattrape au lavabo.
Pénétrer dans la douche lui est difficile. Il est instable, manque de tomber. Pas de tapis de douche antidérapant, pas de poignée à laquelle se raccrocher. Je l’aide comme je peux, c’est-à-dire mal. Parce que c’est tout aussi casse-gueule pour moi, avec mon gros ventre et mes petits bras pas musclés.
La douche est… comment dire… pittoresque. Pendant que je savonne son dos, Monsieur s’astique la nouille, manquant de glisser. Se branler ou rester debout, il faut choisir camarade ! Monsieur Bitàlair, joueur, tente les deux… S’il tombe, tant pis, je serai incapable de le retenir au vol, il doit bien faire deux fois mon poids. Je l’en avertis, mais il s’en fout (sans mauvais jeu de mots).
Fin de la branlette et fin de la douche. La sortie est tout aussi épique que l’entrée. Je ne sais si je dois mettre le frissonnement de Monsieur Bitàlair sur une réaction post-branlette ou post-douche. Dans le doute, je l’enveloppe au plus vite d’une grande serviette… et m’empresse de rincer le bac.
Rapide coup d’œil à la pendule. Je suis censée faire la toilette ET le ménage en une heure, et ça fait déjà une demi-heure que je suis ici. Mais comment font mes collègues ?
En une demi-heure j’ai à peine fait la réfection du lit et la douche. Il me reste tant à faire. Soupir de découragement. La tâche me semble démesurée. Allez Babeth, ce n’est pas en t’apitoyant sur ton sort que tu avanceras, respire un coup et continue ! Non, pas par le nez… trop tard !
À suivre…
La vie rêvée de l’aide à domicile
On leur a dit que c’était le plein emploi.
On leur a dit qu’elles pourraient choisir leurs horaires.
On leur a dit qu’avec le diplôme elles auraient un salaire correct et une reconnaissance sociale.
Alors elles se sont engouffrées dans cette voie, les yeux fermés et le coeur vaillant.
Certaines sont retournées sur les bancs de l’école.
Elles ont passé le DEAVS (Diplôme d’État d’Auxiliaire de Vie Sociale).
D’autres ont été embauchées sans diplôme, sur la seule base de leur bonne volonté. Mais on leur a promis qu’on leur ferait faire une formation en cours d’emploi.
Elles ont découvert le monde merveilleux de l’aide à domicile.
Désenchantement.
Les situations racontées ici sont issues de divers forums de discussions consacrés aux auxiliaires de vie. Les noms et les détails des situations ont été changés pour préserver l’anonymat de celles qui témoignent.
Comment faites-vous pour gérer une personne atteinte d’Alzheimer? J’ai beaucoup de mal, elle est très agressive avec moi. Hier quand je suis partie de chez elle j’en avais mal au ventre tellement j’en avais pris pour mon grade, du style que je suis là pour nettoyer sa merde et que je suis payée pour ça. J’ai essayé d’en discuter avec ma responsable mais elle me dit que c’est la maladie qui veut ça.
Bravoooooo!
Imaginez : vous êtes un jeune parent, complètement fou d’amour et gagatisant pour votre enfant. Cet enfant, forcément, c’est le plus beau, le plus intelligent, le plus mignon, le plus gentil, bref, le plus tout! Aujourd’hui est un jour miraculeux qui vous emplit de joie car l’enfant, le chérubin, l’élu, a mangé TOUTE sa purée tout seul, comme un grand! Et vous, vous l’heureux parent qui avez engendré cette merveille de la nature, vous vous extasiez – à juste titre – devant cet exploit.
– Bravoooooo, dites-vous en tapant dans vos mains avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Votre enfant, voyant votre enthousiasme débordant pour un truc somme toute assez banal (il a mangé sa purée), vous sourit en retour. Il sourit, vous souriez, la vie est merveilleuse.
Même enfant, même parent. Cette fois-ci l’enfant, le chérubin, l’élu, a fait caca dans son pot. Psychologiquement, c’est un grand jour : en pleine période du non, l’enfant cède, il « donne » son caca à ses parents et, en comprenant toute la symbolique de cet acte crucial, vous sautez de joie.
– Bravoooooo, dites-vous en agrémentant votre dernier statut Facebook d’une magnifique photo de l’étron divin.
Votre enfant, dépassé par ce qui vient de se jouer dans son pot, vous sourit en retour. Il sourit, vous souriez, la vie est fabuleuse.
Maintenant, imaginez ces deux scènes, à quelques détails près, avec non plus un enfant et un parent mais une personne âgée et un soignant. Relisez la scène à haute voix, en y mettant le ton. Même sur le « Bravoooooo ». Surtout sur le « Bravoooooo ». Vous sentez le malaise? Vous voyez toute l’infantilisation de la personne âgée qui a fini sa purée ce midi? Vous supportez le compliment odieux sur le caca lâché dans le montauban?
Monsieur M. a été torturé par la Gestapo, les soldats lui ont brisé les phalanges une par une.
Madame C. ne sait plus quand elle est née, ni où. Elle ne sait presque plus rien en fait. Et ça lui fait peur. Terriblement peur.
Monsieur V. a survécu à deux cancers.
Madame H. a perdu son fils et ses deux petits-enfants dans un accident de voiture. Elle ne s’en est jamais remise.
Ces gens, ils ont une histoire, des histoires. Ils ont aimé, souffert, donné la vie, vécu la maladie, et tant d’autres choses. Des choses merveilleuses et d’autres dramatiques. Des choses qu’on n’ose parfois même pas imaginer. Et aujourd’hui, au crépuscule de leur vie, il y a des soignants qui les félicitent niaisement parce qu’ils ont mangé toute leur purée. Ou parce qu’ils ont fait caca. Vous le sentez le paradoxe? Continuer la lecture
Burn out
Témoignage de Carole, auxiliaire de vie (avec son aimable autorisation)
Bonjour à toutes et à tous, je voudrais vous faire part de ma situation car je pense que ça peut aussi vous arriver et je ne la souhaite à personne…
Je vais essayer de faire court mais n’hésitez pas à me poser des questions si besoin…
Voilà, je suis auxiliaire de vie depuis 13 ans, j’ai commencé à la fin de ma scolarisation. C’est un beau métier, je me suis donnée à fond de chez à fond pendant toutes ces années, entre-temps j’ai eu deux enfants, donc beaucoup de boulot. Je prenais sur moi sur mes longues journées car il faut énormément de patience avec les personnes et sans me vanter j’assurais grave, que ce soit auprès du bureau pour être autant présente que possible qu’auprès des personnes aidées. Quand je rentrais chez moi j’étais lessivée et il fallait assumer la fin de journée auprès de ma famille mais j’étais tendue.
Jusqu’au 1er décembre où j ai commencé à faire des crises de tétanie… mon corps m’a dit stop… Je suis en plein BURN OUT…
Étant en arrêt j’ai donc pris du recul et je fais souvent des cauchemars sur mes bénéficiaires (je les agresse, les mords à la gorge (mdr) etc…). Je ressens tout le stress que j’avais quand j’étais auprès d’eux multiplié par deux… Quand je croise n’importe quelle personne dans la rue je me crispe. Je ne me sens plus capable d’assurer mon poste. Je pense m’être trop investie dans mon boulot sans prendre assez de recul et arrive à saturation. Je suis encore sous anxiolytiques et antidépresseurs.
Il faut apprendre à se préserver et ne pas dire OUI à tout . SVP faites attention à vous. Je pense que le métier est a revoir, quand il y a des renouvellements d’heures, les assistantes sociales feraient mieux de demander votre avis avant d’aller chez les personnes, c’est facile, elles disent qu’elles ne peuvent plus rien faire, en rajoutent et vous, vous trinquez derrière à vous taper du ménage à gogo!!! Vous n’êtes pas des BONNICHES vous êtes la pour faire du maintien à domicile… Il faut faire bouger tout ça !!!! Désolée pour la longueur du texte!!!! Continuer la lecture
Monsieur Bitàlair (4) (version corrigée)
Avant de continuer les aventures de ce charmant monsieur, voici la version corrigée de l’épisode 4, dont la fin diffère « un peu » de ce billet.
Résumé de l’épisode précédent
Babeth, l’auxiliaire à couettes, doit faire « l’entretien du logement et l’aide à la toilette » chez Monsieur Bitàlair qui, comme son nom l’indique… Bref.
Problème numéro un : l’état du logement.
Problème numéro deux : l’état du bénéficiaire
Problème numéro trois : les deux ensemble.
Bref, c’est pas gagné.
À la fin de l’épisode précédent, Monsieur Bitàlair a accepté de sortir de son lit. Babeth doit maintenant profiter de l’occasion pour lui proposer une aide à la toilette (autrement dit, une douche et un change complet).
Monsieur Bitàlair se tient maintenant devant moi. Debout, il est moins impressionnant. Faut dire qu’il est vieux… et tout tordu… et pas très stable sur ses jambes. Mais il est toujours aussi en colère. Les insultes pleuvent. Inutile de répondre, ça ne ferait qu’envenimer la situation. Pourtant ça me démange. J’ai tout à la fois envie de soupirer, l’insulter, rigoler, partir en claquant la porte, gueuler un bon coup, manger un sandwich (oui, j’ai faim).
Mais je ne fais rien. Je le regarde et j’attends. Et je le lui dis.
– Je suis payée pour venir vous faire une aide à la toilette, Monsieur Bitàlair. J’ai tout mon temps, vous êtes le dernier sur mon planning, alors je vais attendre que vous ayez fini de m’insulter mais je ne partirai pas d’ici sans avoir fait mon travail.
Purée, parfois, je m’épate moi-même! Oui parce qu’en vrai j’ai plutôt envie de lui dire « casse-toi pov’con! » mais ça ne serait pas très professionnel, et puis il est chez lui, c’est plutôt à moi de partir.
Silence. Monsieur Bitàlair est venu à bout de son stock d’injures. Il avance vers moi, je m’écarte pour le laisser passer tout en lui demandant où se trouve la salle de bain. Pas de réponse. Forcément, après les injures, le mépris. Bien bien bien, je vais chercher toute seule alors. Pendant que Monsieur Bitàlair se grille une clope dans la cuisine (la douce odeur de tabac/pisse/crasse, un délice qui me fait immédiatement passer ma petite fringale), je trouve la salle de bain. Je prépare des vêtements propres (enfin, je prépare ce que je trouve), règle l’eau de la douche… et j’attends. Monsieur Bitàlair ne bouge pas. Bon, si le bénéficiaire ne vient pas à toi, tu iras vers le bénéficiaire (proverbe inventé à l’instant).
– Monsieur Bitàlair, vos affaires sont prêtes, on peut y aller?
– Non! Casse-toi salope!
– Monsieur Bitàlair, vous me l’avez déjà demandé tout à l’heure, et je vous ai déjà répondu que je n’en ferais rien. Je vous attends.
Mon calme m’étonne. C’est le calme avant la tempête.
Parce qu’en vrai, je le regarde, et il me donne envie de vomir.
En vrai, il est sale, il est moche, il pue, d’ailleurs tout est sale et moche et pue chez lui, une heure ne suffira jamais, il faudrait des jours pour venir à bout de la crasse ambiante.
En vrai, je suis épuisée, la journée a été longue, la semaine aussi, j’ai hâte de rentrer chez moi, au calme, et surtout, au propre.
En vrai, je suis démoralisée, parce que la situation me semble totalement irréelle. Je me tiens debout dans la cuisine d’un type que je ne connais pas et qui me crache sa putain de fumée au visage en m’insultant. Et le pire, c’est que je ne trouve rien d’autre à faire que de rester plantée là à attendre qu’il daigne bouger son séant de cette maudite chaise !
En vrai, j’ai juste envie de l’insulter, de lui hurler dessus, de lui éructer la haine et le dégoût qu’il m’inspire, puis d’appeler Madame Grandchef et de lui dire ce que je pense de sa façon de traiter son équipe. Parce que le pire dans l’histoire, ce n’est pas l’attitude de Monsieur Bitàlair. Il est odieux, irrévérencieux, dégoûtant, agressif et j’en passe, mais à la limite, on pourrait (presque) s’y habituer.
Le pire dans l’histoire, c’est que Madame Grandchef sait tout cela. Elle le sait depuis longtemps, et elle ne fait rien.
Elle sait que nous sommes insultées à chaque intervention chez lui.
Elle sait que Monsieur Bitàlair nous menace.
Elle sait aussi qu’il peut se montrer violent.
Elle sait surtout que les infirmières, pour toutes ces raisons, n’y mettent plus les pieds.
Elle sait tout cela, et elle nous laisse nous débrouiller avec. Elle nous laisse seules face à Monsieur Bitàlair. Elle nous laisse seules face à son mépris, à sa crasse, à sa maison puante, à sa violence.
Elle nous laisse seules et nous acceptons cela. Nous acceptons d’être insultées et méprisées. Nous acceptons de patauger dans l’urine et de travailler dans une atmosphère enfumée. Nous acceptons ce que les infirmières ont fini par refuser. Nous acceptons tout ça pour un salaire de misère. Nous acceptons et nous faisons notre boulot (presque) comme si de rien n’était.
Finalement, qui est le pire ?
Monsieur Bitàlair qui nous insulte ?
Madame Grandchef qui ferme les yeux ?
Ou nous qui nous résignons ?
À suivre.
Incompétente! (2)
J’ai été envoyée chez des personnes malades, alcooliques, démentes.
J’ai été envoyée chez des personnes diabétiques, cardiaques, cancéreuses.
J’ai été envoyée chez des personnes amputées, handicapées, endeuillées.
J’ai été envoyée chez toutes sortes de personnes, avec toutes sortes d’histoires, sans presque rien savoir d’elles.
Que savais-je des pathologies de la vieillesse, de l’alcoolisme, de la démence?
Que connaissais-je du diabète, des cardiopathies, des cancers?
Qu’avais-je appris sur les personnes amputées, le handicap, le deuil?
Rien. Je ne savais rien, ou presque. Je ne connaissais que ce que j’avais vécu, de près ou de loin, à travers l’histoire de mes parents, ou la mienne, ou ma maigre expérience professionnelle.
Je suis allée chez toutes ces personnes, j’ai travaillé chez elles. J’ai fait à manger à des diabétiques, je suis allée marcher avec des cardiaques, j’ai parlé avec des déments.
Madame Grandchef leur a dit que toutes les auxiliaires étaient diplômées et expérimentées… sans leur préciser de quel diplôme et quelle expérience elle parlait. Toutes ces personnes m’ont plus ou moins fait confiance, elles m’ont confié leurs menus, leur intérieur, leur personne. J’ai fait des repas, des courses, des promenades, du ménage, des toilettes, chez des personnes dont l’histoire de vie se résumait parfois à deux lignes sur une fiche de liaison. Secret médical oblige, je ne savais (presque) rien d’elles. Le strict nécessaire : nom, prénom, adresse, mission. À la limite, la pathologie principale (Alzheimer, diabète…) et le nom du médecin traitant, et encore, pas toujours. Je glanais quelques infos à droite à gauche, auprès des collègues, de la famille, des infirmières libérales, mais ça restait de l’anecdotique, de l’ordre de la débrouille. Et puis, faut avouer que le projet de vie, la globalité de la personne aidée, tout ça, c’est pas franchement ouvert aux auxis hein! Une nana qui prépare la soupe et refait le lit a-t-elle vraiment besoin de savoir autant de choses?
Eh bien figurez-vous que oui! J’aurais aimé savoir ce qu’il fallait faire à manger pour Fernand, diabétique insulinodépendant. J’aurais aimé savoir communiquer avec Marie-Hélène, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer depuis une dizaine d’années. J’aurais aimé aider Raymond, amputé d’une jambe, à se remonter dans son lit. J’aurais aimé connaître la bonne attitude à avoir avec Jean, endeuillé depuis peu, quand il me parlait de son épouse. J’aurais aimé pouvoir déceler les signes de souffrance chez Suzanne, qui souffrait d’une insuffisance cardiaque. Mais je ne savais pas, et j’ai sans doute fait et dit un paquet de conneries!
Vieillir chez soi, c’est bien. Vieillir chez soi avec un médecin traitant qui vous connaît bien et des infirmières qui prennent soin de vous, c’est encore mieux. Vieillir chez soi avec une auxiliaire de vie qui ne va pas vous envoyer au cimetière plus tôt que prévu parce qu’elle n’est ni formée ni informée… c’est la moindre des choses non? Continuer la lecture
Les petits sémaphores
Les petits sémaphores – texte écrit en réponse au billet de LiliSiflayme , « Colère » Moi aussi cette conversation twittérale m’a fait cogiter ma Lili. Voici, en vrac également, ce qu’elle a soulevé alors que je toilettais mon jardin en ce début…
Grammar Nazi
Quand j’étais plus jeune (il y a longtemps), je voulais être professeur de lettres. J’aimais lire, j’aimais écrire, j’aimais la langue française, sa richesse, sa complexité. J’étais amoureuse des mots, des assonances, des alexandrins, des oxymores, de toutes ces figures de style qui font la mélodie d’une langue. J’ai passé un bac littéraire (logique) et me suis engagée avec joie dans des études de lettres. J’ai raté mes études. Ou plutôt, je n’ai pas pris la peine de les réussir. Disons qu’à l’époque, ma vie était un peu compliquée, et je n’ai pas su me consacrer à ce qui était vraiment important. J’ai fait autre chose. Mais je n’ai pas oublié les mots, et je les aime toujours autant.
J’ai fait une croix sur les études de lettres mais pas sur les lettres. Je lis, j’écris, tout le temps, tous les jours. Je lis des choses légères ou sérieuses, des livres, des blogs, des cours, des journaux, des forums… J’écris des billets de blog, des petits mots sur des post-it, des transmissions ciblées, des devoirs à rendre à l’IFAS. J’aime ça. J’aime le pouvoir des mots, j’aime le vocabulaire nouveau, il m’arrive d’éclater de rire devant la sonorité d’un terme un peu farfelu ou d’être inexplicablement émue devant un petit mot tout simple. Et surtout, j’aime les mots parce qu’ils enrichissent ma pensée. Il faut avoir vu « Alphaville » de Godard, il faut avoir lu « 1984 » d’Orwell, il faut être conscient de la chance que nous avons d’avoir une langue riche de nuances pour traduire nos émotions.
Quand on s’est rendu compte qu’Amélie ne parlait pas, ça a été un drame. Langue orale, langue des signes, PECS, Makaton… Autant de méthodes, autant d’échecs! Le langage, c’est la pensée, et je m’inquiétais de savoir comment cette enfant pouvait penser en l’absence de mots. Comment ressentir, s’exprimer, communiquer, si les mots sont absents? Amélie a fini par parler, et avec les mots est venue l’expression des émotions. Les émotions se sont transformées en sentiments, la parole a permis la communication, l’échange, et Amélie est entrée dans la vie « normale ».
Je sais que j’ai de la chance. Mes parents aimaient lire et j’ai grandi entourée de livres. Plus tard, j’ai rencontré des gens passionnants, un professeur de lettres, un philosophe, des blogueurs. Aujourd’hui encore, cet amour des mots me permet de raconter ce que je vis, d’apprendre, de comprendre. Je sais que tous n’ont pas cette chance. On ne choisit pas d’aimer quelque chose. On n’est pas tous égaux devant l’orthographe. On n’a pas tous les mêmes outils pour progresser. Je sais aussi qu’il y a des freins à l’apprentissage de la langue. Dyslexie, dysorthographie, dysphasie… Sans compter le milieu socioculturel, la famille, l’histoire de vie. Je sais aussi que je suis particulièrement pénible sur ce sujet, et que je manque cruellement de bienveillance. Parce qu’autant je peux comprendre qu’on ne maîtrise pas une langue par manque de moyens (pour toutes les raisons citées ci-dessus), autant il me semble incompréhensible de pondre un texte bourré de fautes parce qu’on ne s’est pas relu, parce que de toute façon « on s’en fout c’est sur internet », parce qu’on ne corrige pas les fautes soulignées en rouge par le correcteur orthographique, parce qu’on ne veut pas prendre cinq minutes pour vérifier l’orthographe ou l’accord d’un mot.
Je lis des choses ici et là qui me font bondir. Des phrases qui n’ont aucun sens, des mots qui n’existent pas, des accords impossibles. À force de fautes et de non-sens, le propos devient incompréhensible. Comment répondre à une question quand on ne la comprend pas? Comment recevoir une information quand elle ne veut rien dire? Comment prendre au sérieux quelqu’un qui revendique la reconnaissance d’un certain statut professionnel quand même le nom de son métier est écorché?
Alors non, ce n’est pas gentil de ma part de me moquer. Non, ça ne fait avancer personne, ni moi ni les autres. Oui, je manque réellement d’empathie sur ce sujet. Mais l’histoire que j’ai avec les mots m’a façonnée ainsi, elle a fait de moi une chipoteuse du verbe, une intolérante de la syntaxe, une véritable « Grammar Nazi ». Pardon. J’ai honte. En même temps, on ne peut pas être bienveillante avec tout le monde… Si? Continuer la lecture
Madame Pasdbol (3)
Quand j’étais petite, j’avais deux mamies, un papi, et un papi mort.
Papi et Mamie de Saint-Jean-De-Luz avaient une grande et belle maison avec plein de beaux objets. Chez eux, il y avait la mer et la montagne, et même qu’on y allait parfois en avion! Ils avaient vécu en Algérie et au Maroc, ils en avaient ramené des tapis et des services à thé. Mamie faisait la collection de timbres et nous passions des heures à les regarder ensemble. Papi adorait la « grande musique » et il me faisait découvrir Mozart, Chopin, Schubert… Nous mangions du poisson tous les jours sauf le lundi et c’était pas de bol car je n’aimais pas le poisson (sauf la sole, mais on ne pouvait quand même pas en manger tous les jours!). Le dimanche on allait à la messe, Papi nous amenait à Hendaye en voiture et, pendant que Mamie écoutait pieusement l’office, Maman faisait semblant de suivre et je baillais à m’en décrocher la mâchoire. J’aurais préféré rester au café avec Papi mais il paraît que ça ne se faisait pas pour une jeune fille bien éduquée. Les autres jours de la semaine, c’était plage, promenades, lecture… Dans leur maison il y avait plein de livres partout, j’avais l’embarras du choix. Des livres, des films, des albums photos, j’aurais pu passer des années enfermée dans leur maison sans avoir fait le tour de tout ce qu’il y avait à y découvrir! Les vacances à Saint-Jean-De-Luz, c’était la culture de mes grands-parents, la cuisine du sud et les virées en Espagne. C’était les orages du Pays Basque, les vagues de l’Atlantique et la tranquillité de ma mère.
Chez Mamie de Vindrac, c’était la campagne, la vraie! On allait chercher les oeufs et le lait à la ferme avec notre pot à lait, on ramassait des mûres et des fleurs des champs et on allait donner du pain au petit âne près de l’église. Mamie habitait l’ancien appartement de fonction du maître d’école, et nous allions souvent jouer dans l’ancienne salle de classe désaffectée. Dans le jardin il y avait une balançoire et une petite piscine gonflable dans laquelle je pataugeais avec ma bouée canard rouge. Mamie faisait les meilleurs gâteaux du monde et nous les dégustions avec de la limonade. Parfois, nous montions au grenier fouiller les malles à la recherche de vieux vêtements avec lesquels nous inventions de somptueux déguisements. Ma cousine avait un vélo rouge et moi un vélo bleu, c’est pendant les vacances d’été que j’ai enlevé les petites roues pour la première fois. Pour venir nous prenions le train de nuit et c’était toute une aventure, il nous arrivait de ne pas nous réveiller et nous nous retrouvions ensommeillés et en pyjama sur le quai de la gare. Le dimanche nous allions fleurir la tombe de mon papi mort, que je n’avais jamais connu. Cet homme était pour moi le plus beau des mystères, sans doute parce qu’il était jeune pour toujours.
Les vacances à Vindrac, c’était les rires des cousins, les confitures des voisins et les virées à vélo. C’était la chaleur écrasante du Tarn, la cité médiévale d’à côté et le sourire retrouvé de mon père.
C’est mon grand-père maternel qui a ouvert le bal. Insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, décès. Ma grand-mère maternelle a suivi de près. Cancer généralisé, décès. Puis ma mère. Cancer du poumon, décès. Quelques années plus tard, ma grand-mère paternelle suivait. Chute, fracture du col du fémur, glissement, décès. Puis mon père. Cancer de l’oesophage, décès. Et dernièrement, mon beau-père. Crise cardiaque, décès.
Amélie et Georges n’ont pas ma chance : une mamie, deux papis morts, une mamie morte et une « belle-mamie » bourrée (pour ceux qui n’ont pas suivi, Madame Pasdbol a repris la picole), ça va faire léger pour se construire des souvenirs. Alors on va leur parler de leurs grands-parents, leur raconter l’histoire familiale : les avions de mon beau-père, les bêtises de mon père, le Maroc de ma mère. Et ma belle-mère, la seule mamie qui reste, leur parlera du Nord.
Et la belle-mamie? Rien. J’ai essayé de maintenir un lien, parce qu’elle était la mamie des enfants, parce qu’elle était la femme qu’avait choisie mon père. Elle était celle dont j’avais promis de m’occuper, celle qui avait une place réservée sur la tombe familiale, à Vindrac. J’avais promis à mon père. Et je le regrette amèrement. Parce que finalement, je ne veux plus qu’elle soit la mamie de mes enfants. Je ne veux plus qu’elle soit sur la tombe de mes parents. Je ne veux plus qu’elle jette ou donne ou vende les affaires et les meubles de ma famille. Je ne veux plus l’écouter divaguer quand elle a trop bu. Je ne veux plus entendre ses innombrables mensonges. Je ne veux plus avoir à m’inquiéter pour elle. Je ne veux plus qu’elle fasse partie de ma famille.
Elle aime l’alcool? Très bien, qu’elle reste avec sa bouteille et qu’elle m’oublie! Elle a eu sa chance, elle n’en a pas profité, elle peut bien finir comme elle a toujours vécu : dans la plainte et le déni. Entre la promesse faite à un mort et le bonheur des vivants, je choisis les vivants. Continuer la lecture
Petites maltraitances ordinaires. IV
Deux aides-soignantes autour du lit d’une dame très âgée. Les AS changent sa protection pour la nuit. Dialogue.
– Oh la la qu’est-ce qu’elle a comme pertes celle-là, regarde-moi ça c’est vraiment dégueulasse!
– Ah ouais putain et puis ça pue en plus!
– Eh ben, j’aimerais pas voir son vagin, ça doit pas être joli joli là-dedans!
Soupir. Je ne dis rien. Je regarde la dame, qui regarde ailleurs.
Deux aides-soignantes et une dame hémiplégique. Et que je te tourne, et que je te retourne et… hurlement de douleur de la résidente manipulée avec brusquerie. Réponse cinglante de l’AS :
– Vous n’avez qu’à la faire toute seule votre toilette!
Ben oui, facile.
Une aide-soignante, une stagiaire et une dame alitée. Toilette au lit, habillage et maquillage. L’aide-soignante s’applique à mettre du blush, du fard à paupières et du rouges à lèvres.
– Tu vois, cette dame est très coquette, alors je prends le temps de la maquiller, c’est important pour elle. Et puis c’est de la bientraitance, tu comprends?
Je comprends surtout que si on prend le temps de la maquiller, on peut aussi prendre le temps de lui brosser les dents non? Ah non, pardon, ça n’entre pas dans le cadre de la bientraitance ça!
Une aide-soignante et un homme en fin de vie. Une autre aide-soignante entre dans la chambre sans frapper, se dirige sans un mot vers la penderie, prend un pantalon, et, en ressortant :
– Je prends ça pour Simon, de toute façon Jean n’en a plus besoin, on le lève plus!
Ben ouais, vas-y, fais comme chez toi!
Trois aides-soignantes dans l’office, parlant de Monsieur et Madame Adorable :
– Il m’énerve, lui, il est là tout le temps, toujours à nous demander des trucs pour sa femme!
– Pfff, j’aurais pas aimé avoir un mari comme ça, quel pot de colle!
– Remarque, on sait pas ce qu’ils font dans la chambre tous les deux quand la porte est fermée. Si ça se trouve…
– Ah mais arrête, t’es dégueulasse! Avec elle faut pas être dégoûté quand même hein!
Gloussements et mines faussement dégoûtées, qu’est-ce qu’on rigole ici!
Une aide-soignante et une dame assez forte, qui a du mal à se lever.
– Allez Madame, on bouge son popotin!
Euh… Non, rien.
À suivre…
Alain
Alain, c’est un type bien. Vraiment. C’est un aventurier, un philosophe, un écrivain, un bienfaiteur. C’est tout ça à la fois, et tellement d’autres choses.
Aventurier. Il a construit son bateau et est parti en voyage. Loin. Longtemps. Il a tenu un restaurant musical, à une époque où ça ne se faisait pas. Il a tenu tête aux caïds du quartier qui voulaient le « protéger » moyennant monnaie.
Philosophe. Il a réfléchi à plein de choses, et a partagé le fruit de sa réflexion. Il a vécu en accord avec sa pensée. Pas de double langage chez lui, c’est un homme droit.
Écrivain. Sa pensée, il l’a écrite et partagée. Trois livres, adressés aux professionnels du secteur médico-social, à qui il donnait des cours. Trois livres que j’ai lus et relus. Trois livres qui m’ont aidée, parce qu’ils m’ont fait réfléchir et avancer.
Bienfaiteur. Alain m’a accueillie, que dis-je, recueillie. Sept ans chez lui. Sept ans de réflexion. Sept ans d’aventures. Des rencontres, des discussions à n’en plus finir, de la musique, du cinéma, des livres, un voyage en bateau. Sept ans, quand on a 36 ans, c’est beaucoup. Je n’ai pas été la seule. Il en a accueilli d’autres. Des étudiants fauchés, des travailleurs pauvres, des amis, des inconnus. Nous arrivions nus, nous repartions riches de cette rencontre. Riches de lui. Et lui, était-il riche de nous?
Et puis, une rencontre, un coup de foudre et j’ai quitté mon nid douillet. Je suis devenue une épouse et une mère.
Alain, je le voyais moins, on s’appelait moins, mais à chaque rencontre le plaisir était le même, avec cette impression de reprendre la conversation là où on l’avait laissée.
Et puis, un accident. Une chute, le coma. Parler à Alain sur un lit d’hôpital. Lui lire des livres en italien. Lui faire écouter de la musique. Tenir sa main. Parler, lire, pleurer, espérer.
Alain est sorti du coma, mais il n’était plus le même. Fatigué, ralenti. Dépendant. La vie continue, pour lui, pour moi, mais c’est plus compliqué. Parce qu’il n’est plus le même, notre relation n’est plus la même. Je m’éloigne, car je ne sais comment lui parler, et notre complicité me manque. Je m’en veux de m’éloigner, et plus je m’en veux, plus je m’éloigne.
J’ai revu Alain l’été dernier, quand j’ai porté l’urne de mon père sur la tombe familiale. Alain était là. Et malgré sa fatigue, malgré le fauteuil roulant, malgré tout, il était Alain. Alors on a repris les liens là où on les avait laissés. Parce que j’ai compris, enfin, que malgré l’accident, malgré le coma, malgré tout, Alain restait Alain. Un aventurier. Un philosophe. Un écrivain. Un bienfaiteur. Un type bien.
Alain m’a appelée aujourd’hui. Il est condamné. Le médecin le lui a annoncé cet après-midi. Il y a un truc qui touche la colonne. À plus ou moins brève échéance, il va mourir. Il ne sait pas quand, il ne sait pas comment, il sait juste que ça va arriver. Il voulait me prévenir, pour que je ne sois pas surprise. Qu’est-ce que je peux répondre à ça? Qu’est-ce que je peux faire? Qu’est-ce que je peux espérer?
Je ne veux pas être auxiliaire de vie. Je ne veux pas être aide-soignante. Je veux être un super médecin qui sauve la vie des Alain. Continuer la lecture
Echelle de dépression MADRS, Montgomery and Asberg Depression Scale
De nombreux outils d’évaluation validés et reconnus aussi bien en auto évaluation qu’en hétéro évaluation aident au diagnostic de dépression. L’échelle de dépression MADRS, échelle d’hétéro évaluation, est notamment recommandée aux médecins conseils pour instruire les demandes de pathologies psychiques … Continuer la lecture
Monsieur Bitàlair (3)
Bon bon bon… Je vous sens fébriles et impatients. Faut dire que j’ai lâchement laissé l’histoire de Monsieur Bitàlair en suspens, le temps de vous annoncer une bonne nouvelle, et puis le temps de m’occuper de Georges, et aussi le temps de tomber malade (c’est fou comme un gros rhume peut vous pourrir la vie), et puis aussi le temps de plein d’autres choses.
Bref, reprenons.
Je débarque donc chez Monsieur Bitàlair avec mes couettes innocentes et ma petite fiche de liaison sur laquelle il est sobrement écrit « aide à la toilette et entretien du logement ». Foutaises!
Je frappe à la porte. Pas de réponse. Je re-frappe. Grognements divers et variés à l’intérieur. La porte reste close. Je re-re-frappe. Et j’entre. Je ressors aussitôt. L’odeur. Putain, cette odeur! Pisse et clope. Je sens que ça va être génial. Allez Babeth, courage, vas-y! Je re-entre. Splitch splotch. Bizarre cette sensation d’humidité sous mes pieds. Une fuite? Une inondation? Splitch splotch. Ça colle un peu. Oh mais suis-je bête? (Oui, je le suis, mais parfois je me pose la question pour vérifier) Une forte d’urine ET du splitch-splotch… Mais oui mais c’est bien sûr! Je patauge dans la pisse! Ô joie, je sens que ça va être encore plus génial que prévu.
Pénombre. Je hasarde un « bonjour ». Pas de réponse. Enfin si, un truc inaudible, comme un grognement venant des entrailles du taudis de la maison. Splitch splotch. Il va falloir que je trouve d’où vient le grognement, j’ai une aide à la toilette à faire. Et un « entretien du logement ». En une heure. Ben c’est pas gagné.
Grognements et éructations, je crois que j’ai localisé Monsieur Bitàlair. J’avance prudemment. Splitch splotch. C’est pas possible, il y en a partout, une inondation de pisse. J’ouvre les volets au fur et à mesure que je passe devant. La clarté remplace la pénombre, et je suis désespérée face à ce qui m’attend. Une heure pour la toilette et le ménage. Non mais c’est du foutage de gueule! Monsieur Bitàlair est devant moi. Avachi dans son lit, baignant dans sa pisse et ses excréments, grognant et vociférant.Je ne suis pas la bienvenue. « Ordure! Pute! Salope! Fous le camp! ». Douces paroles et chaleureux accueil que voilà. Pas grave. Respire. Euh… Non, mauvaise idée. Reste polie. Prends sur toi. Plus que 55 minutes, ça va passer vite. Bon bon bon. Ce monsieur n’a visiblement pas très envie d’une aide à la toilette. Va falloir négocier.
Première étape : le sortir du lit. Enfin non. Faire en sorte qu’il accepte de quitter le lit, nuance. Respect de la personne toussa toussa. Manque de pot, Monsieur Bitàlair n’a pas l’air enthousiaste à l’idée de quitter sa couche douillette. Pas grave, je vais commencer par l’entretien du logement, on verra plus tard pour le reste. Ça tombe bien, il faut que je change les draps.
Étape numéro un : check. Passons à l’étape numéro deux : la douche!
À suivre… Continuer la lecture
La quinqua
Que s’est-il passé?
Que s’est-il passé?
Il était jeune, il était beau garçon, il avait la vie devant lui… Alors que s’est-il passé?
Il avait plein de talents, il savait presque tout faire : bricoler, cuisiner, dessiner, écrire, jardiner, créer, écouter, partager… Alors que s’est-il passé?
Il avait une famille, des parents, des frères et soeurs, une femme, des enfants… Alors que s’est-il passé?
Il avait un métier, un logement, un frigo rempli… Alors que s’est-il passé?
Que s’est-il passé pour, qu’au fil des années, ce jeune homme souriant brûle sa vie? Que s’est-il passé pour qu’il ne puisse être heureux? Que s’est-il passé pour qu’il se retrouve si seul? Que s’est-il passé pour qu’il laisse le cancer le dévorer si vite?
Que s’est-il passé pour que je me retrouve seule au milieu d’une montagne de cartons à trier quand tout le monde est si loin? Que s’est-il passé pour que la vie autour de moi semble si normale alors qu’il n’est plus là? Que s’est-il passé pour que je ne me souvienne plus de tous ces gens sur les photos qu’il me laisse? Que s’est-il passé pour que j’aie fait l’impossible promesse de prendre soin de sa veuve?
Que s’est-il passé pour que toutes les questions que j’avais à lui poser soient restées sans réponse? Que s’est-il passé pour que j’aie tellement l’impression d’être passée à côté de plein de choses? Que s’est-il passé pour que je n’aie pas su mieux le voir? Que s’est-il passé pour qu’il ait été si différent des autres pères? Que s’est-il passé pour qu’il ait été si fantasque et pourtant si effrayant parfois? Que s’est-il passé pour que tant de sentiments se mélangent?
Et maintenant, que va-t-il se passer? Continuer la lecture
Parfois j’aurais envie de…
…
JE CRISE
Phénomène au visage par trop familier, la crise s’invite partout et n’oublie pas les cabinets médicaux. Héroïne de nos entretiens (« Mon entreprise a fait faillite. Depuis je me suis mis à boire et ma femme va voir ailleurs…»), elle nous dicte nos gestes (Mr Chaumedu interrompt sa plainte, attrape un mouchoir en papier qu’il […] Continuer la lecture