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Alzheimer : des actions médicosociales au moins aussi efficaces que les médicaments

La maladie d’Alzheimer fait peur. Peur aux personnes qui prennent de l’âge et peur aussi aux conjoints ou aux familles qui seront directement concernées. Même si de nombreux travaux scientifiques sont en cours, on ne dispose pas pour l’instant de … Continuer la lecture Continuer la lecture

Publié dans Aidants, Alzheimer, inetervention medicosociale, Maladie d'Alzheimer, médicaments, VARIA | Commentaires fermés sur Alzheimer : des actions médicosociales au moins aussi efficaces que les médicaments

Une rencontre #2

Le début est à lire ici.
Jour J. Heure H. Nous avons rendez-vous à 17h.

Il est l’heure dans quelques minutes et je retrouve Charlie (@CharlieIsDark) devant le Ministère de la Santé. Je crois qu’on est aussi stressées l’une que l’autre! Entrée, passage sous le portique de sécurité, présentation des pièces d’identité… ça devient sérieux là. Plusieurs personnes attendent avec nous, je reconnais Solange (@Soskuld) mais je n’ose demander aux autres qui ils sont. Nous n’attendons pas longtemps. Après quelques minutes, on nous conduit dans un salon, dont la grande table ovale est chargée de viennoiseries. Bon, au moins on ne mourra pas de faim, et soit dit en passant, la vue sur Paris est splendide. Madame Rossignol arrive, suivie par quatre conseillères, et nous nous installons autour de la table.
On se présente. Je note consciencieusement les noms et les blogs associés, il y en a deux que je ne connais pas, ça m’offre une occasion de les découvrir.
La suite, ce sont trois heures de discussion, racontées ici :

http://marreaboutdficelle.blogspot.fr/2016/02/la-douce-melodie-du-rossignol.html

http://www.aide-soignant.com/article/aide-soignant/as/laurence-rossignol-ecoute-soignants-aidants

et dans les tweets de @CTrivalle, ici :

 

 Trois heures au lieu des deux initialement prévues, on a été bavards!
 En vrai, même quand j’avais les cheveux longs, je n’ai jamais fait de tresses pour aller bosser… je m’appelle pas Laura Ingalls 😉
 
 
Marie Bertrand a raconté certaines anecdotes vécues en EHPAD, on serait parfois crus dans un autre monde.

Ça traduit une certaine réalité. La profession aide-soignante est majoritairement féminine, tout comme le secteur de l’aide à la personne en général.
 C’est dommage d’ailleurs, parce qu’elle a un beau blog et plein de choses à y raconter…
 Ici, la discussion portait sur la solitude des travailleurs à domicile, et sur le manque de communication avec le reste de l’équipe soignante (IDEL, kinés, médecins…)
 Traduction : pour pouvoir entrer en EHPAD, il vaut mieux être en bonne santé.
 Ici, on a parlé d’Humanitude…
Chiche?
En effet, c’est encore trop peu. Et la qualité de l’accompagnement s’en ressent.
 En principe, la TVA appliquée aux produits d’incontinence (protections) a baissé, mais cela ne change pas grand chose au reste à charge pour le moment.
À cet instant précis, je l’avoue, j’ai failli dégringoler de ma chaise! (« manque de curiosité intellectuelle », gnagnagna…)
 Ce point est un peu flou. Pour passer en niveau IV il faut allonger le temps de formation. Qui paye? Et une fois le diplôme obtenu, il faut de toute façon revaloriser les salaires… mais le public et le privé doivent s’harmoniser, et ça risque d’être compliqué. Bref, c’est pas pour tout de suite.
Autre point délicat. Les aides-soignants en libéral pourraient faire du domicile, hors c’est déjà possible avec les SSIAD, qui présentent l’avantage d’être gérés par des IDE. Une collaboration AS/IDEL pourrait être un consensus.
La dépendance, ça coûte cher…
Bon ben là, euh, forcément, j’ai l’avantage d’être orpheline (pardon)!
 20 heures, fin des discussions, la Tour Eiffel s’illumine et nous nous précipitons aux fenêtres pour admirer le spectacle. Avant de partir, nous prenons le temps de faire une photo de groupe, histoire d’immortaliser ce temps d’échange. Ce fut une belle rencontre, on remet ça un de ces jours?

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Une rencontre #1

Il y a quelques semaines, j’ai reçu ça :

J’ai relu trois fois le mail, manqué m’évanouir, re-relu trois fois le mail, appelé mon mari, re-re-relu trois fois le mail, envoyé un message à ma copine @kataidante, et re-re-re-relu trois fois le mail avant de réaliser vraiment.

J’ai la chance d’avoir un entourage très organisé (contrairement à moi qui suis très bordélique). Aussitôt, Kat s’occupe de contacter quelques aidants pour des échanges de mails pendant que mon mari s’occupe d’organiser le voyage. Moi, pendant ce temps, je m’occupe du reste. Oui, la vie d’une chômeuse intellectuelle et idéaliste peut parfois être très prenante, donc par « je m’occupe du reste », je veux dire : je m’occupe des mômes, de mes trois articles en retard (un jour je rendrai un article à l’heure… promis!), des annonces Pôle Emploi (un autre jour je ferai un billet là-dessus, parfois c’est vraiment hilarant) et de plein d’autres choses (oui, j’avoue, dans le « plein d’autres choses » y a aussi du tricot, je suis une mémère et j’assume).
Pendant ce temps, Kat se rend compte qu’elle a reçu le même mail et essaie également d’organiser sa venue, mais c’est vachement plus compliqué quand on est aidante à plein temps et qu’on habite très loin. @JeSuisAidant est également invité et a priori, il pourra venir. Chic, ça va être une chouette rencontre!
Les semaines passent et les échanges de mails vont bon train à propos de la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Le stress monte, je lis et relis la loi, je lis et relis nos échanges de mails, je lis et relis les articles de presse trouvés sur le sujet. Je note timidement quelques questions de mon côté, plus portées sur le métier d’auxiliaire de vie que sur les aidants. Nous n’aurons que deux heures, je ne sais pas si la discussion s’orientera sur le sujet, mais au cas où…

Jour J. La veille, j’ai appris deux nouvelles, une mauvaise et une bonne. La mauvaise, c’est que ma copine Kataidante ne sera pas là. Être aidante, c’est compliqué, être aidante et s’absenter, c’est encore plus compliqué. À ce sujet, elle écrit un très beau billet, que je lis avec tristesse. Les choses sont dites et nous retweetons le billet en « pokant » Madame Rossignol, nous sommes sûrs qu’elle le lira (je confirme, elle l’a lu). La bonne nouvelle, c’est que @CharlieIsDark sera là aussi, et je suis drôlement contente de la revoir. Et puis, ça veut dire que nous serons deux aides-soignantes, et ça c’est vraiment bien!
9h. Nous déposons les enfants chez belle-maman et c’est parti pour l’aventure. Dans quelques heures nous serons à Paris, dans quelques heures je rencontrerai la Secrétaire d’État qui a fait voter la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Entre-temps, j’ai demandé la liste complète des blogueurs présents à la rencontre, et je suis d’autant plus impatiente d’y être. Outre @CharlieIsDark, @Soskuld, @Kataidante et @JeSuisAidant, il y aura également @AzaeSAP, @CTrivalle et Marie Bertrand. Hâte hâte hâte!

Un petit récapitulatif ici, il y a de beaux blogs à découvrir :

@CharlieIsDark : Aide-soignante : Y’a pas que la blouse!
@Soskuld : Soskuld, la vie d’une aide-soignante
@kataidante : Les chroniques d’Hortensie
@JeSuisAidant : Marre, à bout, d’ficelle
@CTrivalle : Gérontoprévention
@AzaeSAP : Le maintien à domicile
Marie Bertrand : La vie en vieux

« Manque de curiosité intellectuelle » disait ma tutrice aide-soignante lors de mon premier stage en EHPAD.

Je m’en fiche, je vais à Paris!

À suivre.

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La mésentente

En bleu, c’est Sidonie, auxiliaire de vie diplômée.
En  noir, c’est Madame Couché, épouse de Monsieur Couché.
Sidonie est une soignante, Madame Couché est une aidante. Toutes deux prennent soin de Monsieur Couché.  

Et voilà, je me suis encore fait avoir! J’aurais dû être ferme, j’aurais dû expliquer (une fois de plus) que je suis auxiliaire de vie, pas aide-ménagère, pas bonniche, pas bonne à rien. J’aurais dû lui dire à cette bonne femme, que je suis pas là pour ça. Mais j’ai pas osé. J’avais pas envie. Pas envie de m’énerver dès le matin. Pas envie de parler, pas envie d’expliquer, pas envie d’argumenter. Alors j’ai fait ce qu’elle m’a dit. J’ai obéi, sans discuter, comme si de rien n’était. Comme si c’était normal. 
J’étais censée être là pour Monsieur Couché, pour l’aider à se lever, à se laver, à s’habiller. J’étais censée faire ça, oui, ainsi que le petit-déjeuner. J’avais une heure pour faire tout ça, c’était largement assez. Pour une fois, le plan d’aide permettait vraiment d’intervenir dans de bonnes conditions, et pas au pas de courses comme chez tant d’autres. Mais quand je suis arrivée, à huit heures tapantes comme tous les matins, Monsieur Couché n’était plus couché. Il était levé, lavé et habillé. Il avait même pris son petit-déjeuner! Et moi, j’étais là, complètement inutile, face à ce monsieur qui n’avait déjà plus besoin de moi, à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire avec lui. Alors, en bonne professionnelle que j’espère être, je lui ai proposé autre chose. Après tout, si Monsieur Couché se débrouille tout seul pour « les activités de la vie quotidienne », je peux aussi proposer mon aide pour « le maintien de la vie sociale ». J’étais sur le point de lui suggérer de lui lire son journal (il ne peut plus, le pauvre, avec sa DMLA galopante) quand sa femme a surgi de nulle part pour me demander de faire la vaisselle, les lits (oui, LES lits, donc celui de Monsieur et celui de Madame) et un peu de ménage. 
Mais… Mais… Mais?! Mais je suis pas là pour ça! Je suis là pour Monsieur Couché, pour l’aider lui, pas pour la maison, pas pour elle! Je suis auxiliaire de vie, pas aide-ménagère! J’ai fait une formation, j’ai passé un diplôme, c’est pas pour me retrouver à faire du ménage à huit heures du matin alors qu’il y a déjà une aide-ménagère qui vient pour ça deux heures par semaine!
Ça, c’est ce que j’ai pensé très fort… Mais comme tous les matins, je n’ai pas osé le dire. Et comme tous les matins, j’ai fait ce que Madame me demandait de faire. J’ai fait la vaisselle du petit-déjeuner, j’ai fait les lits, j’ai passé un coup de balai et étendu le linge. J’ai fait tout ça en silence, pendant que Madame restait enfermée dans sa chambre. J’ai fait tout ça en retenant mes larmes, parce que je me sentais nulle, et inutile. J’ai fait tout ça en maudissant Madame Couché de me voler mon travail, en maudissant ma responsable de secteur de ne jamais mettre les choses au point avec les bénéficiaires et leurs familles, et en me maudissant d’accepter d’être ainsi rabaissée. J’ai maudit tout le monde, fait signer ma feuille de présence, et suis partie chez Madame Debout, qui allait sans doute me demander de faire la poussière, une fois de plus, alors que je l’ai déjà faite hier…

Ça y est, elle a réussi à me mettre de mauvaise humeur pour la journée! Tous les matins c’est la même chose, et ça fait des mois que ça dure! Elle se pointe à huit heures, la bouche en coeur, avec sa jeunesse effrontée et ses petits bras musclés, et elle se met en tête de s’occuper de mon mari. Sauf que mon mari, merci mais ça va, je m’en occupe. Parce qu’à huit heures, ça fait déjà longtemps qu’il est prêt mon bonhomme! Tu parles, à six heures il est réveillé et il hurle pour que je vienne le lever, alors je vais quand même pas attendre deux heures que Mademoiselle Sidonie se ramène! Je leur ai dit, pourtant, au bureau, que huit heures c’était trop tard, mais ils m’ont dit que personne n’intervenait avant cette heure, et que si je n’étais pas contente je pouvais toujours m’adresser à une infirmière libérale… Sauf que chez nous, les IDEL, elles viennent plus pour les aides à la toilette, alors je fais comment moi? Eh ben je vous le donne en mille : je fais, et puis voilà, c’est pas plus compliqué que ça. Je lève mon mari, parce que tout seul il ne peut plus, et puis je lui fais sa toilette, et puis je l’aide à s’habiller… Et quand tout est fait, il n’est pas sept heures, alors on va pas attendre une heure en se regardant dans le blanc des yeux. Alors forcément, je prépare le petit-déjeuner, et on le prend tous les deux, comme avant. Avant la maladie. Avant la dépendance. Avant la visite du médecin conseil. Avant les plans d’aide qui t’octroient généreusement quelques heures par semaine tout en te faisant bien comprendre que quand même, heureusement qu’on est là hein! Avant la responsable de secteur avec son sourire mielleux et son regard condescendant. Avant Sidonie.
Le café du matin, c’est notre seul moment calme de la journée. Parce qu’après, il y a Sidonie. Et encore après, c’est la course, toujours. Parce que mon bonhomme, c’est toute la journée qu’il a besoin d’aide. Pas juste le matin entre huit heures et neuf heures. Parce que la maladie d’Alzheimer, c’est toute la journée et toute la nuit, tous les jours, tout le temps. Quand il se lève, il est malade. Quand il mange, il est malade. Quand il parle, il est malade. Quand il marche, il est malade. Et quand il dort… il est malade aussi. Et moi je suis malade de sa maladie. Je suis malade de l’aider, de l’entendre crier, de faire à sa place. Je suis malade de notre intimité perdue. Je suis malade de son lit médicalisé qui prend toute la place, et malade de devoir dormir dans une autre pièce, parce qu’il n’y a plus de place pour moi dans la chambre conjugale. Malade de son déambulateur, de sa chaise percée et de la douche adaptée qui a remplacé la baignoire. Malade d’être sa garde-malade avant d’être son épouse. Malade de la famille qui ne vient plus nous voir parce que « c’est compliqué », malade des voisins qui nous évitent parce que « le monsieur est bizarre », malade de Sidonie qui rentre dans notre maison, qui farfouille dans notre cuisine et qui s’adresse à lui comme à un enfant. Qui s’adresse à lui hein, pas à moi. Parce que moi, je n’ai besoin de rien, c’est évident. Moi je suis l’épouse revêche, celle qui vole le travail des gentilles auxiliaires qui ne demandent qu’à aider. Moi je suis la méchante qui demande à la gentille de faire le ménage alors qu’elle est diplômée et pas payée pour ça. Moi je suis celle qui abuse des aides sociales, qui vole l’argent du contribuable pour se faire payer des heures de ménage sur le dos de la dépendance.
Mais je voudrais bien qu’elle comprenne, la gentille Sidonie, que pendant qu’elle fait ce qu’elle appelle les basses besognes, je peux avoir une heure pour moi, une petite heure, une toute petite heure. Une toute petite heure pour me laver et m’habiller. Une toute petite heure pour passer un coup de fil à notre fille à l’autre bout de la France. Une toute petite heure pour courir acheter le pain et son journal. Une toute petite heure pour me reposer quand la nuit a été éprouvante, quand je me suis levée toutes les deux heures pour recoucher mon bonhomme qui déambulait, ou pour nettoyer les toilettes après son passage. Je voudrais bien qu’elle comprenne tout ça Sidonie, qu’elle sache que faire du ménage c’est tout aussi important que le reste, parce que ça allège un peu le quotidien.

Parce que pendant une heure, une petite heure, une toute petite heure, je ne suis plus une aidante. Je suis une épouse pour mon mari, une mère pour notre fille… et une femme.

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Le long du chemin

Aujourd’hui, au hasard de Twitter, je suis tombée sur ça.
Forcément, je me suis indignée. Forcément, j’ai pensé que ce type était un con. Et forcément, je suis allée lire les réactions sur les réseaux sociaux. Oui, je suis accro au net et j’assume. Tantôt encensé, tantôt lynché, ce carabin a le mérite de ne pas laisser ses lecteurs indifférents. Mais je digresse.
Pourquoi ce billet? Parce qu’après avoir hurlé avec les loups, je me suis arrêtée cinq minutes pour réfléchir. Qu’est-ce qui me choque au fond (outre le fait que la mère au chômage s’appelle Babeth)? Les clichés? Le mépris? L’absence manifeste d’empathie? Tout ça ensemble?
J’étais comment, moi, il y a quelques années?
Retour en arrière.
J’ai été une monitrice-éducatrice et je ne comprenais pas que des parents laissent croupir toute l’année leur gosse handicapé dans un IME sans même venir le chercher le week-end.
J’ai été une aide à domicile (même pas une vraie auxiliaire de vie puisque non diplômée) et je méprisais profondément Madame LangueDeVipère et Monsieur Bitàlair.
J’ai été une élève aide-soignante et j’ai été indignée par certains placements en EHPAD que j’estimais abusifs.
Maintenant je suis aide-soignante. Et je revois certaines de mes valeurs.
À l’école, on nous a parlé du patient au coeur du dispositif de soins. Évidemment, nous étions tous d’accord avec ce principe, comment aurait-il pu en être autrement? Nous sommes là pour le patient, pour lui et pour personne d’autre, c’est la base de notre métier de soignants.
Oui, mais…
Oui, mais depuis, j’ai rencontré les vrais patients, ceux de la vraie vie, pas ceux des livres… Et j’ai rencontré leurs familles. Ceux que l’on appelle les aidants. Les aidants qui, eux, ne sont pas « au coeur du dispositif de soins ». Les aidants qui ont des choses à dire, et qu’on n’écoute pas toujours. Et c’est bien dommage. Parce que si on prenait le temps de le faire, on apprendrait plein de choses que le patient « au coeur du dispositif de soins » ne nous raconte pas.
Les aidants pourraient nous expliquer que non, on ne peut pas récupérer son gamin handicapé tous les week-end, à cause d’une sombre histoire de budget d’hébergement et d’une triste réalité d’éloignement géographique.
Les aidants pourraient nous expliquer que Madame LangueDeVipère n’a pas toujours été une langue de pute et que Monsieur Bitàlair n’a pas toujours été un vieux pervers. Parce que parfois la vie est une sale pute qui ne nous montre que la laideur des choses qui ont peut-être été belles il y a longtemps.
Les aidants pourraient nous expliquer que le placement en EHPAD est rarement une punition, et souvent un déchirement. Qu’à domicile, malgré toutes les aides possibles, ça n’est plus vivable, et qu’il faut séparer les couples qui se sont aimés pour qu’ils puissent survivre.
Les patients m’ont beaucoup appris, mais les aidants m’ont appris bien plus encore.
Ils m’ont appris à écouter. Ils m’ont appris à m’éloigner un peu du patient pour pouvoir regarder ce qu’il y avait autour. Ils m’ont appris à revoir certaines de mes opinions. Ils m’ont appris que pour être bientraitante il fallait laisser ses valeurs chez soi et accepter de découvrir celles des autres.
Ils m’ont appris tout ça, et ils m’apprennent encore. Et je les en remercie.

J’ai de la chance. Parce que je rencontre de belles personnes, qui m’aident à devenir une soignante. Et aujourd’hui, en découvrant cette BD qui me fait bondir, je mesure d’autant plus ma chance. Parce que cette image, elle m’aurait sans doute fait sourire il y a quelques années (j’avoue, je me suis moquée de la même façon de certains bénéficiaires, et de certains aidants). Et en la regardant maintenant, je me rends compte du chemin parcouru. J’ai vraiment beaucoup de chance. Et j’ai hâte de découvrir la suite du chemin.

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Le contrat

Article 212 : Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.

Tu te rappelles mon amour? Ces voeux, nous les avons faits ensemble devant le maire. Toi, moi, par un beau samedi du mois de juin, il y a cinquante-quatre ans. Toi dans ton beau costume, moi dans ma robe blanche. Nos parents, fiers, souriants, et cette belle photo de nous en noir et blanc qui trône sur la cheminée depuis tant années. Fidélité, secours, assistance. Des engagements que nous avons tenus. Jour après jour, malgré la trop charmante voisine qui te tournait autour, malgré la perte de ton emploi, malgré l’accident qui a coûté la vie à notre fille.

Article 213 : Le mari est le chef de la famille. Il exerce cette fonction dans l’intérêt commun du ménage et des enfants.

La femme concourt avec le mari à assurer la direction morale et matérielle de la famille, à pourvoir à son entretien, à élever les enfants et à préparer leur établissement.

Tu as travaillé dur. J’ai élevé nos enfants et tenu la maison. Quand tu rentrais le soir, la soupe était prête et la maison propre. Un parfait petit mari travailleur, une parfaite petite maîtresse de maison. Une parfaite petite famille dans une parfaite petite maison.

La femme remplace le mari dans sa fonction de chef s’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de toute autre cause.

Parfois, tu partais loin. Je m’occupais de tout. Tu pouvais avoir l’esprit tranquille, tu savais que tout irait bien en ton absence. Je pouvais avoir l’esprit tranquille, je savais que nous serions heureux de nous retrouver.


Article 214 : Si le contrat de mariage ne règle pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils contribuent à celles-ci en proportion de leurs facultés respectives.

L’obligation d’assumer ces charges pèse, à titre principal, sur le mari. Il est obligé de fournir à la femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie selon ses facultés et son état.

Nous n’avons presque manqué de rien. Nous avons pu acheter notre maison et payer les études des enfants. Tout était bien. Bien sûr il y a eu des périodes difficiles, parfois, mais ça n’était rien à côté des privations subies pendant la guerre. Nous avions tellement manqué de tout quand nous étions enfants! Alors, pouvoir manger à chaque repas et dormir au chaud, quel luxe en vérité!

La femme s’acquitte de sa contribution aux charges du mariage par ses apports en dot ou en communauté et par les prélèvements qu’elle fait sur les ressources personnelles dont l’administration lui est réservée.
Si l’un des deux époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre époux dans les formes prévues à l’article 864 du code de procédure civile.

Nul besoin de contrainte dans notre couple. L’argent n’a jamais été sujet de discorde entre nous. Nous étions économes sans être radins, nous avions ce qu’il fallait sans crouler sous l’opulence. Je n’ai jamais vérifié tes fiches de paye, tu n’as jamais vérifié mes dépenses pour le ménage. La confiance était totale et réciproque.

Article 215 : Le choix de la résidence de la famille appartient au mari ; la femme est obligée d’habiter avec lui, et il est tenu de la recevoir.

Lorsque la résidence fixée par le mari présente pour la famille des dangers d’ordre physique ou d’ordre moral, la femme peut, par exception, être autorisée à avoir, pour elle et ses enfants, une autre résidence fixée par le juge.

C’est sur ces dernières phrases que nos chemins se séparent. Tu comprends mon amour, je ne peux plus vivre avec toi. Parce que justement, je ne vis plus. Parce que je passe mes jours et mes nuits à m’inquiéter pour toi. Parce que nous sommes devenus des étrangers l’un pour l’autre. Je ne suis plus ton épouse. Je suis parfois ta soeur, souvent ta mère, et la plupart du temps une parfaite inconnue. Tu n’es plus mon époux. Tu es celui qui hurle la nuit, celui qui m’insulte, celui qui m’ignore. Je voudrais t’aimer, mais je n’y arrive plus. Parce que tu me fais peur, parce que m’épuises, parce que tu finiras par me tuer.
Je ne me débarrasse pas de toi mon amour. Je le fais pour toi, pour moi, pour nous. Je le fais parce que nous avons été un couple heureux, et que je veux garder ce souvenir de nous. Parce que tu étais mon mari, mon amant, mon tout. Parce que notre amour n’a pas su résister à la maladie. Parce que je suis trop vieille pour mourir d’amour.
Tes valises sont prêtes. Toi, tu tournes en rond dans le salon, comme tous les jours. Je t’ai parlé de cet endroit où tu allais, je t’ai dit que je ne t’abandonnais pas mais que je te confiais à d’autres qui sauront mieux s’occuper de toi. Je ne t’ai pas menti. Alors pourquoi ai-je ce sentiment amer d’une ultime trahison? Pourquoi cette culpabilité lancinante? Pourquoi cette envie de mourir quand je t’offre une nouvelle vie?
Pourquoi ce chagrin d’amour alors que nous nous sommes tant aimés?

Article final : Jusqu’à ce qu’Aloïs vous sépare.*

* merci à @kataidante pour la touche finale

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Tu connais Christelle? Et Doune, tu la connais?

Doune est aidante. Elle m’autorise à reproduire ce texte qui parle de la maladie d’Alzheimer, voleuse de vie et voleuse d’enfants. Je la remercie de ce partage et j’espère que ces quelques lignes vous toucheront autant qu’elles m’ont touchée.
TU CONNAIS CHRISTELLE ? ET DOUNE TU LA CONNAIS ?
Les parents donnent souvent un petit surnom à leur enfant.
Moi c’est mon frère qui me l’a donné mon surnom.
Doune, on m’a toujours appelée comme ça en famille, les amis.
Christelle était utilisé quand il y avait bêtises, à l’école, puis plus tard dans la société.
Mais je ne pensais pas qu’un jour, mon prénom et mon surnom allaient faire de moi deux personnes différentes.
Puis l’invité m’a démontré que c’était possible.
Je savais qu’un jour, le moment de qui je suis, allait arriver.
Mais au fond de moi, je priais pour qu’il arrive le plus tard possible, même jamais.
Mais il se montre par de petits signes, avec plus de force il devient de plus en plus présent.
Tu me cherches dans la maison, tu me trouves et me demandes où est Christelle.
Côte à côte, tu me demandes où est Christelle.
Je suis là, c’est moi, ma main tient ta main pour te rassurer.
Le temps où ton regard s’interroge sur la personne que je suis, là devant toi.
Puis ton regard se fait plus clair.
L’image de ma personne t’apparaît-elle comme une mise au point d’un zoom?
Je ne sais pas ce qui se passe vraiment pendant ce temps de réflexion.
Si seulement je savais sur quel bouton appuyer, je le ferais tout de suite
Pour t’éviter ce regard si interrogateur, perdu, chercheur.
Puis ce moment revient souvent, chaque jour, il me touche à chaque fois.
Moins que la première fois où il s’est présenté, car je me suis fait une raison.
Puis l’invité voyant que je m’habituais, il a décidé d’aller plus loin.
Je ne pensais pas qu’un jour cette discussion allait exister entre nous, mais elle s’est présentée.
On était toutes les deux, comme d’habitude, après-midi activité, on discutait.
Puis d’un coup, dans la conversation tu me demandes si je connais Christelle.
Il doit être content, il m’a touchée, je ne montre pas ma blessure pour ne pas perdre ton regard.
Est ce que j’ai bien fait, ou mal fait, je t’ai répondu que je la connaissais.
Je ne voulais pas rentrer dans son jeu, gâcher ce moment qui se passait si bien.
Je t’ai laissé continuer de me parler de Christelle, ensuite Doune est apparue dans la conversation.
Un enfant est fier quand il entend ses parents parler de lui.
Une drôle de sensation vous envahit quand votre parent vous parle de vous comme à une personne étrangère.
Je la regardais avec un sourire, mais la tristesse m’a habitée tout au fond de moi.
Il veut que tu te perdes entre Christelle et Doune, ça ne lui suffit pas que tu ne me reconnaisses pas de temps en temps.
Je t’ai pris la main et j’ai changé doucement de conversation, puis nous avons continué notre activité.
Je sais qu’il recommencera, de plus en plus, jusqu’à ce qu’il gagne.
Mais je vais faire mon possible, avec douceur, pour te dire que Christelle et Doune ne font qu’une seule personne, moi, ta fille.
Même si je sais que c’est un combat que je vais perdre à un moment dans notre vie avec l’invité.
Un jour, à tes yeux, je ne serai plus Christelle, ni Doune, ni ta fille, je serai une personne étrangère.
Mais pour l’étrangère que je deviendrai, tu resteras ma petite maman.
Doune.

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