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Crépuscule

Il y a des choses que je n’aime pas en médecine, ou plutôt avec lesquelles je ne suis pas à l’aise.

Parmi elles, bien en tête du peloton, ces moments où, alors que le patient nous parle de symptômes qu’il pense anodins, on comprend vite que se joue en réalité quelque chose de grave . On comprend soudainement que sa vie va basculer imminement et que l’on contribuera à lui porter cette nouvelle.

Généralement il ne se doute de rien, ou si peu, et il y a quelque chose de quasi obscène à savoir sans rien dire. Comme si l’on surprenait un vilain petit secret qu’il aurait préféré garder caché.

 

Un soir aux urgences, je m’occupe enfin de Soeur T. qui attendait depuis maintenant plusieurs heures sur son brancard, le drap comiquement rabattu sur le sommet de son crâne pour mimer la coiffe dont l’infirmière d’accueil l’avait délestée. A côté d’elle une de ses soeurs, debout sans broncher, dans sa tenue claire. Elles étaient calmes, toutes deux. Celle debout tenait en main un scanner, passé « en ville », à la suite duquel le radiologue l’avait envoyé aux urgences.

Je les ai installées dans un box, et l’accompagnante m’a expliqué, la chirurgie récente, il y a quelques mois, l’embolie pulmonaire au décourt, alors que soeur T avait « toujours été un roc », les troubles mnésiques depuis quelques années. J’ai soigneusement rempli la case antécédents du logiciel des urgences, sans bien voir le lien avec le scanner cérébral qu’elle me tendait.

Elle m’a enfin raconté les maux de tête depuis quelques semaines, de plus en plus violents. Soeur T, m’a expliqué que le matin, vraiment c’était pire. Que parfois elle était surprise par des gens arrivant par sa gauche, comme si elle « voyait moins bien par là », la marche plus pénible depuis peu. Elles m’ont dit les traitements symptômatiques qui ne marchaient plus, le médecin traitant finissant par prescrire le scanner, la panique du radiologue, le taxi qu’elles avaient pris « exceptionellement » pour venir aux urgences.

 

Le compte rendu du radiologue évoquait un AVC postérieur, mais n’ayant pu injecter le scanner ne se prononçait pas plus. J’ai silencieusement regardé les planches fournies. Vu avec consternation un volumineux oedème vasogénique. Deviné la masse en dessous.

 

Toutes deux me regardaient. Soeur T a bougoné car tout cela était beaucoup d’agitation pour rien, et qu’à 86ans elle avait le droit de moins bien marcher. J’ai rangé les planches en la prévenant que j’allais devoir l’examiner. En douceur, avec son accompagnante, nous avons enlevé les nombreuses couches de son habit, et les sous-couches de vieille femme frileuse, plus nombreuses encore. J’ai plaisanté à ce sujet pendant que l’accompagnante levait les yeux au ciel en riant. J’ai essayé de toutes mes forces de ne pas penser à ma grand mère.

 

J’ai retrouvé comme attendu une « belle » HLH gauche, et des troubles sensitifs. Je ne l’ai pas faite marcher car elle était fatiguée, qu’il était déjà tard, et que, vu le scanner je savais déjà ce que j’allais trouver.

Avec un sourire je lui ai dit que nous allions l’hospitaliser, et j’ai conseillé à sa soeur de partir. Alors que je la racompagnais à l’accueil, celle ci m’a dit qu’elle se doutait bien que ce n’était « pas très bon » mais qu’elle espérait qu’on puisse aider Soeur T. à moins souffrir de la tête.

 

Dans la soirée, mes compléments d’examens ont confirmé le diagnostic de tumeur. J’étais plutôt triste d’avoir eu raison contre l’interprétation du radiologue. Soeur T. n’a posé aucune question, alors je n’ai rien dit. Elle était simplement soulagée de savoir qu’elle aurait une chambre cette nuit.

 

En regardant les étoiles pâlir, au petit matin, un café à la main, je repensais à elle. Je me demandais ce qu’elle pouvait ressentir, elle, née entre deux guerres, dans une france bien différente de la notre. Elle qui avait du prononcer ces voeux à une époque où la place des religieuses dans la société était peut être plus évidente. Je me suis demandé ce que cela faisait de vieillir dans un environement figé, alors que dehors tout galopait. De ne sortir que rarement et, soudainement, se retrouver dans l’agitation des urgences d’un hôpital. J’ai espéré ne pas lui avoir fait de peine en l’appellant Madame. J’ai espéré qu’elle était en train de dormir, et que les antalgiques était efficaces.

 

Je me suis demandé si à l’heure du crépuscule, ses choix de vie l’aideraient. Si des peurs et regrets reviendraient la hanter, ou si sa foi l’aiderait à être sereine.

J’ai espéré que ce serait le cas. Que ça irait vite. Et l’indécence qu’il y avait à espérer une mort paisible pour une patiente ne se sachant pas encore malade m’a heurté.

 

Le café et le fond de l’air étaient froids, alors je suis rentrée.

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Hiver

J’ai perdu mon premier patient un matin d’hiver.

C’était une matinée de week end, où on fait la visite en espérant partir au plus vite. D’ailleurs j’étais venue tôt, ma visite était finie, je n’attendais plus que les résultats des bilan bios avant de partir. Ma chef donnait un avis aux urgences, je buvais un café avec l’équipe, à discuter de ces choses banales qui bercent le quotidien des équipes. Une chambre a sonné. « M. Pierre vomit encore ».

Pourtant, M. Pierre va bien. Il est aphasique et n’attend plus qu’une place en rééduc, mais il va bien. Je l’ai vu tout à l’heure à la visite, ça allait ; je retourne le voir. Ce matin, M. Pierre en bon aphasique qu’il est ; est incapable de m’indiquer ce qui ne va pas, s’il a mal et où. Alors je palpe, j’ausculte, je contrôle l’ECG. Je sors de la chambre, et écris un mot rassurant dans le dossier « examen clinique rassurant, abdomen souple, auscultation cardiopulm et ECG RAS. Bilan de principe car vomissements itératifs inexpliqués ». Je demande à l’infirmière de prélever M. Pierre.
Soudain, on vient me chercher : Dis, Maud a besoin de toi TOUT DE SUITE. Ça sent mauvais ça. Dans la chambre, Maud est figée, son plateau de prélèvement à la main, et M. Pierre est livide. J’échange un regard avec Maud, la jeune infirmière qui a pris son premier poste en même temps que j’entamais mon premier semestre de ma vie d’interne. Ensemble,  on a fait notre première transfusion  et géré notre première complication transfusionnelle ; ensemble on affronte les doutes de toutes jeunes professionnelles, chacune dans son métier.

Mais là, de doute, il n’y en a plus. M. Pierre est en arrêt cardio respiratoire. Je cherche rapidement un pouls, évidemment absent. Je jette « cherchez le chariot d’urgence appellez les réa ». Maud réagit soudain, abaisse la tête de lit, débranche le matelas anti escarre pendant que je commence à masser. Il se passe une chose étrange pendant les premiers instants de massage cardiaque ; oxygéné, le visage se recolore, et on a l’impression que ça y est, c’est bon, la vie est revenue ; mais non. Non.
On s’est relayées pour masser comme on pouvait en attendant les réa. C’était la toute première fois de ma vie que je le faisais en vrai. Je me souviens du matelas anti escarre qui se dégonflait à chaque impulsion, d’avoir massé jusqu’à épuisement, « Un putain bordel Deux putain merde Trois », de mon sentiment d’incongruité. Je me souviens ne m’être rendu compte qu’avec retard que le voisin de chambre, un petit papito dément était là et nous regardait avec effarement. Tout cela n’avait rien de glorieux. Pas de révélation transcendante sur la meilleure façon de réanimer. Uniquement l’énergie du « oh putain, c’est pas vrai c’est pas vrai ». Le défibrillateur refusait de choquer. Rythme plat.

Les réas sont arrivés, et quelques ampoules d’adré plus tard, le décès était prononcé.

 

On s’est regardé avec la sénior. On a appelé la famille, pour leur dire de revenir, vite. La sénior m’a dit « rentre chez toi, tu as finis ta visite et il n’y a plus rien à faire, je verrai les bio ».
Je me souviens que dans le RER, j’ai pleuré. Ca a explosé d’un coup, quelque part après denfert, alors que je repensais au dernier mot que j’avais écrit dans le dossier « Examen clinique rassurant ». Tu parles. Putain de sens clinique.
La culpabilité et la peur m’ont prise à la gorge, et les larmes ont jailli. Pas la petite larmichette des séries TV où le héros pleure un peu parce que c’est dur mais pas trop parce qu’il est fort. Non. Des gros sanglots de mioche inconsolable qui pleure jusqu’à l’endormissement. J’avais l’air d’une échappée de l’asile, pleine d’eau et de morve.

 

Aujourd’hui encore, en y repensant la culpabilité me ronge. Qu’ai-je loupé ? Il n’y a pas eu d’autopsie, pas de RMM, rien. J’aurai préféré.

 

 A mon entrée chez mes parents, tout le monde s’est tourné vers moi. « Aaaah, enfin, on t’attendait pour les cadeaux ».

Noël, j’avais oublié.

 

Comme dit Mike ; On est bien seuls.

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Monsieur Q.

M. Q est né il y a une soixantaine d’année, en Afrique. Il a travaillé en France, a envoyé de l’argent au pays, pour aider sa grande famille. Et puis, insidieusement, M. Q s’est mis à moins bien marcher. A moins bien parler. Lentement, surement, ses centres de l’équilibre ont baissé les bras. A cause de l’une de ces si nombreuses maladies que l’on sait pas trop mal diagnostiquer, mais vraiment mal soigner, dans ma spécialité.

D’après les cousins qui lui rendent visite, M. Q travaillait encore, malgré tout, avant qu’une attaque cérébrale ne lui paralyse en partie le côté gauche du corps.

 

Quand j’ai rencontré M. Q, il était admis depuis quelques jours dans mon service. Pour une nouvelle attaque qui lui ôtait, cette fois, le contrôle de la partie droite de son corps, et surtout, la parole.

M. Q était donc incapable de bouger dans son lit. Les bras ramenés vers lui par la spasticité lui donnaient un air implorant. Pas un son ne sortait de sa bouche. Seul son regard errait d’un objet à l’autre, avec de déconcertants sursauts dûs à ses troubles neurologiques. M. Q ne répondait pas aux ordres simples. M. Q ne progressait pas.

 

M. Q, lorsque vous êtes interne, c’est le type même du patient « aisé à négliger ». Parce qu’il ne se passe rien. Que le bilan a été bouclé en moins d’une semaine et que désormais son « cas » relève plutôt de la rééducation, qui n’est pas votre spécialité, que vous connaissez mal et qui vous met donc mal à l’aise. Car n’importe quel autre patient aurait été transféré relativement rapidement vers une rééducation.

Mais voilà, M, Q n’est pas « sexy ». Sa CMU ne fait pas rêver les foules. Il a beau avoir un réseau familial et amical solide qui aimerait le prendre en charge chez lui, ce n’est pas possible, car son « chez lui » n’est pas aménageable à son handicap. Rentrer au pays n’en parlons pas. Alors les centres de rééducation rechignent à l’admettre.

 

Alors M. Q reste là. Dans « vos » lits. M. Q vous fixe sans rien dire quand vous passez le matin. Vous ne savez pas trop quoi faire, ni dire. M. Q n’a pas besoin de vos talents d’interne. M. Q a besoin de rééducation. M. Q a besoin de temps. A côté, vous avez 10 patients qui ont besoin, en quantité et ordres variables : d’avis cardio, de TDM de contrôle, d’aller en chirurgie, d’IRM, d’ARM, d’échographie, d’équilibrer leur traitemnt. De tout ces trucs que vous organisez ou faites, vite et bien, habituellement. En dehors de l’hôpital, vous avez des topos, posters, articles à préparer. Des cours à relire. Une vie personnelle a faire avancer. Alors M. Q…

 

Alors M. Q, la visite professorale l’ignore. La vôtre est à peine mieux. Vous gérez les problèmes aigus. L’infection pulmonaire. La suspicion de phlébite. Mais voilà, c’est tout.
Vous êtes jeune, interne, un peu submergée, un peu bête, très impuissante et mal à l’aise. La vie de M. Q n’est pas une vie. Vous vous demandez parfois ce qu’il lui passe par la tête en vous voyant vous tortiller à son chevet tous les matins quand vous vous forcez à aller le voir.

 

Heureusement il y a Jeanne*. Jeanne, c’est l’ortho(phoniste pas pédiste) dont tout service de neuro rêve. Jeanne, elle n’a pas un parcours habituel, et du coup, ses idées sortent souvent de l’ordinaire. On a vu Jeanne se démener. On a un peu chambré Jeanne qui passait beaucoup de temps avec lui. Parfois elle fatiguait et espaçait ses séances. Puis une nouvelle idée la saisissant, elle réattaquait la muraille de silence, avec ses armes à elle.

Heureusement il y avait Alicia* la kiné. Qui a étiré, délié les muscles avec une infinie patiente.

 

Je ne sais plus à quel moment notre regard a changé sur M. Q. Probablement quand une autre interne m’a rejointe en salle, et a eu le sentiment qu’il était… différent. Un de ses bras avait récupéré un peu de force et pouvait pointer. Son corps n’avait plus cette attitude d’animal blessé des premiers jours.

 

M. Q ne parlait toujours pas, mais quelque chose passait entre lui et nous. Parfois M. Q sourait, de façon adaptée. Parfois non. Mais de plus en plus souvent de façon adaptée. Parfois, on arrivait à avoir un « oui » « non » informatif à des questions très simples.

 

Petit à petit aller voir M. Q est devenu un plaisir. On cherchait l’idiotie qu’on allait proférer pour tenter d’obtenir un sourire. Ou parfois, juste un bonjour, mais qui n’avait plus rien de forcé.

 

Un midi, en avril, lorsque le temps était à l’été prématuré, ma co interne et moi avons réalisé que M. Q n’avait pas respiré l’air libre depuis plus de trois mois. En remontant dans le service, inhabituellement calme ce jour là, nous avons littéralement kidnappé M. Q sur son fauteuil et l’avons trainé jusque dans le parc de l’hôpital.

Nous nous sommes assises sur un banc goûtant à ce repos inattendu et transgressif comme à ces après midi de glande surprise au collège lorsqu’un prof était absent.

Les yeux de M. Q balayaient tout l’espace. Revenait sur nous occasionnellement lorsque nous blattions sur les passant(e)s.
Croyez le ou non, M Q a gardé son sourire jusqu’au soir bien après que nous sommes remontés dans le service.

 

Ensuite, et jusqu’à la fin du stage, une sortie par semaine minimum est devenu notre rituel à Co-interne, M Q. et moi.

 

C’est en buvant mon café au soleil, regardant M. Q scruter chaque détail du parc que j’ai cessé d’avoir pité de lui.

 

Jeanne, Alicia et M. Q m’ont fait un cadeau inestimable ce semestre là, qui a valu mille fois toutes les choses théoriques importantes que j’ai apprises pendant ce stage : la vie, même brisée, peut reprendre forme d’une façon inattendue. Et nul ne mérite d’être abandonné.**

 

*Comme dans tout bon article avec des petits morceaux de vérité dedans les prénom a été modifié.

**Attention à bien me comprendre : l’acharnement médical, c’est mal. Le handicap, c’est compliqué, peut être difficile et mal vécu. Ce n’est pas toujours de la faute de quelqu’un s’il est mal vécu, et dans ces cas là, le devoir de l’équipe est d’aider à atténuer la souffrance, et ça fait partie du fait de ne pas abandonner les gens. Dans le cas de M. Q, si sa vie et ce qu’il est n’ont plus rien à voir avec ce qu’il était avant, je suis au moins sure d’une chose : il ne souffrait pas physiquement, ni à priori moralement. Nous ne nous sommes pas acharnés, mais il était là, en vie, avec nous. Et j’ai découvert que les moments de plaisir, et de plaisir partagé, peuvent malgré tout exister.

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De beaux lendemains

Parfois, un chef de mauvais poil vous rappelle d’un ton acerbe qu’après tout le repos de sécurité « ça a pas été créé pour que les internes puissent glander mais pour qu’ils ne puissent pas tuer leurs patients par erreur » (le sous entendu étant « donc tu peux rester dicter/taper des comptes rendus surtout fait toi plaisir »). Certes. Quelques accidents de la route d’internes ayant passé plus de 36h d’affilée de service avaient un peu contribué à l’époque mais ça, hein, tout le monde l’oublie assez vite.

Et certains services ont assez vite tendance à oublier la sécurité dès que ça arrange les uns et les autres que « tu fasses quand même un bout de visite, après tout, à mon époque on le faisait bien* ».

 

Alors que les choses soient claires, c’est vraiment une mauvaise idée.

En tout cas pour moi. Après un mois de travail non stop (comprenez par là que la dernière fois que j’ai passé 24h sans mettre le pied à l’hôpital était le 3octob), dont plusieurs visites de lendemain de garde, pour cause de sous effectif cruel dans le service, je commence à expérimenter douloureusement la démission de mes neurones en fin de matinée.

Le pire étant, qu’en général, les patients éprouvent justement le besoin de longues explications sur leur état pile ce jour là. Ils doivent avoir un détecteur du mauvais moment, ou quelque chose comme ça. Résultat, je bafouille, cherche mes mots, tente d’être rassurante, avec parfois de longues poses pendant lesquelles je laisse le patient s’épancher (et que je tente intérieurement de me rappeller mmmm c’est QUOI déjà son problème à lui ? (j’exagère à peine)). Le patient sort de cette épreuve encore plus inquiet et tout est à reprendre le lendemain.

 

Si hospitalisé(e), vous voyez débarquer un matin votre interne puant le chacal (ou, autre possibilité si il lui reste un léger sens de l’hygiène, sentant frais le gel douche), mal peigné et de mauvaise humeur, il y a de fortes chances qu’il/elle sorte de garde et soit tombé dans le piège du « bon ok, je fais le tour et je me casse ». Surtout, surtout, ne vous plaignez de rien, de demandez rien, ne faites RIEN qui justifie qu’il/elle ait envie de modifier votre ordonnance dont, à priori, aucun des médicaments ne vous a encore tué. Tout le reste peut attendre 24h de plus. L’autre possibilité est qu’il/elle se soit fait larguer la veille et ait pris la biture du siècle dans la foulée (son haleine peut vous mettre sur la voie), mais le résultat est le même, ne bougez pas une oreille.

 

Si non hospitalisé(e), vous croisez le même individu dans le métro qui somnole sur un fauteuil, la tête dodelinant au rythme des cahots, c’est peu être un(e) interne qui rentre de garde. Ne l’approchez pas ce n’est pas absolu qu’il/elle ait chopé la gale la veille**. Et faites taire votre gamin qui le pointe du doigt en disant « pourquoi elle dort là la dame ? Elle a pas de maison ? » (authentique), ça pourrait la réveiller.


*ce à quoi il est fortement déconseillé de demander « mais les dinosaures en vrai ils étaient vraiment si grands ? »

** J’essaie de me persuader que ce n’est qu’un « prurit psychogène » depuis que j’ai vu ce type couvert de pous/et probablement scabieux il y a 36h mais quand même…

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"mais peu à peu je m’efface"

Me voilà après presque un an de stage, naviguant entre hauts et bas, exaltation intense et moments d’épuisement physique et moral.

Exaltation car avoir le sentiment de vraiment changer les choses, par un diagnostic  fait à temps qui changera le pronostic vital d’un patient, parce que parfois, sans avoir l’impression d’avoir rien fait de particulier, les patients vous remercient, même si vous ne savez pas de quoi. Parce que parfois, les gens vont bien. Parce que parfois, vous riez aux larmes avec vos co-internes, que vos chefs sont extra ordinaires, ou que vous avez l’impression d’avoir fait les choses « bien ».


Epuisement parce que parfois, on rate quelque chose, plus ou moins grave. On s’en veut, longtemps. Parfois la fatigue et le nombre de patients à charge fait que l’on ne passe pas assez de temps dans une chambre où l’on sent bien que notre présence, quelques paroles, quelques moment de plus, sont nécessaires. Parce qu’il n’est pas satisfaisant de parler compter son temps avec quelqu’un qui meurt, lentement, de son cancer, ou avec mes patients dont les troubles cognitifs nécessitent des explications adaptées, plus longues ou répétées. Epuisement parce que parfois… on prescrit et ce n’est pas fait. Parce que l’ordinateur plante, que le compte rendu patiemment tapé disparait. Parce que la fièvre de ce patient, décidemment, ne tombe pas, et que chaque heure, chaque jour, cela devient plus inquiétant. Parce que des patients de votre âge où à peine, meurent. Parce qu’un jour au matin, votre patient est mort, et même si vous avez « tout bien fait », comme tout le monde vous l’assure, vous pleurez.

 

Dans ces moments la difficulté de vivre ce métier vous vient en pleine face. Ce n’est pas forcément évident, seul face à vous même, vos patients et vos angoisses. L’échange avec les chefs, même présents et sympathiques, n’est pas forcément évident.

Comment dire « Mme R me brise le coeur ? ». Comment en parler, en parler vraiment, entre deux discussions de prise en charge thérapeutique ? Dire que l’empathie, ou plutôt la sympathie* vous bouffe ?

Mme R me brisait le coeur car je suivais son conjoint depuis plusieurs mois, à chacune des ses hospitalisations, chose peu banale pour une Interne d’un service « d’aigu ». Et M R, que j’avais vu quasiment « normal » les premiers jours se dégradait à chaque nouvelle évaluation. Aucun des examens qu’il subissait, de plus en plus invasifs, ne posait un vrai diagnostic. Et que je mesurais à travers lui, pour la première fois en tant que médecin, la cruauté du sentiment d’impuissance. M R a, peu à peu, perdu énormément de facultés. Assez ironiquement, chaque nouveau traitement initié était aussitôt sanctionné par une aggravation clinique. Et même si l’efficacité attendue n’était pas immédiate, il est difficile de ne pas ressentir de malaise, quand votre patient soupire « mais vous m’assassinez avec vos médicaments… ».

Et peu à peu, sa mémoire, la mémoire récente, puis ancienne, flanchait. Mme. R, une grande femme élégante, sa compagne depuis une quinzaine d’année (un remariage tardif pour tous deux), s’expliquant avec intensité et précision, me racontait à chaque fois, l’autre côté du miroir. 
Mme R m’expliquait la perte d’autonomie, un être si proche qui devient peu à peu différent, les projets d’avenir remis en cause, les moments de quiétude et de bonheur relatif arrachés à la maladie. Et le plus cruel, les souvenirs des années ensemble qui disparaissaient peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne parle plus que des moments, d’un temps ancien où elle n’était pas là. Mme R me faisait une peine infinie en me disant, sa main si fine plaquée contre la gorge, et le regard fixant un point par dessus mon épaule. « c’est cela, le plus dur, le plus douloureux, moi je me souviens de tout, mais pour lui peu à peu je disparais, je m’efface ».

 

Je garde le souvenir d’une femme digne, de plus en plus maigre à chaque entrevue, de plus en plus triste. Ses remerciements, alors que je leur disais au revoir, mon dernier jour de stage, m’ont laissé un goût amer.
 

Je n’ai jamais vraiment su lui répondre.

 

 

 

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Garnison.

Je rêve de nouveau.
Je ne sais pas si c’est un bien, mais c’est certainement la preuve que mon cerveau a pu reprendre une activité psychique normale. Les mois précédant le concours, je ne rêvais plus. Du tout. Il m’arrivait de me réveiller en sachant que j’avais pensé à un cas clinique où une question de cours toute la nuit, mais cela n’avait rien à voir avec un rêve (ou un cauchemard), cela s’apparentait probablement plus à un demi sommeill anxieux. Désormais je rêve de nouveau. Des rêves complexes, psychédéliques, presque épuisants, mon inconscient cherchant visiblement à me balancer une année entière de messages codés dans la gueule, de façon la plus condensée possible. Bon, le « normale » était peu être de trop. J’ai retrouvé une activité psychique. Point.
Dans le genre « retour à l’état normal » l’amphi de garnison (si quelqu’un sait d’où nous avons hérité ce titre militaire, je suis toute ouïe) a un côté sympathique. Jeudi dernier, tirée de mon lit pour périgriner à travers paris vers la lointaine banlieue, zone 5, où l’administration n’a rien trouvé de mieux qu’organiser la procédure de choix des filières post ECN, (alors que n’importe quel amphi de n’importe quelle fac, aurait probablement fait l’affaire et épargné bien des déplacements), je retrouve finalement la cohue des étudiants se pressant quelque peu fébrilement, afin d’aller choisir leur orientation future. Parmi eux, un bon nombre de visages familiers (camarades de confs etc), ce qui m’a permis de voir
ce que nous sommes, dans l’ensemble, (re)devenus, à distance du concours. En général, les kilos en trop ont été perdus, ceux en moins repris, l’oeil est plus vif et le cheveux moins gras. Bref, nous sommes revenus à notre état de base. Non pas que nous soyons particulièrement beaux, mais quand même nous sommes nettement moins pitoyables.

Par contre, pour ceux qui attendent l’amphi de garnison en se disant que cela marquera un point final à leur deuxième cycle, genre « voilà une bonne chose de faite », se trompent en beauté. Ce point final nous a été douloureusement administré en 4 demi journées en juin, et avec une petite piqûre de rappel avec les résultats, en juillet. Non, non, cet amphi de choix, n’est que l’entrée vers une nouvelle Ere, un nouveau cycle, l’instant T ou nous nous faisons de nouveau happer par le poulpe à trois têtes et dix fois plus de tentacules qu’est l’administration hospitalouniversitaire (à prononcer d’un air digne et pincé).
J’ai découvert perplexe le prix d’une inscription à la fac en 3ème cycle (à peu près le 1/3 de mon futur salaire qui ne tombera qu’en novembre), qui prend tout son piquant sachant que, n’étant qu’en première année je n’aurais aucun cours à la fac… Mais ce n’était rien à côté de l’abîme de perplexité dans lequel m’a plongé la lettre me demandant de renvoyer un certificat médical attestant de mes capacités physiques et mentales à être médecin (il serait temps de se poser la question, effectivement), à renvoyer « dès la procédure de choix effectuée, au plus tard le 7 septembre », -sachant que la procédure des choix commençait le 17. Bref, bête erreur de mois « non on s’est trompés c’est avant le 7 octobre ». Oui, après tout ce n’est pas comme si c’était important et que la lettre devait être envoyée à des centaines/miliers d’étudiants.

Tout cela pour vous avertir : tous aux abris, je sévirai d’ici peu dans les hôpitaux parisiens. Enfin, si l’administration ne m’étouffe pas d’ici là.

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La veille.

A ma grande surprise, lors des jours qui ont précédé l’internat, ce n’est pas tant l’angoisse qui dominait en moi, même si elle était là, larvée quelque part, mais un grand sentiment de dégoût et de lassitude.
Le dernier mois de révision, où libérés de nos obligations de stage, nous n’avions pour seule perspective au cours de mornes journées que Réviser, réviser, et encore réviser, de plus en plus erratiquement, de façon de plus en plus compulsive, avait été pour moi particulièrement pénible, et, à mon avis, la quintessence de la « Fausse Bonne Idée ».

Ainsi, à la veille de concourir ne restait plus en moi que le sentiment désagréable de ne plus vraiment me reconnaitre.
Un prof nous avait dit, quelques mois plus tôt au cours d’un énième cours de préparation  « C’est vrai que l’on n’en sort pas indemne de ce concours ». L’emphase de la formule m’avait faite rire sur le moment, mais il me faut bien admettre qu’il n’avait pas totalement tort. En ces premiers jours de juin je ne me reconnaissais plus et je n’étais pas fière des changements.

Les deux années précédantes, telle la bonne élève que j’ai toujours été, je m’étais suis pliée aux règles du jeu, j’avais fait des pied et des mains, assité à des conférences de préparation, appris des listes par cœur, rédigé des centaines de fiches, consommé un quart de la forêt amazonienne en brouillons de cas cliniques, dans l’unique but de parvenir à « penser concours ».
Penser concours comme me l’enjoignaient conférenciers, professeurs, internes. Penser concours. Mettant peu à peu de côté ma curiosité intellectuelle, me fichant désormais du pourquoi du comment, me contentant d’apprendre les choses réputées utiles.
J’ai élagué mon désir de connaissances, posé des questions de plus en plus ciblées en stage, laissant glisser les détails qui, en deuxième année, exitaient mon intérêt (on s’amuse comme on peut), en décrétant « on s’en fout, ce n’est pas de notre niveau ». J’ai appris des réponses stéréotypées, classées, hiérarchisées. Avec au fond de moi, un grand doute quant à l’utilité réelle de cette façon d’apprendre.

Bref, j’ai tout fait pour devenir une bête à concours, sans réellement parvenir à me fondre dans le moule. Et à la veille de ce foutu internat, je haissais tout bonnement ce que j’étais devenue, car j’aimais à penser que cela n’était pas moi. Mais alors que je critiquais le système m’ayant amenée là, cet élitisme ambiant, je me méprisais plus encore, sachant pertinemment que dans le fond, je m’étais tiré cette balle dans le pied toute seule, comme une grande, que mon asservissement à ce concours était volontaire.
J’ai juste cédé à la pression et joué au mouton, ce dont je ne suis pas franchement fière.


Lecteur je te rassure (si tant est que tu te soucies de mon bien être), ce sentiment assez déplaisant a fini par s’estomper à mesure que je reprennais une activité humaine normale (lire la pile de romans « en attente », aller au cinéma, faire du roller ou aller nager, boire un pot avec d’autres êtres humains non médecins sans être hantée par la culpabilité de celle qui devrait-travailler-mais-glande-à-la-place (j’ai un surmoi hypertrophié, ce qui est assez pénible en période de concours), ne rien faire).

Je sais cependant, même à présent que ce sentiment me semble bien loin, et probablement aussi le produit d’une très grande fatigue, que je n’avais pas totalement tort.

J’étais vraiment devenue l’un des produits d’un système un peu pervers, où l’on vous intime d’apprendre à penser par « Mots Clefs » (car ce sont ceux qui rapportent des points), d’acquérir des « réflexes de rédaction » (car ils permettent de ratisser large tous les points imaginables), de hiérarchiser nos réponses (pour ne rien oublier et ne pas perdre de points) ; diminuant au passage le réel intérêt pédagogique du programme officiel de l’internat (pas si mal conçu).

C’est assez difficile à expliquer à quelqu’un n’étant pas dans le milieu, mais, alors que cela pourrait sembler être une façon comme une autre de hiérarchiser des connaissances utiles dans notre exercice, bien souvent, cela crétinise les étudiants qui y sont exposés. J’en ai vu plus d’un, dans leur grille de traitement d’une bouffée délirante aiguë, caser « scope et oxygénothérapie si besoin », ou « prise en charge à 100% » à toutes les questions de thérapeutique.


Le plus drôle étant que le jour J, la plupart des sujets n’avaient, dans leur mode de rédaction ou leur thème, que peu de  chose en commun avec ce à quoi  on voulait tant nous préparer.

Et les sujets où une grande partie de mon classement (qui me satisfait pleinement) s’est probablement jouée sont les dossiers et questions les moins typiques et où aucun réflexe pavlovien n’a pu venir à mon secours..

A postériori (et une fois les résultats tombés), c’est plutôt rigolo.

Et rassurant.

 

Prochain article moins soporifique je l’espère. Celui ci ne présentant que l’intérêt de vider un sac devenu bien lourd avec le temps.

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Ce n’est qu’un…

Chers tous,

ce n’est qu’un au revoir (tadam)
Oui je suis comme ça, j’aime être mélodramatique.

Je pensais arrêter ce blog plus tard, un jour, à la fin de mon externat, peut être ou avant quand je m’en serai lassée, ou après, qui sait ? mais voilà que les choses se précipitent, ça sent un peu le roussi, alors j’arrête, ou au moins, j’ouvre une longue parenthèse.

Ecrire ici était bien. C’était l’exutoire de la fatigue, de la connerie.
C’était l’endroit où j’avais l’opportunité de me moquer des choses risibles -c’est à dire à peu près tout, moi incluse (c’est ma maxime, le ridicule fait l’humain, parce qu’il est cette part attendrissante de nous qui nous échappe) ; de râler sur mes emmerdes, de dire ce que je n’aurai pas sû dire autrement. 
Il est plus facile à l’écrit d’exprimer ce qu’on ressent en voyant quelqu’un mourrir, le vertige devant ce néant. L’horreur devant la vie en lambeaux d’un patients.
Ou ce qu’on ne ressent pas, parfois. L’empathie ou son absence. L’agacement.
Ecrire ici m’était (presque) nécessaire, pour cela. Cracher la colère envers un supérieur, digérer l’humiliation, ou partager un rire, un peu dans le vide, un peu pour vous, énormément pour moi, ça faisait partie d’un équilibre.

J’arrête simplement parce qu’à force de ricaner, je me suis pratiquement auto grillée (Panda m’aura perdu, je le savais !), et que, si le contenu de ce blog ne me fait en aucun cas rougir, que j’assume chaque mot, même le plus débile, pour ce qu’il était -un endroit privé- je n’ai pas envie qu’il devienne affaire publique avec des gens que je cotoie.

Oui c’est le paradoxe du bloggeur, qui balance aux autres ses petites observations, et attend un retour, qui étale sans vergogne sa vie tout en voulant la prétendre inviolée. Oui c’est hypocrite, et alors ? Mais ici j’étais libre, ce qui ne serait pas le cas, si jamais des connaissances devaient me lire. Si je devais penser aux tenants et aboutissants des mots.
Je veux être libre de dire que mon chef, mon co externe, mon interne m’emmerdent, je veux être libre de dire que je les apprécie, que les colères de mon coexterne soupe au lait de cet été me faisaient rire, que je trouve une foule de choses amusantes. Je veux être libre de tricher, de monter en épingle ce qui pour un autre a pu paraître anodin, parce que je l’ai ressenti comme ça, et que tel est mon droit.
Tel est mon droit parce que j’ai toujours cherché à préserver l’anonymat des autres protagonistes -et le mien-, ce qui est la seule solution décente pour me permettre de pouvoir affirmer que mon chef est un salaud, sans qu’on puisse venir me demander des comptes par la suite. 
Si par contre on peut deviner qui il est, qui je suis, si l’on peut deviner qui est mon co externe, ou mon interne, tout ce complique, car ils deviennent des personnes réelles, à propos de qui je dis des choses subjectives, dans un espace public.

Je veux être libre de me moquer des ridicules, et d’être fascinée par les Grandes Choses, sans avoir à m’en justifier, dans quelque sens que ce soit, ou sans avoir la tentation de m’auto censurer.

Merci à tous d’avoir pris un peu de votre temps pour me lire, de temps à autre. Merci d’avoir pris la peine de me laisser des petits mots de sympathie. J’ai été étonnée par votre nombre, d’ailleurs. Je ne pensais pas que les pérégrinations d’une externe intrigueraient à ce point.

C’est ici que s’achève mon bout de chemin dans la blogosphère.
Croyez moi, je finirai mon externat, et je le finirai avec le sourire. Même si je suis actuellement en plein syndrôme « milieu de tunnel, le 13e pilier n’est pas loin, à la différence de la lumière qui est invisible ». 
Plus le temps passe, moins je crains les mandarins, et plus le risible de chaque chose m’apparaît. 
J’ai reçu récemment mes résultats d’un master que je préparais en parallèle à la fac, j’ai donc validé ma première année de master de bio, dans un domaine qui n’intéresse que moi. J’entends encore les profs qui, en deuxième année nous incitaient à faire ces doubles cursus, arguant de ce qui nous attendait en l’absence d’un double cursus : la mort ou l’impossibilité de faire une carrière hospitalo universitaire, la permière option leur parraissant de toute évidence préférable à la seconde. Il s’averra par la suite que le prof tenant ce discours cherchait surtout à avoir beaucoup d’inscrits dans sa filière. Maintenant que j’ai un premier bout de ce diplôme, cela me parait un peu vain. Comment ne pas trouver ridicule un milieu où l’on vous dit déjà de préparer une carrière alors que vous ne savez pas encore ce qu’est une rate (en dehors de celle de votre copine gothique) ? 
Bref, je suis devendue assez « indifférente voire hilare » devant les gros cons. Je crois que ça veut dire surtout dire qu’à 21 ans, mes neurones déclinent déjà. Voire que je deviens un peu frontale. Mais au moins, je m’épargne des ulcères.

Le découragement ne m’épargne pas, et je sais qu’il y aura des larmes à venir pour le concours futur -je me souviens de ma P1, je me connais.
Mais alors même que je m’atermoie, je me trouve ridicule, un peu..

Si un jour, un un hopital parisien ou de banlieue sud (ou d’ailleurs, si mon internat m’exile) vous croisez une jeune blouse blanche, ce sera peut être moi. Si elle fait tomber son marteau réflexe et se cogne dans votre table de chevet en se penchant pour le ramasser (ou dans l’encadrement de la porte en sortant), c’est moi. Ou ma soeur spirituelle. Laissez lui une chance, elle est un peu moins nulle qu’elle n’en n’a l’air.

Un jour peut être, je serai XXX (complétez par mon envie du moment) -dans l’idéal-  ou Médecin Généraliste (sans regrets). Un jour, peut être je partirait avec msf, si j’en trouve le courage (car rien n’est plus facile que de promettre pour jouer à la chic type, quand rien ne nous y engage). Au moins une fois, pour ne pas mentir à ce qui m’a fait m’embarquer là dedans.

Je garde sous le coude mes articles, je griffonerai encore, pour moi, pour ne jamais m’entendre dire « gueule sur l’externe, c’est fait pour ça ».

Mais je ne vous le souhaite pas de me croiser. Moins on voit de blouse blanche, mieux on se porte.

D’ici là, merci encore, et bon vent à tous.
Poil au pouce.

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Rapidement…

Pour ceux qui s’inquiètent de mon sort : Non, je ne suis pas morte.
Par contre, mon état est assez bien reflété par deux faits objectifs :
– dans la nuit de samedi à dimanche, j’ai dormi 13h. Ce qui était plus que mes temps de sommeil cumulés dans l’intervalle mercredi matin – samedi soir.
– après avoir payé mon inscription à ma fac et mon inscription à mes conférences, mon compte en banque affiche fierement -50€. Oui, oui, nous sommes bien le 3 octobre. Alors entendre à la radio (il y a une semaine) quelqu’un affirmer que nous sommes des privilégiés dont les études sont payées me laisse perplexe.

Ce matin, un jeune homme arrivait à ma hauteur après une course manifestement haletante, liquette jaune de l’APHP ouverte à tout vent, pantalon de jogging, pieds nus ; lorsqu’il s’est fait prendre de vitesse par l’agent de sécurité qui le suivait de près et l’a plaqué au sol, clé de bras en bonus. L’infirmier qui suivait non loin, lui a alors, tout pantelant qu’il était encore, administré son IM (intra musculaire, probablement d’un bon gros neuroleptique sédatif). Vous l’aurez deviné, tout cela était non loin du pavillon « psychiatrie ».
J’ai regardé cette scène -qui n’a pris que quelques secondes- d’un oeil rond, me faisant la réflexion que, somme toute, moi, ça va plutôt bien, merci. -oui le côté « je vais bien, parce que en fait il y a tellement pire est un peu nauséabond, mais… et alors ?? ».

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L’externe de la rentrée [2/2]

L’externe se rassure donc un peu, grâce au stagiaire, il a réalisé que ses quatre ans d’études dans les pattes, dont un an d’externat, cela se voit, diantre !

Vous les verrez peut être aux urgences, ces externes finissant leur quatrième année, leurs points de suture sont plus assurés qu’il y a un an, leur attitude aussi, l’ajout d’expérience aidant, et l’excès de frime aggravant.
Par égard envers eux, on n’insistera pas sur le fait qu’ils se sont aussi spécialisés en gestion de fax, réccupération de dossiers médicaux, remplissage de bons d’examens complémentaires et coups de fils en tout genre.

Ils se sont découvert des vocations ici ou là, parfois aussi labiles que leurs stages. Ils ont appris, s’ils ne le savaient déjà, que les chefs pouvaient être injustes, et du même coup, ils ont appris à s’en moquer éperdument, à défaut d’ouvertement.
Ils savent aussi désormais dire non au sénior qui ne veut pas se relever pendant une garde et leur demande par téléphone de faire un geste certes sans risque majeur, mais dont l’externe ne se sent pas sûr. Ils assenent au sénior à l’autre bout du fil « navré, mais je ne le ferai pas« , en se disant qu’un jour, ça fera d’eux des gens responsables, et qu’en attendant, il faut se contenter d’assumer d’être des boulets, pour encore un moment.

Ils ont appris des grandes lignes de prise en charge et certaines spécialités en détail. Le reste viendra. Ils se souviennent de détails inutiles et ont oublié des données d’importance capitale, les internes, les séniors sont là pour leur rappeller, plus ou moins délicatement.

Ils ont aussi appris des principes de bases.
ToutSouffleFébrileEstUneEndocarditeJusqu’àPreuveDuContraire, ou TouteFemmeEstEnceinteJusqu’àPreuveDuContraire (précepte parfois ponctué d’un LaSalope!).
La réalisation de dossiers cliniques théoriques ad nauseam a induit chez eux quelques réflexes pavloviens « c’est une femme jeune, elle a une maladie autoimmune », « c’est un mec en situation précaire, originaire d’europe de l’est (ou d’afrique), il a la tuberculose », « le patient a la tuberculose, comment est son système immunitaire? ».
Tout ceci peut donner lieu à de regrettables mélanges, car, du coup, lorsqu’à deux heures du matin Mlle X, issue de la troisième génération de l’émigration russe, se présente aux urgences pour douleurs abdo-pelviennes, l’externe est persuadé qu’il sagit d’une patiente aux antécédents de lupus, ayant une tuberculose péritonnéale, et donc sans doute le HIV, enceinte de surcroît.
Et avant d’aller l’examiner, en feuillettant le dossier, il cherche vaguement dans son esprit déjà embrumé comment faire cohabiter antirétroviraux, antituberculeux, antilupiques et grossesse… Tiens, mais grossesse, ça lui rappelle quelque chose.. Oh mince, elle serait pas en train de faire une GrossesseExtraUtérine celle là ???
panique à bord.
Après vérification, Non. Elle faisait juste une appendicite aiguë.

Vous l’aurez compris, tout cela réclame encore un peu beaucoup de peaufinage, (le reste de l’externat et l’internat sont là pour ça) mais un jour, cela leur évitera de passer à côté de quelque chose de grave.

Et en attendant hauts-les-coeurs et au travail.

P1, P2, si tu me lis, ne t’inquiète pas, je plaisante, c’est la félicité d’être externe qui me fait délirer, tout est super aisé une fois le concours passé, tout est simple comme une lettre à la poste en temps de grêve, les doigts dans le nez, à l’aise.

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Le stagiaire de la rentrée [1/2]

En début de mois de septembre, un nouveau type de stagiaire envahit les couloirs de l’ap-hp, j’ai nommé « l’étudiant en médecine fraichement émoulu de son concours, envoyé pour un mois en stage infirmier ». En effet, en fin de première année, les heureux lauréats, avant de regagner les bancs d’amphi rébarbatifs et les cours magistraux encore bien théoriques du premier cycle, se voient parachutés dans des services, placés sous la coupe des infirmières et aides soignants pour leur premier contact avec l’hôpital.
Un genre de baptême par immersion totale et brutale, vous passez soudainement de l’équation de Bernouilli à des malades plus ou moins graves, voire plus ou moins vivants, et vous adorez ça.
Vous arrivez un beau matin, persuadé qu’on va vous faire une haie d’honneur, (vous avez réussi un concours, que diable !), et vous vous découvrez ce qui sera un grand principe de votre existence pendant vos stages de deuxième et troisième année : tout le monde s’en fout, et il faut apprendre à frimer dans l’indifférence générale. Les médecins, infirmières, cadres ou même internes, sont tellement habitués à voir défiler des stagiaires en tout genre, que la félicité un peu niaise du stagiaire passe inaperçue. On s’occupe de vous, votre formateur infirmier (je mets le masculin en dépit des statistiques, en hommage à mon formateur de l’époque) vous prend certes en charge, mais non, vous n’êtes pas (à votre vague déception), considéré comme le messie. Autant le dire, ce retour sur terre est éminement bénéfique à votre adaptation présente et future dans les services.
En un mois vous êtes sensé assimiler les techniques de nursing, préparations de perfusions, prises de sang etc.
Je ne me souviens plus avec précision de mes objectifs de stage de l’époque, mais la chose vraiment drôle à savoir c’est que, bien que je n’aie fait qu’une ou deux prise de sang depuis mon stage infirmier, et quelques gaz du sang, j’ai désormais, puisqu’ayant bouclé ma 4e année (non, non, cherchez pas le lien de causalité est inexsitant sauf aux yeux des administrations) le droit d’exercer les fonctions d’infirmière si j’en ai l’envie, ou  plutôt le besoin (détail qui a son importance, une garde en tant qu’infirmière est mieux payée qu’une garde d’interne -alors ne parlons pas des externes).

Mais, qualité méconnue, le stagiaire a également la fonction inestimable de remonter le moral de l’externe à la veille d’entamer sa 5e année en lui rappelant que, oui, en trois ans il a quand même progressé.

Car parfois, oui, il a besoin qu’on le lui rappelle. 99% (chiffre non officiel mais à mon humble avis très pertinent) des externes se sont déjà posé la question « mais que suis-je venu(e) faire dans cette galère ? », ou ne vont pas tarder à se la poser. Le 1% restant y a répondu et a tout arrêté.
Parce que même les plus motivés, même ceux pour qui c’est une vocation, qui ne voulaient entendre parler de rien d’autre que de médecine au sortir du lycée –j’en fais partie- sont assomés par l’externat, à un moment ou à un autre.
L’externat a ceci (entre autres…) de commun avec la folie : la propriété de distordre le temps. Le fameux concours de l’internat (que tout le monde passe désormais), qui paraissait loin l’année dernière encore, avec les trois ans d’externat qui faisaient tampon, paraît désormais, en début de 5e année, tout proche.
A l’inverse le moment où vous serez, enfin, médecin, qui semblait palpable en fin de première année, parce que le concours était presque une fin en lui même et qu’on vous l’avait tellement répété ce joli mensonge « c’est la première année la plus dure » ; ce but donc, vous paraît ne jamais devoir être atteint.
Et voir ses amis ou ses cousins commencer à finir leurs études n’aide pas toujours.

Vous l’aurez compris, la rentrée en 5e année, si ce n’est pas non plus la dépression (on garde ça pour le milieu de l’année), ne se fait pas dans la félicité la plus extrême.
Il y a certes la satisfaction d’avoir un plus vaste choix de stages que l’année précédante, de pouvoir un peu lever le pied sur les gardes, et de doubler son salaire (rires dans l’assistance), mais elle (la vague satisfaction comme l’augmentation de salaire) est vite contrebalancée par le sujet des conférences, (mais ça, ah, ça, c’est un sujet en soi) et donc de l’internat, qui, faut il le rappeler, se rapproche à grands pas.

Le stagiaire est alors du pain béni pour l’externe. Parce qu’à l’occasion, il lui permet de faire ce qu’il adore : briller à peu de frais.
Quoi de plus facile à apprendre à un jeune stagiaire désoeuvré en fin de matinée que la réalisation (je n’ai pas dit la lecture…) d’un ECG, et quoi de plus enthousiaste qu’un deuxième année découvrant l’hôpital après une voire deux années d’attente ?

De plus, contrairement au chef, qui a la facheuse manie de brandir une radio sous le nez de l’externe, (ou un ECG ou un examen complémentaire) en exigeant un diagnostic au quart de tour, les questions du stagiaire sont la simplicité même. Atout précieux, si l’externe répond une ânerie, le stagiaire ne s’en rendra pas compte. Il continuera à regarder son aîné, une expression enthousiaste sur un visage ouvert et affable ; chose plutôt perturbante, pour l’externe qui, après ces mois de stage avec un chef un peu nerveux, a appris lorsque sa réponse lui parait douteuse, à guetter la moindre crispation du pli nasogénien de son interlocuteur (le chef en général), signe immanquable qu’il fait fausse route et qu’il doit se ressaisir au plus vite.

Merci le stagiaire, donc. (notez bien que j’ai là un réflexe égocentrique typiquement externoïde, je n’appréhende le pauvre stagiaire que par ce qu’il est vis à vis de l’externe. Ca manque de classe, tout ça)

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Farniente en été (non je plaisante)

Et voilà quelques jours de grand soleil qui enterrent le projet d’étude de santé publique qui avait commencé à germer en moi, sur le sujet à la fois opportun et passionnant que voici : Après les morts dus à la canicule de 2003, observerons nous cette année une hausse de la mortalité par suicide post dépression hivernale ? 

Je sais, je sais, santé pub et l’adjectif « passionnante » dans la même phrase, c’est osé, mais c’est ainsi, le soleil de novembre me rend téméraire. Cependant au vu de la météo actuelle, tout risque d’être faussé (combien de gens cette intervention tardive mais héroïque de l’anticyclone des Açorres sauve t elle en ce moment même du désespoir ?), et je n’aurai pas l’occasion de vous le prouver. Zut. Ou pas.

Je vois sur le calendrier de droite que ceci est mon premier post du mois d’août. Je vous rassure tout de suite, c’est du au fait que l’été les connexions internet gratuites sont plus dures à trouver, et non au fait que j’étais en vacances –je l’étais, mais pas tout ce temps. Pendant une bonne partie de ce mois et du mois de juillet, j’ai ainsi eu l’insigne plaisir d’arpenter ce CHU que j’aime tant.

Un CHU est une bête étrange, qui hiberne l’été.

Attention, je ne dis pas que tout s’arrête, non non non. Mais tout marche au ralenti. Des lits ferment. J’ai entendu quelqu’un affirmer sans rire que ces fermetures correspondent au déplacement des touristes… c’est peut être vrai pour certains services, mais quand je vois que les gens hospitalisés dans mon service sont soit à la retraite, soit des gens en situation sociale précaire (qui sont étrangement plus préoccupés de savoir si ils vont continuer à bénéficier de la CMU l’an prochain que de la météo à St Tropez), à quelques exceptions près, j’ai des doutes quant à la pertinence de cet argument, mais passons…

Des gens partent en vacances. Les couloirs sont un peu plus silencieux, il y a moins de monde à la cafèt.

Ca a l’air paisible comme ça, non ?

Non. Parce que des gens en vacances, ça veut dire que vous êtes moins d’externes. Pour faire grosso modo le même boulot. Et que c’est pareil un peu partout. C’est le bordel, ça vous connaissiez, mais c’est pire que d’habitude.
Par exemple vous découvrez un matin que il n’y a plus d’echo doppler disponible pour 3semaines parce que les doppleristes sont en vacances (sauf pour les grandes urgences j’imagine, dans ce cas un autre médecin le fera).
Vous découvrez aussi que, oui, vous téléphoner pour vous prévenir de ce fait était au dessus des forces de la secrétaire qui a préféré en voyant le formulaire demandant l’examen que vous aviez faxé, faire la morte en attendant que vous la relanciez.
Ne vous inquiétez pas pour le patient, hein, il l’aura son doppler, s’il en a besoin. Mais dans un autre hôpital. Ce qui veut dire que, par contre, vous pouvez vous inquiéter pour les nerfs de l’externe ou de l’interne qui va hériter du bébé « tiens, débrouille toi pour trouver comment lui obtenir un rendez vous ailleurs ».

Ça atteint un tel point que vous pouvez facilement (et à tort) passer pour un fumiste.
Staff du service :

[Le chef, décidant, sous effectifs obligent, de s’impliquer dans la prise en charge des patients] : et quelqu’un a appelé le cardiologue habituel de Mme Y ?
[Vous] : ben oui, mais il est en vacances jusque fin août.

[Le chef, derechef (oui, c’était facile)]: Et on sait où M D a eu ses holter en ville ? on peut récupérer des comptes rendus peut être, ça serait bien…
[Vous, in petto] : oui ça serait bien, hein, vu qu’il risque pas d’en avoir un dans le service vu que les 2 cardio qui interprêtent les holter habituellement sont en vacances.. 
[vous, à voix haute] ben, on sait, oui, j’ai appelé, c’est au centre Xxx, qui est fermé jusque début septembre.

[Le chef, persevérant, alors qu’il étudiait le dossier de votre dernier patient] :  Et il a été opéré où ? on a un compte rendu opératoire ?
[Vous, après une grande inspiration]  : ben, c’est à la clinique T, mais tout est fermé pour travaux, et même les archives sont inaccessibles.

Eclat de rire général. A cet instant, vous lisez dans l’œil de votre chef « tu te foutrais pas un peu de ma gueule, toi ? », mais vous restez impassible et décidez que vous avez trop d’intégrité pour vous justifier (et surtout, que ça paraîtrait louche).
Franchement, merci l’été..

Le service étant en sous effectif, les gens qui restent s’impliquent plus, et c’est ainsi que le chef qui d’habitude ne l’est pas, se sent l’âme d’un Iznogoud et décide de nous faire subir de grandes visites quasi quotidiennes.
Ce qui m’a permis de découvrir deux choses à son sujet :

1) je confirme, c’est un cardiologue. Et il en a la déformation professionnelle
A propos d’un patient dans mes lits, 20 ans, hospitalisé pour épanchement pleural réactionnel à une Pneumonie :
« et il a eu son écho cœur ? » « euh, non, il a vingt ans, il est en hébergement en cardio en attendant une place en pneumo, il aucun point d’appel cardio, pourquoi faire une écho cœur ? » « ben, on est en cardio » . Ah ouais, vu sous cet angle…*

2) soit il a oublié ce que c’est que l’externat/le but de l’externat, soit il nous prend pour des cons, soit il est con.
J’avoue avoir un faible pour la dernière solution, parce que quand il suggère, manifestement fier de lui d’y avoir pensé, que Mme X polyvasculaire, triplement stentée, triplement pontée, sous anticoag pour ac fa permanente, a « probablement un cardiologue en ville », et vous regarde ensuite, attendant des félicitations ; il est difficile d’une part de ne pas lever les yeux au ciel, d’autre part d’anoncer que oui, vous avez récupéré son dossier auprès du dit cardiologue (qui n’était pas en vacances, chose suffisament rare pour être soulignée), sans ajouter à la fin « et je t’ai pas attendu pour le faire, ducon ».

Et si je dis que, manifestement, il a oublié ce qu’était l’externat, c’est qu’apparement pour lui, nos compétences culminent dans le rangement de dossier ou l’agrafage. Pire je crois qu’il nous pense heureux de le faire.
Cet abruti a osé me nommer « responsable de l’agrafeuse », pendant une visite.
J’ai pensé très fort « si tu me dis encore une fois combien un dossier est bien rangé et que c’est très bien sauf qu’il faut agrafer là et non là, plutôt que de faire une remarque constructive sur mon observ’, c’est responsable de l’agrafeuse dans ta gueule que je vais devenir », mais je ne l’ai pas dit.

Je le regrette encore.

*si quelqu’un a une explication plus convaincante que « ben on est en cardio », je suis toute ouië et je m’excuserai mentalement auprès de mon chef pour tous mes sarcasmes

j’oubliais : vu pendant ma dernière garde :
Pouvez vous croire que quelqu’un se pointe aux urgaences à minuit quarante cinq pour, et je cite, « Narcolepsie ». (j’ai failli photocopier le papier d’admission, c’était trop beau pour que je sois crue).

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La chir, c’est beau, parfois.

Les premiers jours du premier été d’externat sont le moment d’une constatation cruelle : les vacances d’étudiant, c’est fini pour vous. Alors certes, comme beaucoup, vous aviez pratiqué de petits boulots les étés précédents, ce qui rognait bien vos vacances. Mais la différence fondamentale avec les stage d’externat était d’une part que c’était volontaire, d’autre part que c’était payé plus d’un euro de l’heure, ce qui vous permettait ensuite de partir en vacances, d’acheter des bouquins, de sortir, ou de picoler.

Réaliser le 2 juillet, alors que vous vous répartissez les vacances avec vos coexternes que, pour mettre tout le monde d’accord, il va vous falloir éclater vos 4 semaines de vacances en 2, voire en 3 fois, ne correspond pas exactement à la définition communément admise du terme « agréable ». Alors quand derrière votre mère, prof, (donc paresseuse notoire), ose proférer : « ben au moins, toi, tu ne pâtis pas du mauvais temps », vous vous dites que c’est le genre de phrase qui mérite la mort. Au moins.

Parfois cependant, des petits trésors, au milieu d’une garde, vous rappellent que, tout compte fait vous avez de la chance. Les gardes aux urgences, quand vous êtes externe de « chirurgie » ont ceci d’intéressant, au moins dans mon chu, que vous pouvez être appelé pour aider au bloc, s’il y a lieu d’opérer quelqu’un en urgence. Vendredi soir dernier donc, à peine ma garde venait elle de commencer que ma présence est demandée au bloc.
Double bonheur : d’une part, j’ai l’impression que, quelqu’un, quelque part, a véritablement besoin de moi (ok, c’est pour lui donner des instruments ou tenir un Faraboeuf*, et alors ?), d’autre part, j’échappe un peu aux urgences.
Et là, au bloc, soudain, la magie, de quoi me réconcillier avec toutes les avanies de l’externat.
Je ne pourrais jamais être chirurgien, je n’en pas l’envie de toutes façons, mais c’est le genre d’opération, qui, je crois, ne peut qu’engendrer la fascination.

Transplantation Rénale.
Il y a quelque chose de profondément fascinant, presque bouleversant dans cette opération (et merde à ceux qui croiront que j’en rajoute) : voir le Greffon, pâle et froid, que l’on prépare soigneusement puis repose entre ses poches de glaces ; le patient endormi que l’équipe installe, l’abord abdominal que l’on ouvre, la loge en fosse illiaque** que l’on aménage, les vaisseaux que l’on dissèque, les anastomoses cousues avec soin ; voir tout ça vous donne le sentiment d’être témoin de quelque chose d’exceptionnel, pas très loin d’une transgression intime.

Parce que soudain, après que le chir, sans doute un peu blasé, discutant avec son interne, a détaché les clamps vasculaires ; voilà l’artère qui palpite, le rein blafard qui soudain se colore, et même, même, à peine quelques minutes après, qui se remet à pisser.
tu veux toucher ? C’est pas tous les jours qu’on touche un rein.
Certes.
C’est pas tous les jours qu’on touche un rein, pas tous les jours qu’un morceau de barbarque redevient humain, et donne un second élan à un malade. 
C’est pas tous les jours que l’on est témoin de ces choses qui, si elles semblent presque anodines à ceux qui les pratiquent, touchent à ce que l’humain a de plus animal et, paradoxalement, presque de plus sacré, et aux yeux du néophyte (que je suis) paraissent de petits miracles.

Viscéralement fascinant, dans tout les sens du terme (ahah), je me répète mais je ne trouve rien de mieux pour décrire l’émotion qui, dans l’effervescence du bloc, m’avait soudain saisie.

Et c’est pour cela, que, pour rien au monde je n’abandonnerai mon statut d’externe. Pour ces instants, qui, même peu nombreux me réconcilient avec tout.
Qui avait fait que les urgences m’avaient vue revenir après les quelques 4h d’opération, avec l’air halluciné d’un « ravi de la crèche » sous coke, et reprendre mes activités passionantes d’externe -points de suture et autres plâtres-, avec le sourire, voire, avec amour, n’ayons pas peur des mots.

Enfin presque.
Mille excuse à mon voisin qui m’a peut être entendue mugir à 5h30 du matin (j’étais couchée à 4h30, dans mon studio à 5 minutes porte à porte des urgs, espérant fermement ne pas être réveillée et finir ma nuit peinarde), « ah les coooooooooooonnnaaaaaaaaaaaaaaaaards »***. Sortie de boite, une entorse et une bagarre d’ivrogne. Donc appel de l’externe de garde.
Génial.
« Et en plus il pleut ».

*C’est le nom propre des écarteurs, que je mets juste pour faire croire que je m’y connais.
**Car oui, on ne s’emmerde pas, on greffe les reins là où c’est le plus accessible : dans le bide.
***Et non, je ne ferai pas d’excuses publiques à ces salauds.

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Good bye Panda

Si ce n’est pas la première fois que vous me lisez, vous avez sans doute compris qu’un externe change régulièrement de stage. De même qu’un interne, qu’un étudiant en soin infirmier ou en kiné (etc). Ca fait  partie du charme de nos études, en un sens. Rencontrer pour des laps de temps plus ou moins long -d’une nuit de garde à 3ou 6mois de stage-, des gens avec qui on travaille, qu’on apprécie, déteste, ou qui nous laissent indifférents, des gens avec qui l’on échange des platitudes, partage une garde éreintante ou fait face à des choses moches.

Et bien sûr, tout cela est un prétexte à multiplier les pots de départs, raison d’être presque à part entière du stage, et ainsi permettre à tout le monde d’entretenir son athérome et son diabète de type 2. La classe.

Les fins de stages se suivent sans forcément se ressembler. Selon le service, on s’évade bien heureux de quitter les uns (va crever en enfer GC), mais en regrettant vaguement les autres (une chir viscérale adorable qui me prédisait un destin de chir, quelle blague) ; ou on s’en va avec une vraie nostalgie comme cette fois, pour moi.
Spécialité agréable, ambiance dans le service de franche bonne humeur (quand le très brillant chef de service vous raconte quel boulet d’externe il était, ou fait des blagues réccurentes sur sarko zy (oui c’est très facile par les temps qui courent, et alors ?) ou même ose le douteux « quelle est la différence entre un pédiatr et un pé do phile ? », comment ne pas aimer la visite malgré les questions ?) mâtinée de quelques coups de sang de Panda, 3 coexternes -sur 6 que nous étions, très sympas, et des internes timides, drôles, calés ou pédagogues, mais tous très bien une fois la glace brisée.
Trois mois, c’est suffisant pour commencer à développer un syndrôme de stockholm vis à vis de son supérieur (Panda est un vrai stressé mais un faux méchant croit on comprendre), une admiration sans bornes vis à vis d’un chef de clinique ou de service, ou d’un interne, des complicités entre co externes -ou des animosités durables-.
Trois mois c’est parfois tout juste suffisant pour parvenir à comprendre comment se comporter avec chacun, et, juste quand, enfin, on ose vanner un chef, blaguer avec la monumentale secrétaire, quand l’on connaît les infirmières avec qui l’on peut rire et celles avec qui l’indifférence mutuelle est préférable, juste quand l’on commence à appréhender les spécificités de la spécialité du service, il faut partir.

Il faut quitter tout ça. On fait un pot, voire deux. Puis, le dernier jour, on fait la tournée des adieux, exercice d’équilibriste, difficile d’exprimer une gratitude sans en rajouter, envers des gens habitués à voir défiler les externes, de se quitter finalement. Bon, avec les GC, c’est aisé (au revoir, et va crever), mais avec les « vraiment bien », c’est moins évident.

Pas vraiment le temps de pleurnicher, c’est aussi ça l’externat, lundi, nouveau stage, nouvelles marques à trouver. . Voilà qui me fait gagner une précieuse heure de sommeil.

Une chose va franchement me manquer, dans la pédiatrie, c’est cet irréductible élan vers le mieux, la guérison, le parfait.
Les exigences cliniques pointues, la vie normale que l’on vise, même pour un gosse atteint d’une maladie chronique, même si c’est très grave, même si c’est parfois de l’ordre du rêve, on espère la guérison, parce qu’il est intolérable de ne pas tout tenter (dans les limites de l’humain), parce que tout autre visée serait insupportable.
Si chez les vieux, les objectifs sont plus lâches car parfois innateignables, chez l’enfant il y a cet optimisme et cette exigence, qui rendent les échecs d’autant plus durs, plus cruels mais qui font que les choses sont stimulantes, au quotidien. Bien sûr il y a les frustrations – H -, les insupportables échappements thérapeutiques, les situations sociales « difficiles ».

J’ai sacrifié aux clichés, l’un de ces rats m’a refilé ses microbes. Petit ingrat.

Remarquez, je suis injuste, les adultes font ça très bien aussi, vous contaminer. une patiente m’a toussé à la gueule dix bonnes minutes pendant ma dernière garde avant que j’arrive à lui faire dire que sa soeur avec qui elle vit avait eu la tuberculose 5mois auparavant. Sans qu’elle ait bénéficié de prophylaxie. Super. (instruisons nous en nous amusant, je rappelle à mes chers lecteurs que le BCG s’il protège relativement bien des formes graves de tuberculose, ne protège qu’à 50% des formes pulmonaires. Si je me mets à tousser d’ici quelques temps, je saurai pourquoi. Super, bis.)

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L’intelligence clinique de nos aînés

A quelques jours des partiels, de nombreuses questions existentielles taraudent les externes moyens que nous sommes. Du coup nous enquiquinons les internes.

Coexterne, rendu perplexe par la moultitude de diag. différentiels des douleurs pelviennes :
« Mais alors comment tu fais la différence entre une femme jeune qui fait une appendicite un peu bâtarde et une femme jeune qui fait une salpingite latéralisée à droite un peu bâtarde ? En faisant la coelio ? »

Interne :
« Oh, non, c’est facile, très facile, et pas invasif. Tu le fais au moment des touchers pelviens en fait. »

Coexterne et moi même, en coeur
« T’en profites pour faire une Echo ? »

Interne
« Ben, non, c’est juste que la salpingite, c’est celle qui a une culotte en dentelle noire ».

(est il vraiment besoin de préciser que la salpingite est due à des germes de MST ? La bitch, comme dirait Coexterne.)

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L’intelligence clinique de nos aînés

A quelques jours des partiels, de nombreuses questions existentielles taraudent les externes moyens que nous sommes. Du coup nous enquiquinons les internes.

Coexterne, rendu perplexe par la moultitude de diag. différentiels des douleurs pelviennes :
« Mais alors comment tu fais la différence entre une femme jeune qui fait une appendicite un peu bâtarde et une femme jeune qui fait une salpingite latéralisée à droite un peu bâtarde ? En faisant la coelio ? »

Interne :
« Oh, non, c’est facile, très facile, et pas invasif. Tu le fais au moment des touchers pelviens en fait. »

Coexterne et moi même, en coeur
« T’en profites pour faire une Echo ? »

Interne
« Ben, non, c’est juste que la salpingite, c’est celle qui a une culotte en dentelle noire ».

(est il vraiment besoin de préciser que la salpingite est due à des germes de MST ? La bitch, comme dirait Coexterne.)

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Solidarité mon cul

Mardi dernier à la visite :
Panda :
« Au fait les jeunes, inutile de vous rappeller que le lundi de pentecôte n’est plus un jour férié, n’est ce pas ? »

Ce matin dans le service :
Tous les externes. Les chefs et les internes en mode « week end » (pas là, sauf les malchanceux de garde).

Quand je pense que la plupart de mes coexternes travaillant dans d’autres services sont restés couchés. Quand je pense qu’on passe une bonne partie de notre temps (enfin, à part en péd) à voir des vieux (et je ne vous parle pas de ce charmant job d’été qu’est le boulot d’aide soignant étage alzeihmer).

Quand je pense que panda ne nous autorise même pas à louper une matinée de stage à tour de rôle les matins de partiels (là où certains services vous dispensent de venir les matins précédants les épreuves) ou à partir tôt…

Quand je pense que notre salaire est forfaitaire donc que ça ne changeait rien…

Je crois qu’on s’est fait avoir.
A sec, avec des gravillons.

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Mai

L’autre nuit, nuit qui suivait une garde, j’ai rêvé qu’un patient m’agressait. La garde avait été très tendue, évidemment. Dans le rêve, j’avais une blessure au bras, et bien d’autres choses encore. Je me rendais en psy ado, le bras blessé et encore en blouse, et je tombais sur un CCA très sympa que j’ai déjà eu, dans la vie réelle en td et que je croise parfois. (il était justement venu donner un avis psy pendant la garde).
J’arrivais donc, le bras en sang, en blouse et au bord des larmes, et il comprenait vite, avisant mon état que je ne vennais pas pour parler d’un patient, et m’emmenait au calme. La fin du rêve n’est plus très claire, mais en gros on me disait : on s’occupe de tout, maintenant, toi tu te reposes. Je me laissais aller et c’était bon.

Mon réveil a sonné à cet instant, et j’ai été surprise par la détresse, en écho au rêve, qui m’a alors submergée, puis qui a persisté quelque part en moi, même une fois les tartines englouties, même une fois l’heure de trajet en bus passée, la porte du service franchie et ma blouse enfilée. Elle a mis la journée à s’estomper, la matinée de stage ne m’ayant pas franchement changé les idées ce matin là.
Ce matin là, Mai puait la mort, les bières en trop, le sommeil en moins, les révisions, et les petits garçons qui disent à leur maman « m’man, j’veux pas mourrir ici, je préfère mourrir à la maison » (4ans, 7mois)

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Pédiatrie, oh oui.

Expliquez à qui veut bien l’entendre que non, la pédiatrie n’est pas une spécialité de filles qui veulent jouer à la poupée, dites que la pédiatrie à l’hôpital c’est pas facile, et que c’est cliniquement intéressant.
Et voilà que, tous les matins, en épluchant les carnets de santé des enfants entrés dans vos lits et dont vous devez faire l’observ’, vous tombez au minimum sur une pédiatre trisomique par jour.
J’entends par « pédiatre trisomique » ce genre de personnes qui, dans les nombreux mots qu’elle écrit dans le carnet de santé, écrit, au lieu du « beau bébé » laconique qui est l’équivalent pédiatrique du non moins laconique « bon état général », voire expéditif « BEG » qui permet de dire en peu de mots que quelqu’un va bien ; voilà que cette pédiatre donc, écrit en conclusion de son examen clinique, « Amour de bébé » ou « Superbe petite fille à croquer ». Et j’en passe.
Ah non, merde, quoi. De grâce, un peu de dignité.
Si vous vous tirez des balles dans le pied les filles, ne comptez plus sur moi pour aller explorer la plaie et parer les lésions.

Mon nouveau CCA (nouveau parce que j’ai changé d’aîle au sein du service de pediatrie pas de service), ressemble à un panda.
Certes, il rentre dans du 34 fillette H&M et il est souvent survolté, ce qui gâche un peu la perfection de ma comparaison avec le paisible herbivore. Mais il en a les cernes (et la touffe de cheveux noirs). Vraiment. Des cernes monstrueuses qui ne le quittent jamais, alors je n’abandonnerai pas cette image si facilement. Disons, un panda anorexique et sous amphétamines

En fait, quand on le voit, on n’a qu’une envie, c’est de lui poser une perf d’Oliclinomel (c’est ce qu’on donne aux gens qui ne peuvent pas s’alimenter), et de le bourrer de lexomil pour le faire entrer dans une hibernation bien méritée. Parce que c’est le genre de type qui, si il s’endort sur quai du TGV qu’il doit prendre pour aller en congrès, ou sur un banc public, peut facilement se faire quelques piécettes en faisant culpabiliser la bourgeoise.

Ajoutez à cela qu’il fait à peu près un mètre douze -talonnettes incluses-, (j’en veux pour preuve qu’il chausse du 6, 6 et 1/2 en taille de gants), et qu’il fait plein de blagues mysogynes juste pour nous faire réagir, vous comprendrez que j’aie du mal à le prendre au sérieux quand il s’excite pour des histoires d’examens complémentaires pas encore rangés à 9h01.
(soit dit en passant, si quelqu’un qui travaille dans mon hosto lit ceci, je suis plus que grillée, il n’y a pas en france 2 pédiatres rachitiques avec des cernes certifiées tatouages permanent, et je lui serais infinimment reconnaissante d’attendre le 1er juillet pour vendre la mèche. Si vous êtes mon chef de service, sachez que même si vous me faites penser au papa de petit ours brun, je vous prends très au sérieux, vous. Certes, quand ça ne va pas, j’ai d’étranges envie de venir me lover contre vous en suçant mon pouce mais je ne crois pas être la seule à qui votre physique imposant et rassurant fasse cet effet).

Vous vous étonnez que le fait qu’à 9h01 des examens complémentaires non rangés soient un sujet d’énervement ? Ce que vous ne savez pas c’est que ce médecin au demeurant plutôt pédagogue et capable d’être sympa (mais pas quand il refuse de nous décharger un peu de boulot en périodes de partiels), a su voir en ses externes, plus que les autres, ce que nous n’avions même pas commencé à soupçonner nous même : la vocation de secrétaires médicales qui sommeillaient en nous.
Alors quand il voit que nous ne donnons pas le meilleur de nous même dans ce qui est pourtant notre passion, il s’agace : « Pourquoi le classeur bleu est il à côté de la pochette marron et non pas dedans? » (à répêter trois fois sur un ton de plus en plus pressant et exaspéré).

Après mon passage en ortho, autant vous dire que ce genre de remarque émanant d’un ailuriné rachitique ne me fait plus guère d’effet. J’essaie de ne pas ricaner et part tracer ma courbe de croissance ailleurs ou voir un gosse.

Comme l’animal est très exigeant, entre deux tri d’examens complémentaires et ordonnage de dossiers, ce stage est relativement formateur (pour un stage de d2 au moins).
Mais épuisant.
Mais formateur.
Les visites ressemblent parfois à du ping pong de questions-réponses. Avec lui dans le rôle de rafaël Nadal à qui on aurait donné cette minuscule raquette sans qu’il comprenne vraiment pourquoi, et qui, du coup, continuerait à frapper la balle à la puissance « Roland Garros, je vais te me l’exploser ce Féderer ».
Je ne me suis toujours pas pris la balle dans l’oeil. C’est plutôt bon signe.

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The time the interns are changin’

Laissez moi partager un petit secret avec vous : deux fois par an, c’est un bordel monstre à l’hôpital.

Je veux dire, plus que d’habitude.

Et ce, toujours aux mêmes dates. (2novembre et 2mai, CHUs à éviter). Pourquoi ? Non, ce n’est pas que c’est le jour de paye. Non, ce n’est pas le jour de congrès géants organisé par des labos, ce n’est pas la journée portes ouvertes, ce n’est pas que tout le monde a la gueule de bois d’avoir trop célébré la fête du travail (a t on jamais vu un fonctionnaire célébrer le travail ?) ou les morts des années précédentes.
Non, c’est tout simplement le jour des changements d’internes.

En effet, les internes faisant des stages de 6mois, il changent deux fois par an, un mois en décalé par rapport aux externes .
Les externes, eux, changent 4 fois par an, mais en provoquant une désorganisation moindre -le service manque juste de coursiers et standardistes téléphoniques pendant une matinée.
Ce changement d’internes n’a pas trop de répercussions sur, mettons, les consultations des PH*, où (par définition), il n’y a pas besoin d’internes… Mais les services.. Ah, les services.
Il faut savoir que les services pendant l’année (du moins, beaucoup de ceux où j’ai eu l’occasion de passer) sont tenus par les internes, chaperonnés de plus ou moins près par les CCA, tandis que le chef de service ou les PH, qui ont d’autres chats à fouetter, ne font que des apparitions épisodiques, généralement à la visite (qui va d’une fréqence quotidienne à hebdomadaire selon les spé).
Mais ces jours là, pendant une bonne partie de la matinée, pas d’internes donc. Ils sont perdus dans les méandres de l’administration ou en train d’être briefés par les chefs. Pas de CCA* : occupés à accueillir les internes. Si vous avez suivi ce que j’ai expliqué au dessus, vous comprendrez aisément que c’est le bordel.
Ainsi dans le service déserté, les externes sont plus ou moins livrés à eux mêmes, jusqu’à ce que quelqu’un, -chef de service, ph, attaché ou autre-, se souvienne de la date et décide de venir donner un coup de main.
Ils passent alors la tête dans le bureau médical, lancent « Ca va les jeunes ? », font semblant de ne pas percevoir l’ironie du « évidement, on gère comme des bêtes » proféré par l’un(e) des externes en réponse, et repartent la conscience tranquille.

En fin de matinée, l’interne qui, en dépit de l’administration, est parvenu à récupérer blouse, badge, papiers officiels divers, et à retrouver son service, débarque, et voit les externes lui tomber dessus « il faut que tu vérifies la prescription que j’ai faite pour Mr X -ou le bébé X en pédiatrie-« , ou « faudrait aller voir Mr Y, il a beaucoup de questions ». Ou les infirmières « alors MrW, ça vaut le coup de le reperfuser ou pas ? ».
Inutile de préciser qu’il n’a aucune idée de qui est Mr X, de ce qu’a MrY, et de ce qu’il y avait dans la perf de MrW, ni même des habitudes de prescription du service.
Il faut finir les prescriptions, boucler les sortants, voir les entrants.
L’interne va passer une mauvaise journée.
L’externe s’en fout, il a presque fini sa matinée.

J’ai même ouï dire que ces jours là et suivants on constatait une légère mais néanmoins perceptible augmentation de la mortalité dans les hôpitaux. Même si elle illustre parfaitement mon article, je suis pas sûre d’avoir envie que cette rumeur soit fondée.

Bref, retenez la leçon, début novembre et début mai, il ne fait pas bon être hospitalisé (enfin blague à part, tout sera juste plus long que d’habitude).
Aux urgences, de « nouveaux internes » (donc ne connaissant pas le fonctionnement de ce services d’urgences précis, le logiciel informatique, les séniors…) différents faisant des gardes chaque soir, le flottement est encore plus prolongé ; soyez donc intelligents évitez les urgences à cette pério… ou même, si comme le très insistant patient de l’autre jour, vous avez « une angine blanche » (selon son propre diagnostic), évitez les urgences, tout court.

Pour conclure, je tiens à préciser que je n’ai aucun sentiment de culpabilité quant à ce bordel monstre deux fois par an.
Mon CHU est construit dans un quartier où certains immeubles portent les traces délavées de fresques publicitaires « Suze, l’amie de l’estomac », ou pour Ricard.
Son entrée principale est au sommet d’une rue en pente, après une place dallée, avec des panneaux avertissant « attention, parvis glissant par temps de pluie ». A proximité d’un hôpital cela relève soit de l’humour noir, soit de la débilité profonde.

Alors franchement, on ne prend personne en traitre. Se faire hospitaliser dans un tel CHU, c’est chercher les problèmes.

 

 

 

*PH=praticienHospitalier, CCA=ChefdeClinique Assistant

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