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Méta
Archives de l’auteur : doc de montagne
Bilan et point final.
Dans quelques semaines, je passerai une dernière fois le seuil du centre médical, et puis nous dirons au revoir aux amis et à la famille, nous fermerons la maison, et nous nous envolerons en famille pour aller vivre à l’étranger. Le début d’une nouvelle vie qui ne me laissera sans doute pas le loisir de continuer mes divagations « blogesques ». Qui plus est, ce ne sera plus en montagne.
Il me parait donc nécessaire de mettre un point final à ce blog et de tirer le bilan de l’expérience.
Un dernier billet en forme d’adieu.
Le premier billet de ce blog date du printemps 2011.
3 ans donc, que j’ai commencé à m’exprimer publiquement sur mon métier, mon ressenti. 2 ans d’activité plus ou moins régulière suivies d’une année en roue libre, à prendre du recul avant de prendre de lourdes décisions et de les mener à leur terme.
Au départ, je voulais témoigner d’une pratique un peu différente de la médecine générale : La médecine de montagne, dont je pensais qu’elle valait le coup d’être promue et qu’elle pouvait susciter des vocations. Je reste convaincu que la médecine générale n’a pas vocation à être cantonnée aux renouvellements d’ordonnances et à un exercice de triage des maladies quotidiennes.
Je continue de croire, peut-être tout seul dans mon coin, ou presque, qu’on ne fait pas 8 ou 9 ans d’études pour juste renouveler une ordonnance d’antihypertenseurs ou d’antidiabétiques, pour se limiter à simplement examiner des nez qui coulent et des gorges qui grattent.
Même si à l’évidence, cette surveillance des patients atteints de pathologies chroniques et cette bobologie courante constituent une partie extrêmement importante de la pratique de la médecine générale, l’exercice au 21ème siècle doit, à mon avis inclure la possibilité de faire immédiatement une radio, une échographie de débrouillage, un examen de laboratoire, un ECG, une spirométrie… etc. Faire du diagnostic,quoi. De la médecine de haut vol.
7 ans de pratique militante de ce type de médecine m’ont largement convaincu que la qualité des soins était largement au rendez-vous. Je ne suis pas un phœnix. Mes connaissances étaient probablement moins bonnes à mes débuts, que celles de mes jeunes internes stagiaires actuels. Il n’y a pas de raison de croire que la majorité des médecins généralistes ne soient pas capables de faire des ECG des spirométries ou de lire des radios, de faire des infiltrations, ou de maîtriser l’échographie…
A ce jour, je n’ai pas été traîné au tribunal et j’ai la faiblesse de croire que j’ai rendu d’authentiques services à plus de gens que je n’en ai lésé.
De plus, c’est la médecine générale qui se pratique dans de nombreux pays développés ou moins développés. La Suisse, les états unis avec les family doctors, l’Allemagne, l’Australie, pour n’en citer que quelques uns.
Cela fait de la MG un exercice encore plus passionnant, que des médecins peuvent être fiers de pratiquer.
Cela lui donne une vraie place, tellement plus consistante que les pauvres résolutions légales forçant les patients à passer par mon cabinet pour pouvoir aller voir un spécialiste (comprendre, un vrai médecin).
Enfin, à une époque ou les dépenses de santé sont un enjeu du futur, cela coûte infiniment moins cher qu’une médecine hospitalo-centrée telle qu’elle continue de se mettre en place en France.
C’était cela que j’aimais dans la médecine de montagne : la polyvalence, la rapidité, la technicité, une vision globale des personnes, un service de haute qualité, disponible à la porte de chez vous.
Je me sentais utile, et je continuais d’améliorer ma pratique et le service médical fourni.
Mais force est de constater que ce qui se voulait être un témoignage sur une pratique intéressante de la MG, est vite devenu un plaidoyer, une catharsis. Là où je voulais apporter un témoignage positif, j’ai vite dérivé vers une critique en règle de ce qui, à mon humble avis empêche cette pratique telle que je la conçois.
Il n’est que de parcourir mes précédents billets pour comprendre les raisons de ma colère. Je me suis retrouvé devant une équation impossible à résoudre.
Si elle fait économiser du temps et constitue très probablement un avantage pour le patient et pour la société,en termes de dépense de santé, cette pratique est chronophage pour le médecin et les actes sont bien trop peu payés par l’assurance maladie.
Ce sont des milliers d’euro de charge en plus, non compensés par le prix des actes, non revalorisés depuis des dizaines d’années. (les actes d’échographie ont même été diminués par deux fois en 6 mois !!!)
A tel point que je me suis finalement retrouvé à un rendement horaire à 1,8 fois le SMIC. (un peu plus en hiver, un peu moins en intersaison)
Ce que j’ai compensé en travaillant plus, comme la plupart des médecins, jusqu’à 55 h par semaine en moyenne sur l’année.
J’ai diversifié l’activité, toujours dans le respect des patients.
J’ai fait moi-même un certain nombre de tâches non médicales, rogné sur les consommables, usé jusqu’à la corde le matériel avant de le remplacer.
J’ai diminué le temps de vacance jusqu’à 2 semaines par an.
J’ai multiplié les weekends de travail jusqu’à 20 dans l’année (de toutes manière, je n’avais pas vraiment le choix)
J’ai pris un travail salarié à temps partiel à coté de l’activité libérale, ce qui a encore augmenté les weekends d’astreinte.
Malgré cela, les fins d’années sont devenues de plus en plus compliquées à gérer. L’hiver nous laisse une petite galette que l’on consomme au fur et à mesure que l’année avance et que les mois ne sont pas glorieux.
On peut certes, se dire que l’on est dans la m…au même titre que la plupart des français qui peinent à boucler leur budget, mais lorsque le manque de moyen commence à peser sur la qualité des soins produite, lorsque, quelque soit les hypothèses de développement du système sanitaire, l’avenir parait sans issu, le sentiment intime de faillite personnelle est difficile à éviter. On doit se rendre à l’évidence : Cette pratique de la médecine générale telle que j’ai cru pouvoir la développer, est vouée à l’échec dans les conditions actuelles.
Ou plus exactement et plus honnêtement : moi-même, je n’y suis pas arrivé. Ce qui ne signifie peut-être pas que d’autres n’y arriveront pas…
Plus encore que l’indigence du niveau des honoraires médicaux et les difficultés financières afférentes, les insultes, le mépris, la haine que les décideurs, les caisses, la presse, les administrations développent à l’égard du médecin libéral que je suis ont finis de saper ma motivation.
A l’aube de la cinquantaine, il n’était de toutes manières plus possible de poursuivre dans une telle précarité. Il y avait bien l’arrivée « prochaine » dans 1 ou 2 ans (?) de la future MSP multisite de Troufignan qui aurait pu constituer une bouffée d’oxygène, mais ses financements sont tellement aléatoires et le travail de paperasse tellement rédhibitoire que je préfère ne pas me commettre dans cette nouvelle galère. Et puis, en toute objectivité, mon libéralisme philosophique n’aurait pas été soluble dans l’exercice protocolé d’une Maison de Santé Pluriprofessionnelle contrôlée par une Agence Régionale de Santé.
Peut-être vaut-il mieux laisser la place à de jeunes médecins pas encore désabusés.
Si ce projet shadok à quelque chance de succès, ce ne sera sans doutes pas avec quelqu’un comme moi à son bord.
![]() |
Les principes fondateurs d’une MSP |
Peut-être est-il préférable de ne plus chercher à faire valoir un modèle que le pays ne souhaite pas, même si l’on est persuadé de sa validité. On n’a pas raison contre la majorité.
Le bilan était fait. Restait à prendre des dispositions pratiques pour survivre.
Après tout, c’est bien connu, deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche.
Et il y avait plusieurs possibilités :
– Attendre la retraite en faisant profil bas ? Euh, comment te dire… à 49 ans… ça va être long… et pénible !
– Reprendre un travail salarié dans une clinique ? Non, déjà fait. Je veux de la nouveauté et surtout, je ne veux plus avoir à me coltiner avec ces soi-disant démarches qualité, essentiellement élaborées pour réduire le corps médical.
– Prendre un travail de médecin coordonnateur en EHPAD ou autre ? Non. Je ferai de la gériatrie quand je serai vraiment vieux.
– Aller visser une plaque en ville ? Pas de garde, ou si peu. Pas de saison. Pas (trop) de difficulté à reconstituer une patientèle. Pourquoi pas.
Seulement voilà. Cela me fait un peu peur. Je me suis habitué au confort de la technique. Contrairement à ce que l’on peut penser, je trouve plus difficile de manager un patient sans la technique. Serais-je toujours capable de travailler sans écho, sans radio…?
Ne vais-je pas pester de devoir renoncer aux outils modernes ?
Ne vais-je pas m’ennuyer ou au contraire, ne plus savoir réagir correctement ?
Peut-on demander à un bûcheron, d’abandonner la tronçonneuse pour revenir à la scie égoïne ?
– Il restait d’autres alternatives, dont partir en expatriation.
Il existe dans d’autres pays, des centres médicaux produisant un service de premier recours médical large, fonctionnant avec des MG polyvalents.
Après avoir un peu cherché, nous avons déniché dans un pays lointain, un poste de travail dans une clinique de médecine générale, bien équipée. Cela avait l’avantage de concilier le dépaysement d’un pays exotique, l’intérêt d’une pratique médicale polyvalente avec un peu d’urgence et la poursuite des activités paracliniques radio et échographique.
Qui plus est, le poste de travail envisagé, salarié, proposait de compenser les astreintes obligatoires par d’avantage de jours de congé.
Finalement, l’honneur était sauf. Je ne désertais pas totalement mon métier. Je désertais plutôt mon pays, mais ça… c’est une autre histoire.
C’est donc finalement l’option que nous avons choisie.
Ce fut long et difficile, mais j’ai finalement obtenu le poste. Il me reste encore à faire mes preuves sur place, dans quelques semaines… encore des challenges en perspective.
Maintenant je peux me retourner sur ces 7 ans de carrière avec des sentiments mitigés.
Un peu comme les anciens combattants de mon enfance nous relataient Verdun et le chemin des dames, je crois que vais adorer raconter à mes futurs petits enfants (?) que j’ai fait partie des derniers médecins de montagne. J’aime bien l’idée d’avoir résisté autant que possible comme un Davy Crockett, à la bataille d’Alamo, (sauf que je me suis sauvé avant la reddition du fort 😉
Vous trouvez que j’exagère ? que c’est puéril ?
Certainement ! mais je m’en fous ! Le cave se rebiffe, que veux-tu !
![]() |
Cette scène n’est même pas extraite de « le cave se rebiffe » mais de « les Barbouzes », mais elle sert bien l’idée… |
Lorsque je vois l’évolution du système de santé français, je suis extrêmement inquiet. Si les médecins sont de grande qualité, la qualité du service rendu va nécessairement s’effondrer, du moins dans les soins de premier recours. Cette course à la restructuration de l’offre de soin, menée par les politiques de tous bords au nom de principes idéologiques a déjà quasiment détruit le tissus sanitaire, et dans les conditions actuelles, je ne vois rien remplacer les médecins généralistes que nous avons tous connus, du moins dans les 15 à 20 années qui viennent.
Le plus douloureux pour moi, est sans doute l’impression que la population agrée ces choix catastrophiques.
Nous boirons donc le calice jusqu’à la lie !
C’est donc avec une pointe d’amertume que je quitte la France. L’impression frustrante d’être devenu un étranger dans mon propre pays que je ne comprends plus, et où j’ai le sentiment de n’avoir plus ma place.
C’est un sentiment négatif que je vais travailler à transformer le plus rapidement possible.
Après tout, il y a beaucoup de raisons positives de partir :
– Le voyage par exemple ! j’adore les voyages. Rien ne m’excite plus que les aéroports, les trains, les gares routières, les villes étrangères …
– Le renouveau de la pratique. La découverte de pathologies inconnues ou de nouvelles manières d’appréhender la santé, des opportunités de développement professionnel…
– La rencontre de nouvelles personnes, d’une langue étrangère (étrange ?), d’un nouveau pays, au delà des à priori…
– Le challenge d’un nouveau poste de travail où je vais devoir faire mes preuves !
Quid de ma pratique de MG français face à des MG d’autres nationalités ? Serai-je un cador ou un tocard ? Vais-je assurer en anglais médical ? Vais-je m’intégrer correctement dans le fonctionnement de l’ équipe de la clinique ?
– Un nouveau logis à aménager, un nouvel environnement à maîtriser…
– de nouvelles dispositions pour la famille : changement de travail – écoles internationales…
Autant de défi à relever qui vont bien nous occuper les mois qui viennent, et tout un tas de raisons de regarder vers l’avenir plutôt que de ressasser le passé. Après tout, ce furent 7 années très difficiles, certes, mais riches d’enseignement et de rencontres. Finalement je ne regrette pas les efforts que notre famille a produit ici. Nous sommes restés soudés et c’est ensemble que nous partons vers d’autres aventures.
Et puis après tout, je me referrais bien un p’tit blog « voyage » dans les mois qui viennent… 😉
Il me reste à dire merci à mes visiteurs réguliers et occasionnels, même et surtout à ceux qui sont venus ici porter la contradiction. Bonne chance dans tous vos projets.
Merci aux correspondants blogueurs et twitteurs, au bon docteur Zigmund, notre ophtalmo préféré pour sa prévenance et son assiduité, à Marc qui se reconnaitra, à Fluorette, a @Drlaeti, à docteurdu16 (qu’il continue à vitupérer !) , à Dominique Dupagne, à M.L., à christian Lehmann, à Borée, à sophieSF et à plein d’autres que je ne citerai pas ici faute de les avoir en tête actuellement.
Et bon vent à tous.
« La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer »
Privé de MG ?
Toujours là.
Contre toute attente.
Ou plutôt dans l’attente d’autre chose.
6 mois sans écrire le moindre billet. A être physiquement présent et mentalement sous d’autres cieux.
6 mois à osciller entre « antisocial » (tu perds ton sang froid !) et « let it be » (whisper words of wisdom…).
Un printemps pour partie en Asie, au chaud, alors que la neige continuait de tomber sur la montagne puis un été à se recentrer sur la famille avec, tout de même, deux semaines de vacances en juillet.
Des semaines de travail riches en rencontres et en découvertes. L’échographie qui s’intègre petit à petit à mon exercice quotidien, à tel point qu’il me parait maintenant quasiment inenvisageable de travailler sans échographe de même que je serai frustré de travailler sans table de radiologie, sans ECG, sans spiromètre…
Autant dire que je n’ai quasiment plus ma place dans le système médical de ce pays.
Malgré mes absences, j’ai de plus en plus de travail. Malheureusement, avec la perte des rémunérations pour astreintes de nuit profonde, j’ai perdu fin septembre, environ 5000 euro de chiffre d’affaire depuis le début de l’année. Charges sociales déduites cela représentera environ 10 % du revenu imposable lorsque ce sera stabilisé. Comme prévu.
Heureusement, je travaille plus ce qui permet d’amortir un peu le choc. Travailler plus pour gagner moins. C’est sans doute ainsi que l’on compte inciter les jeunes médecins à s’installer.
Nonobstant cela, le paysage médical de notre territoire de montagne, continue de changer :
Le projet de MSP continue cahin caha. Les élus se sont enfin mis d’accord. Pour ne froisser aucune commune, et pour disposer de structures capables d’accueillir l’afflux touristique, on fera donc une Maison de Santé Pluridisciplinaire Multisite avec une structure à Troufignan et une à St Frusquin la Forêt. Les praticiens feront des demi journées de consultation ici et d’autres là bas. Mais chacun sait que les praticiens sont interchangeables, non ? Sinon, les patients auront le plaisir d’examiner le tableaux de présence des praticiens ( multisite, multiactivité et multipraticien celui là ) pour savoir si leur médecin est à St Frusquin, ou à Troufignan, ou en visite ou absent ou en congé cet après midi. Ce sera pour eux, un excellent exercice pour lutter contre le déclin des fonctions supérieures. Rien que cela devrait nous valoir une ‘tite subvention.
Les paramédicaux, devant le coût annoncé de ces structures, ont tous jeté l’éponge, à l’exception des infirmières qui depuis 20 ou 25 ans partagent le secrétariat avec nous et à qui nous, médecins, avons promis une stabilité des charges (de structures hein ! les charges « sociales » euh… comment te dire…).
En ce qui me concerne, je serais plutôt satisfait de travailler bientôt dans un beau bâtiment, au milieu des sapins, avec une vue superbe sur le pic du Géant et le « dos de l’ane », un vaste bureau, de la place pour accueillir nos stagiaires, des bureaux supplémentaires pour mettre un assistant, un collègue spécialiste ou un SASPAS…
Je suis intimement persuadé que cela ne changera strictement rien à la prochaine disparition de la médecine de montagne, mais, à l’instar de nombre de confrères, porteurs de projets de MSP, je me dis très cyniquement, que du moment qu’il ne s’agit pas de mon argent qui est investi dans le bouzin, cela ne peut sans doutes pas constituer un handicap lorsque je tenterai de dévisser ma plaque, idéalement … le plus tôt possible…
Bien sûr, j’ai quelques scrupules lorsque je pense aux habitants du coin, dont les impôts vont être gaspillés en pure perte dans ces projets aussi dispendieux que voués à l’échec en l’absence d’une révolution dans le système de soin.
Mais comme je suis un homme moderne, je lutte pied à pied contre ma nature en tâchant de faire taire en moi toute notion d’éthique. Je tente de faire mienne la phrase de Talleyrand, le diable boiteux, ce machiavélique homme d’état du 18ème siècle, à la veste 100 fois retournée, qui aurait été parfaitement à l’aise en politique de nos jours, si seulement il avait été plus bête : « Prenez cet argent monseigneur, il n’est à personne. C’est de l’argent public! »
Au diable la morale. Aux chiottes l’éthique. Fuck you, le respect.
Les travaux de la future MSP de St Frusquin ont donc débuté ces jours ci. Les pelleteuses creusent les fondations.
A Troufignan, par contre, c’est … compliqué…
Un jour c’est oui. Un jour, c’est non. Ça dépend d’où vient le vent. Normal, pour un projet dépendant de budgets publics…
Il y a aussi le projet de MSP de la vallée de la Bidouille, dont la construction… euh… devrait démarrer incessamment sous peu, depuis euh… longtemps…
Heureusement, on a tout le temps. Cet été, seulement 2 médecins ont dévissé leur plaque dans le secteur, ce qui porte le nombre d’équivalents temps plein de médecin sur le nouveau secteur élargi à 7, contre 12 il y a seulement 6 ans.
L’un de ces médecins est malheureusement atteint de grave problèmes de santé. L’autre en partie en salariat, fatiguée, sans doutes de gagner autant en travaillant si peu, ou le contraire…
Tout va bien. D’ailleurs, pour dire si tout va bien, c’est même la dame de haute Savoie de l’ARS qui le dit dans ses mails : « Grâce au CESP, les jeunes médecins commencent à se manifester ! »
« Youhou ! les jeunes médecins? vous êtes où ?? »
« Bon allez. Compte tenu des conditions, on ne vous en veut pas… » Et puis, ce CESP, franchement, faut vouloir…
C’est juste confondant de naïveté ou d’aveuglement.
Quoiqu’il en soit, compte tenu du nombre de plus en plus restreint de protagonistes, et afin de secouer un peu le cocotier, nous avons malicieusement laissé quelques trous dans le planning des astreintes de cet automne et sollicité l’aide de l’ARS. Exceptionnellement, il devrait donc y avoir des crédits débloqués pour payer le renfort de confrères volontaires venant de la préfecture.
Ce serait sympathique de leur part, même si la somme que l’ARS devrait leur allouer pour venir faire les zozos à la montagne, devrait être une fois et demi à deux fois plus importante que celle qu’un médecin local gagne habituellement sur le même week end de basse saison, rémunération de l’astreinte incluse, pour un service qui n’inclura peut-être pas la traumatologie et l’urgence dans les mêmes conditions que d’habitude.
C’est un traitement tout ce qu’il y a d’équitable et un bon céphalambulisme ordinaire (marche sur la tête).
Sur un autre registre, les petits laboratoires d’analyse médicale de la région ont finalement fermé, contraints et forcés par la baisse des lettres clés. L’activité de biologie a été reprise par un grand laboratoire basé à la ville. Les prélèvements sont faits en montagne, puis un véhicule rapide descends à la ville et les résultats sont transmis par internet en fin d’après midi.
La qualité technique en est probablement légèrement améliorée. Par contre, en dépit des efforts indéniables de nos confrères biologistes pour maintenir un service de proximité, la disponibilité est en train de se restreindre, avec maintenant une difficulté à obtenir des biologies en urgences et, au grand dam des troufignanais un déménagement de l’antenne biologique à 15 km.
Sacrilège !
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec l’avenir de la MG.
Dans 5 ans, peut-être aussi des usines à MG avec de nombreux praticiens à la vacation, ou salariés sur des « contrats d’engagement de service public » ou des « contrats de PTMG » des contrats renouvelés uniquement en cas de bonne conduite, de respect des procédures, d’observance des protocoles …?
Mais je digresse.
En ce qui concerne la biologie, j’avais anticipé en adoptant un certain nombre de test biologiques rapides : CRP test, Troponine test, HCG test, qui sont venu s’ajouter aux sempiternelles streptatest et bandelettes urinaires.
Pas très facile à utiliser au quotidien, mais intéressant. Il faut tenir compte de la fiabilité du test,du délai de positivation, de la clinique et bien sûr du RISQUE POTENTIEL. Une fois qu’on a bien intégré tout cela, et avec l’aide de l’ECG, de l’écho, de la radio, on arrive de temps en temps à débrouiller quelques situations épineuses sans déclencher systématiquement un envoi aux urgences. On s’adapte en somme, au mieux pour le patient.
Dans l’actualité locale, il y a aussi l’hôpital régional, construit avec nos voisins d’outre frontière, à 20 km d’ici. Un projet innovant et révolutionnaire, qui n’en finit pas de repousser la date de son ouverture, à tel point que personne ne sait plus ni quand ni si il va vraiment ouvrir, et si oui, les services qu’il procurera réellement aux patients français.
Nous avons d’ailleurs bien stipulé à nos partenaires de la mairie que nous ne voulons plus de salle d’urgence ni de salle de radio dans la future MSP de St Frusquin.
Parce que oui, à ma grande déception, nous sommes obligé de constater que dans les conditions actuelles, il n’est plus possible d’assurer ce service dans de bonnes conditions de sécurité.
Comment la prise en charge des blessés du ski se passera-t-elle, dans 2 mois, lors de l’ouverture des stations, si l’ensemble des médecins de Troufignan/St Frusquin est prêt à cesser de faire la traumatologie.
L’hôpital sera-t-il ouvert ? absorbera-t-il la traumatologie des pistes alors qu’il n’est pas censé être dimensionné pour cela ?
Alors c’est l’inconnu.
Assurerons-nous encore cet hiver la traumatologie des pistes, dans notre centre médical actuel, pour la dernière saison ?
Si oui, serai-je physiquement capable de tenir le rythme ?
Et puis au fond, pourquoi prendrais autant de risque pour aussi peu de considération ?
Pour faire bonne mesure, je viens d’apprendre que le tiers payant va bientôt être obligatoire.
Nombre de mes patients bénéficient déjà, soit du tiers payant total (ALD – CMU – AT …) soit du tiers payant partiel, sur simple demande ou même spontanément de ma part, si la somme est un tant soit peu importante ou si je les sais un peu juste.
Gageons que l’usine à gaz qui ne manquera pas de surgir de terre, sera comme la télétransmission, c’est à dire à nos frais.
Un bonne grosse mesure démagogique, aux frais des médecins.
Voilà.
J’ai de plus en plus l’impression d’errer au hasard, dans un champs de ruine.
Finalement, j’ai la triste impression que mes craintes de l’an dernier concernant l’inaptitude des politiques à entendre les praticiens de terrain ou plus simplement leur haine à l’égard de celui qui parait libre, ne se soient révélées encore plus fondées que je le pensais.
Nous voulions être #PrivédeDesert ?
Nous serons finalement #PrivédeMG.
Je reste plutôt dubitatif devant ce nouveau buzz (#privésdeMG) auquel je ne me suis pas associé cette fois ci. Ma question est la suivante :
N’est-il pas évident que le pouvoir déteste la médecine générale ? (peut être détestent-ils instinctivement la médecine libérale ou même la médecine dans son ensemble) ?
N’est-il pas évident que cette action restera une fois de plus lettre morte ? (même si quelque énarque fait mine d’écouter)
La médecine générale représente un contre pouvoir que les dirigeants tolèrent difficilement.
Nous avions un certain poids naturel, de par notre indépendance, il y a plusieurs décennies, mais nos syndicats ont été suffisamment sots ou félons il y a 40 ans, pour nous mettre pieds et poings liés à la botte du gouvernement et de la CNAM. L’équilibre des pouvoirs a été rompu.
Les institutions vont naturellement vers une concentration des pouvoirs. Ils ne se priveront pas de nous détruire.
Qui peut encore croire qu’on peut attendre de l’aide de quelque gouvernement ?
Ces propositions angéliques renforceraient énormément le contre pouvoir que représente encore un peu la médecine notamment par l’influence qu’acquerrait la MG dans le domaine de l’enseignement, mais pas seulement.
Il est évident qu’aucun dirigeant français ne veut donner plus de pouvoir à ses opposants naturels. Pas plus que le monde hospitalier n’acceptera de voir partir une portion de son pouvoir. C’est une réaction instinctive, naturelle, de la part d’un dirigeant. Il faut être un bisounours pour penser l’inverse.
Pourquoi alors les publier en s’adressant au gouvernement ?
Juste pour avoir bonne conscience ?
Je pense qu’il y a plus que jamais une place pour la médecine, particulièrement pour la médecine générale. Mais cette place ne nous sera pas offerte sur un plateau. Ça non ! Il nous faudra la conquérir en nous battant pied à pied pour nous faire respecter de ceux qui voudrait nous assujettir. Ce que nous gagnerons, nous devrons l’arracher à ceux qui veulent nous transformer en officiers de santé taillables, corvéables et révocables.
Nous devrons inventer notre médecine générale, moderne, en discutant avec nos patients. pas en négociant avec les politiques.
Notre survie ne pourra venir que de nous et elle nécessitera des efforts et de la prise de risque.
A ce sujet, j’espère que le mot d’ordre que l’UFML lancera bientôt sera à la hauteur.
C’est mon dernier espoir.
TROP PLEIN
Mi Février.
Depuis mon retour d’Asie, j’ai été happé par le rythme trépidant de la saison hivernale.
Beaucoup de neige, cette année. Les routes sont dangereuses. Plusieurs des habitués du centre médical en ont fait les frais. Tonneaux, glissades, collisions… quelques fractures, trauma crâniens .. Heureusement, au final, plus de casse matérielle que de casse humaine.
Pas le temps ni l’humeur de rédiger un billet.
Les week-end s’enchaînent comme l’an dernier. Jusque là, le mauvais temps, en provoquant la fermeture des routes, nous a mis à l’abris d’une trop grosse affluence.
Mais ce samedi matin,le beau temps enfin retrouvé coïncide avec le début des vacances scolaires. Il y aura sûrement plus de monde sur les pistes et dans les locations saisonnières, et notre centre médical est d’astreinte.
Un de nos associé, a arrêté de fait, sa participation aux astreintes de week end. Comment lui en vouloir, à 63 ans.
Mon deuxième associé a décidé de protéger un peu sa vie familiale en se faisant remplacer autant que possible, les week-ends. C’est légitime. D’ailleurs, nous avons trouvé quelques jeunes médecins, prêts à en découdre en remplaçant dans un centre médical de médecins de montagne.
Ce samedi, je commence donc mon WE d’astreinte avec Alexandra, une de nos dernières stagiaires, actuellement en 3ème année de médecine générale et en cours de DESC de médecine d’urgence.
C’est un médecin remarquable, compétent et consciencieux, doublé d’une jeune femme absolument charmante. Ce qui ne gâte rien.
Bien sûr, c’est un de ces premiers remplacements, mais elle a exercé aux urgences et elle a travaillé 6 mois avec nous. Ce n’est donc pas une « oie blanche » de la médecine de montagne.
Le samedi matin est habituellement occupé par les sempiternelles rhinopharyngites des enfants du bled.
Vers midi on commence à voir arriver les vacanciers : » Il tousse depuis 3 jours, mais comme on a vu votre cabinet ouvert en arrivant à la location, on en profite avant le week-end… »
Déjà les premiers traumatisme du ski déboulent. Normal, il est 12h15. C’est l’heure habituelle des ambulances.
Midi et quart, l’heure du brancard !
Pas grave, on mangera plus tard !
En plus des « caca mous » de dernière minute, il y a maintenant deux blessés dans le centre médical : Un enfant qui présente un poignet fracturé avec une belle déformation en dos de fourchette et une jeune femme sur la table de radio, le genou dans une attelle.
Je ferme la porte du cabinet afin que l’on puisse se concentrer sur les blessés, mais en dépit du panneau « FERME » et du store abaissé, les familles continuent d’entrer en salle d’attente. « On a vu que vous y étiez encore, alors on en profite. J’ai les trois enfants qui toussent…alors à y être… »
On aurait bien besoin d’aide pour réguler ces abus, mais il y a maintenant plusieurs années que nous ne demandons plus aux secrétaires de venir les samedis et les dimanches. Politique de réduction des coûts. Nous sommes seuls, Alexandra et moi-même, et la salle d’attente enfle dangereusement, une famille pénétrant ou sortant du centre signalant la porte ouverte à d’autres enrhumés.
Et déjà le SAMU nous « facilite » la tache en nous envoyant moult bêtises :
– » Bonjour c’est le SAMU. C’est bien vous qui êtes d’astreinte ? »
– » Ben oui. Vu qu’on est sur la liste ! «
– » On vous envoie un enfant qui a 38° de fièvre depuis 2 jours… »
– » Ça ne peut pas attendre ? c’est pas le moment là… »
– » Non, c’est le médecin régulateur qui veut ! Euh, il est où votre centre médical ? «
– » Même endroit que d’habitude depuis 5 ans : 12 rue des marmottes. Près de la pizzeria… »
C’est le moment que choisit le fils de M. D., un de mes patients habituels pour appeler le cabinet : « Mon père a du mal à respirer. Il dit qu’il s’étouffe. Pouvez-vous venir de suite ? »
J’aime beaucoup la famille D. et l’appel est on ne peut plus légitime. Mais là, je ne peux pas. Je suis tout simplement incapable de quitter le foutoir qu’est devenu le centre médical en laissant Alexandra gérer seule le gamin qui hurle en salle d’urgence, la jeune femme sur la table de radio, la troisième ambulance qui vient d’arriver sur le parking et dont je vois le gyrophare à travers le verre dépoli de ma fenêtre, et la salle d’attente pleine de gamins turbulents.
D’ailleurs, il a un médecin du SAMU basé à quelques kilomètres à peine. Une détresse respiratoire, c’est pour le SAMU, non ?
Le fils en question est un garçon intelligent et débrouillard. Je lui demande de composer le 15 et de me tenir au courant s’il a des difficultés. M. D n’habite qu’à quelques kilomètres lui aussi. J’arriverai peut être à quitter le cabinet un peu plus tard.
14 h. Je radiographie le genou, calme la douleur du marmot, immobilise son poignet, puis brancarde la patiente du genou en salle d’urgence, porte le gamin en salle de radio effectue mes radios du poignet, lance le développement, change les bains de la développeuse, puis écluse un catarrheux et deux diarrhéiques, reviens chercher les radio du genou et du poignet… et 15 minutes plus tard M. D. franchit la porte du cabinet en respirant comme une carpe, soutenu par son fils et sa belle fille.
Le fils m’explique qu’il a appelé le SAMU et est resté en ligne plus de 7 minutes sans réussir à obtenir un permanencier. « On a l’annonce d’accueil et la musique, et puis ça sonne sans s’arrêter… Au bout de 7 minutes j’ai décidé de vous l’amener directement. »
M. D. peine à respirer. Ça pourrait bien être un bronchospasme. Seulement voilà, M. D est insuffisant cardiaque et polyvasculaire. Alors ça peut être aussi bien un oedème pulmonaire, une embolie pulmonaire ou un infarctus…
Je l’installe dans mon bureau. Oxygène : 9 l/min. ECG normal. Examen clinique. Pas de sibillances mais un temps expiratoire mal entendu. SpO2 : 94% Pas de péril imminent. Pas de signe d’insuffisance cardiaque. Probablement un bronchospasme ! D’ailleurs son fils me dit qu’il a eut un incendie à la cave de sa maison la veille, et qu’il a respiré de la fumée.
Je branche un aérosol de broncho dilatateur qui semble rapidement efficace. Ouf.
J’injecte rapidement un Solumédrol IV et un Bricanyl sous cutané.
Alexandra reste avec moi. Elle est efficace. c’est agréable de ne pas être seul, de pouvoir partager nos avis sur la détresse du patient.
Mais déjà on cogne à la porte du bureau. Une tête bonnetée apparait dans l’entrebaillement : « Il y a une dame qui saigne dans la salle d’attente ! il faudrait faire quelquechose… »
Alexandra quitte la pièce et prends en charge la patiente en question, qui, je l’apprendrai plus tard, a reçu un coup de poêle à frire sur la tête, de la part de son compagnon. Elle est alcoolisée et couverte de sang. Une vision digne des « walking dead » impressionnante pour les petits renifleurs de la salle d’attente, qui, pour le coup, ne mouftent plus.
Je poursuit mon chassé croisé entre mon bureau et la salle de radio.
Alexandra prends en charge la plaie du crâne. La femme ôte son béret détrempé de sang. Un énorme caillot tombe au sol dans un bruit mouillé, tandis qu’une artériole asperge le mur du cabinet…
16 h. Pas le temps de manger. Les blessés affluent maintenant par vagues. La loi des séries. Deux jeunes surfeurs avec des fractures du poignet, fort heureusement peu déplacées, que l’on pourra plâtrer ici. Deux entorses du genou chez des jeunes filles, dont une rupture du ligament croisé antérieur. Une plaie du mollet chez un skieur (carre trop affuté), une plaie de la main chez un saisonnier de la restauration.
Et le SAMU qui poursuit son travail de sape en continuant de nous adresser les grippés et autre tousseurs …
– « C’est bien vous qui êtes de garde ? » – « Toujours, oui ! »
– » Il est où votre cabinet médical ? » – « Au même endroit qu’il y a deux heures ! »
Un vacarme couvre le brouhaha de la salle d’attente. Des bruits de chaussures de ski dans l’entrée. Des éclats de voix. Un groupe de nos voisins transfrontaliers vient d’entrer dans le cabinet en parlant fort. Ils accompagnent les ambulanciers qui déposent sur la table de radio une de leurs amies qui semble souffrir du genou. La douleur doit être importante si j’en juge aux cries d’orffraie de la belle en combinaison de ski fuschia.
Perfusion. Morphine. Perfalgan. Radio face et profil. J’ai un doute. Les 3/4 mettront en évidence une magnifique fracture du plateau tibial. C’est là que les choses se compliquent. Par chance la jeune fille a une assurance qui rembourse les soins primaires en cas d’accident sur pistes. J’appelle l’assurance. Le médecin conseil d’astreinte est d’accord pour la transférer mais me laisse le « soin » de contacter moi-même une compagnie d’ambulance arguant de son éloignement et de sa méconnaissance de la géographie et des intervenants locaux. Dont acte! Mais les ambulanciers locaux sont déjà occupés. Et puis d’ailleurs, ils sont échaudés et ne veulent bien intervenir plus tard, pour la ramener au delà de la frontière, que s’ils disposent d’un ordre de mission de l’assurance. Ordre de mission que l’assurance assure ne pas avoir à fournir… et tout le monde se tourne vers moi, qui suis le seul intervenant ennuyé. Avec la patiente, tout de même.
Comme elle n’est pas française, le SAMU se défausse tranquillement mais essaie de me fourguer au passage une visite pour une mémé fiévreuse à 15 km.
– » Là ? maintenant ? NON ! «
– » Et au fait, c’est bien vous qui êtes de garde ? et il est où votre centre médical ? «
– » C’est marqué dans les pages jaunes ! «
La jolie pintade maintenant immobilisée et indolore, continue de gémir sur son sort, à gros sanglots, ce qui met les nerfs de tout le monde, en pelote. » Aie Aie Aie!!! qué desgracia !!! »
18 h. Mon sandwich, toujours intact, me fait des clins d’oeil sur le bord du bureau.
Un jeune infirmier déboule en ambulance avec une fracture de l’humérus. Le temps de lui poser une perfusion ,de lui passer un Perfalgan, de lui titrer la morphine et de passer un coup de fil. Il repart illico dans la même ambulance. Sans payer. Tant pis. dans l’urgence les blessés et les familles oublient souvent de régler…
Dans un désordre indescriptible, les blessés et les enrhumés continuent de se télescoper au centre médical.
J’ai vu 30 personnes depuis ce matin, dont une bonne moitié de traumato. J’ai fait 4 ou 5 manchettes platrées, et posé deux sangles claviculaires.
Alexandra se débat avec ses patients. Elle assure. Pas hyper rapide, mais fiable et efficace. De temps en temps, on échange sur une radio ou sur la meilleure attitude thérapeutique devant cette luxation acromio-claviculaire sévère ou devant cette cheville douloureuse mais non fracturée.
Il n’y a plus d’ambulances disponible sur le canton.
Les blessés à transférer en milieu hospitaliers attendent en salle d’urgence. certains partent vers l’hôpital en voiture particulière avec le poignet en kit.
20 h. Cela fait 4 heures que la Castafiore nous « régale » de ses jérémiades ibériques désespérées. Même ses potes commencent à craquer. Je n’ai plus d’empathie. Il me vient une grosse envie de lui coller une paire de claques. Je doute que ça l’insonorise, mais ça me ferait peut-être du bien…
Les rhino continuent d’affluer : « Mon bébé tousse depuis cet après midi et je voulais être rassurée »
C’est incroyable comme les gens ont besoins d’être rassurés. Est-ce moi qui suis en train de craquer ou ce besoin forcené d’être rassuré pour pas grand chose est symptomatique d’un malaise de notre société ?
Au moins, il n’y a plus d’accident de ski dans les nouveaux consultants.
Le SAMU continue de nous faire chier d’appeler : – » C’est bien vous qui êtes de garde ? On vous envoie une ado qui a fait un malaise. Une sorte de crise de spasmophilie… Euh, il est où votre centre médical ? «
– « Va te faire f… ! »
21 h. J’ai remis mon sandwich au frigo. De toutes manières je n’ai plus faim.
La spasmophile de service vient de rentrer chez elle.
Je prends la serpillière et commence à nettoyer le centre médical. Geneviève, la femme de ménage ne passera pas ce samedi soir et nous sommes de garde cette nuit et encore demain, jusqu’à lundi. Le sol est trempé et couvert de la boue. Une fois le sol correct je m’attaque aux murs aspergés de sang. Les restes de « poêle à frire ».
22h. Les derniers patients sont partis. Je m’attaque à la comptabilité et à la télétransmission.
Alexandra prendra cette nuit d’astreinte tandis que je prendrai dimanche soir. Elle ne sera plus appelée cette nuit.
Dimanche 9 h : Je rejoint le centre médical. Il vaut mieux ne pas attendre les appels.
Lorsque j’arrive, Alexandra a déjà commencé les consultations. Des rhino et autres syndromes grippaux adressés par le SAMU. Certains ont été envoyés au village lui même à 5 km et non pas à la station de ski. Ils ont cherché et demandé leur chemin avant d’être renvoyés en haut par les habitants.
11h. Les premiers trauma du ski déboulent. Poignets cassés et entorses du genou. As usual.
Enfin non, pas vraiment comme d’habitude. En général ça commence à midi. Là, c’est encore plus tôt.
Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’on va avoir le temps de manger.
13 h. La 4ème ambulance de la journée amène une jeune fille qui a rencontré un sapin sur son chemin. Les pisteurs ont eu toutes les peines à l’allonger dans le matelas coquille.
De toute évidence ses blessures doivent être sérieuses et elle n’a, à mon avis, rien à faire dans ce centre médical. La régulation aurait du l’envoyer directement dans un centre hospitalier, mais la régulation…
Puisqu’elle est là on va au moins faire un premier bilan et tenter de la calmer.
Elle tient un sac en plastique rempli de neige sur sa joue gauche et saigne de la bouche. Elle souffre en silence. Son genou est déjà extrèmement gonflé et visiblement très douloureux.
Il sera plus facile de soulager sa douleur avec une perfusion. Dont acte. Perfalgan – Morphine. Ca va mieux. On décoquille prudemment. Pas de douleur du rachis. On enlève ses chaussures de ski. Son genou est visiblement disloqué. Une entorse très sévère, de toute évidence. peut être une luxation du genou.
Les radio ne montrent pas de fracture. C’est déjà ça. Le bilan ligamentaire sera fait à l’hôpital Il sera sûrement lourd…
J’examine sa bouche. A la manière « rigolote » qu’ont ses dents de jouer à « saute mouton », je comprends que sa mandibule est fracturée. Fracture ouverte donc. Antibiotiques.
On commence à organiser le transfert en milieu hospitalier. Compliqué là aussi car elle n’est pas française et son père réclame légitimement une ambulance pour un grand hôpital au delà de la frontière.
Et le cirque de la veille recommence.
Le SAMU téléphone régulièrement : -« C’est bien vous qui êtes de garde ?, On vous envoie un bébé pour de la fièvre et une dame qui tousse. Et euh… il est où votre centre médical ? … »
Ouai… c’est juste le bon moment.
16h . La salle d’attente est pleine. La salle d’urgence aussi. La salle de radio est occupée également par un traumatisme du « coté » qui se révèle en fait être une violente douleur dorsale. Les trauma du rachis n’ont rien à faire dans un cabinet de médecine de montagne. On le répète à l’envie depuis des années. C’est une perte de chance pour eux. Seulement voilà, ça arrange tout le monde de les « gerber » rapidement dans nos centres médicaux. On attends donc une ambulance pour l’amener à la DZ. Mais il n’y a plus d’ambulances sur le secteur et d’ailleurs les hélico ne sont pas disponibles de suite.
De plus, le SAMU refuse de mobiliser les pompiers, pour ne pas dégarnir le secteur… C’est un choix..
Entre les sutures, les résines et les radio nous n’avons plus le temps de répondre au téléphone qui n’arrête pas de sonner.
Alexandra se démène. Petit à petit on écluse les patients. De temps en temps je mange un morceau de pain avec du fromage en continuant à travailler.
Je suis plutôt résistant, mais là j’en ai marre. J’ai juste envie d’être très loin, dans un endroit tranquille.
Le trop-plein arrive.
18h30. Je pensais que les pistes étaient enfin fermées, mais je vois avec une réelle angoisse arriver la énième ambulance de la journée qui décharge un gamin de 12 ans qui présente une évidente fracture de l’avant bras. Encore une collision avec un sapin. Qu’est-ce qu’ils ont cette année avec les sapins ?
Je n’en peux plus de ramer. C’est le patient de trop. En plus il est agité et opposant. Ça m’énerve.
Le SAMU appelle à ce moment pour essayer de nous refiler une visite pour un nourrisson diarrhéique.
« Ça fait deux heures qu’on essaie de vous joindre. Vous ne répondez pas aux appels ! Je vous rappelle que vous êtes d’astreinte ! »
Tout en essayant de rester un minimum correct je pense en moi-même : « Connard va ! Ah bon, tient. Ça y est ! Tu es enfin au courant que nous sommes d’astreinte ! mais visiblement tu ne comprends rien à ce qu’on essaie de faire ici ! »
Pas le temps d’expliquer une fois encore. De toutes manières, avec la multitude des intervenants et l’absence visible de toute communication interne, ils n’entendent jamais rien !
Je ravale péniblement ma colère et m’occupe du gosse. Il se plaint de son poignet. De toutes manières je ne peux rien faire ici. Sauf calmer la douleur. 50 kg environ. Allez : 3 mg de morphine sous cutanée. Il se calme en quelques minutes, puis finit par somnoler. Le contrecoups.
Il présente également une éraflure de la joue et une petite plaie de la lèvre. Je suture mécaniquement sous anesthésie locale en ruminant de sombres pensées.
19 h . Je m’occupe du transfert maintenant. Pas d’ambulance avant au moins 2 h. Il fait nuit, donc il n’y aura plus d’hélico non plus. Et j’ai encore une visite à faire plus tard.
J’ai envie de tout envoyer péter!
La mère du gamin me parle, mais malgré mes efforts je n’entends plus rien. Je perçois sa voix à travers un brouillard, sans comprendre ses paroles. Trop c’est trop ! Qu’ils s’en aillent !
Pas d’ambulance ? Après tout il n’y a pas de péril imminent pour une fracture du poignet et, même sous morphine le gamin est vigile. Sa saturation est à 96 %, normale. Ils partiront donc en voiture individuelle vers l’hôpital qui leur convient, à 2 h de route. Pas parfait comme solution. Mais je n’en n’ai pas d’autre.
20 h. Les derniers enrhumés viennent de partir. Ils voulaient être rassurés ! C’est fait.
Alexandra est rentrée chez elle. C’est moi qui prends l’astreinte ce soir. Mais avant de partir faire ma dernière visite, je passe la serpillière une dernière fois et range un peu le bazar. Je ne peux pas décemment laisser un tel bordel à notre secrétaire même si je sais qu’elle va de son propre chef venir plus tôt demain pour faire le ménage du cabinet.
21h30. Je rentre enfin à la maison. La route est blanche. J’espère ne pas ressortir ce soir.
Je n’ai pas faim. Plutôt la nausée. Epuisé ! je ne crois pas avoir jamais été comme ça.
Les saisons nous permettent de tenir le reste de l’année dans cette zone de montagne. C’est à ce prix que je peux encore vivre ici. Mais ce soir l’évidence m’apparaît : C’est trop cher payé !
23h30. Pas sommeil. Je suis toujours énervé. moi qui gère plutôt bien le stress habituellement..
Je vais au lit tout de même en retournant dans ma tête les décisions qui vont s’imposer prochainement.
23h50. Le téléphone sonne. Je sursaute. Un numéro inconnu. Une voix de femme. Jeune.
– » Bonsoir c’est l’interne de pédiatrie du CHU où vous avez envoyé l’enfant X… Y…. »
Le dernier gamin. Celui avec la fracture du poignet et la plaie de la lèvre.
Les gens du CHU n’appellent jamais. Sauf quand ils veulent briller ou se moquer. Je sens que je vais en prendre plein la g…
-« Je voulais savoir combien de morphine vous lui avez injecté. «
– « 3 mg en sous cutané. «
C’est consigné sur le compte rendu que j’ai donné aux parents. Elle ne l’a pas lu, ou alors les parents l’ont perdu, ou alors il y a autre chose…
– « Et puis je voulais aussi savoir si ça vous arrive souvent d’envoyer des fractures de Lefort 2 en voiture particulière ? «
Oups. Voilà. Le SCUD est largué.
Pour les non médecins, une fracture de Lefort, c’est une fracture du massif facial, potentiellement grave.
Je sens toute son arrogance de spécialiste hospitalière face au généraliste qui, nécessairement, fait n’importe quoi, puisqu’il est généraliste. Rural qui plus est, le généraliste ! Et libéral encore ! Ouh ! le vilain !
Elle a décidé de « se le payer » à minuit, cette gourde, depuis l’abris des murs de son Hopital/château, avec ses chirurgiens, ses infirmières, ses brancardiers, ses manipulateurs radio, ses agents de sécurité et ses secrétaires.
Depuis le confort du chemin de ronde, la petite princesse moque le manant qui gratte la terre à l’extérieur des douves, et lui jette quelques détritus. – « Tient, prends ça ! gueux ! »
Mais elle a un peu raison, cette petite conne. Ce soir j’ai été dangereux.
En temps normal j’aurais compris que l’agitation de ce gamin faisait partie d’un tableau de commotion cérébrale, même si le trauma crânien ne m’avait pas été annoncé (pour mieux me « vendre » ce blessé qui aurait du aller directement à la case « Hôpital »). J’aurais pris au sérieux cette éraflure du visage et cette plaie de la lèvre. Fort heureusement, il n’y aura pas de conséquences pour cet enfant.
Mais je sais que je n’étais plus en état de travailler ce soir. Potentiellement c’est grave.
L’an dernier Je m’inquiétais d’être à la limite de mes capacités. Cette année, j’ai dépassé la ligne rouge.
Trop c’est trop. On ne peux plus faire ce qu’on fait avec des moyens chaque année plus limités.
Moi, en tous cas, je suis au delà du possible.
Bien sûr, cette nuit là je n’ai pas beaucoup dormi. De ses erreurs il faut savoir tirer des leçons.
Pour moi, c’est clair. Quoiqu’il arrive, je ne ferai pas la prochaine saison de traumatologie du ski.
Le SAMU sera content. J’aurais tout le temps de m’occuper des rhino et des gastro entérites !
Album photo
Je n’ai pas beaucoup de temps en ce moment, et juste envie d’écrire un petit billet même pas polémique, pour partager quelques photos de mon voyage en Asie.
Le choc de l’aéroport de Bangkok.
Les enfants :
Je fais de l’humanitaire !
La disparition des astreintes de nuit profonde provoque une diminution brutale d’environ 10% de mon revenu libéral de l’an prochain, et met notre famille dans une grande précarité financière.
Ce blog a au moins un intérèt pour moi, c’est qu’il me met en relation avec d’autres médecins ruraux, qui se retrouvent déstabilisés par la disparition de ce paiement forfaitaire. C’est un problème dont personne ne parle, mais visiblement, je ne suis pas le seul !
Quoi qu’il en soit, il faut trouver d’autres sources de revenu, et fissa.
– Travailler plus longtemps ? difficile. Je ne prends déja que 3 à 4 semaines de vacances dans l’année et suis présent au cabinet de 9h a 19h30. L’hiver, ma semaine de travail se situe probablement autour de 70 h…
Non, difficilement envisageable !
– Voir plus de patients dans la journée ? Difficile d’augmenter l’activité en saison. On est au déjà au maximun! Hors saison, seulement 15 à 20 personnes par jour viennent me voir, mais il n’y a pas beaucoup plus de demande. Avec la crise, les touristes sont moins nombreux. Quant à la population locale, entre la lente dérive du tourisme et le naufrage du climatisme, elle a tendance à stagner, voire diminuer. J’ai bien pensé à « faire de la repasse », faire revenir les patients quand c’est inutile (ou faiblement utile) mais décidement, cela ne fait pas partie des choses que je sais faire. Probablement un reste d’honneteté dont je n’arrive pas à me défaire, ou plus simplement le sentiment d’échec procuré par « l’éternel retour des enrhumés ».
– Faire des gardes ailleurs ? 20 WE travaillés dans l’année, des journées qui se terminent rarement avant 20 h., et pas de structure de soins à moins de 100 km rendent cette possibilité bien illusoire. Il y a bien un hopital qui devrait ouvrir à environ 30 km, mais cela fait plusieurs année que l’on en repousse l’ouverture…
Cela me pousse donc à accélérer nettement mes projets de reconversion.
J’ai donc relancé les contacts que j’avais déjà établis il y a quelques semaines et, après quelques entretiens téléphoniques, j’ai accepté de partir travailler en Asie, pendant un mois, fin 2012, pour une grande entreprise internationale. C’est donc sous les bananiers que je rédige ce post.
Ce voyage m’a tenu éloigné de ce petit déjeuner ministériel avec les autres #privésdedésert. Dommage. J’aurais vraiment aimé les rencontrer « in real life ».
Quant aux discussions avec Mme Touraine, je n’en attendais rien. Je ne regrette donc pas de n’avoir pas pu y participer.
Et puis des croissants, il y en a également ici. (et du khaonom mokheng aussi, miam)
Et puis, tel que je me connais, malgré mes bonnes résolutions, j’aurais finis par perdre mon sang froid et ça ne se fait pas de perdre ses nerfs avec un ministre.
Bref, cette mission va nous apporter un petit ballon d’oxygène financier et elle va surtout nous ouvrir des opportunités. La fortune sourit aux audacieux, dit-on. C’est sûrement vrai (sauf en France).
De plus, s’il est haït en France, le « french doctor » est très demandé à l’étranger.
Il a donc fallu rédiger un CV en anglais, faire la preuve de mes diplômes et d’un anglais acceptable, passer une visite de médecine du travail, demander à des collègues de se porter garant de mes qualités professionnelles, faire des vaccinations, mettre mes affaires en ordre, prévenir mes associés, trouver un remplaçant, au moins pour une partie de mon absence…
Et deux semaines avant le départ, j’ai commencé à avertir les patients que j’allais m’absenter un mois.
Ils ont été très compréhensifs. Tout le monde m’a dit que j’avais bien raison de prendre des vacances, vu que je ne partais pas très souvent. J’ai envisagé un moment de laisser les gens dans l’ignorance mais, d’une part, ce n’était pas très fair-play, d’autre part, honnêtement, cela me faisait quand même un peu tarter, que l’on puisse penser que je nous allions nous dorer la pilule en famille, sous les cocotiers, alors que je partais tout seul, travailler au trou du cul du monde, en abandonnant mes (nombreuses) propriétés, mes femmes, mes enfants, mes toiles de maître, mes pur-sang, mes chiens de race, mes Ferrari…
Que voulez-vous, on ne se refait pas. Culpabilité judéo-chrétienne oblige…
J’ai donc annoncé à mes patients que … euh… en fait, je partais plutôt pour le travail, et que… ce ne serait pas des vacances. Et puis c’est tout !
Et la réponse qu’ils m’ont faite a été : « Ah ? vous allez faire de l’humanitaire ? Médecin sans frontière ? médecins du monde ?… »
Là, j’ai compris que j’en avais trop dit, ou pas assez, alors, au point où j’en étais, je leur ai déballé la vérité.
C’est quand même un peu humiliant de dire qu’on est dans la mouise. On passe pour un flambeur ou un mec qui ne sait pas gérer son budget. Ça fait un peu : « Excusez moi de vous demander pardon, M’ame l’assistante sociale, je croyais que j’arriverais à rembourser ma maison et à aider en même temps, mes enfants qui font des études. J’aurais pourtant du le savoir, hein ? qu’en étant médecin il faut vivre en HLM, hein ? ».
Le plus fort, c’est que je le savais bien qu’il ne faut jamais compter sur les paiements forfaitaires, mais je me méfiais des forfaits à venir (P4P, NMR, option démographique…), pas de ceux déjà en place.
Mais je digresse.
Bref, en substance, voila ce que je leur ai dit :
– « Euh, …en fait …non, c’est pas ça. Euh… je vais à l’étranger euh… surtout pour gagner ma vie… Je fais le… travailleur émigré en quelques sortes, le… portugais de la médecine,… le maghrébins du soin… »
Je ne pense pas qu’ils m’aient cru. C’est trop énorme. Mais c’est vrai.
Ils me croiront quand je ne serai plus là.
Pourtant, depuis avant même mes études de médecine, je rêve de faire « de l’humanitaire », particulièrement depuis que j’ai vu « Tango », ce chef d’oeuvre du cinéma français ou Philippe Noiret proclame, péremptoire : » Médecins sans frontières ? Infirmières sans culotte ! ».
Mais pour ça, il faudrait déjà vivre normalement de son travail.
Selon les critères internationaux de rémunération des médecins dans les pays développés, cette mission d’un mois, que j’ai acceptée, n’est pas très bien payée, puisqu’elle est rémunérée seulement 2 fois plus que mon revenu moyen mensuel de généraliste rural français et à peu pres 8 ou 9 fois plus que ce que je gagne sur les mois les plus creux, mais il ne s’agit que d’un remplacement. C’est ce qui explique la modicité du salaire.
Alors quoi ? je fais du « non humanitaire »? du « soin qui vise au mal-être de l’humanité » ?
Mais en fait, à y bien regarder, qu’est-ce que « faire de l’humanitaire » ?
Si je me fie à cette vidéo idiote de médecins sans frontières, « faire de l’humanitaire » pour MSF, c’est être un médecin sans hésitation, sans renoncement, sans arme, sans rendez-vous et sans relâche.
J’ai tout bon, non ?
Sans hésitation ? Alors là, je n’hésite pas à répondre sans hésitation : Un docteur, ça n’hésite pas, sinon, c’est pas un bon docteur, tout le monde le sait.Y’a pas à hésiter. Le Dr House, il n’hésite pas, lui !
Sans renoncement ? Yesss ! Je ne renonce jamais. Je suis plus tenace qu’une mycose vaginale, plus opiniâtre qu’une constipation chronique.
Sans arme ? Non… je ne suis pas armé, non. En un sens, cela vaut sans doute mieux. Un soir de beuverie, je serais capable de faire du dégât. Il est plus sage, de ne pas être armé, finalement.
Sans rendez-vous ? C’est maââââl de proposer des rendez-vous ? ou doit-on comprendre qu’un médecin sans frontière prends aussi, sans rendez-vous ? Au bénéfice du doute, je choisis la deuxième possibilité et le critère est remplit. Apres tout, je prends aussi les urgences qui osent ne pas prévoir la date de leur prochaine colique néphrétique ou celle de leur accident de moto.
Sans relâche ? C’est sûr qu’en ce moment je bosse genre J7 – H 24.
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Travailleur humanitaire désintéressé en pleine action (et en plus, lui, il n’a pas hésité à se démener à gauche et à droite pour remplir son devoir humanitaire !)
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C’est vrai, quoi, plaisanterie mise à part, faire « de l’humanitaire », finalement, c’est renoncer à son confort et aller soigner pour une aumône, de pauvres gens, dans des endroits où il n’y a pas de médecins. C’est travailler dans des conditions précaires, dans des pays de misère et continuer envers et contre tout à s’acharner contre l’adversité, la maladie, les gouvernements corrompus, les administrations hostiles, le manque de budgets et ne pas renoncer car on sait que la population a besoin de nous, là, sur cette terre ravagée, au service des plus pauvres, de ceux qui souffrent…(Allez ! Envoyez la musique qui fait pleurer !)
Au bout du compte, et en toute modestie, c’est exactement ce que je fais…
... en France !
PS : Je ne croyais pas si bien dire. Cet article vient de paraitre dans le monde juste au moment ou je publie ce post. Continuer la lecture
Le rapport du Genou des Alpages sur les déserts medicaux
Encore un week-end d’astreinte.
Début novembre. Il pleut d’une pluie froide mêlée de neige. Le ciel est bas, la lumière, parcimonieuse, les rues sont désertes. Il n’y aura pas de touriste ce samedi. Un temps à rester en famille, à la maison.
Au lieu de ça, j’entame mon 15ème samedi d’astreinte depuis le début de l’année.
Depuis ce matin, je reçois au compte gouttes les quelques « urgences » que m’envoie le SAMU.
Une rhino-pharyngite 1 gastro-entérite, une entorse de la cheville chez un jeune sportif, une gamine de 4 ans qui aurait avalé (ou inhalé ?) une pièce de monnaie.
La gamine aurait toussé après avoir mis une pièce de monnaie dans sa bouche. L’auscultation semble normale. On ne peut quand même pas éliminer ce que nous craignons tous : que le morceau de métal soit passé par la trachée pour aller se positionner dans une bronche. Le premier risque serait qu’une quinte de toux fasse remonter la pièce dans la trachée ou le larynx avec un risque d’asphyxie mortelle.
En ville, elle se serait retrouvée aux urgences.
Ici, nous pouvons encore la prendre en charge. Cela évitera aux parents 100 km de route de montagne (aller et 100 km pour le retour) et des heures d’attente.
L’examen clinique est normal, mais malheureusement, cela ne nous rassure pas complètement.
Une radio du thorax et de l’abdomen va nous rassurer de suite, en montrant la pièce dans le bas fond gastrique. J’explique en plaisantant à la fillette le chemin que sa pièce va suivre et où elle va être obligée de la chercher si elle veut la récupérer. Regard coquin, puis éclat de rire.
Le moment de détente passé, nous discutons gravement du risque de mettre des objets dans sa bouche.
Au moment d’établir la feuille de soin électronique je réalise que la Radio Pulmonaire est moins bien « honorée » que la consultation (ZBQK002 : 21,28 euro. Facile c’est le même tarif depuis 25 ou 30 ans) .
Comme je ne peux pas associer les deux actes : consultation et radio pulmonaire (même s’ils ont été réalisés) je ne cote que la consultation.
Le temps passé, les films radio, les produits de développement, l’amortissement de la table de radio,… tout ça, c’est pertes et profits. Mais, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors, on s’en fout.
Jusqu’à la fin de l’après midi, je resterai en attente au cabinet, sans être plus rémunéré car les samedi après midi ne sont toujours pas indemnisés sur notre secteur. Mais, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors, on s’en fout. Et puis d’ailleurs, il suffit qu’il me prenne l’envie de rentrer chez moi, dans la vallée, a 15 km, pour que le téléphone sonne et que je doive remonter.
Pour passer le temps, je m’acquitte des taches administratives et je reprends les courriers qui s’accumulent sur le bord du bureau.
Sur le dessus de la pile, une lettre de l’URSSAF concernant le groupe médical et paramédical. Avant même de commencer la lecture, les poils de mes bras se hérissent : « Monsieur, il apparaît que … blablabla… le contrat de travail de Mme Secrétaire votre employée, ne soit pas en adéquation avec l’article gnagnagna du code du travail… blablabla. En conséquence vous êtes redevable de la somme de 800 euro au titre de cotisations sociales non versées pour l’année 2010 et de majorations de retard. Soyez assure, docteurs, que nous allons également examiner votre déclaration 2011 et que nous nous ferons un plaisir de mettre en recouvrement des suppléments de charges sociales… blablabla… salutations distinguées… »
Enc…!
J’explique : Nous avons embauché une nouvelle collaboratrice à temps partiel, en janvier 2010. Cette jeune femme bénéficie du statut de travailleur handicapé en raison de graves problèmes de colonne vertébrale. Nous bénéficions donc normalement d’une réduction de charges sociales.
Comme, en saison, nous avons besoin de plus de temps de secrétariat, elle effectue des heures complémentaires ce qui nous arrange et qui l’arrange également. Mais au delà d’un certain nombre d’heures complémentaires, la loi prévoit visiblement que l’employeur perde les avantages de la réduction de charge sociale. Et comme elle fait super bien son boulot et que nous avons eu besoin d’elle, elle a dépassé le seuil fatidique. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre. Renseignements pris auprès du comptable, qui établit les feuilles de paye et à qui la subtilité avait également échappée, c’est effectivement légal. Idiot, mais légal.
Toujours selon notre comptable, selon la personne en charge de notre dossier à l’URSSAF, la situation aurait pu ne donner lieu à aucun redressement, mais dans notre cas, nous aurons droit à un « réajustement »…
Mais, c’est pas grave, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
J’attrape un deuxième courrier. Il est frappé de la devise : liberté, égalité, fraternité : Maman, j’ai peur !
J’avais raison d’avoir peur. Il s’agit de l’avis d’imposition sur la taxe professionnelle. Pardon, la taxe professionnelle a été supprimée. Maintenant, on dit : la cotisation foncière des entreprises (CFE), et comme elle avait tendance a être moins élevée que l’ancienne taxe professionnelle, le fisc s’est débrouillé pour nous la faire payer deux fois. La première en tant qu’entreprise, le groupe médical vient donc de la payer. La deuxième, en tant que travailleur indépendant. On me la réclame donc maintenant à titre individuel. Ce ne sont que 600 euros de plus et au total ça coûte plus cher qu’avant…
@#&;*@%%$ !!!
Mais, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
Tiens, encore un courrier de l’URSSAF ! adressé à moi-même, en nom propre, celui-ci : « Monsieur, l’examen de votre déclaration de revenu libéral de l’année 2011… blablabla… hausse du chiffre d’affaire… blablabla… nous allons donc vous prélever dans 8 jour, la modique somme de 3466,00 euro… blablabla… »
gloups …
Euh, j’ai déja les plus grandes difficultés à faire vivre le centre médical et ma famille. Je les trouve où, les 3500 euro, M. URSSAF
Mais, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
A ce stade du dépouillement du courrier, c’est une grande lassitude qui s’empare de moi. Compte tenu de l’activité saisonnière, en octobre ou novembre, mon chiffre d’affaire ne dépasse guère 8500 ou 9000 euro, et encore, en faisant beaucoup de présence au cabinet. Sachant que les frais du cabinet s’élèvent en moyenne a 2500 euro, qui s’ajoutent aux charges sociales personnelles habituelles, ces prélèvements supplémentaires réduisent mon revenu d’octobre et novembre au SMIC… ou moins…
Mais, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
Bon, hauts les coeurs, on se rattrapera (peut-être) en janvier, février et mars.
Courrier suivant : Une enveloppe frappée du logo du conseil départemental de l’ordre des médecins. Objet : Permanence des soins. Ah ? : « Cher confrère… le comité départemental de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins (CODAMU-PS) a décidé, dans son immense sagesse et sa bonté infinie, de supprimer l’indemnisation des astreintes de nuit profonde (minuit – 8h) à partir du premier décembre 2012. Par conséquent vous ne serez plus indemnisés pour cette partie de la nuit. Vous serez donc bien gentils de vous asseoir sur la somme forfaitaire de 600 a 700 euro que la CPAM vous versait en moyenne chaque mois pour assurer les nuits profondes et qui concourrait à l’équilibre de vos cabinets de montagne… »
La, j’ai diverses remarques a faire :
D’abord, le 1er décembre, c’est dans moins d’un mois. Merci de m’avoir prévenu à l’avance, pour que je puisse m’organiser !
Ensuite, t’es bien gentil, toi aussi, coco, mais cette somme, c’était le seul paiement forfaitaire qui représentait une part significative de notre revenu. Avec sa disparition je perds 6 à 7 % de mon chiffre d’affaire et environ 10 % de mon revenu net. C’était déjà chaud avant, là, ça va devenir carrément bouillant, de boucler le budget !
Enfin, c’est un très mauvais signal, à l’heure ou l’on veut favoriser l’exercice dans les déserts médicaux et ou l’on choisit les paiements forfaitaires pour cela.
Eh oui, les forfaits, c’est comme cela que ça marche. Tu comptes dessus et ça s’arrête du jour au lendemain. Et ce n’est pas les médecins ayant choisi à l’époque, l’option médecin référent qui me contrediront…
Mais bon, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
Last but not least. Nous sommes ici dans une région isolée. Certes, le SAMU détache un médecin sur les hauts cantons, pas très loin d’ici. Il travaille peu en basse saison et est souvent débordé en haute saison. C’est pour cela qu’on nous a demandé d’être médecins correspondants du SAMU.
Maintenant, c’est donc le SAMU qui va assurer l’ensemble de la demande de soins de nuit profonde (Au passage, j’espère qu’il a été consulté, lui !).
Quoiqu’il en soit, je suis à peu près certain que ça va coincer en hiver. Pour la population, je ne suis pas sûr que le service soit le même. J’imagine assez bien qu’on va continuer à m’appeler en pleine nuit, quand le médecin effecteur du SAMU (qui couvrira 3 secteurs de garde, touristiques) sera déjà occupé. Je vais donc, prenons-en le pari, être sollicité en nuit profonde, sans être indemnisé, au prétexte que je suis médecin correspondant SAMU. Je sens que je vais aimer ça et que ça va être sport cet hiver !
Glissons. Courrier suivant.
Ahhhh! la CPAM m’écrit pour me proposer l’option démographique.
« Voila un truc qu’il est bien l’option démographique !!! »
Résumons. On est en zone assez bien dotée pour ne pas avoir d’aide à la construction d’une MSP mais assez déficitaire pour bénéficier de l’option démographique. Cherche pas, y’a rien a comprendre ! Passons.
Alors l’option démographique, qu’est-ce-que c’est ?
L’option démographique, c’est un truc Supayr qui permet d’inciter les jeunes médecins à aller exercer à la campagne en bonifiant de 10 % leur chiffre d’affaire annuel ce qui permet de couvrir un peu l’excès de charge nécessaire à l’exercice en milieu rural.
Bon enfin, je dis 10 %, en fait c’est 10 % sur les C et les V (consultations et visites). Malheureusement pour moi qui suis un « médecin couteau suisse », je fais beaucoup d’actes techniques (radio, écho, platres, infiltrations, sutures, ECG, spirométries, actes de petite chirurgie…), actes techniques qui ne bénéficient pas de la même bonification. Mais, c’est normal qu’ils ne soient pas bonifiés. Ils ont été revalorisés il y a a peine 30 ans !
Bon, c’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors on s’en fout.
Les consultations et les visites ne représentent donc qu’environ 60 % de mon chiffre d’affaire.
Attends, bouge pas. 10 % de 60 % de 125 000 euros = 7500 euro. cela compenserait presque ce que je vais perdre sur les astreintes de nuit profonde…
Mais nooonnn ! t’as rien compris. C’est 10% sur les C et les V. Pas sur les déplacements, ni sur les kilomètres, ni sur les majorations nourrisson, ni sur les majorations enfant, ni sur les majorations de dimanche ou de nuit…
Ah bah oui, mais alors, si on ne prends en compte que les 23 euro, alors, cela ne fait plus que 4,5 % de mon chiffre d’affaire. Bon, 4,5 % de 125 000 = 5625 euro.
Dit donc M. de l’option démographique, tu ne serais pas encore en train d’essayer de m’entuber, des fois ?
Ah, ne quittez pas. Mon confrère Jean Pierre me glisse dans l’oreillette que je n’ai pas encore bien compris. Après avoir téléphoné à la CPAM, il semble que cette majoration de 10 % ne s’appliquerait qu’aux patients dont la résidence principale se situe sur les hauts plateaux, code postal faisant foi.
Adieu veaux, vaches, cochons, couvées. Adieu touristes, saisonniers, résidents estivaux, sportifs en séjour d’entrainement et asthmatiques en « cure de bon air »… et c’est un bon 40 % de plus qui ne bénéficie pas de la majoration de 10 %. La bonification pour option démographique ne représentera donc plus que 2,7 % du chiffre d’affaire… soit une somme (royale) d’environ 3300 euro (!) que je devrait toucher mi 2014 pour l’année 2013 (si je signe de suite et si les règles du jeu ne changent pas entre temps).
Bien évidemment,ces 3300 euro seront soumis à charges sociales (- 20 %) soit 2650 euros environs puis à impôts sur le revenu (- 30 % sur la tranche d’imposition marginale) soit…environ 1855 euros (seulement si je n’utilise pas cette somme à entretenir l’outil de travail ce qui se traduirait de toutes manière par aucune revalorisation de revenu).
Et pour toucher cette somme, il ne suffit pas de travailler en zone déficitaire. Non ! ils n’ont pas jugé que c’était une condition suffisante ! il faut aussi s’engager à y rester 3 ans, sous peine de devoir rembourser les sommes perçues.
Remarquez que pour rembourser, il faudrait déjà avoir touché quelque chose. Là, c’est pas gagné !
Mais, bon. C’est bien connu, les médecins ne travaillent pas pour l’argent, alors, on s’en fout.
Bon, je sais pas vous, mais moi, tout ça, ça me fatigue grave !
De duperies en coups de Jarnac, il y a bien longtemps que ma colère a dépassé la cote d’alerte. Il en faudrait beaucoup pour que je fasse un peu confiance aux gens qui nous gouvernent.
Alors comme tout le monde y va de sa petite usine à gaz, plus ou moins coercitive, pour repeupler les déserts médicaux, avec une bonne couche d’incitation en trompe l’oeil et des bouts de culpabilisation dedans, j’ai nommé un expert de terrain, moi, et j’ai décidé, après avoir fait de multiples réunions de travail avec moi-même, que nous allions (je, moi et moi-même) faire des propositions pour que les déserts médicaux refleurissent.
Ce sera : « Le rapport et les propositions du genou des alpages pour la revitalisation des déserts médicaux« .
Bien sur, cela n’engage que les experts qui ont planché sur le sujet, c’est à dire, en toute modestie, je, moi et moi-même. (mais il n’y a pas de copyright sur ce document hautement technique et il va de soi que nous serions heureux de faire connaitre ce travail de fond le plus largement possible)
Vous aller voir, c’est concis, bien troussé, et sommes toutes, assez simple à comprendre. Même les énarques pourraient en saisir la substantifique moelle si seulement ils arrêtaient de se prendre pour le sel de la terre, se sortaient la tête du cul et regardaient simplement le monde autour d’eux.
Proposition n° 1 : Arrêtez de m’aider ! Visiblement, gauche et droite confondues, vous ne comprenez rien aux problématiques sanitaires. Vos usines à gaz empoisonnent l’ambiance de travail et compromettent un peu plus chaque jour le fonctionnement du système de soin. Vos soi-disant aides aux professionnels de santé sont au mieux d’aimables plaisanteries, au pire des insultes. De subventions aux syndicats, en concessions aux lobbys pharmaceutiques, de reculade devant la mutualité en décisions électoralistes, la médecine de base a toujours été et reste le dindon de la farce. C’est à la profession de s’organiser pour proposer une offre de soin de premier recours digne de ce nom, dans un pays développé, au 21ème siècle. Mais elle n’en n’a plus les moyens. D’où la deuxième proposition.
Proposition n° 2 : Laissez moi tranquille avec vos règlements idiots et iniques, et cesser de me taxer toutes les 5 minutes! Je courrais surement plus vite sans tous ces boulets à chaque pied ! Nous en sommes à un tel point de paralysie administrative et de ponction financière qu’il n’est plus possible de faire en France une médecine générale de qualité en zone de montagne. Foutez moi la paix. Laissez moi fixer moi-même des honoraires qui soient en rapport avec le service que nous devons fournir aux gens. Je me fais fort d’assurer avec les autres professionnels de santé, un service médical de premier recours accessible et de qualité, où même les jeunes médecins auraient plaisir à s’investir.
Et en plus, je suis sûr que cela coûterait moins cher que d’envoyer tout le monde à l’hôpital comme cela va immanquablement se terminer.
Conclusion : Comme tous les rapports sérieux méritent une conclusion sérieuse, je dirais comme le génie des alpages :
Petites annonces
Les temps sont durs.
Depuis le printemps dernier, tout se complique.
Déjà au plan familial, Pa Genou des alpages, mon père, devient sénile avant d’être vieux. Plutôt déstabilisant. Aphasie primaire progressive, démence à corps de Lewy, démence cortico basale, démence frontale. Difficile de mettre un diagnostic précis sur ce cataclysme cérébral qui a déjà transformé un homme de 72 ans en enfant de 4 ans peu dégourdi. J’habite à 850 km de lui et mon emploi du temps est plutôt tendu. Heureusement, j’ai la chance d’avoir des frères et soeurs auprès de lui, qui assument énormément, et l’entente familiale est vraiment excellente, mais cela m’a quand même « obligé » à traverser la France à trois reprise pour les soulager et/ou m’occuper de lui.
Bon. C’est la vie. On vieillit. Les années passent. Je finis la quarantaine quand mes parents entament les 70, et jusque là, on avait été relativement épargnés…
Fin juin, nous avons donc passé une semaine de nos vacances avec lui, dans sa maison de campagne. Enfin, je dis une semaine mais comme je n’ai pas réussit à me défaire d’une de mes nombreuses astreintes de WE, cette semaine s’est réduit à 6 jours et demi. Et je dis vacances, mais j’ai connu de meilleures semaines que ces jours passés à coacher l’ »ancêtre », à tenter de lui réapprendre ses mots, pour le coup en vacances, à le stimuler, à lui donner le bras pour éviter la chute avec ce syndrome parkinsonien aussi sévère que soudain, à compter les gouttes, les comprimés…
C’est sûr, on n’aura plus de désaccord politique ni de discussion métaphysique, mais au moins, je saurai de quoi je parle lorsque je visiterai, chez ses enfants, un patient atteint de démence…
Nos « vraies » vacances de 2012 se sont donc limitée à un WE prolongé entre amis et une semaine avec les miens, fin août. Un départ incertain, un retour trop rapide, 2500 km de voiture, des moments en famille et l’impression tenace de ne pas en avoir assez profité.
Il aurait été indispensable de se reposer un peu plus, mais après les vacances « abusives » de l’an dernier, la lourdeur des charges du cabinet et l’arrivée prochaine de la bordée d’impôts automnale rendent les vacances juste impossibles.
Autant dire que je suis un peu à cran en ce moment.
Une tension qui se ressent notamment lors des nombreuses astreintes nocturnes ou de Week-End qui ont émaillé l’été. Que le téléphone de garde sonne et mon coeur bondit, mes mains fourmillent, une soudaine bouffée de colère m’étrangle. c’est immanquablement un accueil peu amène que je fais au régulateur du SAMU qui n’en peut mais :
– « c’est quoi encore ?! »
Cela ne me ressemble pourtant pas vraiment, mais trop c’est trop…
Trop de jours à ne faire que travailler.
Trop de difficultés à boucler le budget du cabinet et le mien propre en dépit de journées chargées.
Trop de soirée à rentrer à 21 h 30 quand le repas est froid.
Trop de samedis et dimanches sacrifiés, passés seul au centre médical quand on a envoyé la famille en WE. (il n’y a aucune raison que toute la famille soit punie)
Trop de nuits d’astreinte et trop de déplacements pour des appels mal régulés. Désolé mes chers confrères, je sais que la régulation est un art difficile, mais faire appeler le permanencier et justifier la visite de nuit profonde en disant : « c’est passque la grand-mère à appelé 4 fois depuis 22 h » ou « y sortent de pédiatrie mais le gosse a toujours la diarrhée » ça ne passe plus !
Marre. Plein le dos. Ras le c…
Accessoirement c’est aussi dans notre belle vallée, le branle-bas de combat, pour obtenir des sou-sous publics pour une « belle » MSP.
Les réunions ont recommencé. Tout le monde essaye d’obtenir le pognon sans rien perdre de ses avantages. Les élus se tirent la bourre pour obtenir les fonds nécessaires à la construction.
Les médecins de secteur 2 voudraient bien faire partie de la MSP mais sans changer leurs habitudes (pour pouvoir (espérer) revendre leur patientèle dans 2 ou 3 ans), .
Les médecins de secteur 1 se disent qu’après tout, ils n’ont plus rien à perdre à rentrer dans le machin et à tenter de toucher les fameux « nouveaux modes de rémunération » (NMR) vu que de toutes manières, à courte échéance la non revalorisation des honoraires les forcera au départ pour des cabinets de ville sans investissement en matériel ni en personnel, ou pour un poste salarié.
Les paramédicaux ont peur de rester en rade et espèrent aussi récolter les miettes des NMR de la MSP (Maison de Santé Pluri-professionnelle) = en clair des subventions publiques…
Cela me rappelle l’aphorisme de Frédéric Bastiat d’une brûlante actualité bien qu’il ait été écrit il y a plus de 160 ans : « L’état : cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde« .
La relance des négociation (en catastrophe car la date butoir est fixée au 12 octobre) nous a également permis de comprendre comment la MSP de la vallée de la bidouille avait obtenu ses (promesses de) financements alors que son secteur réel d’influence compte seulement environ 1700 habitants à l’année. C’est grâce aux découpages en secteurs d’astreinte, eux même hérités des découpages cantonaux. Vous savez, le canton, cette unité administrative, inventée par Napoléon 1er. Et bien, c’est sur la base du canton que l’ARS a décidé à 250 km d’ici, d’octroyer des subventions pour cette MSP alors que le bassin de population s’est profondément transformé depuis 200 ans, que des villes sont apparues et que d’autres sont devenues des villages secondaires, que les voies de communication se sont largement transformées également, modifiant les flux de population et que le tourisme à révolutionné l’implantation des habitants (il y a 200 ans, on ne skiait pas!).
Nous avons ainsi découvert que plusieurs villages (pour une population d’environ 3000 habitants) à 6 km à peine de nos cabinets et où nous assurons l’essentiel de l’offre de soin, sont administrativement rattachés au chef-lieu de la vallée de la Bidouille, situé à 18 km, avec un col entre les deux…
Conséquemment, St Frusquin la montagne qui a récemment vu s’installer 2 nouveaux médecins (nous) est surdoté en médecins et ne peut prétendre à des financements, et, à 2 km, Troufignan qui a vu récemment, le départ de 2 de ses médecins (nous) est en zone fragile et recevra les sou-sous !
C’est très con hein ?
Mais c’est comme ça !
Et puis d’ailleurs, tout le monde n’arrête pas de me le dire :
– » je sais, c’est débile et injuste, mais comme c’est une connerie décidée par l’ARS, tu es obligé de faire avec ! Tu ne changeras pas le monde. Il faut que tu t’adaptes ! »
Si je comprends bien, quand les autorités font des conneries, tous le monde doit emboîter le pas et chacun doit en rajouter une couche dans son coin pour essayer de tirer ses propres marrons du feu.
Avec ce genre de raisonnement, je comprends surtout pourquoi le monde en est où il en est et j’ai beaucoup de mal à rajouter mon petit caca à cet océan de dés-organisation.
On m’annonce déjà les réunions de coordination, avec ses convocations, ses compte-rendus de séance et ses rapports d’activité annuels à communiquer à l’ARS. Normal, c’est de l’argent public. Il faut en justifier l’utilisation. Il faudra aussi, naturellement, faire des protocoles, et construire des actions de santé publique, en accord avec les directives du ministère, ou de l’ARS…Bien sûr, cela risque d’être un peu lourd au plan administratif, mais il parait que je ne doit pas m’inquiéter car on embauchera quelqu’un pour gérer la paperasse… Au secours !
– » Il faut évoluer docteur ! c’est l’avenir ! »
Et bien non, voyez vous. Si c’est ça la modernité, je préfère encore être un vieux con de base, nonobstant mes efforts pour acquérir des compétences humaines et améliorer ma pratique médicale. Je serai un vieux réac de toubib avec un stéthoscope tubulaire en bois, à la Laennec, des binocles et un tablier de boucher sur la brioche.
Autre conséquence de la création de cette MSP : Dans 1 an, la table de radiologie va devoir être déménagée (10 000 euros !), tous les contrôles obligatoires vont devoir être refaits (contrôles qualité interne – contrôle qualité externe – contrôle de conformité des installations électriques – contrôle de radio protection… 5 000 euros) Avec les frais annexes ce sera un budget de 20 000 euros environ la première année.
Les communes ne veulent pas payer.
Les médecins de secteurs 2 sont proches de la retraite. Ils ne souhaitent pas réinvestir et veulent continuer à travailler dans leurs locaux actuels avec leur vieille radio.
Nous, les médecins de secteur 1, qui avons déjà supporté le prix d’un déménagement il y a 3 ans et dont la SCM est actuellement gravement déficitaire, ne pourront pas assumer une autre fois le prix d’un déménagement, d’autant plus que, tous comptes faits, la radio nous rapporte très peu d’argent (25 ans de non réévaluation des tarifs de radiologie) et nous oblige à travailler un week-end sur deux en hiver. Mes associés ont fait leurs calculs. Ils ne paieront pas non plus. Nous perdrons donc aussi la radio dans la bataille et par là même notre spécificité de médecins de montagne.
L’ARS pourrait certes, participer au financement de ce service mais les soins aux touristes ne rentrent pas dans ses attributions. Seule la prise en compte des gens du pays importe.
C’est probablement encore mon mauvais esprit, mais il me semble même percevoir chez les officiels, une certaine satisfaction à ce que les urgences traumatologiques du ski retournent vers les structures hospitalières.
« Comprenez, M’ame Michu, un généraliste, ça fait 9 ans d’études, mais c’est pour faire des renouvellements d’ordonnance, du nez-qui-coule et du caca-mou. La traumatologie doit aller à l’hôpital »
Je me prépare donc à perdre la radio et surtout, à faire une croix sur une certaine idée que j’avais de la qualité, qui reposait non pas sur les réunions de coordination ni sur « l’exercice protocolé » mais sur le résultat d’un service fourni.
Aujourd’hui, les gens sont éberlués de voir qu’en chutant sur les pistes de ski (ou en tombant dans l’escalier de leur maison) ils sont pris en charge immédiatement, et sortent du centre médical 40 minutes plus tard avec un « plâtre résine » et leurs radios sous le bras.
Demain, ils feront 1h30 d’ambulance et 6 heures d’attentes aux urgences puis verront un interne ou un assistant pas forcément aussi rodés que nous à la traumatologie…
Cela coûtera, transport compris, 10 fois plus cher et sera nettement moins pratique pour les blessés. La qualité médicale ne sera pas forcément meilleure mais cela l’ARS s’en bat les c… (ou son absence de c…).
C’est donc un peu la mort dans l’âme que je suis mes associés dans cette aventure, péripétie, tribulation, déconfiture annoncée…
Mais finalement, il ne faut peut-être pas totalement désesperer. Toute cette agitation a une forte odeur de plan sur la comète, de château en Espagne.
« Il ne faut pas compter les oeufs dans le cul de la poule » disait ma grand mère, et effectivement, avec la situation économique qui se dégrade à grande vitesse, il y a fort à parier que les financements publics resteront… …virtuels.
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et ils se pourrait bien que tout cela ne se réalise jamais…
Néanmoins je développe depuis plusieurs mois une grande lassitude qui commencent à me peser (et qui explique un peu le silence radio de ce blog). Un peu de burn-out, sans doute.
Ou peut-être est-ce seulement la fin d’un cycle. Cela fait 5 ans que je fais ça..
Le compte n’y est plus.
J’ai l’impression d’être un hamster dans la roue de sa cage. « Cours plus vite, toujours plus vite, sinon la CARMF te rattrapera. Repousse tes vacances, voilà l’URSSAF. Pédale plus fort ou les charges sociales des secrétaires ne seront pas payées. Marche droit sinon l’ARS ne te donnera pas ton bonus ».
Suis-je juste un « pigeon » bon à plumer, un pauvre con qui prends les risques sur le terrain, qui investit, fournit un service de qualité, bouche les trous, et est remercié par des tracasseries administratives du fisc, de l’URSSAF, des caisses de sécu, ou par toujours plus de ponctions financière ?
Mais les récriminations sont stériles. J’ai décidé que j’avais finit de fulminer.
Une page semble se tourner lentement dans ma tête. Je me surprends de plus en plus souvent à envisager d’autres fonctions.
Nous avons la chance de faire un métier où il n’y a pas de chômage.
Il faut passer à l’acte avant d’être trop amer.
Mes enfants sont grands. Ils ont moins besoin de moi. J’ai décidé d’initier une démarche de changement de mode d’exercice. Il y a tellement à faire ailleurs, où je trouverai peut être un peu plus de respect.
Ma femme, quant à elle, serait heureuse de suivre si jamais je décidais de changer totalement d’exercice. D’ailleurs, je l’ai sûrement trop longtemps retenue dans cet endroit magnifique mais paumé où elle ne s’épanouit pas au plan professionnel.
Restent les amis et la famille… mais on n’est pas encore partis. Des missions à l’étranger, pour des périodes limitées dans le temps conviendraient tout à fait dans un premier temps.
Cet été, j’ai donc refais mon CV et j’ai envoyé quelques lettres de motivations.
Et immédiatement, même avant d’avoir reçu les premières réponses, j’ai retrouvé une certaine sérénité. Une fenêtre s’est ouverte.
Et puis finalement, je me suis dit que ce billet aurait sans doutes une audience de quelques milliers de passages.
Pourquoi n’en profiterais-je pas pour passer des petites annonces en forme de portrait chinois :
AUTO – MOTO
A louer ou à vendre : Médecin 4×4, 25 ans d’age, rustique mais confortable. Peu rapide, mais bonnes capacités de franchissement. Consommation très faible (mais fonctionnerait bien mieux avec plus de carburant). Médecine générale bien entretenue et révisée. Légèrement tuné : Pneus larges (dos aussi), capacité d’addictologie récemment ajoutée, radiologie conventionnelle, échographie générale, pratique de la traumatologie courante et de la médecine d’urgence (équipement de base), kit – infiltrations, petite chirurgie, sort régulièrement, démarre au quart de tour, même par -20°C.
Freins à revoir (ils ont été rongés très souvent !)
Bon véhicule polyvalent.
Essayez le, vous ne serez pas déçu !
Prix à débattre.
email : genou.des.alpages@gmail.com
RELATIONS
Médecin, 48 ans, bien sous tous rapport (quoiqu’un peu « mal-pensant ») Bonne moralité. Facile à vivre. Physique avantageux (si, si !), Valeurs religieuses, parle plusieurs langues, cherche engagement auprès de poste de travail stimulant, même exigeant, pour relations épisodiques et plus si affinité.
Appelle moi si tu as envie d’une collaboration honnête et d’une relation simple et enrichissante sans faux-semblants ni complications inutiles.
Travail à l’étranger envisagé et même souhaité. Enfants acceptés (je fais aussi la pédiatrie courante)
Toutes propositions étudiées.
Postes administratifs ou technocratiques (médecine de caisse, du travail, DIM, évaluation, coordination médicale, accréditation, certification…) s’abstenir : nous n’avons pas les mêmes valeurs.
laisser un message au blog qui transmettra.
IMMOBILIER
AV : Médecin de campagne atypique et intemporel. Construction totalement indépendante et isolée, sur terrain cultivé, clair, grandes ouvertures, tout confort, prestations modernes et haut de gamme. Grande médecine générale à vivre, 7 chambres, 3 SdB, cuisine équipée, cheminée, bureau, atelier, garages. Proche de toutes commodités. « Grandeur et Dépendances ».
Conviendrait comme médecin de famille mais nombreuses possibilités plus exotiques.
A voir de toute urgence !
Attention : n’a pas la certification BBC ni les contrôles immobiliers Carrez-termites-amiante-consommation énergétique…
Bon, avec ça, ma petite affaire va avancer ou je ne m’y connais pas.
Ah au fait, ça y est. J’ai des réponses.
La porte s’entrouvre… Continuer la lecture
Les carnets d’un médecin de montagne 2012-09-04 06:56:00
Cette opération de communication a été symbolisée sur Twitter par le hashtag (mot-clé)#PrivésDeDéserts repris des centaines de fois. Elle a été intégrée le jour même par les agences de presse et les principaux médias français. C’est un véritable succès médiatique qui a abouti après une douzaine d’heures à la réaction bienveillante de la ministre Marisol Touraine, toujours sur Twitter :

Au moment où je publie ce billet, notre texte a déjà reçu 350 signatures de soutien.
Ces propositions sont le fruit d’un travail collectif auquel j’ai participé et dont je voudrais préciser quelques caractéristiques.
1) Ce groupe de travail est informel, non structuré, non hiérarchisé et ne possède pas de leader. C’est un pur produit du Web 2.0 qui a utilisé l’outil de rédaction collaboratif Google Drive et dont les membres sont unis par des liens affectifs réciproques et subjectifs.
2) Il ne s’agit donc ni d’un « mouvement », ni même d’un groupe de pression, et encore moins d’un nouveau syndicat. C’est un groupe de réflexion, un « think tank » si l’on préfère un nom à la mode. Il n’est pas destiné à s’inscrire dans la durée : une autre thématique regrouperait sans doute une communauté légèrement différente. En revanche, les liens affectifs qui unissent ses membres et en constituent le ciment resteront probablement durables.
3) Nous ne souhaitons pas intégrer notre groupe dans les syndicats existants, les commissions, les autres think tanks, les ministères ou les ARS. Chacun des membres du groupe est libre de participer à ces structures, mais ne peut s’y réclamer porte-parole des autres.
4) Notre espace de réflexion est le web, et plus spécifiquement Twitter et nos blogs. C’est un espace public, libre, et sans copyright pour ce qui nous concerne. Nous souhaitons que nos idées soit copiées. D’ailleurs, nous avons nous-mêmes repris des idées émises par d’autres depuis longtemps. Ce qui compte, c’est que tout le monde comprenne qu’il n’y aura pas de médecine générale forte en France sans que la France prenne des décisions fortes concernant sa médecine générale, et que ces décisions fortes ne sont pas plus coûteuses que les « Plans » quinquennaux de nos précédents présidents.
Nous transmettons donc le flambeau de l’action à ceux dont la mission est de représenter officiellement la médecine générale : syndicats, sociétés savantes, universitaires, représentants ordinaux. Le message que nous souhaitons leur faire passer est simple :
(image issue du site de Docteur Couine )
Médecine générale 2.0
Lorsque l’on rends un travail collectif, le consensus est nécessaire, et l’enjeu, à savoir la survie de la médecine générale me parait ce matin plus important que les discussions byzantines.
Sortir du modèle centré sur l’hôpital
Idées-forces
1) 1000 Maisons Universitaires de Santé
2) L’université dans la ville
3) Incitation plutôt que coercition : des salaires aux enchères
4) Un nouveau métier de la santé : AGI de MUSt
Une formule innovante : les “chèques-emploi médecin”
Aspects financiers : un budget très raisonnable
Calendrier
Et quoi d’autre ?
Signataires (sachant que d’autres médecins ont participé à ce travail) : Alice Redsparrow, Dr Borée, Bruit des sabots, Christian Lehmann, Doc Bulle, Doc Maman, Doc Souristine, Docteur Milie, Docteur V, Dominique Dupagne, Dr Couine, Dr Foulard, Dr Sachs Junior, Dr Stéphane, DZB17, Euphraise, Farfadoc, Fluorette, Gelule, Genou des Alpages, Granadille, Jaddo, Matthieu Calafiore, Yem

médecine générale 2.0 le Pdf
Si vous souhaitez participer aux débats et/ou apporter votre soutien à la démarche, rendez-vous sur : atoute.org
Paiement à l’acte ? Salariat ? Capitation ?
Alors que rien se semble pouvoir enrayer la chute de la médecine générale, la blogosphère médicale bruisse de mille bruits.
Gelule raconte le quotidien d’un médecin de campagne et s’indigne qu’on puisse à ce point dénigrer la médecine générale.
Borée parle de la sortie de son livre, que je n’ai pas encore lu, et s’exprime avec intelligence sur la certification en médecine générale.
Le conseil national de l’ordre des médecins jette un pavé dans la mare, en donnant blanc-seing au nouveau gouvernement pour forcer les jeunes médecins à aller exercer dans les déserts médicaux, tandis qu’il déclare acceptable pour le secteur 2, des honoraires allant jusqu’à 4 fois les tarifs conventionnels.
Sans doute faut-il comprendre là que les membres du conseil national sont urbains, âgés et en secteur 2 (c’est le cas du Dr Legman, président du conseil national, qui applique des tarifs allant jusqu’à 3 fois le tarif conventionnel, si l’on en croit simplement l’assurance maladie).
Dominique Dupagne aborde la possible fonctionnarisation de la médecine de premier recours, comme je l’avais d’ailleurs fait il y a quelques mois.
C’est d’ailleurs un sujet sur le point de devenir un marronnier.
Nos internes sont étonnés et intéressés par notre pratique de médecins « couteaux suisses », mais quant à venir travailler avec nous, ils plébiscitent tous le salariat, et particulièrement en médecine d’urgence à l’hôpital. C’est d’ailleurs bien compréhensible. Si j’ai bien compris, une seule garde hebdomadaire de 24 h leur permet de gagner sur 50 jours/1200 h (comptons 100 jours si l’on tient compte des récupérations), et en débutant, environ 65% de mon revenu de médecin rural travaillant 260 jours par an (environ 2500 h/an sans compter les astreintes nocturnes) et ayant 20 ans d’ancienneté.
Un rendement horaire largement supérieur… Comment attirer des jeunes avec ça…
Avec des MSP ?
Avec des subventions publiques ?
Au delà du revenu horaire qui est plutôt plus intéressant en salarié, il y a aussi bien sûr les horaires de travail qui sont perçus comme trop contraignants en médecine libérale rurale. Forcément si on est de moins en moins nombreux…
Mais je perçois un désamour profond pour le paiement à l’acte. Un dédain pour ce type de rémunération qui me semble largement irrationnel ou sciemment implanté dans l’inconscient collectif, et qui parait s’apparenter aux commentaires peu réfléchis de certains commentateurs de ce blog ou à certaines considérations actuellement en vogue dans le monde politique, tant à droite qu’à gauche : « le libéral, c’est le Mal ! » » les médecins libéraux sont des cupides »…
Tous, même les jeunes médecins, semblent s’accorder sur le fait que le paiement à l’acte serait dégradant pour le médecin et pourvoyeur de médecine à 2 ou 3 vitesses, tandis que le salaire serait le « nec plus ultra » des modes de rémunération possibles. Le plus vertueux. Le plus égalitaire…
C’est, à mon avis, un raccourci abusif qui tient davantage de l’expression d’une certaine pensée unique et d’un formatage idéologique que d’une réflexion étayée.
Si le paiement à l’acte n’est certainement pas la panacée, il présente un certain nombre d’avantages, pour le médecin et pour le patient, que je vais développer ici.
1989. J’ai 24 ans. 7ème année de médecine (sur 8). Je fais mes premiers remplacements, et comme je travaille dans un hôpital périphérique, ce sera en rural. Des débuts stressants, qui ressemblent à ce que Gélule le décrit dans son blog, Sauf que je ne sais rien ! pas de stage en MG, pas d’internet, bien sûr. Je consulte avec le « guide des premières ordonnances » sur les genoux. Je mens sur mon age en disant que j’ai 28 ans. Je suis lent, hésitant. Je compense avec la relation humaine. Fréquemment, le soir, ou le matin tôt, je passe au domicile des patients qui m’ont posé problème, pour me rassurer, pour vérifier que cela ne tourne pas en péritonite ou en méningite… gratuitement bien sûr.
Sur le tas, finalement, c’est là qu’on apprends le plus.
J’aurais bien accepté un salaire pour faire ce métier, mais je n’ai pas eu le choix. C’était libéral ou rien. Tant pis. Je trouve difficile de demander les 90 FF de la consultation aux patients et je suis toujours surpris de leurs réactions. Ils préfèrent payer. Je pense même que pour beaucoup c’est un symbole important dans leur relation au médecin. une sorte de contrepoids.
– « faites vous payer, vous serez respecté ! » me répète-t-on plusieurs fois par jour.
1994. La consultation vient de passer à 115 FF. Je suis installé depuis 1 an et je me suis associé avec un généraliste de 20 ans mon aîné. Nous avons créé notre petit centre médical rural de 2 médecins, adossé à la pharmacie du village.
Bien sûr, je suis en secteur 1. Je n’ai pas eu le choix, mais l’aurais-je eu que j’aurais choisi le secteur 1, pour raisons idéologiques. Le secteur 2, c’est mal ! cela empêche les gens de consulter quand ils en ont besoin. Du moins, c’est ce que je crois
Nous sommes en SCM et en partage d’honoraires. Une fois les frais payés, nous partageons les bénéfices en deux parts égales. C’est une manière d’éviter le « vol de clientèle ».
Je suis resté lent. On ne se refait pas. Je traque la pathologie sévère, fais mes enquêtes alimentaires, passe des heures à écouter, à essayer de dénouer les situations compliquées, fais beaucoup de renouvellement à 3 ou 6 mois…
Mon associé est plus expéditif. A 50 ans, il a l’oeil rivé sur la ligne bleue du MICA qu’il espère rejoindre bientôt (il ne sait pas encore que celui ci reculera à chaque fois qu’il avancera…). Il travaille vite. Ses patients y sont habitués. Ceux qui veulent plus d’écoute prennent l’habitude de venir me voir. Certains de mes patients changent pour lui…
Mes journées sont bien plus longues que les siennes, mais je ne fais que 5 à 10 % de chiffre d’affaire de plus que lui. Comme nous travaillons en partage d’honoraires, je perds un peu d’argent. C’est le jeu. Je gagne quand même un certain confort de vie.
J’observe autour de moi des collègues qui font 70 ou 80 actes par jour. Certains sont de bons cliniciens qui travaillent jusqu’à 15 ou 16 heures par jour et ont une énorme patientèle . Quelques uns, peu nombreux, font objectivement un peu n’importe quoi, font revenir 3 fois une angine, se font une patientèle en distribuant les arrêts de travail, font de la « repasse »…
Je trouve injuste que leur revenu soit 2 ou 3 fois supérieur au mien.
Ce paiement à l’acte, décidément, n’est pas adapté à une médecine de qualité. C’est plutôt une prime à la « non-qualité ».
2002. Je suis épuisé. La consultation est toujours à 115 FF (17,53 €) depuis 9 ans maintenant.
Chaque année a vu surgir de nouveaux postes de dépense (informatisation, télé transmission, évacuation des déchets médicaux, URML, cotisation à la formation médicale continue obligatoire (la cotisation, pas la formation !)…
Mon revenu s’effrite chaque année alors que mon chiffre d’affaire est 50 % plus élevé qu’en 1994.
Le plan Juppé m’a cassé. Les punitions collectives en cas de dépassement de l’ONDAM sont un déni de droit et une insulte à la profession. Ces mesures totalement injustes ont été parfaitement bien acceptées par la population. C’est ce qui me fait le plus de mal.
Koushner, ministre de la santé, en a rajouté une louche en critiquant les médecins généralistes qui ne s’impliquent pas dans la permanence des soins. Me dire ça à moi qui enchaîne régulièrement des gardes de 60 heures d’affilée, sans régulation, en ne dormant pas plus de 2 h par nuit !
Je comprends que le médecin est vu comme un nanti et qu’en France, on déteste les nantis.
Si les relations humaines de gré à gré sont chaleureuses, l’inconscient collectif des français souhaite cette paupérisation des « riches » médecins.
J’ai compris depuis quelques années que la médecine libérale, telle qu’elle existe encore est condamnée par les élus et les hauts fonctionnaires.
Qu’à cela ne tienne, puisqu’ils détruisent la médecine libérale et le paiement à l’acte, ils vont être forcés d’ouvrir des centres de santé avec des médecins salariés, ou payés à la capitation.
Cela fait plusieurs années que je suis prêt à changer de mode d’exercice et de rémunération, mais je ne vois rien venir.
Bizarre non ?
Non, pas si bizarre si l’on considère que les libéraux, quoi qu’on en dise abattent un travail de fou, pour une rémunération somme toute assez modérée. Les remplacer par des salariés coûterait beaucoup plus cher, d’autant plus que nous sommes passés aux 35 h.
Oui mais si l’on considère les abus de prescription et les consultations évitables, secondaires aux dérives de l’exercice libéral, peut-être que les économies potentielles compenseraient le surcoût des médecins salariés.
En regardant autour de moi, je me rends compte que les comportements sciemment malhonnêtes, des médecins et des patients sont relativement marginaux. Conséquemment, les économies possibles sont vraisemblablement anecdotiques.
Je poste une annonce sur « annonces-médicales.com ». Les propositions affluent. Je ne choisirai pas la plus rémunératrice, mais celle qui me parait le plus en accord avec ce que j’ai envie de faire de ma vie. Un poste salarié en clinique de réhabilitation.
Je comprends aussi que ma vraie richesse, ce sont mes compétences. Et on aura toujours besoin de médecins compétents.
2004 : Je suis salarié depuis 2 ans. Au début, mes revenus étaient assez faibles et puis ils ont évolué. A l’heure actuelle c’est correct, sans plus, mais l’argent n’est pas le plus important.
J’ai épousé le projet médical de la clinique et le travail en équipe. Au début, cela a surpris la direction et les membres du personnel. Un « libéral » qui s’adapte au salariat et au travail en équipe ! WTF !
Mes confrères changent souvent. Beaucoup ont des difficultés à s’adapter à ce mode de travail où le médecin n’est qu’un membre de l’équipe soignante. Du coup, il y a un turn-over important, je suis rapidement devenu le plus ancien et un peu le référent médical. J’ai même le titre de « chef de service » (un des 4 services – nous sommes tous « chefs de service »). Bien sûr, c’est essentiellement « honorifique ». Je n’ai aucune latitude dans mon travail, et en tant que généraliste, je n’occuperai jamais une place de direction. Je m’en moque.
Au début, le travail salarié m’est apparu comme une vraie sinécure, mais je n’ai pas vraiment changé de façon de travailler, finissant tard, faisant beaucoup d’astreintes. Comme je suis globalement moins caractériel (si si !) que certains de mes confrères c’est moi qu’on vient voir en cas de problème, en cas de travail supplémentaire.
Je suis le plus (un des plus) impliqué, mais le moins payé…
Parfois cela me fait un peu « tarter », mais c’est ainsi… Pas bien grave tant que le travail reste épanouissant.
fin 2007 : 5 ans et demi que je suis salarié. Ce qui est vraiment pénible, ce sont toutes ces réunions d’accréditation et les changements qui en découlent.
Je suis intuitivement violemment opposé à la plupart des changements liés à l’accréditation… … mais je n’ai pas le choix. Je suis OBLIGE d’appliquer la politique de la direction. En tant que manager, je suis même obligé de motiver les autres. Le boss m’a bien fait comprendre que mon rôle de chef de service était d’entraîner les membres de l’équipe.
Cela me met dans une situation intenable, écartelé entre mes convictions intimes et ma loyauté vis à vis du groupe qui m’a donné ces opportunités de carrières et qui me paye.
Qui plus est, la politique du groupe évolue au gré des tractations avec l’ARH. Le beau projet médical du début est de plus en plus régulièrement foulé au pied des contingences matérielles. Il faut remplir ! Je peux comprendre cela, et en tant que « chef de service » j’assume, en tampon entre l’équipe et la direction. Je me retrouve à devoir justifier des choses peu justifiables devant les patients ou devant les membres de l’équipe.
Pourtant, mon opinion est claire. Notre éthique a tendance à foutre le camps.
La direction veut maintenant nous imposer des contraintes supplémentaires pour les dates de nos vacances. Cela devient injouable pour moi, entre les astreintes, les congés scolaires de nos enfants, les impératifs de mon épouse, ceux de mon ex, ceux de l’ex de mon épouse, ceux de l’époux de mon ex et de l’épouse de l’ex de mon épouse… si en plus, la direction impose des dates, ça ne va pas le faire…
Je suis de moins en moins sûr que le salariat soit un vrai confort !
Au bout du compte, c’est mon confort moral qui a le dessus sur mon confort matériel, et je démissionne, à la surprise générale. Je suis prêt à tout recommencer à zéro pour la troisième fois.
Aujourd’hui je suis à nouveau libéral. Je ne considère pas pour autant que le paiement à l’acte soit parfait.
Le salariat est un mode de rémunération qui parait attractif comparé à ce que les pouvoirs publics et les syndicats de médecins ont fait du libéral. L’hypothèse d’un passage généralisé au salariat n’est plus considérée comme farfelue.
Une récente réunion avec des membres du CDOM de mon département et l’ARS à propos du tableau de garde que nous avons de plus de mal à remplir, a été assez éclairante à ce sujet.
Alors que la discussion avait dérivé sur les différents projets de MSP et les inextricables complications administratives venant entraver le versement des indispensables subventions publiques nécessaires aux projets, j’ai déploré le bon vieux temps où l’acte était assez honoré pour que les médecins assument l’ensemble du coût de la construction de leurs centres médicaux sans que les administrations s’en mêlent.
Le président du CDOM m’a aussitôt coupé :
« Cette médecine que tu as connu, elle est morte et elle ne reviendra plus ! le paiement à l’acte, c’est fini ! Maintenant, il faut faire avec les administrations ! Maintenant ce sont eux qui décident ! «
Silence approbateur des membres de l’ARS.
Au moins, c’est clair.
Les autorités rêvent d’un système où les médecins seraient salariés, où ils seraient contraint par leur hiérarchie (oui, car un salarié a toujours un patron) a appliquer les procédures élaborées par l’HAS par exemple, ou par la sécurité sociale, ou par le ministère, ou par le CISS, pourquoi pas.
Plus étonnant, nombre de jeunes médecins souhaitent cela.
Que reproche-t-on exactement au libéral et au paiement à l’acte ?
– Le paiement à l’acte met le médecin dans une position de sujétion vis à vis des patients, qui est parfois difficile à gérer pour le médecin.
Sans doute, mais à l’heure où l’on dit vouloir remettre le patient au centre du système de soin, n’est-il pas naturel que ce fameux patient soit détenteur d’une part de pouvoir dans la relation thérapeutique ?
N’est il pas naturel dans une relation, fut-elle thérapeutique, que chacun des protagonistes ait une forme de « pouvoir » sur l’autre. La connaissance médicale constitue une forme de pouvoir du médecin sur le patient, une asymétrie dans la relation. Au nom de quelle « pureté » devrait on refuser au patient la parcelle de pouvoir que représente son paiement et la relative sujétion du médecin qui en découle.
Du coté du médecin, cette dépendance relative vis à vis du patient, n’est elle pas une incitation à une certaine humilité et surtout une certaine qualité du « service » ?
Enfin, ne vaut-il pas mieux dépendre du patient directement que d’une administration ou d’un pouvoir hiérarchique.
En tant que « libéraux » nous avons encore (pour combien de temps) une certaine liberté de prescription. Comment vivrons nous les objectifs de santé publique lorsque des administrateurs viendront critiquer nos taux de réalisation de mammographie de dépistage ou nos taux de prescription d’antibiotique, ou nous forcerons à augmenter le taux de vaccination contre l’hépatite B…
Les objectifs ne seront sans doute plus incitatifs. Il y a fort à parier que dans un système salarial, ses critères deviendront contractuels pour le médecin…
J’ai connu des situations approchantes et je préfère encore le paiement à l’acte, tout imparfait qu’il soit.
– Le paiement à l’acte est inflationniste en ce sens qu’il pousse le médecin à augmenter le nombre des actes pour augmenter son revenu, ou pour qu’il se maintienne.
C’est sans doute un peu vrai, d’autant plus vrai que le médecin n’est pas libre de ses tarifs (en secteur 1) et que la valeur des actes ne suit pas l’inflation depuis de longues années.
La pseudo-gratuité des actes médicaux constitue un autre facteur de multiplication des consultations inutiles qu’il n’est pas politiquement correct d’évoquer publiquement, mais qui existe bel et bien. Le patient n’est statistiquement pas plus ni moins vertueux que son médecin…
Ceci dit, la désaffection profonde des médecins pour l’exercice libéral contrecarre largement cet effet pervers. En effet, pourquoi faire revenir les patients quand on pas assez de temps pour recevoir tous les patients qui se présentent spontanément.
Ce comportement non-vertueux de certains médecins, déjà très minoritaire il y a 20 ans, me parait avoir quasiment disparu aujourd’hui. Une revalorisation substantielle des actes, ou,mieux, la réintroduction d’une certaine dose de liberté tarifaire le ferait disparaître complètement.
Que se passerait-il dans un système salarial ?
Le médecin serait payé pour un service, avec des heures de présence à accomplir. Passés ces horaires, il serait sûrement difficile d’obtenir un rendez vous ou une consultation en urgence.
Certains travailleraient largement au delà de leurs horaires, d’autres en feraient le minimum. Au bout du compte, l’efficacité du système chuterait et je crains la création rapide de files d’attente longues en médecine générale, ou un engorgement encore plus important des services d’urgence.
– Le paiement à l’acte ne permettrait pas une répartition satisfaisante des médecins sur le territoire français, alors qu’un paiement salarial permettrait aux autorités de bien répartir les praticiens en fonction des besoins.
Allons bon ! pendant des dizaines d’années les médecins se sont spontanément installé là où il y avait des besoins, mais maint’nant ça marche pu ma bonne dame !
Et pourquoi que ça marche pu siouplait ?
Eh bien je vous le donne Emile, ça ne marche plus parce que ce n’est tout simplement plus rentable de s’installer à la campagne ! Là ! tout simplement !
Et ça n’est plus rentable parce que les honoraires sont fixés autoritairement sans tenir compte du coût réel d’une médecine générale moderne, en particulier en zone isolée.
Revalorisons l’acte, ou rendons une part de liberté au médecin et la pseudo pénurie disparaîtra purement et simplement.
Enfin, quand je vois les choix faits par mon ARS pour l’implantation d’une MSP dans nos hauts cantons, j’hallucine ! C’est Ubu roi et messieurs les ronds de cuir associés !
Des choix abérants pris à 250 km d’ici dans un bureau, par des gens ne connaissant rien à la réalité locale, en raison d »un zonage débile, mais impossible à remettre en cause avant de nombreuses années.
L’assurance d’un plantage en règle.
Alors je ne peux, en aucun cas, croire que les mêmes personnes seront bien inspirées lorsqu’il s’agira de décider où implanter les médecins.
– Le paiement à l’acte est inadapté au suivi des maladies chroniques.
– Tient donc. Pourquoi ?
– PARCE QUE !!!
– Mais encore ?
– Les maladies chroniques nécessitent un suivi constant, des renouvellements d’ordonnance, de la prévention, de l’enseignement thérapeutique…
– Et alors ? ai-je envie de dire.
– Et alors, le paiement à l’acte n’est pas adapté !
Encore un mantra, que l’on répète en boucle. Pourtant cette explication me parait un peu courte. Il n’y a pas de raison majeure pour qu’un médecin (ou un autre soignant) ne puisse pas se faire rémunérer par un patient qu’il reçoit pour l’aider à gérer une pathologie chronique.
De plus, comme le rappelle Dominique Dupagne dans la revanche du rameur, le médecin doit ici faire preuve de la plus grande humilité. De nos jours, les patients connaissent de plus en plus souvent, mieux leur pathologie que leurs médecins. Web 2.0 oblige.
Cette liste de critiques faites au principe du paiement à l’acte pourrait être poursuivie à l’envie.
Il ne me parait pas utile de continuer à mettre en évidence les idées reçues et les à-priori qui minent le discours sur le paiement des médecins.
J’avais déjà pointé du doigt la volonté politique de mettre au pas le corps médical avec les maisons de santé et avec le P4P.
Cette critique permanente du paiement à l’acte me parait être un nouvel avatar de la volonté forcené de pouvoir de l’oligarchie dominante évoquée par Dominique Dupagne toujours dans la revanche du rameur.
Par conséquent, et pour paraphraser Churchill, il me semble que le paiement à l’acte est certainement le plus mauvais système de rémunération d’un médecin… … à l’exception de tous les autres.
Lettre ouverte à ma CPAM.
La permanence des soins est de plus en plus compliquée dans notre coin et en plus, la CPAM oublie de verser les indemnités d’astreinte.
Je me suis donc fendu d’une petite missive enjouée que je me réserve la possibilité d’envoyer prochainement.
« Ma chère petite CPAM
Tu n’es pas sans ignorer de savoir que le pouvoir politique vient de changer de main. Nous nous promenons donc maintenant en dansant, vers des lendemains qui chantent et sur des chemins jonchés de pétales de rose.
Pour preuve de ce changement profond de paradigme, j’ai décidé que nos rapports s’inscriraient désormais sous le signe de l’égalité et de la fraternité. (pour la liberté, ce n’est pas encore l’heure)
Tu connais la vilaine propension de ta soeur jumelle, l’URSSAF, à vouloir me prélever 10 % de majoration dès que j’ai un jour de retard dans le paiement des sommes que je lui dois. Elle est taquine !
Je vais donc faire de même avec les sommes que tu me dois. C’est normal. Cela constitue une mesure d’égalité de traitement entre toi et moi, et cela est nécessaire pour que nos rapports restent fraternels.
Or, l’examen de mes comptes laisse apparaître qu’au 10 mai 2012, tu me dois toujours le paiement des astreintes des mois de février et de mars 2012, c’est-à-dire respectivement les sommes de 7×150 et 6×150 euro, soit 1950 euro. Tu comprendras peut-être que pour moi, c’est une somme conséquente qui me permet par exemple de payer mes secrétaires, mais si tu ne le comprends pas, ce n’est pas grave.
Tu n’ignores pas non plus que la convention médicale stipule bien que ce paiement doit intervenir dans le mois qui suit l’astreinte.
Je vais donc te demander 10 % de majorations de retard, soit 195 euro de bonus que tu seras bien gentille d’ajouter aux 1950 euro déjà dus.
J’attends donc ton chèque de 2145 euro que tu enverras à l’adresse habituelle. Tu peux également payer par virement bancaire, mandat cash, ou par Paypal. (je n’accepte pas le paiement en nature, ma femme s’y oppose).
Tu remarqueras également que je ne te demande pas le paiement des innombrables impayés qui émaillent ma comptabilité (AT – CMU – Tiers Payant…) Je ne suis pas ratasse à ce point.
Et puis, c’est pour le principe, hein ? je suis sûr que tu comprendras.
Sinon, ici, il fait beau. Je m’amuse bien à la montagne. Hier j’ai mangé une raclette. Miam.
Au plaisir de te lire.
Bisous.
Ton Doc de Montagne qui t’aime
PS : Comment ? qu’apprends-je ? il paraîtrait que dans les couloirs des organismes sociaux, les médecins libéraux sont communément surnommés : « les cupides ».
Cela me fait de la peine !
Pour te montrer que je ne suis point si cupide, je te fais grâce des 10 % de majoration, mais paye moi quand même ce qui m’est du, s’il te plait. Il faut rendre à César ce qui est à César, non ?
Re-bisous. «
Bon, je sais, c’est puéril. Mais moi, ça m’amuse, et j’en avais besoin ces derniers temps, alors tant pis.
Pot-pourri de printemps (vraiment pourri)
L’actualité est désespérante.
En Polynésie la situation s’est enlisée sur une demi-victoire (ou une demi défaite) des médecins avec la hausse administrative du tarif d’autorité. 90 % des libéraux sont toujours non conventionnés. Les patients sont désormais remboursés sur la base d’un tarif équivalent à environ 80 % du tarif conventionnel.
C’est comme si en France le tarif de la consultation du MG était laissé libre et remboursé sur la base de 19 euros.
La hausse du tarif d’autorité a été assortie par le gouvernement d’une obligation de négociation entre les médecins et la caisse (CPS) et d’une date butoir au 30 juin pour cette négociation.
Les patients sont plus mal remboursés qu’avant et ne récupèrent pas pour autant la liberté de disposer de leurs cotisations sociales. Malgré cela, la grogne sociale s’est quelque peu calmée…
Les assurés se taisent. Les médecins survivent en diminuant fortement leur revenu et La CPS rembourse moins qu’avant et fait traîner les négociations. C’est bien normal, elle a tout à gagner à faire cela. elle fait des économies sur le dos des patients et des médecins, tout en continuant à se présenter comme le garant de l’accès aux soins pour tous…
Je parle de demi victoire pour les libéraux, car ils ont au moins retrouvé une parcelle de liberté et font moins de paperasse, même si c’est au prix d’une diminution importante de leur revenu. Quand on retrouve un peu de liberté, j’ai toujours tendance à considérer que c’est une victoire. Mais cette victoire a un goût un peu amer et parait cher payée. Et surtout, elle restera symbolique tant que les patients n’auront pas retrouvé leur liberté de cotisation.
Certains libéraux quittent le territoire. D’autres semblent prendre goût à cette liberté.
Et les négociations piétinent…
Ici aussi, la situation s’enlise.
Troufignan a obtenu le classement en zone déficitaire, de même que la vallée de la bidouille. St Frusquin, entre les deux, à quelques km à peine de Troufignan, a été classé en zone fragile, ce qui ne permet pas aux médecins qui y exercent d’obtenir les avantages tarifaires afférents aux zones déficitaires.
Quelle ironie, lorsque l’on pense que plus de la moitié de nos patients viennent de Troufignan et que nous soignons également nombre de personnes de la vallée de la Bidouille.
Dommage, car des trois projets de MSP qui se construisent, le projet de St Frusquin, que nous soutenons est de loin le plus abouti. Trois médecins, une équipe para-médicale et médicale constituée et volontaire, un conseil municipal dynamique, ayant compris les problématiques des professionnels de santé, un terrain magnifique et extrèmement bien situé, un plan de masse accepté…
Mais voilà, politiquement, ce n’est pas le bon projet.
Je crois savoir que des personnes dolichobraches (au bras long) ont agit en haut lieu pour torpiller St Frusquin et ses médecins un peu trop indépendants.
En conséquence, si nous voulons un jour percevoir des nouveaux modes de rémunération nous permettant de poursuivre notre pratique de médecins de montagne, au service des populations locales et touristiques, nous voilà contraint de trahir à notre tour la confiance des élus de St Frusquin et de rejoindre le projet mal ficelé de Troufignan. Pas de terrain, pas de budget, conseil municipal atone et un vague projet de réhabilitation d’un batiment public, pas encore libre. Evaluation du projet : 2,6 M€ ! vous avez bien compris : 2 600 000,00 € !
Au delà du caractère profondément immoral d’un comportement qui consisterait à planter les élus de St Frusquin et les paramédicaux de l’équipe, pour quelques brouzoufs et les beaux yeux de l’ARS, il me parait évident que le projet de Troufignan va encore errer de nombreuses années avant de voir éventuellement le jour.
Allons nous lâcher la proie pour l’ombre, et lâcher les gens qui nous font confiance ?
En mon fors intérieur, ma religion est faite !
Nous ne toucherons donc pas les aides et finalement, c’est sûrement mieux ainsi.
« C’est sûrement mieux ainsi ». C’est la conclusion que j’ai tirée d’une réunion avec un confrère de l’URPS et une juriste, venus tâter le terrain, essayer de comprendre pourquoi chaque village tire ainsi la couverture à soi. Non ce n’est pas un problème de médecin. L’entente est réellement bonne entre nous. C’est un problème de rivalité entre St Frusquin et Troufignan qui partagent pourtant la même station de ski. De sombres histoires de partage inégal des revenus et des frais de la station…des histoires anciennes qui ont appris à St Frusquin à se méfier de sa prestigieuse mais perfide voisine…
Au cas où les professionnels de santé parvenaient à se regrouper sous une forme juridique commune, un pôle de santé par exemple, et si ce pôle de santé était situé en zone déficitaire, il faudrait alors engager les démarches nécessaire à la perception des fameux nouveaux modes de rémunération. Paiements forfaitaires pour la coordination des soins et pour l’enseignement thérapeutique…
Et ces démarches, croyez moi, ce n’est pas de la tarte ! A tel point que nos confrères de l’URPS nous conseillent d’embaucher quelqu’un pour les faire. Une personne que l’on pourrait par exemple partager avec une autre maison de santé, qui convoquerait les patients, réserverait les salles, remplirait les dossiers de subvention (pardon, NMR), vérifierait la perception des sommes, partagerait ces sommes entre les différents intervenants …
Au secours ! ils sont devenus fous !
Encore de la paperasse. Encore des démarches administratives. Encore des frais de personnel supplémentaires et des paiements dont la pérennité n’est absolument pas assurée.
Quand je pense qu’au 4 mai, après deux coups de fil, je suis encore en train d’attendre le paiement de mes astreintes des mois de février et de mars (7 x 150 € et 6 x 150€, quand même) je me dis que ça va être « trop de la balle » lorsque la moitié de notre chiffre d’affaire sera constitué de forfaits ou de capitations…
« non, chuis pas au courant. La personne qui s’en occupe est en congé maternité ! »
« pas payés ? c’est normal, vous n’avez pas renvoyé le formulaire F 2548-c, on n’a que le F 2548-b ! »
« Non, c’est pas not’faute ! on n’a pas reçu votre dossier, et puis maint’nant c’est trop tard ! »
Vraiment, je sens qu’on va se RE-GA-LER !
Ce n’est pas mon genre, mais en quittant cette réunion, j’étais d’humeur sombre !
Pas l’ombre d’une lumière au bout du tunnel. La certitude de bosser comme un damné, et de batailler pendant encore des années contre une armée de jean foutres armés de formulaires et de taxes.
Finalement, tout se passe comme si l’argent public était toujours capté par les plus influents et pas par les plus méritants, pour être investi non pas sur le meilleur projet mais sur le projet le plus en vue au point de vue politique !
Dans ce système, les seules choses qui soit pérennisées, ce sont la gabegie et la spoliation.
Et ce n’est pas la prochaine élection de François Hollande qui me met en joie. Les quelques propositions de son programme santé sont à pleurer pour qui connait un peu le terrain. Aussi déprimantes que celles des autres candidats…
Comme disait Jean Michel, un de mes patients que j’aime bien, avec son humour de biker :
– » Dans la vie il y a deux types de gens. Les gnous et les playmobils »
– » C’est à dire ? »
– » Ben les gnous, ils sont champions du grégarisme. Ils traversent chaque année le Serengeti de long en large, en un troupeau immense. Ils traversent les rivières, se font piétiner, bouffer par les crocos.. La moitié meurt de faim… mais chaque année, comme des cons, ils recommencent. Et puis il y a les playmobils. Ceux qui font du ski par exemple. Ils montent, et ils descendent. Ils montent, et ils descendent, ils montent, et ils descendent… Y’a rien de plus con quand même ! »
– « OK, mais elle est où la différence entre les gnous et les playmobils ? »
– « Ben justement, y’en a pas, de différence ! »
J’ai peur qu’il ait un peu raison. J’ai l’impression de vivre dans un troupeau de gnous ou entouré de playmobils.
Pas l’ombre d’une réflexion critique. Pas un soupçon de sens moral. Juste des murmures compassés, des ronds de jambe, des courbettes serviles (avec des dollars dans les yeux), des tractations en coulisse, des intrigues. La cour de Louis XVI.
Et le bon peuple des moutons de Panurge qui continue à se faire tondre la laine sur le dos en regardant les jeux du cirque et en espérant que le prochain berger soit plus tendre…
Il faut être con, quand même !
DEPRIMANT !
De l’échographie en médecine générale.
Comme je le laissait entendre récemment, j’ai été percé à jour.
Certains de mes confrères, conventionnophiles convaincus, m’ont reprochés, en des termes euh… plutôt vindicatifs et peu confraternels, d’écrire sur les maisons de santé pluri-professionnelles, des billets incendiaires qui sèment la m… et les handicapent dans leur quête de financements publics.
Ils me reprochent de ne pas, comme eux, être un « intrépide chasseur de subventions », et même, de faire fuir le gibier…
Rhooo.. c’est même pas vrai !
Mais bon, comme je commence à avoir peur pour ma vie, comme je ne veux pas que mon cadavre soit retrouvé au petit matin, un stéthoscope encore noué autour du cou, une fois n’est pas coutume, je vais donc écrire aujourd’hui, un billet PO-SI-TIF, un billet gentil qui ne dit de mal de personne. Bien sûr, ça risque d’être un peu ennuyeux, mais tant pis. Mon e-réputation est à ce prix. Que dis-je, ma VIE est à ce prix !
(Et puis bien sûr, il sera toujours temps de reprendre les bonnes vieilles habitudes un peu plus tard, non ?)
Le sujet est tout trouvé : Nous avons maintenant reçu notre échographe et il fonctionne à plein régime. Il est largement temps de rendre compte de cette formation en échographie adaptée à la médecine générale que nous suivons, mon associé et moi même depuis quelques mois, et de l’usage qu’un généraliste peut faire d’un échographe.
En septembre dernier, je reçois un mailing du CFFE (centre français de formation en échographie) : Une formation en échographie adaptée à la médecine générale ! Cela fait des années que j’y pense et je n’ai pas encore trouvé la bonne formation. Celle ci est adaptée à la médecine générale, basée sur des « situations clinico échographiques ». En clair, il s’agit de partir d’une situation clinique habituelle en médecine générale et d’y apporter une réponse claire grâce à l’échographie sans prendre de risque inconsidéré, ni en faire prendre au patient bien sûr. (affirmer ou exclure une appendicite, une cholécystite, un polype vésical. Affirmer une stéatose hépatique ou une cirrhose du foie, affirmer une thyroïde normale, ou un goitre multinodulaire. Dépister un anévrysme ou une ectasie de l’aorte abdominale, affirmer une grossesse évolutive intra-utérine, dater une grossesse débutante… etc. etc.)
Banco. Voilà la formation que j’attends ! Je fonce.
Lorsque j’en parle à mon associé, il sort le même mailing de sa poche. Il voulait m’en parler. Si j’envisage cette formation comme une aide au diagnostic en médecine générale, il y voit également un avantage non négligeable dans sa pratique de médecin du sport.
Cela s’est donc décidé en quelques minutes, comme souvent. Nous assisterons à la première journée de prise de contact en octobre 2011. Si le contact est bon, si la formation est intéressante, alors, nous nous engagerons pour l’ensemble de la formation, qui comporte 7 journées de formation théorique et pratique à Nimes, 15 à 20 minutes de formation quotidienne sur internet, le prêt d’un échographe pendant un mois et un « coaching » continu en ligne.
Avant de s’attaquer aux généralistes, le CFFE a successivement formé (et continue de former) des gynécologues, des gastro, des cardio et des rhumatologues, des urgentistes…
Nous nous sommes donc retrouvé avec une vingtaine d’autres généralistes un beau jour d’octobre 2011 au centre francophone de formation en échographie, une association à but non lucratif destinée à enseigner l’échographie aux médecins.
Ce jour-là, il y avait donc des médecins des villes et des médecins des champs, des salariés et des libéraux, des jeunes et des vieux médecins, mais tous partageant une certaine idée de leur métier, une volonté d’acquérir de nouvelles compétences à mettre au service de leurs patients.
Et il y avait celui qui a monté le CFFE et qui reste au centre du projet, le Pr Jean Marie BOURGEOIS.
On ne peut pas rester indifférent à la personnalité du Pr Bourgeois. On ne peut qu’être fasciné par le personnage.On l’aime ou… on le déteste l’aime !
Sans flagornerie, il se dégage de cet homme une impression d’intelligence aiguë servie par un verbe chatoyant et mis au service d’un humanisme que j’oserais presque qualifier d’un autre âge et qui force le respect. Son discours est foisonnant, imagé, riche en digressions toujours utiles, jamais ennuyeux…
Pourtant, rien n’est plus rationnel et pratique que son enseignement.
Les bases de l’échographie sont amplement expliquées. Les aspect normaux et anormaux des différentes structures sont explicitées en détail avec d’infinies précautions.
Les cours théoriques et les séances de manipulation se succèdent toute la journée, dans une bonne ambiance.
Il ne s’agit surtout pas de nous pousser à l’erreur de diagnostic. Une erreur rejaillirait aussitôt sur le CFFE et sur la personne du Pr Bourgeois qui, j’en suis certain, ne doit sûrement pas s’être fait que des amis en ouvrant ainsi l’échographie à la médecine générale…
Au bout du compte, c’est le genre de professeur, que l’on a envie d’appeler Maître, et qui s’engage tellement dans son enseignement que vous ne voudrez pas le décevoir et qu’en dépit de votre fainéantise naturelle et de vos journées à rallonge, vous trouverez le temps de vous acquitter de vos devoirs, fut-ce au coeur de la nuit.
Depuis octobre dernier, nous faisons donc partie du premier groupe de généralistes formés à l’échographie générale par le Pr Bourgeois.
Et comme beaucoup de membres du groupe, nous avons finalement craqué et décidé de l’acquisition d’un échographe portable SONOSITE MTurbo. Nous l’avons acquis en leasing grâce aux efforts du Pr Bourgeois qui, là encore, a usé de ses relations pour négocier directement avec les fabricants, des tarifs extrêmement avantageux pour ses élèves. Naturellement, subodorant le marché émergeant « juteux », les fabricants ont fait de gros efforts. Nous avons donc pris une échographe neuf avec son chariot et son triple connecteur, une sonde courbe « basses fréquences » et une sonde linéaire « hautes fréquences ». L’échographie endocavitaire nous rebute un peu pour l’instant. Nous n’avons donc pas encore acquis la sonde correspondante… à voir plus tard.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça décoiffe !
Cela fait à peine un mois que l’appareil est arrivé et il doit bien servir 10 fois par jour.
Mme A. 51 ans, est fatiguée. Elle a grossi et souffre de constipation opiniâtre. Un coup d’écho rapide sur sa thyroïde confirme une thyroïde de petite taille, très hypoéchogène. L’hypothyroïdie par thyroïdite est dès lors, d’ores et déjà quasiment confirmée.
Mme B. 32 ans, est amenée à 20 h par les pompiers, pour une violente douleur abdominale épigastrique. A son arrivée, elle ne souffre plus. La palpation abdominale est sensiblement normale, ne montrant qu’une discrète sensibilité épigastrique. Tout cela est plutôt évocateur de colopathie fonctionnelle et le tableau n’est pas très inquiétant. Un examen échographique abdominal, pour le principe montre une vésicule biliaire pleine de lithiases. On est donc devant une très probable colique hépatique qui nécessitera une cholécystectomie. Le diagnostic n’errera pas plus longtemps.
M. M., 63 ans, vient de se faire un « claquage » du mollet, au tennis. L’écho confirme une volumineuse désinsertion aponévrotique avec un hématome de plus de 10 cm de long. La confirmation échographique de la lésion permettra un suivi optimal du patient, sans délais et sans allers et retours au centre de radiologie à 20 km.
Mme V. 52 ans, souffre depuis plusieurs années de douleurs à l’épaule droite. L’écho montre de suite une importante bursite sous acromio deltoïdienne et un tendon du sus épineux remanié…
Mme F. 55 ans, présente une choléstase biologique importante de découverte fortuite en dépit d’une cholécystectomie ancienne. A l’écho, son parenchyme hépatique apparait un peu hétérogène et hyperéchogène. Les voies biliaires ne sont pas dilatées. Elle sera de suite adressée au gastro entérologue pour suspicion de cirrhose biliaire primitive.
Mlle L. 26 ans, n’a plus ses règles depuis presque deux mois… Elle ne pense pourtant pas être enceinte. L’échographie sus pubienne, pratiquée immédiatement montre une grossesse de 5 semaines, intra-utérine. Elle est fixée dès la consultation avec son médecin généraliste.
Mme F. a un goitre hétéro multinodulaire ancien régulièrement suivi. Enfin, régulièrement n’est pas le bon mot. Très occupée, elle n’a pas trouvé le temps de prendre une journée de congé pour aller faire son écho de contrôle à la ville. Qu’à cela ne tienne. RdV est pris ici à 18 h. Sa thyroïde est vérifiée. Les nodules sont stables, inchangés par rapport au dernier contrôle, il y a 3 ans.
M. X a fait une chute au boulot. Il souffre des cotes. la radio ne montre rien, mais l’écho met en évidence une fracture costale. l’écho est plus fiable que la radio pour cela.
Mme S. arrive le vendredi soir avec une douleur du mollet persistant depuis une semaine. La clinique est fruste. L’écho montre l’absence de phlébite fémoro-poplitée. On ne peut pas exclure la phlébite surale, mais l’absence de thrombose fémoro-poplitée nous permet de passer le WE sans craindre l’embolie pulmonaire. « C’est EBM ! » comme se plait à le rappeler le Pr Bourgeois. La patiente fera son écho-doppler lundi matin, sans urgence chez un confrère angiologue…
En quelques jours, l’échographie s’est imposée dans notre pratique de la médecine générale comme un outil irremplaçable. Dans la plupart des cas, en tous cas jusqu’à aujourd’hui, elle nous a servi essentiellement à poser un diagnostic que la simple clinique ne pouvait pas poser. Elle permet d’aller plus loin que les renseignements fournis par le brassard à tension, le stéthoscope, l’otoscope, les bandelettes réactives…
Certes, elle ne répond pas à toutes les questions. Comme tous les outils, elle a ses limites. Des limites liées à la technique et bien sûr, des limites liées à l’opérateur, votre serviteur, qui débute encore.
Mais je suis assez surpris de voir qu’avec la répétition des examens, il me parait de moins en moins complexe et de plus en plus naturel de prolonger la palpation thyroïdienne par un « p’tit coup d’écho ».
Une douleur abdominale? une suspicion d’ascite ? une palpation abdominale anormale ? après l’interrogatoire et la palpation, un coup d’écho s’impose là aussi.
Une épaule douloureuse ? une entorse de cheville ? un « kyste ». Même chose.
Avant cette formation, l’échographie me paraissait compliquée et pour tout dire réservé aux radiologues, ou aux gynécologues, aux gastro-entérologues, aux cardiologues. Bref, c’était un outil de Spécialiste !
Je suis en train de découvrir que même moi, petit généraliste de campagne, je suis capable d’apprivoiser ce « stéthoscope du 21ème siècle » (copyright : Pr J.M. Bourgeois ;-)).
Je commence à comprendre l’écho-anatomie. Les structure apparaissant sur l’écran de l’appareil me deviennent rapidement familières.
Si certains de nos internes sont un peu habitués à l’échographie, je n’avais personnellement jamais pris en main un de ces appareils. La radiologie standard m’est familière depuis mes études. L’écho ne faisait pas partie des outils que je manipulais. C’est donc toute une sémiologie à apprendre. mais c’est un monde qui s’ouvre, une vraie révolution de la pratique…
Il faut parler du prix de la formation et de celui de l’appareil.
Pour la formation, j’aurai tendance à dire que l’on n’a rien sans rien. Le rapport qualité/prix est excellent. Le Pr Bourgeois ne se fait pas payer pour ses prestations qui sont pourtant de très haute qualité. Le prix de la formation sers à entretenir la structure CFFE, à payer les employés qui font preuve d’un dévouement, d’un professionnalisme et d’une gentillesse extraordinaire.
Quant à l’appareil, il nous revient à 440 euro par mois, soit 220 euro par médecin et par mois. Certes, cela renchérit un peu les charges de cabinet, mais ce n’est pas rédhibitoire et pour un groupe de 3 ou 4 médecins cela deviendrait finalement peu cher.
Enfin, il est possible, après quelques mois de pratique, de coter certains examens. Ceux que l’on aurait de toute manière demandé au radiologue, par exemple. Ceux pour lequel le service rendu par le MG est finalement devenu équivalent à celui qu’aurait rendu un radiologue.
5 à 6 examens cotés par mois amortissent l’appareil…
D’ici la fin de l’année 2012, je pense pouvoir compenser le coût mensuel de l’appareil sans augmentation globale des dépenses de santé pour la sécurité sociale. (avec peut-être même des économie de transport à la clé)
Mes correspondants radiologues, débordés, ne m’en voudront sans doutes pas. Ou alors on retrouvera mon corps, au petit matin, une cassette radiologique enfoncée dans la gorge… 😉
Les patients y gagnent un meilleur service en terme de diagnostic, de sécurité et de proximité.
Au bout du compte, j’ai également l’impression que c’est aussi la Médecine Générale qui profite de la pénétration de l’échographie dans les cabinets de ville et de campagne.
C’est à mon avis un virage que les généralistes ont tout intérêt à prendre et qui revalorisera l’exercice de la MG bien plus que les mesures liberticides de la convention 2011. Continuer la lecture
Suite du feuilleton Polynésien
Le feuilleton sanitaire polynésien continue de plus belle.
Le système sanitaire de Polynésie Française est calqué sur le système français. Ses difficultés de financement y sont aussi importantes. La CPS (équivalent local de la CNAM) est en faillite. Elle a donc un besoin urgent de faire des économies. Certes, elle pourrait diminuer ses frais de gestion, mais elle décide plutôt de baisser de 30 % environ les actes CCAM, diminuant par là même les chiffres d’affaire des médecins spécialistes libéraux.
Considérant que cela n’est pas compatible avec l’équilibre financier de leurs structures, le syndicats des médecins libéraux de Polynésie Française (SMLPF) a refusé de signer la convention avec la CPS.
Colère de la CPS qui désinforme en accusant publiquement les médecins de vouloir augmenter leurs revenus (quand ils veulent seulement la stabilité des actes).
La CPS a alors fait une tentative de convention individuelle avec les médecins, qui non seulement était aussi contraignante que la convention collective, mais qui a été déclarée contraire à la déontologie médicale, par le conseil de l’ordre des médecins de polynésie.
Et le Dr Szym, président du SMLPF a retourné les conventions individuelles non signées, dans une brouette, au conseil d’administration de la CPS au cours d’une fête organisée par la CPS à l’hotel Radisson, acquérant ainsi le surnom de « Taote Brouette ».
La tension est encore montée d’un cran. Le principal interlocuteur des médecins à la CPS, Ronald Terorotua, syndicaliste confirmé, n’a eu de cesse d’insulter les médecins et particulièrement leur représentant, le Dr Szym. « Le Dr Szym devrait aller voir un psychiatre ! »…
Les cadres de la CPS ont choisi ce moment pour quitter le territoire pour un « voyage d’étude » en Nouvelle Calédonie. Ayant vent de ce projet, les médecins du SMLPF ont décider d’accompagner lesdits cadres à l’aéroport afin de les couronner de colliers de coquillage, à la mode Polynésienne, pour « leur souhaiter bon voyage ».
Colère de Ronald Terorotua : « si Pascal Szym a besoin d’un poing dans la gueule pour se calmer, je suis son homme ! »
Finalement, Terorotua et ses acolytes ont préféré renoncer à leur « voyage d’étude ».
Depuis le début de la semaine dernière, environ 90% des médecins de Polynésie française sont déconventionnés (voir aussi ici). Il n’y a par exemple plus un seul médecin conventionné à Bora Bora.
Les patients ne bénéficient plus du tiers payant et ils ne sont plus remboursés que 70% du tarif d’autorité et si ce tarif d’autorité est un peu moins ridicule en Polynésie qu’en France, cela représente tout de même une diminution très importante du remboursement des soins (soit environ 25% du prix de la consultation par exemple), et ce même si les médecins n’ont pas augmenté leurs tarifs.
Il n’aura fallut que 3 jours pour que l’hôpital public n’explose. Plus un seul lit libre, les urgences débordées et arrêt de toutes les chirurgies programmées, pour faire face à l’afflux de patients.
La CPS semble « droite dans ses bottes », probablement surprise que le conflit aille jusque là.
En accord avec leur idéologie « mélenchoniste », les responsable du CA de la CPS veulent en profiter pour en finir avec le libéral. « Qu’à cela ne tienne, remplaçons les médecins libéraux par des médecins fonctionnaires que l’on ira chercher en Europe et que l’on mettra dans les dispensaires. On les paiera avec l’argent économisé sur la médecine libérale. »
Problème : les dispensaires sont gérés, non par la CPS mais par le territoire de Polynésie Française. Ce n’est pas la même bourse.
D’autre part, la gestion de ces dispensaires est … …complexe. Le recrutement d’un médecin passe par les multiples bureaux d’une administrations lente et tatillonne, prends des mois, et bien souvent le malheureux connait des retards de paiement importants dans son salaire, ce qui en a mis en péril plus d’un.
Autre problème : les crédits alloués à la santé publique, servant à faire fonctionner ces dispensaires, ont été revus à la baisse ces dernières années et de nombreux dispensaires sont quasi à l’abandon, souffrant de carence de personnel et de matériel. Difficile dans ces conditions de remplacer les libéraux par des fonctionnaires en dispensaire. Et on se demande comment remplacer les chirurgiens par exemple.
Le gouvernement de Polynésie Française est bien embêté. Il souhaite, bien entendu que les patients soient à nouveau remboursés correctement de leurs soins. Le ministre local de la santé, Charles Tetaria, est intervenu pour dire qu’il allait prendre la décision de revaloriser le tarif d’autorité afin que les patients soient bien remboursés par la CPS même si leur praticien est déconventionné. Quelques jours après, volte face du ministre. Cela serait désavouer publiquement la CPS. Or le gouvernement de PF a besoin de la CPS a qui il veut emprunter l’argent qui lui manque pour boucler son budget. (Oui oui, vous avez bien compris, c’est comme si l’état français empruntait à la CNAM pour boucler le budget des ministères… )
Charles Tetaria est donc bien seul, en pleine tempête, sans l’appui de son gouvernement.
Les mutuelles complémentaires ne savent plus trop comment réagir. Elles semblent choisir pour l’instant de rembourser sur la base du tarif d’autorité, se réservant la possibilité de rembourser le reste à charge des patients dans les mois à venir en cas de persistance du conflit, en augmentant leurs cotisations…
Les patients commencent à réaliser la signification réelle du conflit entre la CPS et les Taotes. Ce qui passait pour un aimable imbroglio comme il y en a tant en Polynésie, tourne subitement à la catastrophe pour nombre de ménages économiquement faibles…
Certaines associations de patients prennent officiellement fait et cause avec la CPS cherchant à déconsidérer les médecins.
Certains appellent quand même à la grève partielle des cotisations à la CPS. Après tout, c’est « logique », si la CPS ne rembourse plus autant, pourquoi cotiser autant ?
Il y a sur le web des appels à arrêter de cotiser…
D’autres semblent montrer que la population est dans son ensemble prète à payer un peu plus pour garder son taote de famille (médecin).
Le syndicat des infirmiers libéraux monte au créneau. Je cite :
“Les professionnels de santé ne veulent pas payer” “À aucun moment, nous n’avons été sollicités pour intégrer un quelconque groupe de travail, durant l’élaboration de votre projet, ni même consultés, et ce malgré le fait que nous soyons un acteur essentiel dans l’organisation de la santé (…) Depuis de nombreuses années, nous nous sommes, en étroite collaboration avec la CPS, inscrits dans une politique générale de maîtrise des coûts. Toujours dans le cadre conventionnel, nous sommes passés de quotas de nombre d’actes en revalorisation à la baisse de nos lettres clés. Nos cotisations obligatoires ont été multipliées par 10. Nous avons mis 10 ans à obtenir une revalorisation à la hausse pour revenir au même niveau. Et moins d’un an après, vous nous demandez de “faire un effort”, en nous promettant, comme vos prédécesseurs de l’époque l’avaient déjà fait, que cet effort ne sera que ponctuel. Comment vous croire, Madame ? (…) Vous savez mieux que moi que ce qui ruine notre économie, ce sont ses institutions, et par-dessus tout leurs coûts de fonctionnement exorbitants. 34% du PIB, Madame ! C’est un retour à la Soviétisation, avec le destin tragique que nous lui connaissons… (…) Pourquoi ne pas revoir les systèmes d’attribution des marchés publics en matière de santé, les stratégies d’approvisionnement pharmaceutique en privilégiant les commandes groupées, en faisant jouer la concurrence (…) plutôt que se cantonner dans un système obsolète, bien plus onéreux. Il est absolument inconcevable que certains matériels, indispensables à la prise en charge d’un patient diabétique, soient disponibles sur Internet, à un prix 10 fois inférieur à celui que paye en réalité la CPS”.
La situation parait aujourd’hui bloquée. Nul ne peut savoir ce qui va arriver, mais il parait totalement inconcevable que les choses restent en l’état.
Le secteur de la santé privée représente 800 employés en PF et je sais que certains médecins commencent à licencier leur personnel. Bientôt, si la situation ne se décante pas, nombre d’entre eux quitteront la Polynésie.
Je pense également aux membres de ma belle famille, la famille de mon épouse polynésienne, dont je connais bien le fatalisme en matière de santé, et pour qui je crains des conséquences sanitaires graves.
De chaque coté, une caisse de « sécurité sociale » (CPS en Polynésie, CNAM en France) détestant les médecins et tentant par tous les moyens de les assujettir ou de les faire disparaître, dans une lutte de pouvoir aussi pathétique que dangereuse pour la population.
De chaque coté, un corps sanitaire qui, au nom de l’accès aux soins pour tous, ou au nom de la qualité, ou par simple faiblesse, en a déjà beaucoup trop accepté.
Et pour reprendre l’allégorie de la grenouille et de l’eau bouillante, il y a la technique brutale et pas très finaude des hiérarques de la CPS, où l’on met brutalement le corps médical devant une situation inacceptable et où l’on va provoquer sa réaction violente, et il y a la technique raffinée des cadres de la CNAM et du ministère de la santé français qui consiste à asphyxier doucement le corps sanitaire, de non revalorisations en contraintes diverses, de mesures vexatoires en promesses non tenues, jusqu’à provoquer sa mort à petit feu, sans qu’il s’en rende vraiment compte.
Réveillons nous !!! l’eau est presque bouillante ici aussi !
PS : un site qui donne une information assez fiable sur la situation en PF : http://www.tahititoday.com/confidences.htm
Chroniques de la folie ordinaire
Je n’avais pas souvenir d’une période de février aussi chargée. Cela fait pourtant 5 ans que je bataille ici.
Et là, le mot « batailler » prends tout son sens.
40 à 50 personnes par jour et par médecin dont 15 cas de traumato, des grippes comme s’il en pleuvait, des rougeoles à la pelle et pour faire bonne mesure, des « petites » urgences de médecine générale de montagne : gelures des orteils, douleurs thoraciques, polytrauma, coliques néphrétiques…
13 jours d’affilé, à travailler 14 h par jour, plus 4 nuits d’astreinte, évidemment loin d’être calmes.
Cette fois, j’ai vraiment cru ne pas y arriver.
Il y a eu ce jour, par exemple où nous avons enchaîné les grippes et les fractures de 8 h du matin à 15 h et où nous avons brutalement reçu en même temps une jeune femme atteinte de coliques néphrétiques hyperalgiques, un artisan local avec une luxation de l’épaule, et un homme de 50 ans avec état de mal asthmatique.
A ce moment, j’étais en train de tenter d’enlever la chaussure de ski d’un ado qui s’était à l’évidence cassé tibia et péroné sur les pistes, avec l’aide de mon associé. Il tenait la jambe, j’écartais la chaussure au maximum et commençais à la faire pivoter vers le bas. Nous lui avions déjà posé une voie veineuse et fait une ampoule de morphine. La maman tenait le masque de protoxyde d’azote.
Pauline, la secrétaire, est entrée en salle de radio et nous a annoncé la situation. Elle avait installé les gens au milieu de la salle d’attente. Le box de trauma était déjà occupé. Nos regards se sont croisés, accablés.
Pour faire ce type de médecine, il faut aimer les challenges et l’action, un peu comme un vrai urgentiste, dopé à l’adrénaline, et il est assez vrai que l’on se sent vivre pleinement quand on maîtrise des situations un peu tendues. Un peu d’orgueil sans doute, ou l’impression grisante d’être réellement utile de temps en temps, plus utile que lorsque l’on prescrit du paracétamol et du sérum physiologique à des rhino-pharyngites banales.
Mais il vient un moment où l’on a l’impression de ne plus rien contrôler du tout. Il n’y a plus d’ambulances disponible sur le secteur pour descendre les plus malades à la ville. Les pompiers sont occupés. Le SAMU, visiblement débordé lui même régule « à l’arrache » en nous envoyant des patients qui n’ont rien à faire dans nos cabinets, l’un gémit sur son brancard, l’autre soutient son bras, une femme pleure bruyamment (la colique néphrétique ?), un homme tousse, la salle d’attente est pleine de cris d’enfants, le téléphone sonne sans arrêt, un gyrophare devant la porte d’entrée annonce l’arrivée d’un autre blessé, et une sourde colère qui monte en moi me rappelle que je suis en pleine hypoglycémie. D’ailleurs, j’aperçois mon sandwich au jambon, à peine entamé abandonné sous le négatoscope, hors d’atteinte…
Si seulement je n’avais pas si mal au dos! Une vilaine dorsalgie, pas vraiment étonnante dans le contexte.
Finalement, nous nous en sommes sortis, cette fois encore, avec l’aide d’Emilie, notre interne qui c’est vraiment, mais alors vraiment, sorti les doigts du c…si vous me permettez cette expression triviale. Merci Emilie !
La jambe a été radiographiée et immobilisée dans une attelle pneumatique, puis le jeune calmé, mis de coté 2 ou 3 h en attendant un transport disponible.
La colique néphrétique a été perfusée et calmée.
L’épaule a été réduite, difficilement, sous morphine/hypnovel heureusement bien supportés.
La crise d’asthme a cédé sous aérosols, bricanyl et solumédrol.
Les poignets ont eu leur résine, les clavicules leurs anneaux, et les dizaines de « grippe » ont été vues… (il y avait quelques rougeoles et une pneumopathie au milieu).
Ouf ! Cette fois encore, c’est passé in extremis.
Il y a eu aussi ce jour de week-end ou nous avons reçu ce patient, adressé en ambulance par le SAMU. 4 h plus tôt, il avait fait une chute lors d’une ballade en raquettes, tout seul dans la montagne. Selon lui, 30 à 40 m de glissade sur la neige gelée, suivi d’un arrêt (brutal !) dans les sapins. Après avoir vainement appelé à l’aide, il est reparti en marchant péniblement pendant une heure, dans la neige, bizarrement essoufflé, jusqu’au chalet du bas des pistes de ski, où il s’est effondré. Premier bilan des pisteurs secouristes : Luxation d’une épaule et d’un pouce, douleurs aux cotes, large plaie de la face interne de la cuisse et SpO2 à 71 % en air libre à 1800 m d’altitude. (pour les non médecins, la SpO2, c’est la saturation percutanée en oxygène, le reflet de l’oxygénation du sang, en quelque sorte. Et la normale est autour de 94 % pour un homme de son age à cette altitude, 90 % étant habituellement le niveau où l’on commence à administrer de l’oxygène aux insuffisants respiratoires).
Et bien non. C’est chez nous que le SAMU a décidé de le diriger. Mais ça tombe bien, nous n’avions rien à foutre. Nous étions seulement en train de conditionner un polyvasculaire souffrant de douleurs thoraciques (Syndrome coronarien Aigu à ST -) tout en gérant les inévitables fractures de poignet des snowboarders, les gastro entérites avec déshydratation…
Le polytrauma a été perfusé, calmé, et il est parti en ambulance pour l’hopital sous 6 litres d’oxygène par minute. Volet costal (10 côtes cassées quand même!) avec hémo-pneumothorax. Son épaule et son pouce n’ont pu être réduits que sous anesthésie, à l’hôpital.
L’infarctus, lui, est parti en hélicoptère.
C’est passé encore cette fois là.
Chacune de ces putain de journées a été une putain de bataille, dont on n’est jamais sûr de sortir vainqueur.
Le travail, nous sommes bien obligé de le faire nous même, avec la seule aide de nos précieuses secrétaires et des associés/amis/frères d’arme. Pas de manipulateur radio, pas d’infirmière, pas de brancardier.
Les ambulanciers, aussi débordés que nous, et les pompiers, de temps en temps.
Nous avons depuis longtemps dépassé la côte d’alerte. La sécurité ne me parait plus réellement assurée lors des périodes touristiques.
Pour ma part, ce sont de plus en plus, des semaines de folie furieuse, dont je sors comme un zombie, avec l’impression pénible de ne plus maîtriser les choses, avec l’angoisse d’être passé à coté d’un diagnostic grave, d’avoir fait une erreur aux conséquences funestes, mais comment se dérober lorsque la détresse est réelle, lorsque l’urgence est là ?
Un peu de burn out sans doute, ou je suis trop vieux pour ce genre de bêtises !
Pourtant la saison n’est pas finie. La deuxième mi-temps des vacances de février commence demain. De nouveau 2 semaines de folie et le WE de garde entre les deux. La deuxième semaine sera peut-être plus calme avec une seule zone sur les pistes. Puis il restera encore un mois et demi en pente douce jusqu’à la fermeture, fin avril.
Et les gens du crus nous attendent après le rush. Nous recommencerons alors à pratiquer exclusivement la médecine de campagne…
Une autre aventure avec notre nouvel échographe qui devrait être là…
Fin de la convention en Polynésie.
La Polynésie Française est un peu le laboratoire de la France.
Les travers des institutions françaises y sont amplifiés jusqu’à en devenir caricaturaux.
J’ai déjà eu l’occasion d’en parler.
Mais il se passe en ce moment à Tahiti des évènements qui devraient nous interpeller, en tant que médecins et en tant que français.
Bien sûr, la presse française n’en dit rien. Pas le moindre entrefilet dans notre belle presse nationale méga-subventionnée par l’état. De là, à y voir un lien de cause à effet…
Mais jugez plutôt :
La CPS, Caisse de Prévoyance Sociale, équivalent local de la CNAM passe depuis des années un accord avec le syndicat médecins libéraux de Polynésie Française (SMLPF) appelé CONVENTION.
Cet accord stipule que les médecins respectent des honoraires conventionnels et que les patients sont remboursés sur cette base, conventionnelle. En cas de non conventionnement, les médecins sont libres de leurs honoraires, mais leurs patients ne sont plus remboursé sur la base d’honoraires conventionnels, mais sur la base de tarifs d’autorités, nettement moins élevés que les tarifs conventionnels.
Cela vous rappelle quelque chose ? C’est normal. Mais continuons.
Récemment, la CPS a dénoncé la convention et a entamé avec le SMLPF des négociations en vue de la signature d’une nouvelle convention.
La CPS a sorti de ses cartons, un projet tout rédigé, faisant la part belle à de nouveaux modes de rémunération à la performance, afin « d’améliorer l’efficience » de la médecine libérale. Il y était aussi question d’objectifs de santé publique, de contrôle des dépassements d’honoraire, tout cela pour maintenir l’accès aux soins des plus défavorisés… etc etc…
Un projet qui ressemble étrangement avec celui récemment signé par nos syndicats chéris.
« Accessoirement », la CPS avait imposé une « modification mineure » du coefficient multiplicateur qui devait passer de 2 à 1,4. Je sais, pour moi non plus, le mode de calcul n’est pas très clair. Ce qui est clair, en revanche, c’est que cela signifiait simplement que le chiffre d’affaire des médecins libéraux devait juste diminuer de 25 à 40 % selon les spécialités.
Eh oui, l’histoire balbutie. Après les médecins métropolitains, ce sont les médecins polynésiens qui vont devoir passer par les fourches caudines d’une gestion administrée de la santé.
Les discussions ont donc été animées, et puis le SMLPF a signé. Euh non, en fait il n’a pas signé !!!
Il faut croire que, sous les tropiques, les syndicalistes ont notablement plus de « cojones » qu’en métropole.
La polynésie fonctionne donc sans convention médicale depuis le 21 janvier 2012, même si les remboursements des patients au tarif d’autorité ne devraient intervenir que le 21 février…
Bien sûr, la CPS vitupère les médecins libéraux, ces affreux profiteurs qui ne pensent qu’à s’engraisser sur le dos des pauvres gens…
Un discours que nous avons également l’habitude d’entendre en métropole.
Voyant le blocage de la situation, le gouvernement de Polynésie française a donc fait voter en catastrophe par le parlement un projet de convention individuelle en 81 pages que les médecins libéraux ont reçu en début de semaine et qu’ils ont un mois pour renvoyer signée à la CPS.
Cette convention individuelle reprend presqu’en tous points la convention collective ayant achoppé, y compris en ce qui concerne les honoraires, à un détail près : les honoraires médicaux sont simplement fixés par le gouvernement qui peut les modifier par simple ordonnance ministérielle.
Colère des libéraux qui ne désarment pas et décident de retourner collectivement à la CPS leur exemplaire de convention individuelle, non signée bien entendu, le SMLPF se chargeant de ce retour à l’expéditeur.
Pendant ce temps, pour fêter sa « réussite », la CPS organise une grande nouba à l’hôtel Radisson, un des plus beaux hôtels de Tahiti. 470 invités. Des dizaines de chambres réservées… On appréciera la modération de la CPS qui est en grandes difficultés financières…
Qu’à cela ne tienne. Voilà une excellente occasion pour les libéraux de retourner à M. Chang, le big boss de la CPS les conventions individuelles non signées.
Le Dr Pascal SZYM, président du SMLPF s’est donc pointé à l’entrée du Radisson avec une Brouette contenant près de 120 conventions indivividuelles (non signées) afin de les remettre en mains propres au président de la CPS. En fait, il les a répandues sur le sol de la salle de réception, aux pieds du type.
120 conventions, dans un territoire qui compte environ 200 médecins libéraux. Bel exploit ! Chapeau !
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Un accueil plutôt frais au Radisson, pour le Dr Szym. |
Les prochaines semaines promettent d’être chaudes à Tahiti.
MdS, centres mutualistes et déserts médicaux
Il m’arrive de feuilleter le Quotidien du Médecin. Non pas que les informations scientifiques qu’il contient soient transcendantes, non. Ce sont plutôt les informations professionnelles qui m’intéressent dans ce torchon périodique.
Bien sûr, il n’y a pas vraiment de travail journalistique dedans. Il ne faut pas exagérer quand même. Mais en tant qu’organe de presse officiel de la bienpensance ambiante, il arrive qu’il génère quelques pépites, à son corps défendant naturellement.
Quotidien du Médecin du 13 janvier 2012, page 3 : 2 articles intéressants, juxtaposés :
A droite un encart de 2 colonnes expliques que les 11 centres de santé mutualistes des Bouches-du-Rhône sont en déficit sévère.
La mutualité française qui gère ces structures, souhaite que les médecins de ces centres acceptent le paiement à l’acte et fassent 6500 à 7000 actes par an. Les médecins, eux, souhaitent conserver leur rémunération à la fonction.
Quant aux pouvoirs publics, ils viennent de faire savoir, par la voix du préfet des Bouches-du-Rhône, qu’ils refusaient de renflouer le bouzin.
Malheureusement, le travail « journalistique » s’arrête ici.
On va donc faire de l’explication de texte.
Comment fonctionne un centre de santé mutualiste ?
Réponse : A peu près comme une maison de santé pluri-disciplinaire, à ceci près que les honoraires des professionnels qui y travaillent ne sont pas perçus par eux mêmes, mais par le centre qui s’en sert pour salarier ses professionnels : médecins, infirmiers, kiné, dentistes, personnel du secrétariat et de ménage, payer les consommables et le chauffage, l’EDF, l’eau, les impôts locaux, entretenir la structure … (et j’en passe)
Donc, pour arriver à l’équilibre financier, un centre de santé mutualiste doit faire faire environ 7000 actes par an à ses médecins.
A raison de 20 minutes par acte (et 20 minutes, c’est très court si l’on considère que certains actes sont chronophages, par exemple, les visites à domicile ou les consultation d’addictologie, ou le suivi des patients agés…) cela représente, pour la simple activité de soin, environ 2310 heures de travail par an. Rapporté à 220 jours de travail annuel, cela représente quand même 10h30 de soins par jour. Et on n’a pas encore commencé les taches administratives, la sacro-sainte coordination des soins et les séances d’éducation thérapeutique.
Certes, les centres de santé mutualistes ont des charges salariales sur les émoluments médicaux, supérieurs à ceux qu’un médecin libéral paye en URSSAF et en CARMF, pour un revenu net à peu près équivalent, mais ils touchent par contre un certain nombre d’aides conventionnelles et d’autres subventions provenant des organismes gestionnaires (mutualité, régimes de sécurité sociale, communes…) que ne touchent pas les libéraux .
Je pense qu’on peut néanmoins penser qu’un libéral de secteur 1, travaillant en maison de santé ou un médecin de centre de santé doivent avoir grosso modo la même activité pour équilibrer le budget de leur structure de soin : environ 6500 à 7000 actes par an. Avant de commencer les taches administratives, la coordination des soins, les enseignements thérapeutiques…
Alors, oui, il y a maintenant des financements, prévu par la loi HPST, pour différentes tâches : coordination; enseignement thérapeutique; dispositif de coopération (sic)
C’est là, sur le site de l’ARS, et franchement, je n’ai pas compris grand chose. Une sacrée usine à gaz. Ça fait très peur et je suis prêt à parier que les maisons de santé bénéficiant de ce type de rémunération lors des 5 prochaines années, se compteront sur les doigts de la main gauche de Django Reinhardt.
L’information importante de cet article, finalement, c’est qu’un médecin généraliste travaillant en secteur 1 et en maison de santé pluri-professionnelle, doit avoir une activité (en équivalent temps plein) de 6500 à 7000 actes par an pour équilibrer son budget en se sortant un salaire équivalent à celui d’un médecin salarié en centre de santé.
Techniquement, cette activité représente 10h30 de travail effectif de consultation par jour, 220 jours par an, avant de commencer les activités annexes de coordination, de gestion administrative, d’enseignement thérapeutique.
On commence à comprendre pourquoi les jeunes ne se ruent pas en masse dans le système…
A gauche de la page on trouve un articulet croquignolet qui nous narre comment la puissante FHF (fédération Hospitalière de France) envisage de résoudre le problème des déserts médicaux.
Fastoche ! Il suffit de remplacer, dans les zones désertées, les médecins généralistes défaillants par des médecins salariés des hôpitaux. (voir aussi ici, dans le JIM)
Bien sûr, pour que l’hôpital remplisse correctement cette nouvelle mission, il faudrait donner à l’hôpital public une part de l’enveloppe allouée à la médecine de ville. Comme l’hôpital consomme déjà environ 55 % du budget de la sécu, il pourrait en croquer encore plus en exportant sa gestion calamiteuse sur le terrain de la médecine ambulatoire.
Non, je n’ai absolument rien contre les médecins hospitaliers. Plusieurs de mes amis sont des praticiens hospitaliers. Je pense néanmoins que l’hôpital public est géré en dépit du bon sens et que la gestion des ressources humaines y est catastrophique, donnant des rentes de situation à des mauvais alors qu’elle décourage ceux qui se défoncent…
Il y a 3 jours, j’évoquais une évolution de la médecine ambulatoire vers une forme de fonctionnarisation masquée, ou plutôt, une mise en coupe réglée de la médecine libérale, et voilà que la FHF, organisation publique s’il en est, propose tout simplement de remplacer les libéraux par des praticiens payés par l’hôpital.
Attention, si le projet est acté, il est peu probable que l’administration hospitalière envoie des « praticiens hospitaliers réguliers » au fond de la Creuse. Leur statu leur permettra sûrement d’éviter cette « punition ».
Par contre, il sera facile d’y envoyer plus ou moins sous la menace, des médecins à diplôme étranger, algériens ou moldo-valaque, contractuels précaires, soutiers du système hospitalier, sous payés…et salariés (donc normalement aux 35 h)
Mouai… pas sûr que le service sera le même que celui assuré en ce moment par les libéraux.
Décidément. Après l’idée lumineuse de remplacer les médecins généralistes par des vétérinaires, (là, là et là) , la proposition de loi « Vigier » visant à obliger les jeunes médecins à aller s’installer à la campagne (les jeunes médecins en parlent là), puis cette proposition grandiose, nos politique ont de l’idée !
Bon, moi cela ne me rassure pas sur l’avenir de mon métier.
Quoi qu’il en soit, la question du financement de la médecine de premier recours se pose avec une acuitée… aigue !
Faut-il pour autant accepter ces plans foireux qui, du paiement à la (soi-disant) performance aux paiements forfaitaires pour missions spéciales (dont je ne comprends même pas l’intitulé) en passant par une option démographique donnée sous conditions, transforme lentement mais sûrement les médecins que nous sommes en chasseurs de primes ou en vassaux serviles des politiques ?
Ma réponse est NON!
Si un jour, la médecine ambulatoire n’est plus qu’un vaste foutoir ressemblant aux fameux « central services » de Terry Gilliam dans Brazil, où les médecins n’exercent plus que selon des protocoles officiels, suivant des objectifs de santé publique définis par le gouvernement.
Si l’humain a finalement été définitivement éradiqué des procédures, si soigner une personne se réduit dans quelques années à suivre un algorythme et délivrer une ordonnance standardisée pré-établie, alors, je crois que je prendrai simplement la poudre d’escampette.
Il y aura bien de la place pour un médecin vraiment libre et vraiment libéral, dans ce bazar, non ?
Comme le rappelle fort opportunément Marc : » soyez résolu de ne pas subir et vous voilà libre ! » (La Boétie) Continuer la lecture
Libéral ou fonctionnaire ?
Depuis que l’hiver à commencé, nous enchaînons un week-end de travail toutes les deux semaines et les semaines sont chargées avec des accidents de ski assez nombreux, sur des pistes gelées.
Il y a eu la préparation de la V3 dans l’établissement de santé qui m’emploie à temps partiel.
sans coordination (nous nous sommes bien répartis les compétences, et nous nous concertons toujours avant de décider des vacances…).
Vous êtes peu équipés (tables de radio, ECG, spiromètres, test de diagnostic rapides, défibrilateurs, pompes à mucosité, oxygène, protoxyde d’azote…).
Vous êtes submergé par les personnes âgées (non coco! les vieux quittent très souvent la région lorsque le poids des ans est trop lourd. Le froid, la neige et l’altitude ne leurs valent rien).
Il vous faut accueillir les internes (trop tard, on est déjà maîtres de stage !)
La consultation ne sera plus réévaluée, mais la nouvelle convention et la loi HPST promeuvent de nouveaux mode de rémunération à même de vous aider à assurer vos nouvelles mission (eh banane ! nos patientèles sont touristiques ou de passage pour une bonne partie. La rémunération conventionnelle « à la performance » ne nous concerne donc pratiquement pas. Même l’option démographique ne serait pas intéressante vu le nombre d’actes techniques que nous faisons) « …

Il n’en fallait pas beaucoup pour que la moutarde me monte au nez. La côte d’alerte a été atteinte en moins de 2 minutes.
Visiblement, je n’ai pas été le seul à me sentir insulté, puisque mes confrères ont commencé à s’exprimer sur un mode plutôt agressif.
L’un d’entre eux a profité de la réunion pour rappeler qu’il y a deux ans et demi à peine, l’ARH n’avait opposé qu’une feint de non-recevoir à nos demandes d’aide à la création d’une MdS, puis il a rendu public son départ imminent.
Un troisième a expliqué que les actes techniques de médecine de montagne n’avaient pas été revalorisés depuis 20 ans et qu’il ne fallait pas chercher plus loin la désaffection de cette médecine particulière par les jeunes médecins n’ayant pas accès au secteur 2…
En quelques minutes, la salle de restaurant était devenue « règlement de compte à OK Corral ».
On aurait dit Astérix et Obélix tombant à bras raccourcis sur une phalange de romains imprudemment aventurée en territoire hostile… l’hallali, la curée, un lynchage verbal…
Rien à perdre, de toutes manières. Rien à gagner non plus d’ailleurs.
Un dernier baroud d’honneur en forme de « morituri te salutant… »
C’était gratuit. Une sorte de défoulement collectif un peu puéril avec le sentiment que foutu pour foutu, il valait mieux se moquer et en rire. Ça serait toujours ça de pris…
Et puis je suis retourné à mes visites, et c’est comme souvent au volant de mon tacot que j’ai réfléchis aux raisons profondes de ma colère.
Nos technocrates de l’ARS et des ministères ont des à priori sur nos activités de médecins de campagne ou de médecins de montagne (ou de médecins de ville). Il ne veulent/peuvent pas évoluer. C’est irritant.
Ils ont aussi des vélléités de piloter l’évolution de la médecine libérale.
Ça, déjà, ça m’énerve, mais je vais essayer de ne pas en rester à ce sentiment négatif.
Sans doutes ont ils des raisons de souhaiter cette évolution. Peut être ont ils même raison de souhaiter cette évolution.
Que veulent-ils au juste ?
Si j’en crois ce que j’ai entendu ce midi, ils veulent :
– des centres de santé implantés là ou ils l’ont décidé, fonctionnant avec des professionnels de santé rémunérés selon des objectifs de santé publique définis par eux même, obligés à assurer une permanence des soins pilotée également par eux même, assurant des séances d’enseignement thérapeutique dont le programme réponds à des campagnes officielles décidées par eux même ou par l’état.
D’ailleurs, le directeur de l’offre de soin de blablabla… l’a bien dit : « Que vous le vouliez ou non, vous serez de toutes manières de moins en moins libéraux. A vous de vous plier à la nouvelle organisation des soins »
Oui, c’est une phrase que j’ai entendue au cours de cette réunion.
Avouez qu’ils cherchaient la m… quand même.
Que voulons nous pour l’avenir ?
Un système de santé de premier recours administré par l’état et ses services déconcentrés, les ARS, géré d’en haut par les politiques, avec des agents plus ou moins fonctionnarisés (les professionnels de santés) rémunérés selon des objectifs définis par l’état (aujourd’hui : diabète, cancer du sein… demain …?)
Ou un système de santé indépendant du pouvoir, avec des professionnels de santé libres de leurs pratiques, mais rendant des comptes directement à leurs patients ?
Personnellement, j’ai choisi. Mais peut être (c’est d’ailleurs probable) ne représenté-je pas la majorité de la population. C’est pour le savoir que je mets en ligne ce petit sondage :
Etes vous pour une fonctionnarisation des médecins généralistes ou souhaitez vous que persiste une médecine vraiment libérale, indépendante des pouvoirs publics ?
Que vous soyez médecin ou non, donnez votre avis en répondant à ce petit sondage perso, (colonne de droite au dessus des blog-lists) et en commentant ce post.
Peut-être que cette évolution de la médecine est effectivement souhaitée par une majorité de français.
Vos réponses m’intéressent.
« Evaluation – Evaluation, Est-ce que j’ai une gueule d’évaluation ? »
cette année, comme j’en ai déjà parlé ici cette année, avec mon associé, nous avons choisi un programme de formation à l’échographie adapté à la médecine générale. Malheureusement, nos autorités n’ont pas choisi de favoriser cette formation qui revaloriserait pourtant la MG sur le fond, bien plus que les mesurettes habituelles.
Donc pas d’indemnisation OGC pour cette formation qui coûte quand même … un peu.
Attention, avec ses 7 jours de formation pratique sur site, son prêt d’un échographe pendant un mois, sa formation de quinze minute quotidienne sur internet et son tutorage, elle vaut largement ses 2000 euros. Mais quand on n’a pas de trésorerie, c’est un peu chaud.
D’où l’idée de faire d’une pierre deux coups, en faisant un peu de formation indemnisée pour amoindrir le coût de la formation payante.
D’ailleurs, Emilie, notre jeune interne stagiaire, qui vient de faire sa journée à la CPAM, nous a bien retransmis ce qui lui a été seriné par la caisse départementale via le truchement des « médecins » conseils. La France est un des derniers pays où la formation médicale n’est pas obligatoire… et c’est assez inadmissible. Admettez le !
Chic ! je sens qu’on va bientôt avoir une obligation réglementaire de plus. Quel beau pays qui ressemble de plus en plus à la Roumanie de Ceaucescu.
Cette année, je n’ai fait que 6 soirées de formation de 2 h organisées par le SAMU, dans le cadre des médecins correspondants SAMU, des « groupes de pairs » en endocrinologie-diabète, un rafraîchissement de la maîtrise de stage d’une journée, organisée par le département de MG de la fac et quelques formations informelles, parfois même (Ha! j’ai honte de le dire!) sponsorisées par des laboratoires pharmaceutiques.
Mais rien qui compte. Enfin, rien d’indemnisé, je veux dire.
J’ai donc ressorti les plaquettes publicitaires de toutes ces boites de formation, que l’on reçoit régulièrement tout au long de l’année.
J’ai analysé en détail les modules de formation proposés par les différentes boites et j’ai découvert qu’il était possible de faire des DPC en e-learning (comprendre : des programmes de Développement Professionnel Continu par correspondance sur internet.)
Ça, c’est pour moi ! En habitant ici, à 2 ou 3 h de route de la première grande ville, c’est l’idéal.
Je me suis donc inscrit à un DPC en e-learning sur le dépistage des mélanomes.
Première étape : envoi d’un formulaire d’inscription (lettre d’engagement) accompagné d’une feuille de soin barrée, d’un chèque de caution et de la fameuse attestation de cotisation à la formation médicale délivrée par l’URSSAF. Simple. Ou presque.
Deuxième étape : réception d’un mail confirmant l’inscription et m’avertissant de l’envoi prochain de grilles d’auto-évaluation de ma pratique dans le domaine du dépistage des mélanomes.
Puis, les grilles.
Là, ça commence à se compliquer un chouïa.
Je dois choisir 20 patients au hasard, vus dans le dernier mois. Bon.
Je dois répondre à une série de questions pour chacun d’eux, mais les questions sont un peu bizarres :
– Les antécédents familiaux de mélanome sont notés dans le dossier médical avec le lien de parenté.
Euh, quand il y en a, je le marque. Quand il n’y en a pas je ne le marque pas… donc je réponds non ? Mais si je réponds non, cela ne signifie-t-il pas que je ne l’ai pas cherché et que par conséquent je suis mauvais?
– Le phototype du patient est noté dans le dossier ?
Ben non. Parce que quand on l’a en face de soi, le patient, on voit assez bien s’il est suédois croisé albinos ou s’il est bronzé comme un Gabonnais qui bosserait dans une mine de charbon. Il est donc généralement facile de cibler les phototypes clairs, sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans le dossier médical.
Pas de phototype dans le dossier médical, donc, là aussi je vais être mauvais.
– Le séjour plus d’un an dans un pays à fort ensoleillement (Afrique, Moyen Orient, Dom-Tom, Sud des Etats-Unis, Australie) a-t-il été recherché et noté ?
Ouai. Des fois oui et des fois non. C’est plutôt non, en fait. Je connais assez bien la vie de mes patients car je suis bavard et (très) curieux, mais je ne marque pas toujours dans leur dossier qu’ils ont passé 10 ou 15 ans en Afrique. Là, d’accord, cela ne se voit pas sur le visage du patient, encore que mon oeil exercé ;-)) repère rapidement les rides et les kératoses actiniques habituelles chez les personnes s’étant fortement exposées au soleil. Mais sans doute existe-t-il des personnes dont l’aspect cutané est bon et qui sont cependant à risque de cancer cutané en raison d’une forte exposition solaire. Allez, admettons que cela ait un certain sens. Et là encore je vais être assez mauvais.
– La profession à risque (marin, agriculteur, ouvrier du bâtiment, moniteur sportif) a-t-elle été recherché et noté ?
Yes !!! Là chuis bon m’sieur. La case profession est généralement renseignée dans mes dossier informatiques.
Mais c’est le critère qui est un peu limité. Qu’est ce que je marque pour le saisonnier qui est perchman en hiver, garçon de café en été et apiculteur en mi saison? C’est à risque apiculteur? et garçon de café?
Et le kiné qui donne trois semaines de cours de ski chaque année en février, je marque kiné ou prof de ski ?
« A risque » ou « pas à risque »…
Donc, là, j’ai une bonne évaluation, mais le critère assez peu fiable pour une bonne partie de la population.
– La pratique d’activité de loisir en plein air (sport aquatique, tennis, jogging ou marathon, escalade) a-t-elle été recherché et noté ?
Ben non. Je ne le précise pas sur le dossier informatique. Ils sont presque tous sportifs de plein air, ici. Des alpinistes, des skieurs, des surfeurs, des fondeurs, des rider, des randonneurs, des grimpeurs, des cyclistes/vététistes, des coureurs, des triathlètes, des pentathlètes des marathoniens, des iron-men et iron-women… Ils me fatiguent rien que d’y penser. Même les femmes sont des « femmes d’extérieur ». A trente ans, elles ont déjà le teint buriné (et super sexy) des vieux montagnards.
Et là encore mon évaluation est mauvaise.
– L’utilisation régulière d’UV artificiels (cabines de bronzage) a-t-elle été recherchée et noté ?
Là, je suis tranquille. Il n’y a pas de cabine à UV dans un rayon de 100 km. Je ne me souviens pas d’un patient m’ayant relaté avoir fait des séances d’UV. Je ne le marque donc pas. Donc je vais encore être mauvais.
En résumé, mon évaluation pré-formation est pourrie. Et les critères d’évaluation me semblent peu pertinents.
Pourtant, vivant dans une région les plus ensoleillées de France, et en altitude, je crois être particulièrement sensibilisé à la surveillance des lésions cutanées photo-induites. C’est même pour cela que j’ai choisi précisément ce module de formation parmi beaucoup d’autres.
Troisième étape.
Une fois les auto-évaluations transmises, je reçoit un code pour accéder à des modules de formation élaborés par l’Institut National du Cancer (INCa) avec lequel l’organisme de formation à un accord de collaboration.
Sincèrement, et là je ne rigole pas, les modules étaient d’une bonne qualité, avec une iconographie riche et des cas cliniques. Je les ai suivi sérieusement, car je suis un garçon plutôt sérieux dans ce que j’entreprends.
J’ai même fait les modules d’évaluation de mes acquis du programme, inclus dans la formation on line, avec un certain succès, je dois dire ;-)) (un peu d’autosatisfaction ne fait pas de mal, non ?)
Décidément, qu’est-ce qu’on m’évalue en ce moment !
Quatrième étape.
L’organisme de formation vérifie que j’ai finalisé le programme sur internet et me le confirme, puis il me demande d’attendre un mois et me demande de remplir à nouveau des grilles d’auto-évaluation post-formation.
Bah oui, c’est sûr, si on n’évalue pas le résultat de la formation, on ne sait pas de ce qu’on fait. Pardon, en xyloglosse moderne, on dit : « on ne peut pas apporter d’action correctrice »
Je dois à nouveau tirer au hasard 20 dossiers de patients vu dans les 30 derniers jours. et remplir à nouveau la même grille que celle que j’ai déjà remplie avant la formation.
Dont acte. Bien sûr, je ne pense pas qu’il y ait eu de grande différence entre la grille d’auto évaluation pré-formation et la grille d’auto-évaluation post-formation.
Mais bon, je suis docile, moi, et un peu intéressé aussi, il faut bien le dire.
Cinquième étape
Je reçoit confirmation de la fin de mon DPC, mais avant d’être indemnisé, je dois remplir … … devinez quoi. Oui, un questionnaire de satisfaction et un formulaire d’évaluation de la qualité de la formation que je viens de suivre.
Tiens, cette fois, c’est moi qui évalue le travail des autres.
D’abord un questionnaire de satisfaction.
Au début, c’est simple.
1 Ce programme va m’être utile dans ma pratique quotidienne :
2. ce programme était compatible avec ma charge de travail :
3. Les apports de ce programme sont extrapolables et/ou utilisable au-delà des thèmes étudiés :
4. Ce programme m’a apporté des éléments pour améliorer la qualité de prise en charge de mes patients :
Ensuite, ça se complique
5. Ce programme m’a fourni des éléments pour mieux coopérer avec mon environnement professionnel:
Houla ! ça veut dire quoi ça ?
6. Ce programme m’a permis de renforcer positivement l’image de mon métier :
Non, je ne crois pas, non. J’avais déjà la folie des grandeurs avant !
7. L’organisation logistique était satisfaisante :
Tiens ? une question normale.
8. Ce programme m’a incité à m’engager de façon pérenne dans le développement des pratiques professionnelles :
Vous pouvez répéter la question ? Moi y’en a pas comprendre !
Désolé. Je ne suis qu’un petit médecin de campagne et je parle mal le xyloglosse.
Ensuite un formulaire à remplir pour l’évaluation interne
Et on recommence.
Qu’avez vous pensé de l’attractivité du site ? de la facilité de navigation ? de la clarté des contenus ? de l’iconographie? … etc etc…
Enfin, des questions libres :
Citez trois messages clés de cette formation.
Quels aspects de cette formation vous ont laissé l’impression la plus favorable ?
Enfin, la question : Quels aspects de cette formation vous ont laissé l’impression la plus défavorable ?
J’ai répondu : « Je me permet d’évaluer négativement les grilles d’évaluation pré et post formation. Elles me paraissent peu pertinentes et ne me semblent pas permettre d’évaluer correctement une éventuelle évolution des connaissances et des pratiques «
J’espère qu’ils feront une évaluation objective de mon évaluation de l’évaluation de mes pratiques!
Car sinon, ils ne pourraient pas apporter les bonnes actions correctrices et alors les évaluations seraient à ré-évaluer d’urgence dans le cadre de l’évaluation des évaluation des modules de formation évolutive..
Enfin, vous m’avez compris ! non ?
J’ai été sympa quand même, parce que, selon mes calculs, ce programme de formation, intéressant au demeurant, m’a quand même pris une bonne douzaine d’heures de travail, dont au moins six en évaluations diverses et variées.
Sans déconner, les mecs, vous ne croyez pas qu’on a autre chose à foutre, quand on fait une formation, que de remplir toutes ces grilles et ces questionnaires.
Comme on entends de plus en plus de slogan sensés nous apprendre à mener nos vies, je propose les slogans suivants :
– Les évaluations, utilisées à tort, elles deviendront moins fortes !
– Les évaluations, c’est bien. En abuser, ça craint !
– Une évaluation, ça va, trois évaluations, bonjour les dégâts !
– Evaluation macht frei !
– Mangez au moins 5 évaluations et formulaires de satisfaction par jour ! (non, pas ceux là)
Bon c’est pas tout, ça. J’ai pas trop le temps. Je bosse moi ! Faut que je me remette à mes questionnaires de satisfaction et à ma procédure de prise en charge de la douleur et surtout, que je peaufine son évaluation, car on est sensé apporter des actions correctrices avant la fin de l’année.
On est évalué en janvier dans le cadre de la V3…
Bon, beh salut alors…
Des nouvelles de Troufignan
Hier, j’ai participé à la CME de l’établissement d’enfant qui me salarie un petit temps partiel. Il y avait là mon collègue Jean Pierre, qui est généraliste à Troufignan et qui est également un salarié à temps partiel de cet établissement. Il me connait bien, et en riant il m’a tendu une feuille de papier. « Tiens, je sais que ça va te plaire! »
C’était une lettre que le DG de l’ARS venait de lui envoyer, et effectivement j’ai apprécié..
» Docteur,
Notre comité régional de sélections des maisons de santé pluri-professionnelles s’est réunis le 4 octobre dernier. il a remarqué qu’il y avait deux projets de MSP à proximité immédiate l’un de l’autre, celui de Troufignan et celui de St Frusquin la montagne. … »
Les projets sont proches (à 2,5 km l’un de l’autre), puisque les communes de St Frusquin et de Troufignan sont contiguës. Bravo, vous savez à peu près lire une carte.
« …Une discussion s’est engagée, au cours de laquelle, très clairement, tous les membres présents (état, élus, représentants des URPS…) sont tombés d’accord sur le fait qu’il n’était pas possible de financer deux projets aussi proches. … »
Nous ne vous le demandons pas ! D’ailleurs St Frusquin n’a jamais déposé de dossier de demande de subvention. Par conséquent je ne comprends par pourquoi vous vous réunissez pour décider si vous allez financer un projet qui ne sollicite aucune subvention de l’ARS.
« …La commune de Troufignan compte environ 1800 habitants, tandis que celle de St Frusquin n’en compte que 800. De plus,l’ARS envisage de retenir la commune de TROUFIGNAN dans le zonage du volet ambulatoire du SROS, ce qui permettrait aux seuls médecins installés au sein de la MSP de Troufignan, de bénéficier, sous condition, des aides financières conventionnelles liées au regroupement et à l’exercice coordonné au sein d’une MSP. … »
On ne quémande rien !
Néanmoins je note que votre argument est indigent. St Frusquin et Troufignan et les autres communes limitrophes fonctionnent comme une conurbation naturelle. Les patients choisissent un médecin traitant sur la conurbation. Nombres d’habitants de Troufignan consultent à St Frusquin et vice versa.
Nous, médecins de St Frusquin, constituons déjà un groupe médical, avec partage d’information. Dans des locaux un peu exigus pour l’instant, nous sommes déjà une vraie « MSP » naturelle (avec IDE, dentiste, spécialistes, psychomotriciens…) et nous constituons, depuis la récente défection des quelques médecins encore présents sur Troufignan la plus grosse offre de soins de la région et la plus grande disponibilité en terme de plages de consultation et d’accès en urgence.
De plus, nous sommes en secteur 1 alors que sur les deux généralistes encore à Troufignan, un seul est en secteur 1, l’autre en dépassement d’honoraires.
Dois-je comprendre que vous vous préparez à exclure la commune de St Frusquin du zonage permettant l’obtention de conditions avantageuses pour les médecins y travaillant ? Vous financeriez ainsi à Troufignan, un projet chimérique, où viendraient s’associer un MG secteur 1 et un MG renonçant à son secteur 2 (c’est pas gagné!) et à favoriseriez les praticiens y travaillant, aux dépens des MG déjà à pied d’oeuvre dans la commune voisine, à 2,5 km.
« … Cependant, pour pouvoir vous accompagner plus avant, je souhaiterais avoir la garantie de la présence de deux médecins généralistes à temps plein sur la MSP de Troufignan, ainsi que celle de la volonté de l’ensemble des professionnels de santé de construire un véritable projet de santé. Il pourrait être opportun de solliciter un accompagnement de la part d’un cabinet conseil spécialisé dans l’accompagnement des projets de MSP (comme cela est proposé dans la vallée de la Bidouille par le conseil régional) L’ARS pourrait prendre en charge ce travail d’ingénierie, à postériori, gràce à l’enveloppe FIQCS de 50 000 euros qu’elle se propose d’allouer à l’ouverture des MSP officiellement reconnues.
Veuillez agréer, docteur, l’expression… blablabla…
Xxxx Xxxx
Directeur général de l’ARS … »
Un véritable projet de santé ! Bon sang, mais c’est bien sûr ! Voilà une bonne idée ! On n’y avait pas pensé. Jusque là on bricolait. On faisait n’importe quoi. On soignait les gens, on faisait de la prévention, on assurait la permanence des soins, on maintenait les personnes âgées à domicile, on assurait aussi les urgences en étant médecins correspondant SAMU, on participait aux secours sur piste, on était maître de stage, mais c’était n’importe quoi !
Un projet de santé ! voilà ce qu’il nous faut !
Et puis t’as raison coco, 50 000,00 euros, c’est rien du tout !
Ce n’est que de l’argent public après tout ! Et puis de l’argent, on en a des tonnes en ce moment ! Claquons le pour monter ce projet « abracadabrantesque » dont toute personne sensée sait par avance qu’il va au casse-pipe !
Bon, assez rigolé. Je ne peux pas croire qu’ils vont sciemment exclure du « zonage déficitaire » la commune de St Frusquin, enclavée qu’elle est entre Troufignan, déficitaire et la vallée de la Bidouille, déficitaire…
Quand même pas… Hein, y peuvent pas, quand même ? … si ? tu crois qu’ils oseraient ?
Quel intérêt ont-ils à semer la zone, avec leur zonage ?
Bon, on verra.
J’ai repris mon bâton de pèlerin et j’ai re-parcouru la convention pour voir si l’on était obligé de faire partie d’une MSP pour bénéficier des avantages lié aux zones déficitaires.
Et bien non ! ce n’est pas nécessaire !
Par contre il faut signer l’option démographique qui stipule que tout médecin travaillant en groupe ou en pôle de santé peut en bénéficier… s’il s’engage à diverses obligations dont deux principales :
– rester au moins trois ans sur le secteur
– participer à la permanence des soins.
Y aurait-il, dans les crânes d’oeuf de nos technocrates sanitaires régionaux de l’ARS, confusion entre MSP et option démographique ?
Quoi qu’il en soit, il faut, pour bénéficier des avantages, s’engager à rester 3 ans et à participer à la permanence des soins.
En ce qui concerne la PDS, pas de problème nous seront encore six cet hiver, non cinq, …euh, non quatre seulement à assurer les nuits…
J’ai évoqué dans ce billet, la situation des médecins du secteur. Il y avait encore il y a un an, 7 médecins sur le secteur dont 4 médecins à Troufignan. Mon confrère Jean Pierre qui exerce seul est toujours là. Par contre le groupe de trois médecins est fort mal en point. L’un d’eux, malade, a stoppé son activité de médecine générale pour ne plus faire que de la gynécologie médicale. Un deuxième a tout simplement décidé de changer d’orientation et est simplement parti sous d’autre cieux.
Deux jeunes sont venus faire une tentative d’installation dans ce groupe. les deux ont jeté l’éponge au bout de quelques mois. Trop de charges pour leur secteur 1, pas assez d’activité ? trop d’heures de travail ? trop de garde… ?
Toujours est-il qu’il ne reste que deux MG sur Troufignan (dont un seul assurera les WE cet hiver)
et trois à St frusquin (dont 2 seulement font les astreintes de nuit (20 h – 8 h))
Sur le secteur, donc, quatre MG participent aux astreintes nocturnes, trois seulement assureront cet hiver la traumatologie du ski et les WE !
Combien de temps va-t-on tenir à ce rythme ?
Les pari sont ouverts !
Envoyez vos mises sur mon compte paypal. Maître Glandu, huissier de justice garantit ce grand jeu, parrainé par l’ARS de la région.
« Avec l’ARS, vous l’avez dans les f.. ».
Avec mon mauvais esprit, j’ai l’impression que l’ARS cherche surtout à nous vendre l’option démographique ou une MSP/pôle de santé pour nous contraindre à la PDS une nuit sur 3 par obligation légale.
Non mais sans déconner, vous nous prenez vraiment pour des buses !
Vous croyez vraiment que je vais jouer ma santé pour quelques milliers d’euro (5 à 10 000) ?
Non! je ne crois pas, non !
Et encore, comme c’était récemment la journée mondiale de la gentillesse, je ne dirai pas le fond de ma pensée.
Simplement, lorsque je commencerai à dérailler, je stopperai au moins les nuits !
Comment ? j’ai déjà commencé ? Peut-être.
A part ça, on commence à se geler les cakes par ici. La neige arrive. Le nouvel interne aussi.
Encore un hiver qui s’annonce chaud comme la braise !
L’avenir de la Médecine générale. Télémédecine ou technicité ?
Dans une vie antérieure, j’ai été, comme maintenant, médecin de campagne. C’était en des temps reculés, les années 90, où la consultation était « honorée » 17,53 euro et la visite 20,58 euro. Je n’avais pas encore tout compris et je faisait des cen… Continuer la lecture
la culpabilité
Mon confrère « Borée » qui a de toute évidence, un talent certain pour mettre les pieds dans le plat et le doigt là où ça fait mal, vient de faire un excellent billet sur son blog : « Tu fais chier Winckler! ».La réponse de Martin … Continuer la lecture
Médecine fiction. La journée d’un médecin de montagne en 2016.
Les mauvaises nouvelles économiques s’accumulent ces temps-ci. Il y a encore un an, on me riait au nez lorsque je disais qu’un état pouvait faire faillite (ou plutôt banqueroute). Aujourd’hui, il est de plus en plus admis que la Grèce va faire défaut, … Continuer la lecture
Les maisons de santé pluridisciplinaires
Il y a parfois des téléscopages de l’actualité… locale.
Cela fait maintenant plusieurs mois que les différentes collectivités locales de nos vallées, veulent créer des maisons de santé pluridisciplinaire.
Nous observons donc avec circonspection nos collègues de la vallée de la Bidouille, à 20 km environ qui finalisent avec l’ARS leur projet de MSP.
Je dis circonspection parce qu’il nous parait peu probable que ce simple outil qu’est une MSP suffise à attirer quelqu’un à l’année dans ce coin de montagne plutôt rude et peu habité.
Le couple de médecins qui occupe le poste depuis des années fait beaucoup de traumatologie du ski depuis des années dans une station assez importante.
Agés d’environ 60 ans, ils travaillent en secteur 2, ce qui leur a permis de s’adapter progressivement à la demande. Leurs mi-saisons sont par contre, extrèmement calmes, mais lorsque l’hiver a permis de rentrer, grâce au secteur 2, un chiffre d’affaire très conséquent, on peut voir ces périodes avec plus de sérénité… de petits mois d’avril mai juin octobre et novembre ne sont pas très inquiétants.
En secteur 1, le ou les successeurs vont avoir beaucoup de mal à joindre les 2 bouts…. Le chiffre d’affaire ne sera jamais à la hauteur pour pouvoir vivre correctement, et le projet nous parait bancal.
D’un autre coté, la commune de Troufignan, que nous avons quittée il y a presque 2 ans, fait ce qu’elle peut pour obtenir elle aussi des subventions pour créer une maison de santé officielle. J’en ai déjà parlé ici ou là.
Il n’y aurait pour l’instant qu’un seul médecin éventuellement intéressé par cette MSP, et comme nous sommes toujours en zone normalement dotée, il est donc difficile d’obtenir des financements.
Mais si chaque commune du coin veux une MSP, Troufignan ne doit pas être en reste !
Entre La vallée de la Bidouille et Troufignan, il y a St Frusquin, où nous sommes, commune riveraine de Troufignan, l’agglomération est seulement à 3 km du centre ville de sa prestigieuse voisine. Seulement, c’est la commune qui monte en ce moment. Plus dynamique que sa voisine, elle attire les équipements touristiques et sportifs ainsi que les services. Supermarché, bowling, restaurants, centre sportif bien équipé, résidences de loisir, nouveaux kiné, nouveau dentiste, et maintenant un centre médical avec 3 praticiens (alors qu’il n’y en avait plus un seul il y a seulement 2 ans et demi).
Or donc, St Frusquin aussi veut sa MSP !
Déjà propriétaire des locaux que nous occupons, la commune veut financer un grand centre où seraient rassemblés un certain nombre de services (secours montagne – Pharmacie – centre médical – centre de kiné, dentiste, IDE, ostéopathe, orthophoniste, podologue…) le tout jouxtant un centre sportif en plein développement, accueillant des équipes sportives nationales…
L’ensemble des professionnels de santé a de bonnes relations et a accepté le principe d’un regroupement, qui, s’il ne parait pas indispensable en l’état, parait néanmoins potentiellement intéressant.
Qui ne voudrait travailler dans des conditions de rêve comme celles ci ?
Reste le problème du coût. Il y a 10 à 20 ans, les professionnels de santé auraient eux mêmes financé le bouzin, mais les temps sont durs, et ce n’est plus d’actualité aujourd’hui.
Investissant dans la vallée de la Bidouille, l’ARS refuse le financement du projet. La commune cherche donc des investisseurs.
A première vue donc, le projet de St Frusquin parait le plus susceptible de fonctionner, même si ce n’est pas celui qui bénéficiera des subventions publiques.
Il y a 15 jours, je reçois au cours de ma consultation, un homme d’environ 35 ans environ, en vacances dans la région avec sa famille.
Franchement, la pharyngite, l’érythème solaire, ou le panaris sont beaucoup moins intéressants que tout ce que l’on peut apprendre de nos interlocuteurs. Au bout de quelques minutes, donc, la conversation dérive sur son activité professionnelle. Il m’annonce qu’il est comptable dans une société qui propose des études de faisabilité pour des projets de MSP, explique que beaucoup de communes veulent leur MSP (ça, j’avais remarqué !) et que bien souvent la société pour laquelle il travaille tente de dissuader les collectivités locales de se lancer dans des projets hasardeux… (Ah tiens ?)
Comme je pose toujours des questions bêtes, je demande :
– « Finalement, l’avantage essentiel de travailler dans une MSP officielle, par rapport à une simple association en SCM dans des locaux communs, c’est que les subventions de fonctionnement font baisser les frais des médecins qui s’y installent. N’est ce pas ? »
– « Pas du tout » me répond-il , « cela produit plutôt une augmentation des frais! »
Eh oui. Le cahier des charges est tel que le coût de fonctionnement d’une MSP est supérieur à celui d’une centre médical et paramédical ordinaire, et la fédération française des MSP et PSP le confirme sur son site. (chapitre : « état des lieux ») où il est également spécifié que le financement n’est pas non plus assuré…
Enfer et eczema suintant !
Mais alors, si cela peut éventuellement être agréable pour quelqu’un comme moi, qui est déjà installé, de travailler dans une belle structure toute neuve, quel est l’avantage d’un jeune médecin à s’installer en MSP ?
Cela ne parait pas du tout évident !
Si je pose cette question, c’est qu’en l’absence d’avantage financier décisif, les MSP risquent fort de ne pas attirer à la campagne, plus de médecins que les associations existantes de professionnels libéraux qui cherchent désespérément des associés depuis des années et en trouvent de moins en moins.
La semaine dernière, je reçois un élu local de St Frusquin, qui vient de faire une chute dans les escaliers. Fort heureusement sans gravité. les radio pratiquées ne montrent pas de fracture de cet avant bras douloureux.
Bien évidemment, passé les 20 minutes consacrées à la radio et aux soins, nous discutons un peu. Il me confirme les efforts du conseil municipal pour construire un nouveau centre de santé et les difficultés à rassembler l’argent pour le projet…
Là, j’ai fait ce que je n’aurais pas du faire. Je lui ai simplement dit que nous étions tous assez bien installés et qu’il n’était peut être pas utile d’endetter la commune, c’est à dire les gens d’ici, pour un projet qui n’aurait sans doute qu’un intérêt marginal pour eux et pour les touristes…
Il est tombé des nues !
– « Pourtant, tout le monde dit qu’il faut une MSP pour attirer les professionnels de santé dans des communes rurales où ils ne veulent pas venir…Sans MSP point de salut ! »
Voilà. Tout est dit ! On fonctionne sur des croyances, ou est-ce moi qui travaille du chapeau ?
Mais voyons tout cela de plus près :
Même en cherchant bien dans la presse médicale, on ne trouve aucun article critique sur les MSP. Quand j’écris critique, j’entends bien sûr une simple enquête d’investigation sur ce que cela signifie de travailler en MSP par rapport à travailler dans un centre médical ordinaire.
C’est sur le net que j’ai fini par trouver le site de la Fédération Française des Maison et des Poles de santé Pluridisciplinaire. (Un site hébergé par Medsyn, émanation du syndicat MG France, donc).
Plutot que de tout expliquer, je préfère vous faire un copier-collé d’une partie de leur texte explicatif, dont j’ai surligné quelques passages:
« Qu’est-ce qu’une maison de santé ?
La définition d’une maison de santé est donnée par l’article L. 6323-3 du code de Santé Publique.:
« Art. L. 6323-3. – La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens.
« Ils assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l’article L. 1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l’article L. 1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu’ils élaborent et dans le respect d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Le projet de santé est compatible avec les orientations des schémas régionaux mentionnés à l’article L. 1434-2. Il est transmis pour information à l’agence régionale de santé. Ce projet de santé est signé par chacun des professionnels de santé membres de la maison de santé. Il peut également être signé par toute personne dont la participation aux actions envisagées est explicitement prévue par le projet de santé. »
Donc, des professionnels de santé, un exercice des soins de premier recours et un projet de santé.
Comme il n’y a pas de « labellisation », toute structure peut s’appeler maison de santé. Par contre, dès que des financements publics sont sollicités, la confirmation doit répondre à un cahier des charges dressé par la DGOS : au moins deux médecins généralistes et un au moins un professionnel paramédical (infirmier, kinésithérapeute, …). Ces professionnels ont en commun un projet de santé pour la population qui les consulte.
Le développement des maisons de santé, encore appelées maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), favorise, au-delà des fonctions de coordination, l’émergence de nouvelles pratiques professionnelles.
La majorité des professionnels de santé qui travaillent en maisons de santé cherchent à élargir leur offre de soins à leurs patients à celle de santé publique organisée sur un territoire (continuité des soins, éducation thérapeutique, …).
Etat des lieux
Il existe plus de 200 maisons et pôles de santé en France. Ce mode d’exercice regroupé étant de plus en plus prisé des professionnels, tout particulièrement des jeunes médecins. Les réalisations qui marchent sont souvent marquées par une prise en compte des attentes des professionnels et la présence d’un leader. Les échecs sont souvent consécutifs au désengagement des pouvoirs publics qui n’accordent pas l’aide escomptée par les professionnels. Plusieurs modes de réalisation existent depuis la création sur des fonds propres des professionnels à des créations sur des fonds publics des collectivités territoriales et/ou de l’assurance maladie. Les différents modes de coordination reposent entre autres sur l’exercice protocolé, les réunions de concertation mono ou pluridisciplinaires, la continuité des soins, l’éducation thérapeutique des patients, la maîtrise de stage, l’utilisation des alertes informatiques pour la relance des patients dans le dépistage et la prévention, l’établissement et le contenu d’une charte éthique. Les maisons de santé nécessitent un investissement important d’un leader pour mener à bout le projet. Elles ont un coût d’investissement et de fonctionnement supérieur à celui d’un cabinet « classique » actuellement porté par les seuls professionnels. Outre le financement, des questions concernant ces maisons et pôles de santé restent à ce jour en suspens, comme la définition de la population cible de professionnels dont les zones d’intervention sont différentes, la délégation des tâches et les règles du partage des informations qui nécessitent des adaptations réglementaires.
Avantages
L’augmentation du nombre de ces regroupements doit participer à une meilleure répartition géographique des médecins en organisant l’offre des soins dans une approche territoriale cohérente, car ils fixent géographiquement une unité d’offre de soins. Ils améliorent les conditions de vie privée et professionnelle de ses membres, évitant ainsi le « burn-out » trop souvent d’actualité. Ils facilitent l’arrivée des jeunes médecins qui plébiscitent l’exercice en groupe. Ce mode d’exercice à condition qu’il soit coordonné et protocolé, correspond à une démarche d’amélioration des pratiques et facilite son évaluation. »
Tout cela fleure bon le jargon technocratique… n’est ce pas ?
Et… euh, Ah …au fait, les financements viennent du FIQCS (fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, dans les conditions prévues à l’article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale
En clair, si vous acceptez de venir travailler dans ces espèces de néodispensaires, vous vous exposez à devenir corvéables à merci pour toute mission dite de service public, vous n’aurez aucun avantage du salariat, ni aucun bonus d’honoraire.
Vous pourrez toujours vous consoler en vous disant que l' »exercice protocolé », c’est trop de la balle, en somnolant pendant les « réunions de concertation mono ou pluridisciplinaires », ou encore en établissant un « projet de soin commun et pluridisciplinaire » (« on dirait qu’on serait un groupe de docteurs et d’infirmières qui voudrait soigner des gens, en étant très très très gentils et pas chers du tout !!!…).
Nous envisageons également d’animer des réunions d’enseignement thérapeutique sur la nutrition pour des obèses ou sur la gestion du diabète.
Fort de cette analyse, j’ai interrogé mes amis, mes connaissances dans le milieu médical et mes correspondants médecins sur Twitter. J’ai tout de même reçu plus de 20 réponses de jeunes médecins.
Merci donc encore à DrMilie, à Jaddo, à DrStéphane, à sous-la-blouse, à DrVentouse, à gglaurent, à SoleildeMarseille, à PerrucheG et tout particulièrement à Fluorette qui s’est longuement exprimée sur le sujet.
– Tous, ou presque, plébiscitent l’exercice en groupe.
– Peu d’entre eux connaissent bien la différence entre un centre médical et paramédical ordinaire comme il y en a encore des centaines en France, et une Maison de Santé Pluridisciplinaire officielle, avec (possibilité de) financement public et cahier des charges maousse costaud.
D’où, sans doutes une certaine confusion.
– La plupart hésitent à s’installer. L’exercice libéral rebute. Certains franchissent tout de même le pas, avec un peu d’appréhension. BRAVO !
A tous, j’ai envie de dire : L’exercice en groupe pluridisciplinaire m’a apporté énormément et continue de me combler ! Je le pratique depuis des années. C’est encore possible. La qualité de vie est assez bonne.
Le seul inconvénient de cet exercice, ce sont les honoraires beaucoup trop bas qui nous empêchent d’investir dans des bâtiments ou du matériel de diagnostic, et même, de prendre le repos dont nous aurions pourtant besoin un peu plus souvent (à peine 3 à 4 semaines de congé dans une année ordinaire, c’est peu si l’on considère que nous travaillons environ 20 WE dans l’année).
Mais attention. Les MSP officielles me paraissent être un vrai « bâton merdeux » si vous me pardonnez l’expression.
Cahier des charges lourd. Financement très incertain et ne compensant pas le surcoût liés au cahier des charges. Surtout, renoncement à ce qui reste encore de notre liberté professionnelle.
Pour moi, c’est surtout un gaspillage d’argent public et une tentative de plus, de la part de ceux que j’appelle « les technocrates », pour prendre le pouvoir sur cette engeance encore un peu trop libre que constituent les libéraux.
Si les maisons de santé pluridisciplinaires « n’apportent rien de nouveau », pourquoi alors l’état présente-t-il ce machin aux élus locaux, comme LA SOLUTION pour sauver la démographie médicale dans leurs campagnes ?
Il me parait assez évident que c’est une manière de détourner le débat.
Le problème essentiel des médecins libéraux d’aujourd’hui, est la trop grande modicité des honoraires du secteur 1 et l’impossibilité qui leur est faite de s’en affranchir. Les médecins ont perdu confiance dans le système. L’exercice libéral est trop mal payé aujourd’hui pour l’investissement financier afférent à ce que cette activité doit devenir. Le salariat devient plus intéressant, tout au moins en rendement horaire. Le flux des jeunes se dirige naturellement vers l’exercice salarié, rendant l’exercice libéral encore plus difficile…
La seule solution viable consisterait à remettre de la souplesse dans le système en ouvrant de (larges) espaces de liberté tarifaire pour les médecins. Retrouver le libéralisme en quelque sorte.
Je soutiens que cela couterait au final, moins cher à la population que ces investissements idiots dans des MSP condamnées à rester des coquilles vides.
Vouloir résoudre le problème de la désaffection de la médecine libérale rurale par les MSP sans résoudre le problème de son financement, c’est comme repeindre en bleu-blanc et rouge un vieux bateau non entretenu, sans avoir colmaté les voies d’eau qui sont en train de le faire couler.
C’est également mentir éhontément à la population et à ses élus !
Quant à moi, je parie une plaquette de crunch avec moi même que cette histoire de maison de santé plurimachin subventionnée par l’état ne va pas avoir d’incidence significative sur le nombre d’installations en libéral, dans les années qui viennent.
Les certificats
Les touristes sont partis. Brutalement. Après une courte saison touristique, le calme est revenu. Chaque année, à la même période, les gens d’ici se retrouvent soudainement dans des villages vidés de la plus grosse partie de leur population… Continuer la lecture