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#PrivésDeMG : vous reprendrez bien un croissant ?




Bientôt un an.

Nous étions 24 blogueurs, médecins généralistes et internes de médecine générale.
Bientôt un an et rappelez-vous, nous avions des idées à proposer : ICI
C’était un froid matin de novembre, Mme Touraine nous avait reçus au ministère de la Santé et nous avait offerts des croissants. Nous lui avions alors présentés nos idées. Nous lui avions dits nos craintes et nos incertitudes concernant l’avenir de la médecine générale française. Mais nous ne nous faisions pas d’illusion.
Un an et rien n’a changé.
Nous croyons en la médecine générale et pour ne pas être un jour privés de médecine générale, voici une synthèse des propositions lancées il y a bientôt un an, ainsi qu’un échantillon des commentaires qui enrichissent les 1100 signatures.

Vous trouverez les liens relatifs à notre nouvelle action :


 sur Facebook

 et sur Twitter


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Médecine générale :

dernier arrêt avant le désert


Comment sauver la médecine générale en France et assurer des soins primaires de qualité répartis sur tout le territoire ?
Marisol Touraine présente ce lundi sa Stratégie nationale de santé. Cet évènement constitue l’occasion de nous rappeler à son bon souvenir, rappel motivé par l’extraordinaire enthousiasme qui avait accompagné nos propositions (voir plus bas les 600 commentaires) dont aucune n’a été reprise par la Ministre. 
Nos idées sont concrètes et réalistes pour assurer l’avenir de la médecine générale et au-delà, des soins primaires de demain.
Notre objectif est de concilier des soins de qualité, l’éthique de notre profession, et les impératifs budgétaires actuels.
Voici une synthèse de ces propositions.

     Sortir du modèle centré sur l’hôpital

Depuis des décennies, l’exercice de la médecine ambulatoire est marginalisé, privé d’enseignants, coupé des étudiants en médecine. La médecine hospitalière et salariée est devenue une norme pour les étudiants en médecine, conduisant les nouvelles promotions de diplômés à délaisser de plus en plus un exercice ambulatoire qu’ils n’ont jamais (ou si peu) rencontré pendant leurs études.
Cette anomalie explique en grande partie les difficultés actuelles. Si l’hôpital reste le lieu privilégié d’excellence, de recherche et de formation pour les soins hospitaliers, il ne peut revendiquer le monopole de la formation universitaire. La médecine générale, comme la médecine ambulatoire, doivent disposer d’unités de recherche et de formation universitaires spécifiques, là où nos métiers sont pratiqués, c’est-à-dire en ville et non à l’hôpital.

La formation universitaire actuelle, pratiquée quasi-exclusivement à l’hôpital, fabrique logiquement des hospitaliers. Pour sortir de ce cercle vicieux, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine.
Cette réforme aura un double effet :

– Rendre ses lettres de noblesse à la médecine « de ville » et attirer les étudiants vers ce mode d’exercice. Nous ne pouvons reprocher aux étudiants en médecine de ne pas choisir une spécialité qu’ils ne connaissent pas.

–  Apporter des effectifs importants de médecins immédiatement opérationnels dans les zones sous-médicalisées.

Il n’est pas question dans ces propositions de mesures coercitives aussi injustes qu’inapplicables contraignant de jeunes médecins à s’installer dans des secteurs déterminés par une tutelle sanitaire.
Toute mesure visant à obliger les jeunes médecins généralistes à s’installer en zone déficitaire aura un effet repoussoir majeur. Elle ne fera qu’accentuer la désaffection pour la médecine générale, poussant les jeunes générations vers des offres salariées (nombreuses), voire vers un exercice à l’étranger.
Une véritable modernisation de la formation des médecins est nécessaire. Il s’agit d’un rattrapage accéléré d’opportunités manquées depuis 50 ans par méconnaissance de la réalité du terrain. Si la réforme Debré de 1958 a créé les CHU (Centres Hospitaliers et Universitaires), elle a négligé la création de pôles universitaires d’excellence, de recherche et de formation en médecine générale. Ces pôles existent dans d’autres pays, réputés pour la qualité et le coût modéré de leur système de soins.

     Idées-forces

Les principales propositions des médecins généralistes blogueurs sont résumées ci-dessous. Elles sont applicables rapidement.
  • Enseignement de la Médecine Générale par des Médecins Généralistes, dès le début des études médicales
  • Construction par les collectivités locales ou les ARS de 1000 maisons de santé pluridisciplinaires qui deviennent aussi des maisons médicales de garde pour la permanence des soins, en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux.
  •  Décentralisation universitaire qui rééquilibre la ville par rapport à l’hôpital :
Ces maisons de santé se voient attribuer un statut universitaire. Elles hébergent des externes, des internes et des chefs de clinique (3000 créations de postes). Elles deviennent des MUSt : Maisons Universitaires de Santé qui constituent l’équivalent du CHU pour la médecine de ville.
  •  Attractivité de ces MUSt pour les médecins seniors qui acceptent de s’y installer et d’y enseigner :
Statut d’enseignant universitaire avec rémunération spécifique fondée sur une part salariée majoritaire et une part proportionnelle à l’activité.
  • Création d’un nouveau métier de la santé : “Agent de gestion et d’interfaçage de MUSt” (AGI).
Ces agents polyvalents assurent la gestion de la MUSt, les rapports avec les ARS et l’Université, la facturation des actes et les tiers payants. De façon générale, les AGI gèrent toute l’activité administrative liée à la MUSt et à son activité de soin. Ce métier est distinct de celui de la secrétaire médicale de la MUSt. Les nouveaux postes d’AGI pourraient être pourvus grâce au reclassement des visiteurs médicaux qui le souhaiteraient, après l’interdiction de cette activité. Ces personnels trouveraient là un emploi plus utile et plus prestigieux que leur actuelle activité commerciale. Il s’agirait d’une solution humainement responsable. Il ne s’agit en aucun cas de jeter l’opprobre sur les personnes exerçant cette profession.
  • Les « chèques-emploi médecin »
Une solution innovante complémentaire à la création du métier d’AGI pourrait résider dans la création de « chèques-emploi » financés à parts égales par les médecins volontaires et par les caisses.
Il s’agit d’un moyen de paiement simplifié de prestataires de services (AGI, secrétaires, personnel d’entretien). Il libérerait des tâches administratives les médecins isolés qui y passent un temps considérable, sans les contraindre à se transformer en employeur, statut qui repousse beaucoup de jeunes médecins.

Nos propositions et nos visions de l’avenir de la Médecine Générale, postées simultanément par l’ensemble des 86 participants, sur nos blogs et comptes Twitter, le 23 septembre 2013, sont des idées simples, réalistes et réalisables, et n’induisent pas de surcoût excessif pour les budgets sociaux.
L’ensemble des besoins de financement sur 15 ans ne dépasse pas ceux du Plan Cancer ou du Plan Alzheimer ; il nous semble que la démographie médicale est un objectif sanitaire d’une importance tout à fait comparable à celle de la lutte contre ces deux maladies.
Ce ne sont pas des augmentations d’honoraires que nous demandons, mais des réallocations de moyens et de ressources pour rendre son attractivité à l’exercice libéral.

     Les participants à l’opération (Noms ou Pseudos Twitter) :




1.     Docteurmilie 2.     Dzb17 3.     Armance64
4.     Matt_Calafiore 5.     Docmam 6.    Bruitdessabots
7.     Ddupagne 8.     Souristine 9.    Yem
10.   Farfadoc 11.   SylvainASK 12.   Docteur Sachs Jr
13.   Méd Gé de L’Ouest 14.   Docteur Gécé 15.   DrKalee
16.   DrTib 17.   Gélule, MD 18.   DocAste
19.   DocBulle 20.   Docteur Selmer 21.   Dr Stephane
22.   Alice Redsparrow 23.   Docteur_V 24.   Dr_Foulard
25.   Kalindéa 26.   DocShadok 27.   Dr_Tiben
28.   Bismuth Philippe 29.   PerrucheG 30.   BaptouB
31.   Juste un Peu Sorcier 32.   Elliot Reid-like 33.   MimiRyudo
34.   SacroStNectaire 35.   DrGuignol 36.   DrLebagage
37.   Loubet Dominique 38.   CaraGK 39.   DocArnica
40.   Jaddo 41.   Acudoc49 42.   AnSo1359
43.   DocEmma 44.   DrPoilAGratter 45.   GrangeBlanche
46.   Docteur Pénurie 47.   Borée 48.   10Lunes
49.   Echocardioblog 50.   OpenBlueEyes 51.   nfkb
52.   Totomathon 53.   SophieSF 54.   SuperGélule
55.   BicheMKDE 56.   Knackie 57.   DocCapuche
58.   John Snow 59.   Babeth_Auxi 60.   Jax
61.   Zigmund 62.   DocAdrénaline 63.   DrNeurone
64. Cris et chuchotements 65.   YannSud 66.   Nounoups
67.   MademoiselleAA 68.   Boutonnologue 69.   Françoise Soros
70.   Une pédiatre 71.   Heidi Nurse 72.   NBLorine
73.   Stockholm 74.   Qffwffq 75.   LullaSF
76. DocteurBobo 77. Martin Minos 78. DocGamelle
79. Dr Glop 80. Boutonnologue 81. Martin Winckler
82. UrgenTic 83. Tamimi2213 84. Doc L



     Les commentaires de soutien de décembre 2012

Comment ne pas être ébranlé par les centaines de commentaires enthousiastes de jeunes médecins, de professionnels de santé ou de patients face à nos propositions ? Pourquoi ne pas aider les jeunes médecins à la fois à réaliser leurs rêves et à se mettre efficacement au service de la santé des Français ?
Les propositions de réforme de la médecine générale des 24 médecins blogueurs ont reçu plus de 1000 signatures de soutien.


     650 signataires ont posté un commentaire :
  • À diffuser d’urgence aux politiques ! enfin des idées claires, réalistes, pour une autre façon de voir la médecine générale, merci pour ce beau travail !
  • Belle réflexion, félicitations à vous tous ! On ne peut que souhaiter que vous soyez lus « là-haut ».
  • …Et en plus, ça me donne déjà envie d’y exercer !
  • Bravo, enfin une proposition constructive et adaptée à notre métier !
  • « Je rêvais d’un autre monde …. » Merci à vous pour ces propositions qui me font croire que la médecine générale dont je rêve d’exercer pourrait exister un jour !
  • Bravo. Et merci d’avoir pris de votre temps pour mettre en forme toutes ces propositions.
  • C’est stimulant ! Est ce que nos dirigeants, tutelles etc.., cessant d’être sourds et aveugles pourraient lire ces propositions ?
  • Ce texte fait rêver ! En espérant que ce projet se concrétisera un jour…
  • Chiche ! On commence quand ?
  • Constat de départ tellement réaliste (si la formation des médecins & paramédicaux se fait exclusivement en hôpital donc en ville, il est très dur ensuite de leur faire sortir de leur vie).
  • Projet simple, clair et efficace. Pour avoir voulu lancer une idée de structure similaire, le coût de construction et fonctionnement est effectivement très réduit (inférieur à 1M€ avec tout les murs, le matériel, l’informatique & téléphonie).
  • En avant la Médecine Générale !!!
  • une jeune médecin généraliste remplaçante qui se sent pousser des ailes en lisant vos propositions 🙂 Merci !
  • Enfin des propositions concrètes et réalistes ! Que le courage politique suive !
  • Enfin une réflexion de terrain aboutie !
  • Externe en médecine, je vous soutiens totalement, parce qu’il faut des propositions et que la votre et plus que pas mal ! Merci aux médecins bloggueurs, il faudra désormais compter avec vous !
  • Externe et bientôt interne et peut être futur MG (en tout cas c’est ce que je souhaite), je trouve ces propositions intéressantes. En tout cas le système proposé semble plus intéressant que celui actuellement en place. Surtout concernant la formation qui nous éloigne +++ de la médecine de générale. C’est pas avec 100 pauvres heures pendant l’externat (bien qu’elles aient été enrichissante dans mon cas) en cabinet que l’on se fait une vrai idée de ce qu’il se passe sur le terrain. Rapprocher l’université de la médecine générale est probablement la base de la réussite à long terme du sauvetage de cette profession.
  • Interne en MG, j’ai lu ces propositions avec beaucoup d’enthousiasme. Comme Lisa, je suis plein d’espoir pour notre avenir, mais j’ai aussi tellement peur d’être déçu par nos décideurs.
  • Je suis d’accord avec toutes les propositions. Attendons-nous a une opposition violente de ceux qui ont actuellement le pouvoir, quel qu’en soit le niveau. J’ai en effet tout compris en lisant « La revanche du rameur » 😉
  • Juste mon rêve le plus fou, en espérant le voir se réaliser !
  • Les idées sont bonnes et ambitieuses Je signe pour ce futur ambitieux, tourné vers les patients et n’oubliant pas les effecteurs. Je soutiens votre énergie positive. Je ne remets rien en cause. Ma signature est preuve de ce soutien.
  • Même si je suis très fier du performant et efficace centre hospitalier universitaire de ma ville, je dois bien avouer que ces propositions permettront probablement de rééquilibrer la situation des généralistes.
  • Merci à vous tous, médecins blogueurs, qui faites découvrir notre métier tel il l’est réellement. C’est un vrai soutien pour notre pratique !. Je vous suis totalement sur ces propositions. Je rajouterais que l’on ne pense jamais à proposer à TOUS les médecins, jeunes ou vieux, de lutter contre la désertification médicale. Pourquoi le jeune médecin de 25-30 ans se verrait imposer d’aller à « Troupaumé dans le Néant », où il ne trouvera pas de crèche ni d’école pour ses enfants, pas de loisir hormis le club du troisième age, alors qu’il y a encore tant de médecins en France. Ou bien tout le monde participe ou bien personne, non ? Peut-être parce que les réformes ne sont pas décidées par les jeunes… Notez bien que je ne suis pas très concernée, ayant plus de 35 ans et étant déjà installée. Mais s’il faut que l’on fasse le tour des places de villages en « médicobus », j’en serai !
  • Merci pour ces idées ! Enfin une vraie réflexion sur les problèmes de démographie médicale et le futur de la médecine générale.
  • MG nouvellement installée, je suis rassurée de voir des propositions qui vont enfin dans le bon sens : une médecine plus efficace, moins coûteuse, un meilleur accès aux soins et moins de temps passé dans les papiers grâce aux AGI . Bravo !
  • Propositions tellement sensées ! enfin ! je vais m’empresser de relayer ce texte . Anne renault, MG installée
  • Très bonne proposition, qui semble tenable et envisageable d’un point de vue externe. En tout cas, c’est un beau projet. Merci à « vous 20 », que ces idées débouchent sur du concret.
  • Un grand bravo pour vos idées et votre démarche… La santé pour tous !!!
  • Un texte plein de brillantes idées ! De quoi inspirer notre ministre j’espère…
  • Un vrai bonheur à lire, voila une façon constructive de faire bouger les lignes
  • Une initiative juste et précieuse qui mérite d’être entendue. Merci
  • Une reforme brillante. Issu du terrain et non d’enarques deconnecte de la realite. J’adheres a 100% au concept et en tant que jeune MG je me voie tres bien dans vos MUSt. Mais nos tutelle auront elle le courage de lutter contre les lobbies de l’hospitali centrisme ??? En tout cas bravo pour votre texte
  • une révolution culturelle est en marche. De vrais échanges en direct conduisent à un vrai projet proposé par les vrais acteurs. Une vraie démocratie participative vers la médecine 2.0. Sans une autocritique et une remise en question immédiates , c’est la fin des dinosaures (ordre, syndicats …)
  • $Voilà qui fait rêver ! le « Must » serait de convaincre les politiques et le Ministère de la santé…
  • Voilà un très beau texte en espérant en entendre parler très bientôt ! de la part d’une toute nouvelle médecin généraliste
  • Voilà une proposition originale et de bon sens ; ça risque de choquer. Félicitations pour ce travail de réflexion et de proposition.
  • Votre proposition semble très intéressante. J’espère qu’il aura le succès mérité. Bon courage
  • votre réflexion est avant gardiste et mérite d’être étudiée de près par les pouvoirs publics. Bonne chance Une patiente avertie,
  • vous êtes formidable ! Continuez ce magnifique travail collectif !
  • Vraiment intéressant comme texte, qui j’espère nourrira de nombreuses réflexions et lancera un vrai débat, pas monopolisé par des gens qui ne s’y connaissent souvent pas beaucoup !
  • Wow, de super idées ! De quoi donner aux futurs jeunes médecins (dont je fais partie) les moyens et l’envie de faire MG et pourquoi pas de s’installer à la campagne.
  • 1 seul détail. On se propose de déshabiller les CHU en internes, pour habiller les MUSt. Dans ce cas, comment vont faire les CHU pour trouver le personnel remplaçant les IMG ? Sinon, merci pour ce projet très intéressant, d’une grande faisabilité, auquel j’adhère à 90%
  • 10 ans d’installation en rural et 10 ans de projet de MSP !Hier, l’ODM tolérait à peine que nous fassions un site internet… Aujourd’hui les Dr blogueurs (les seuls que je consulte régulièrement le soir chez moi après de longues journées et de trop courtes nuits et les seuls qui me parlent un langage qui calme mes doutes sur l’amour de mon métier, sur le sens de mon engagement pour mes patients et pour un territoire que j’ai choisi et enfin sur mon avenir et celui des jeunes confrères que j’espère contribuer à former…). Demain, OUI des MUST, nous vaincrons l’immobilisme et le pessimisme attentiste autant que la démagogie et l’hospitalo-centrisme ! J’adhère avec joie à toute initiative qui rapproche les professionnels de santé et leur insuffle l’énergie positive nécessaire pour travailler ensemble et avec nos patients à créer demain… Merci 😉
  • A fond dans ce type de propositions qui viennent du terrain. Après l’internet 2.0, vive la médecine 2.0. Document à faire circuler d’urgence à nos confères pour remuer les méninges
  • A part signer ici pour montrer à quel point on est d’accord, que peut-on (nous autre les pas-médecins) faire ? Envoyer le PDF à notre député en lui signalant à quel point c’est des vachement bonnes idées et que s’il veut garder notre voix ce serait bien qu’il soutienne ?
  • Ah bah en voilà des idées bien meilleures que recruter des vétos ! Félicitations pour tout ce bon sens, cette intelligence, et merci pour l’investissement de votre temps personnel dans la mise en forme de vos réflexions au service de la collectivité. Marie, véto mais aussi patiente et mère de patientes
  • Ah je dis OUI !!!
  • ah oui ? la médecine générale pourrait exister encore ? Je vais en reparler à mes carabins d’enfants, à qui je ne disais plus ce que je faisais…
  • Aller on y croit, pour la renaissance de la medge
  • allons-y, qu’est-ce qu’on attend ? mais en tant qu’architecte, je suis complètement contre un appel d’offre national pour la construction des Must. Ce n’est pas possible de par l’obligation d’intervention d’un architecte (/surface)+ la conception d’un bâtiment prend en compte son environnement, ou alors on va créer des lotissements de médecins ?? pas imaginable ! + autant en profiter pour faire travailler des entreprises locales plutôt que faire intervenir Bouygues ou Eiffage sur des centaines de bâtiments… en plus se c’est payé/subventionné à échelle locale, l’appel d’offre ne peut pas être national… mais bon, c’est un point de détail ! même si ces bâtiments coutent au m² 2fois le prix que vous annoncez (et ce serait plus proche de la réalité, surtout avec la RT2012), c’est encore un projet réaliste !
  • Ambulancier privé de profession , avec une vision extérieure aux problèmes médicaux du moment et habitant une (grande ) zone de désert ( bretagne) ,j’apprécie ce discours innovant contenant beaucoup de concret .Il est enfin temps que la société civile prenne les devants sur ceux qui ont le pouvoir et qui ne peuvent pas ..Bravo pour vos propositions que je soutiens .
  • Anapath en voie de disparition et père de deux étudiants en médecine, je ne peux qu’adhérer à ces propositions pleines d’intelligence et de bon sens. Merci !
  • Ancien médecin urgentiste et médecin praticien en ville j’ai délaissé l’exercice en raison déja de mauvaises conditions de travail. Si ce travail de collaboration peut aider à l’amélioration de l’exercice, à 400% avec vous. Que la ministre vous entende.
  • Apres des années de dur labeur dans une campagne « loindetout », peut etre une petite lueur à l’horizon grace à de vrais propositions. Merci
  • Au delà de la médecine générale 2.0, il me semble qu’il y a là de la politique 2.0… et si ça marche (là, c’est pour les rêveurs…), pourquoi pas une démocratie 2.0 ?
  • Avec de telles propositions, la médecine de ville peut à nouveau attirer les jeunes externes et internes !
  • Avec la possibilité d’un dialogue interdisciplinaire qui ne pourrait qu’augmenter l’efficacité des actions de soin ambulatoire (pour les patients ET les professionnels !!), me voilà une psychologue enthousiaste pour participer à ce genre de projet !
  • Avec mon soutien de citoyenne.
  • Beau projet ! Il est evident que pour inciter les jeunes médecins au liberal il faut alleger au maximum les lourdeurs administratives et favoriser l’exercice de groupe. Faire une place à nos externes dans ces structures me semble la meilleure façon de leur donner l’envie d’aller plus loin dans la medecine générale. En esperant être entendus puis compris un jour…
  • Beau projet, beau travail, et s’ils osaient le faire !!!
  • Beau projet, tout n’est pas clair pour moi mais le fond me paraît plus que sensé. Bon courage !
  • beau travail
  • Beau travail, j’espère que ce message sera entendu !
  • Beau travail, merci de soutenir la MG et de proposer des idées plus proches de la réalité
  • Beaucoup d’imagination dans des données pertinentes. Et la démonstration (évidente pourtant) qu’en médecine on peut faire une meilleure prestation sans surcoût. Bravo.
  • Mais peut-on espérer un avenir (malgré les affirmations de la ministre) à des propositions ne venant pas de politiques, grands administrateurs ou corps dits représentatifs ? Vanitas vanitatis !!
  • Ceci est d’autant moins plausible que, comme toute réforme intelligente, elle constitue un tout : il est difficile d’en reprendre seulement des morceaux sans aller à l’échec global.
  • En tout cas, comme médecin hospitalo-universitaire (!!) retraité (donc « né de 58 »), ayant eu ce bonheur de « faire de la médecine », j’apporte mon soutient entier à ces idées et ce projet.
  • Encore bravo, Y. Gille.
  • Beaucoup de très bonnes idées !!!
  • beaucoup de très bonnes idées mais qui nécessitent un courage politique et une capacité de lutte contre les lobbys de médecins (les grands pontes comme on les appelle !) et pharmaceutiques !
  • Belle initiative !
  • belle initiative de vouloir trouver des solutions concrètes. en espérant que le gouvernement planchera dessus pour la mettre en oeuvre.
  • Belle initiative, même si je trouve dommage que vous ne parliez pas de l’implication que pourrait avoir la pharmacie dans ce dispositif…En effet combien de pharmaciens sont à l’origine de création de maisons de santé et sont les seuls professionnels de santé à rester dans ces déserts (grâce à notre maillage territorial) ? Quand je vois parfois les prescriptions passées, je me dis qu’il serait bon que l’on se rencontre un peu plus pour parler médicaments…
  • Belle initiative, tout mon soutien !
  • Belle initiative. Médecin et chef d’entreprise pendant 20 ans, j’ai constaté la dégradation de notre profession. Ma réponse à cet état de fait a été de déplaquer et devenir salarié. J’aime bien cette réponse. Bravo !
  • belles idées
  • bienvenue aux (bonnes) nouvelles idées !
  • Bisous les copains =D.
  • Blogueurs, Twittos, Facebookiens peuvent faire avancer les choses à force de propositions !
  • Bon courage, on vous soutient !
  • Bon plan, surtout l’idée de l’auxiliaire administratif. Un peu dubitatif sur le cout au m² mais j’ai noté qu’il s’agit de prix sur de gros marchés. Notre maison médicale de 9 medicaux-paramedicaux, ouverte en 2010 s’est longtemps appelée Utopie…
  • Bon, on a le droit de rêver, jamais ces propositions ne seraient mises en place en l’état, d’autant plus que leur financement est un peu flou, un peu imprécis, un peu idéalisé, et que la CRISE économique dont on nous rabat les oreilles fait qu’il n’y a plus un kopek à dépenser. Mais vos propositions ont le mérite d’essayer de valoriser un peu la médecine générale face à la toute puissance hospitalo-U, et qu’il y en a bien besoin, cré vin diou.
  • Bonjour,
  • j’ai pris le temps de la réflexion pour venir mettre un mot suite au buzz sur le sujet.
  • Alors d’abord, bravo à tous pour votre mobilisation et votre volonté de changer les choses : c’est précieux et laisse augurer de belles choses pour la profession.
  • Venons en aux critiques (ben oui) :
  • 1/ la médecine générale est une spécialité comme une autre : il a fallu des années pour lui faire intégrer le modèle des autres spécialités et ainsi essayer de la faire reconnaître pour ce qu’elle devrait être : la plus belle et la plus difficile des médecines. Lui donner un cursus à part : c’est à nouveau la mettre à part, comme une sous médecine. Vous allez devenir des officiers de santé, des sou médecins : méfiez vous du retour de bâton. Je propose que les réformes concernent tout le monde et pas uniquement les médecins généralistes sinon vous serez des médecins « à part », à nouveau. 2/ Cloner la formation des CHU sur un modèle local est une mauvaise idée. Dans les CHU les formations sont assurées « en vrai » par le compagnonage mais ce sont les agrégés et PUPH qui sont rémunérés pour cette formation qu’ils font rarement. Reproduire le modèle en maison de santé locales amènera les mêmes perversions : créez votre propre modèle sur la base du compagnonnage et du groupe ; sortez du modèle pyramidal. Des enseignants avec des contrats de 5 ans, validés par les notes des étudiants par exemple. Dans les autres choses copiées sur les CHU : les administrateurs. No comment : à l’hôpital il n’y a plus de compresses pour les samu en décembre ; vous voulez vivre la même chose en périphérie ? Trop déléguer à des personnels administratifs c’est entrer dans le monde Kafkfa. 3/ la désertification : les médecins spécialistes la gèrent depuis vingt ans déjà. regardez ce qu’ils font (ah mais peut-être que dans les grandes villes vous savez pas ça…) : un spécialistes aujourd’hui il travaille en grande ville trois jours par semaine et deux jours par semaine dans des petites villes de campagne. Les généralistes pourraient faire de même.
  • Bref, réformer ok, bravo pour vos idées mais attention : vous stigmatisez la médecine générale en la séparant des autres médecines et vous voulez reproduire les mauvaises choses des CHU : prenez le meilleur, simplement.
  • Bonjour, chapeau pour cette proposition audacieuse et pragmatique. En qualitée d’entrepreneur (dans l’informatique, rien a voir)cela fait plaisir qu’un corps de métiers puisse réagir de façon constructive et cibler ses points forts et faiblesses pour proposer des solutions concrètes. Continuez ! ps : pour l’AGI, je connait une jeune boite innovante qui pourrait vous apporter encore plus de concret : http://www.icanopee.fr/index.php/fr/
  • Bonjour, je suis en accord avec l’intégralité des propositions, qui prend en compte enseignés et enseignants. Je solliciterais même la possibilité de créer des stages spécifiques d’une année complète pour les I.M.G., à leur demande et non imposable, sur la base d’un choix préemptif de rempiler pour un second et dernier stage dans la même M.U.St, bien que ça risque de poser problème quant à la sacro-sainte répartition des postes de stages bi-annuelle ; en revanche ça permettrait d’insérer au plus long terme certains futurs praticiens libéraux dans des secteurs déficitaires où ils auraient déjà eu le temps de nouer des contacts solides confraternels et interprofessionnels et d’y organiser leur propre vie socio-familiale le cas échéant.
  • Bonjour.
  • Voilà enfin de bonnes idées concrètes avec les moyens de les réaliser.
  • Je réalise mon travail de thèse sur le choix de l’exercice en médecine générale, en relation avec quelques autorités compétentes.
  • Je ne manquerais pas de leur faire connaitre ces propositions si ce n’est pas déjà fait.
  • Bon courage pour ces réflexions
  • Bonne chance !
  • …et bon courage !
  • Bonne chance dans votre tentative de faire bouger les choses…
  • bonnes idées ! espérons qu’elles iront loin !
  • Bonnes idées, réalistes et positives
  • Bravo ! 🙂 super initiative, une vraie bulle d’oxygène pour l’accès aux soins et des conditions d’exercice plus décentes. Madame la ministre, la balle est dans votre camp 😉
  • Bravo ! Belle proposition réflèchie, censée et surtout applicable !
  • Bravo ! Bonne initiative
  • Bravo ! C’est du concret , ces propositions sont constructives et réalistes
  • Bravo ! Ca fait plaisir de lire des propositions constructives, dans l’intérêt de tous.Si seulement les politiques pouvaient vous écouter !
  • Bravo ! En espérant que ça ait un écho maintenant !
  • Bravo ! En tant que patiente et mère de famille, j’espère que cela aboutira !
  • Bravo ! et bon courage !
  • Bravo ! Et courage !
  • Bravo ! Il faut maintenant qu’ils aient le courage d’agir… Continuez vos actions, vous pourrez compter sur le soutien de beaucoup
  • bravo ! je ne suis pas médecin mais j’ai travaillé longtemps dans un cabinet dentaire. pour avoir travaillé en géronto, je suis très sensibilisée à la désertification médicale du territoire français , ce qui est complètement fou quand on mesure la richesse professionnelle qui est la nôtre dans ce domaine. vos idées sont intéressantes. l’homme politique qui aura le courage de le dire et surtout de les mettre en application est-il déjà né ???? bon courage
  • Bravo ! Je suis interne de médecine générale, et je suis ravie de lire des propositions constructives, réalisables… et qui ne nous stigmatisent pas ! Un peu d’espoir dans cette situation difficile… Je vote oui
  • Bravo ! les TwitAmis beau travail très innovant ! J’espere ce travail sera entendu !
  • bravo ! mais je pense crucial de développer la réflexion avec les infirmières (ce qui risque de ne pas être facile), les kinés (sans doute un peu plus facile), les diététiciennes et les podologues (bien structurés dans leurs ordres). bien cordialement
  • Bravo ! Mais nos politiciens auront-ils le cran de soutenir ces idées qui ne viennent pas d’eux ? Car on sait que nous ne sommes que de « simples » médecins. Le brio de l’Etat serait donc d’accepter de recevoir des conseils des 1ers concernés.
  • Bravo ! Ne pas subir, proposer !
  • Bravo ! quel bonheur de voir des propositions intelligentes à l’heure où des »penseurs » à Terra Nova envisagent la suppression des généralistes.
  • Bravo ! Un externe de plus qui pense comme vous !
  • BRAVO à tous et toutes pour votre créativité et les franches propositions !
  • Bravo a vous d’essayer de faire bouger les choses. Je rajouterai juste une chose : il FAUT former les étudiants en médecine (et le médecins) à la relation médecin malade. 30% des patients sont non observants de leur traitement (et même 50% pour les pathologies chroniques). Je suis persuadé que nous avons une énorme marge de progression dans ce domaine. J’espère que pas former les médecins aux relations inter-humaines, apparaîtra comme une aberration dans quelques années.
  • Bravo à vous pour ces propositions
  • bravo belle initiative. Bon courage pour la suite.
  • BRAVO BRAVO BRAVO !!! FORCE & HONNEUR !
  • Bravo continuez
  • bravo en esperant que nos politiques ne ferons pas que lire ce texte .. La médecine générale en a bien besoin ..
  • Bravo et merci !
  • Bravo et merci !!! En espérant voir cette solution se réaliser…
  • Bravo et merci pour ces belles propositions qui permettraient de redorer le blason de notre profession. Esperons qu’elles seront lues/entendues et appliquees par les autorites concernees.
  • Bravo et merci.
  • Bravo pour ce projet, je lui souhaite d’aboutir.
  • C’est une évidence : « comment ne pas comprendre qu’un jeune médecin qui a passé une dizaine d’années dans sa ville de faculté et y a construit une vie familiale et amicale ne souhaite pas bien souvent y rester  ? »
  • Ce sont les gens du terrain qui peuvent/doivent participer aux réformes, pas les politiques qui n’y connaissent rien et passent souvent d’un ministère à l’autre… et ce serait valable pour toutes les professions !!!
  • Une patiente qui n’habite pourtant pas encore un désert médical, mais où les médecins qui partent en retraite ne sont pas remplacés.
  • Bravo pour ce texte ! Puisse-t-il être entendu par les administrations et puissiez-vous être convié à travailler sur ce thème !
  • Bravo pour ces idées brillantes et pleines d’espoir, tant pour nous, internes de médecine générale, que pour les externes et médecins déjà en exercice. espérons que notre nouveau gouvernement vous entende.
  • Bravo pour ces idées innovantes
  • Bravo pour ces prises de positions constructives. Enfin quelque chose de pratique (et d’applicable !), plutôt que ces éternelles discussions sur les honoraires et les « mobilisations » de nos élus…
  • Bravo pour ces propositions !
  • Bravo pour ces propositions !
  • Bravo pour ces propositions ! J’espère qu’elles seront entendues !!!
  • Bravo pour ces propositions audacieuses ( en comparaison de l’inertie actuelle des institutions) et probablement réalisables ( les financements semblent très intriqués : budgets de l’état, de l’assurance maladie, des collectivités territoriales ), c’est évidemment l’avenir de la medecine generale puisqu ’il est porté et quasi plébiscité par les jeunes et futurs médecins. Y aura -t- il la volonté politique d’une telle réforme ? Serait-elle suivie par les nombreux généralistes au crépuscule de leur activité mais ayant néanmoins une dizaine d’années à exercer (vu les positions syndicales…) ? Esperons-le
  • Bravo pour ces propositions qui constituent un socle solide de réflexion pour nos élus !
  • Bravo pour cette initiative réfléchie et venant de personnes qui connaissent le problème de l’intérieur. En souhaitant de tout coeur que ces propositions soient entendues !
  • Bravo pour cette initiative, j’espère que ça débouchera les esgourdes de nos dirigeants
  • Bravo pour cette initiative, notre médecine n’est peut être pas si malade si on arrive a se bouger pour la défendre !
  • bravo pour cette proposition ! En espérant que ce texte atteigne plus d’oreilles ..
  • Bravo pour cette proposition et ses idées qui pour moi ont 2 avantages, remettre la MG a sa place et non pas à la traine de l’hopital et qui permet aux MG qui le souhaitent de faire leur pratique en tant que « salarié », ce que semblent vouloir les nouveaux diplomés. Sans parler des nombreux autres avantages « pratiques » de votre proposition. Alors encore bravo et espérons que cette proposition voit le jour.
  • Bravo pour cette réflexion originale et réaliste, que les politiques s’en inspirent et vite !! Pour l’externe que je suis aujourd’hui vous êtes une source d’espoir pour un exercice futur épanouissant.
  • bravo pour l’initiative qui j’espère débouchera sur des discussions fructueuses
  • Bravo pour l’initiative. Bravo pour la rupture avec les positions syndicales dont le triste bilan est le choix de notre médecine libérale par seulement 8 % des étudiants. Il est temps que la profession s’exprime, il est temps que nous tous médecins de terrain reprenions notre avenir en main. « En France le deuil des convictions se porte en rouge et à la boutonnière » nombre de responsables syndicaux nous prouvent à longueur d’ année combien Clemenceau avait raison ! Bravo donc pour vos positions, un bémol cependant , le lien renforcé avec les ARS qui peu n être pas synonyme d indépendance.
  • Bravo pour l’initiative. C’est bien de prendre son destin en main en faisant preuve de courage et d’imagination, et cette démarche innovante est louable. Etant spécialiste, je note avec une pointe de regret l’absence de chapitre consacré à l’articulation des spécialistes et des généralistes en coordination autour du patient. J’aimerais avancer avec vous sur ce point particulier de la démarche, qui ne saurait être négligé, celui du parcours des patients dans le système de soins, de manière à ce que vos MUSt permettent de coordonner à la fois la prise en charge médicale, mais également la prise en charge médico-sociale des patients. Avec un objectif : que le malade soit pris en charge par le bon circuit, ville, hôpital, milieu social, au bon moment. Cela diminuerait aussi notablement les coûts de la santé. A suivre !
  • Bravo pour toutes ces idées et ce bon sens qu’on aimerait rencontrer plus haut dans les sphères décisionnelles… Courage !
  • Bravo pour toutes ces idées, elles sont toutes excellentes !
  • Bravo pour toutes vos initiatives ! J’espère que ce projet ira loin. De tout coeur avec vous !
  • Bravo pour vos idées ! écouter les gens qui sont sur le terrain, voila ce que devraient faire nos politiques.
  • Bravo pour vos idées, pour votre initiative, …
  • Bravo pour vos ides. Reste a les appliquer !
  • Bravo pour votre créativité. Espérons que Mme Touraine vous entende et ait le courage politique de dire une bonne fois « non » aux privilégiés qui veulent garder leurs prés carrés.
  • Bravo pour votre initiative, en espérant que vous serez entendus !!!
  • bravo pr ces propositions innovantes avec tous mes voeux de succès
  • Bravo si tout cela pouvait devenir réalité… Médecin généraliste en Ardèche
  • Bravo, ça fait plaisir de voir des gens motivés pour faire &eac Continuer la lecture

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#PrivésDeMG : une formation, par pitié !

Madame la Ministre,
Je ne me faisais pas d’illusion et ne m’attendais donc pas à une réponse de votre part. 
Je ne suis pas un leader d’opinion. Loin de là. J’ai un réseau de lecteurs réguliers. Ma diffusion sur le net n’est pas celle de Martin Winckler, de Dominique Dupagne, de Borée, de Jaddo ou celle plus récente d’AlorsVoilà. J’ai un cercle de lecteurs réguliers qui suffisent à me rendre fier de ce que je peux produire depuis plusieurs années sur ce blog.
Mais il est clair que je ne suis pas un leader d’opinion.
Je ne suis qu’un interne de médecine générale. Un parmi des milliers…
Alors peut-être qu’en prenant un exemple simple, vous parviendrez à isoler un jour mon provincial message de la masse de ces murmures sirupeux qui s’écoulent au quotidien dans votre cabinet parisien. Et peut-être qu’en utilisant cet exemple simple, vous comprendrez mon indignation :
Je suis interne de médecine générale.
Mais je ne suis pas formé à la contraception.
J’ai prescrit des pilules contraceptives sans expliquer les procédures d’oubli.
J’ai prescrit des pilules contraceptives sans même saisir les difficultés inhérentes à leur prise quotidienne.
J’ai prescrit des pilules contraceptives sans chercher à diffuser d’autres moyens de contraception pour la simple et bonne raison que je n’y connaissais rien.
J’ai diffusé des idées reçues.
Encore.
Encore.
Encore.
Interne de médecine générale.
J’ai prescrit sans être formé. Mal prescrit. Par méconnaissance.
J’ai participé à la diffusion d’idées reçues qu’initient et propagent nombre de leaders d’opinion hospitaliers, loin du terrain, loin de la vie, loin du sang des femmes.
Par cette méconnaissance, j’ai induit en échec les femmes dans leur autonomie à la contraception. Par cette méconnaissance, j’ai forcément un jour ou l’autre jeté des femmes dans ces procédures sanglantes d’IVG. Parce que si l’IVG est un échec, il est d’abord celui des soignants. Un échec de diffusion d’informations.
Aujourd’hui, j’ai du sang sur les mains.
Parce que je suis interne de médecine générale et mal formé à la contraception, j’ai le sang de ces femmes sur mes mains.
Et parce qu’interne de médecine générale formé à l’hospitalo-centrisme, le passage en PMI n’est qu’une option, un stage « professionnalisant ». L’exception plutôt que la norme.
Améliorez notre formation, c’est l’extraire de l’hospitalo-centrisme qui l’englue.
Parce qu’interne de médecine générale je bouche les trous des services hospitaliers dans leur course à la rentabilité, et parce que telle est ma place pendant la grande majorité de mes trois années d’internat, je ne suis pas formé à la médecine générale.
Améliorer notre formation, c’est faire de l’ambulatoire la norme, non l’exception de l’internat de médecine générale. Améliorer notre formation, c’est d’abord entendre la colère d’internes de médecine générale, épuisé de jouer ce jeu de dupes.

Mais peut-être n’avez-vous pas de filles Madame la Ministre ?

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Jours sans…

Ces journées où je ne comprends rien.
Il est 18 heures et je viens de passer l’après-midi en consultation. Ma deuxième semaine de consultation, mes propres consultations aux IVG. Une heure de retard. Une dame s’énerve. Je lui dis de se détendre. Je lui dis qu’une femme avant elle avait besoin de temps pour discuter et que si elle avait besoin de temps, on y passerait le temps nécessaire. 
Ces jours où je ne comprends rien. 
Elle me dit qu’elle n’a pas de douleurs.
Elle me dit qu’elle ne saigne quasiment plus.
Elle me dit qu’elle ne veut plus de l’implant parce qu’une connaissance lui en a fait une mauvaise publicité.
Elle me dit vouloir reprendre la pilule.
Elle rit.
Elle me dit que même si cette dernière grossesse était sous pilule, cette fois-ci se serait différent : elle n’oublierait plus sa pilule.
Elle me dit qu’elle attend la fin de ses saignements avant de commencer une nouvelle plaquette de 21 comprimés.
Elle me dit qu’elle a perdu le feuillet sur lequel était inscrit le jour de la consultation de contrôle.
Elle me dit qu’elle devait faire son IVG en début de semaine, mais comme elle avait craqué et qu’elle avait fumé une cigarette avant de venir, l’anesthésiste l’avait éconduite.
Elle sourit.
Elle me demande si elle peut prendre le train de bonne heure demain matin pour partir en vacances en Écosse.
Ces journées où je ne comprends rien. 
Il est 18h30. Je sors épuisé.
Nous avons revu les bases de la contraception orale et celles de l’oubli de pilule. Nous avons parlé saignements, règles et blocage de l’ovulation. Je suis épuisé d’avoir passé mon temps à naviguer entre les écueils d’un paternalisme sirupeux et ceux de la puissante autorité moralisatrice et médicale. 
Ces journées où je ne comprends décidément rien. Et de la reviviscence de ces consultations se dégagent la désagréable impression d’avoir raté mon éléphant dans le couloir des consultations.


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Le sang des femmes



Tu peux passer en ambulatoire, il faut faire les contrôles des IVG médicamenteuses ?

Sauf que je ne suis pas censé travailler aux IVG aujourd’hui. Je suis aux urgences gynécologiques, et cette après-midi j’ai prévu de plancher sur ma thèse.
Je réponds : je crois que le mardi, c’est Dr X. qui passe dans le service.
Je sais, me dit la voix à l’autre bout. Désolé de t’embêter, mais elle n’est pas là aujourd’hui.
Sauf qu’habituellement, il y a toujours un sénior pour valider les images échographiques que je tente péniblement de constituer. Quatre semaines, ou les grands principes de ce qu’est une formation accélérée en échographie endo-vaginale. 
J’arrive.
Un sac gestationnel, ça guide relativement bien l’échographe. Mais un utérus plein de caillots, pour un non-initié c’est une toute autre affaire. Alors je galère. Patiente, la femme est étendue en position gynécologique, les pieds reposant sagement dans leur étrier respectif. Je me tords au bout de son vagin, fébrile, en sueur. Du sang. Un inconvénient de l’IVG médicamenteuse. Un sang rouge qui file le long du couvre-sonde et qui vient perler sur la base de mon gant. J’imprime un premier cliché. Je ne suis sûr de rien. Mon expérience échographique est ridicule. Je m’excuse. Elle sourit, patiente. Je lui explique que j’ai besoin de l’avis d’un collègue plus expérimenté. Je sors. Personne n’est joignable en orthogénie. J’appelle une chef de clinique d’obstétrique, celle avec qui je bosse en suites de couches, mon dernier espoir. J’arrive dans cinq minutes. 15 minutes plus tard, pas de chef de clinique.
Je rôde dans le couloir. Je frappe. Entrouvre la porte. La patiente est toujours dans la salle de consultation. Elle s’est rassise sur mes conseils 10 minutes plus tôt, ne voyant toujours pas venir mon chef après les 5 minutes d’attente réglementaire. Elle a enfilé une nouvelle protection.  Rassurez-vous, lui dis-je encore, je ne vous ai pas oublié. Si elle s’impatiente, elle n’en laisse rien paraître. Je la remercie intérieurement. Je ressors et tombe né à né avec une de mes co-internes.
À sa façon de sourire, j’imagine qu’elle a dû lire sur la physionomie transparente de mon visage l’immense soulagement que j’ai ressenti en la voyant se tenir là, devant moi. 
J’hurle silencieusement : Au-secours !…!!!! Rhaaaa !!! Je suis GRAAAAAAVE en galère là !!…!!!
Mais ce qui sort finalement, c’est un ... excuse-moi de déranger… besoin..te demander un conseil… un coup de main… utérus… pas trouver ?… 
Je dois pourtant parvenir à lâcher quelque chose de clair puisque dans la minute nous entrons ensemble dans la salle de consultation. L’échographie confirme l’expulsion. Ma co-interne ressort, tout sourire : je lui ai offert le temps d’une échographie cette brève mais exquise identité messianique. J’appelle le chef de clinique. J’ai accosté R. qui passait par là, tu n’as pas besoin de venir. Elle me répond qu’elle était en route. Je la remercie quand même et raccroche.
La patiente est désormais assise devant moi. Je lui donne les informations d’usage. Du sang très probablement, les trois prochains jours, en abondance, puis moins pendant une semaine, un peu comme des règles. Et puis après, ça n’en finit pas de tâcher les protections pendant une dizaine de jours… Mais parfois pas de sang. Nous discutons. Refaisons ensemble un point sur la contraception. Je la raccompagne dans le service. Elle me remercie.
En revenant dans la salle de consultation, je réalise que j’avais mal retiré le couvre-sonde. Une ponctuation écarlate file entre l’appareil d’échographie et la poubelle, rouge, déjà froide. J’attrape des compresses alcoolisées et m’affaire au sol.

Une des facettes de l’IVG médicamenteuse. Le sang des femmes qui se répand dans les salles de consultation d’orthogénie, sur mes mains. Alors ne me parlez pas d’IVG de confort, je ne veux pas y croire.


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IVG et PMA : entre Jekyll et Mr Hyde

Dr Jekyll, je tiens fermement la sonde. L’image se dessine sur l’échographe. 11 semaines d’aménorrhées. La forme est claire. 

Mr Hyde, j’accompagne justement ma femme à son échographie folliculaire en vue d’une prochaine insémination artificielle.
Je suis la double personnalité de Jack.
Dr Jekyll
Après trois semaines dans le service, les médecins m’ouvrent un créneau de consultations d’IVG. C’est le deal, le rôle de l’interne de médecine générale dans ce service de gynécologie-obstétrique. La raison de mon choix.
Chaque demande d’IVG est unique. Il me semble pourtant voir apparaître un dénominateur commun. L’échec. Ces femmes que notre société profondément misogyne laisse s’échouer au quotidien dans les salles de consultation d’orthogénie.
Il est courant d’entendre parler d’échec de la part de ces femmes irresponsables, coupables devant la société d’un manque de vigilance – c’est mon médecin qui m’a enlevé l’implant. Il pensait que c’était l’implant qui me donnait des chutes de tension. Il m’a prescrit une pilule à la place, il m’a dit que je ne devais la commencer qu’au retour de mes règles – ou d’une absence totale de responsabilisation – mon gynécologue m’a dit que mon stérilet était responsable de mes infections urinaires, alors je ne peux prendre que la pilule, mais je l’oublie souvent -, etc.
Pèse en fait sur ces femmes le poids d’une société culpabilisante qui est incapable de s’avouer en échec. Échec d’aide à la contraception. Échec d’information claire et universelle sur la contraception. Le Dr Girard (ICI) conçoit la contraception comme une perte d’autonomie de la femme vis à vis de sa société, la société médicale en particulier. Une perte d’autonomie brutalisante. Peut-être n’y aurait-il pas une telle hétéronomie si l’information dispensée était la même pour toutes les femmes ; en particulier si chacune pouvait choisir ou se voir proposer le moyen de contraception qui lui est le plus approprié à l’instant t, sans être malmenées par des médecins mal informés ou désinformés. La patiente qui s’adresse au service des IVG est une victime, le dommage collatéral d’un corps médical mal éduqué ou éduqué à rebours. Elle est victime d’une société bien pensante qui n’a su lui fournir un moyen de contraception adapté et une information globale en respect avec les connaissances actuelles de la science. Cet échec est celui d’une société, d’un médecin ou d’un soignant, pas celui d’une femme.
Dr Jekyll, je tiens fermement la sonde. L’image se dessine sur l’échographe. 
Mr Hyde, j’accompagne depuis quelques jours ma femme à son échographie quotidienne.
Je suis la double personnalité de Jack.

Un même service. Un objet de préoccupation identique, et deux formes distinctes d’injustice. Les premières, des femmes, sont les injustes victimes de leur propre société. Les seconds, des couples, injustes victimes d’une nature foutrement complexe.


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Pas (trop) d’accord

Une sage-femme m’a demandé hier de prescrire pour une de ses patientes de la cabergoline, un traitement utilisé pour inhiber la lactation.
En potassant le sujet, je réalise que je ne suis pas d’accord avec le raisonnement de la revue Prescrire, un raisonnement qui est à mon avis bancal  et qui aboutit à rejet total de ce type de molécules dans cette indication. Que le grand cric me croque, c’est fébrile et les doigts tremblants que j’écris ce billet.
Dans le numéro 350 de décembre 2012, la revue Prescrire conclue sa synthèse sur les inhibiteurs de la lactation par : les médicaments inhibant la lactation, agonistes dopaminergiques et estrogènes, tels que la bromocriptine ou le lisuride, exposent à des effets indésirables graves en post-partum. L’inconfort mammaire , quel que soit son intensité, ne justifie pas ces risques : mieux vaut ne pas les utiliser.
L’inconfort mammaire. Le terme inconfort est ici d’une importance capitale. De ce terme découle la conclusion balance bénéfice-risque défavorable. Nous y reviendrons.
Pour étayer cette conclusion, les auteurs s’appuient sur une synthèse récente du réseau Cochrane, et sur un rapport de pharmaco-vigilance en particulier, celui émis par le CRPV de Lyon en 2011. N’ayant pas accès à ce rapport directement, je suis passé par le site de l’ANSM. Je cite ici l’agence même dans son compte-rendu de la séance du 30/04/2013 :  d’après l’enquête de 2011, une utlisation non conforme au RCP est présente dans plus de 70%  des cas d’effets indésirables cardiovasculaires, dans 40% des cas d’effets indésirables neurologiques et dans 78 % des cas d’effets indésirables psychiatriques.
Dans un nouveau rapport sur la bromocriptine dans lequel l’ANSM conclut que le rapport bénéfice/risque n’est plus favorable dans l’inhibition de la lactation, l’agence étaye son argumentaire en disant : malgré ces mises en garde (précautions d’emploi ayant pour but de sécuriser l’emploi de la bromocriptine suite à l’édition d’un RCP en 1994) en 2012 une nouvelle enquête de pharmacovigilance a confirmé la persistance de ces effets indésirables graves, souvent associés à une utilisation non conforme au RCP des médicaments à base de bromocriptine. Le site du BIP31 reprend justement cette information.
Nous pouvons donc conclure que la bromocriptine n’est pas sans effets secondaires. Nous pouvons aussi conclure que les effets indésirables apparaissent globalement quand le RCP n’est pas respecté. De là à conclure que la balance bénéfice/risque n’est pas favorable… 
Parce que nous revenons à la notion d’inconfort. 
Est-ce du confort que d’avorter une montée laiteuse chez une femme accouchant d’un enfant mort-né ?
Est-ce du confort que de vouloir simplement avorter une montée laiteuse qu’elle qu’en soit finalement les raisons (physiques, psychiques, confessionnelles, etc)  qui animent la parturiante ?
La péridurale, confort de notre société moderne et sous respect des indications et des contre-indications, ne saurait être remise en cause.
Les rapports de pharmaco-vigilance semblent mettre en avant un non respect des RCP. C’est donc le médecin qui est ici fautif, pas la femme en post-partum.
Concernant la cabergoline, un autre agoniste dopaminergique, la revue Prescrire ne cite aucun rapport de pharmaco-vigilance concernant cette molécule qui n’a que faiblement prouvé son efficacité. Et pourtant, elle est mise à la benne avec la bromocriptine : jeté le bébé avec l’eau du bain ! Les auteurs sont ici expéditifs. Je suis dubitatif.
Que l’ANSM craigne d’être prise pour une couarde et s’ampute un bras là où il suffirait de couper un ongle, je peux le concevoir. Le spectre du Médiator rôde…Mais je suis beaucoup plus embêté par la conclusion de Prescrire, et par son raccourci : mieux vaut ne pas les utiliser.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, expliquait l’oncle Ben à Peter Parker avant de mourir…

Liens :
1- LRP n°350, décembre 2012 Freiner la montée laiteuse sans médicament
2- Olodapo OT, Fawole B. Treatments for suppression of lactation. Cochrane Database of systematic reviews
3- ANSM Compte-rendu de la séance n°2 du 30 avril 2013
4 – ANSM Bromocriptine : le rapport bénéfice/risque n’est plus favorable dans l’inhibition de la lactation – Point d’information.
5- http://www.bip31.fr/alertespharmacovigilance.php

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Martin Winckler n’a qu’à bien se tenir…

Les cloches sonnent. Je les entends depuis le parking. 
Changement de terrain de stage après 3 mois passés en pédiatrie. Me voilà catapulté dans le service de gynécologie pour les trois prochains mois. 
Les cloches sonnent. L’office ne saurait tarder.
Je m’assois en salle de staff. Pas là, me souffle-t-on. Tu es le nouvel interne de médecine générale, tu dois t’asseoir de ce côté.
Les cloches sonnent sous le poids d’un bedeau imaginaire. Il me semble que c’est pour moi qu’elles sonnent ce matin.
Trois mois entre le service de suites de couches physiologiques, d’IVG et d’urgences gynéco-obstétricales. Cette boule d’angoisse au fond du bide. Une masse de fils de fer barbelés que j’ai dû avalé par mégarde au petit-déjeuner. 
Les cloches sonnent et je vois s’attrouper une population léthargique autour de l’autel central. La grand-messe se profile. Plus qu’une question de minutes. Les enfants de chœur préparent le nécessaire à l’office. Burettes, calices, tout est là et tous arrivent.
Trois mois. 
Des grenouilles de bénitier croassent dans les coins. La nef bruisse. Les vieux habitués s’installent face à leur prie-dieux nominatif. Hochements de têtes polis. Regards usés. Quelques rires dans un coin. Des externes. Des quintes de toux aussi. 
Trois mois.
Les cloches cessent alors de sonner. 
L’officiant entre. Le chef de service.
Catapultage en service de suites de couches physiologiques. Je suis seul. Pas de médecin. Pas de co-interne. Beaucoup de paperasse. Un peu de médecine générale. Le reste du temps, je le passe en service d’IVG, le fameux service d’orthogénie. Dans un mois, je serai aux commandes de mes propres consultations. Mon rôle ici. La raison de ce choix. J’apprends en accéléré le maniement de l’appareil d’échographie. J’ai potassé pendant mes vacances Contraception : mode d’emploi de Martin Winckler, ainsi que La brutalisation du corps de la femme dans la médecine moderne du Dr Girard. Autant dire que je suis prêt. Une façon de ne pas me sentir désincarner face au grand officiant et son service quotidien. 
Parce que je veux savoir conseiller une contraception. 
Parce que je veux pouvoir conseiller une contraception.
Parce que je veux comprendre l’IVG, sous toutes ces formes. 
Trois mois de formation accélérée. Alors les cloches sonnent ce matin, elles m’appellent.
Mais elles viennent tout juste de cesser de sonner. Apnée. Le chef de service entre, drapé de sa terrible réputation. Il entre et le silence se fait. Bienvenue en gynécologie.
Silence désormais. 

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Harder. Better. Faster. Stronger.

Cet article est dédié à cet interne qui saura se reconnaître, et à tous ces internes que l’on aura plié ou brisé.

« Work it. Make it. Do it. Makes us. Harder Better Faster Stronger More than. Hour Our Never Ever After Work is. Over Work it. Make it. Do it. Makes us »
Daft Punk, 
Harder Better Faster Stronger 


Harder
L’interne de médecine générale, dès lors qu’il remplit les noyaux durs des services de spécialité, doit pour sa survie se couler dans un moule rigide ;  celui de la dissimulation et du bluff.
Dissimuler auprès de l’équipe soignante ses doutes, auprès de ses collègues ses erreurs, auprès de ses chefs ses angoisses. Un moule officieux qui comprime toute production de programme pédagogique sain et véritablement honnête. Un moule officieux entretenu par le besoin d’efficacité et de rentabilité qu’éprouvent les services hospitaliers soumis à la T2A. Parce que les internes font tourner les services (visites, contre-visites, ordonnances, courriers de sortie, codage des actes, etc), l’efficacité de surface ne laisse que peu de place aux doutes intimes que ne questionnent pas les critères qualité des audits d’expert.
Nonobstant les DESC, un interne de médecine générale est par définition un interne qui ne souhaite pas travailler dans le milieu hospitalier. De là à dire qu’il l’évite, il n’y a qu’un pas…
Harder Better
Les internes de spécialité nagent dans leurs eaux. Ils jouent à domicile. Au jeu des chaises musicales, certains préfèrent une acquisition de connaissances sans volonté de carrière. Mais tous jouent à domicile, géographique ou encyclopédique (les protocoles de service en sont un bon exemple).
C’est dans cette ambiance que sont parachutés les internes de médecine générale. Cette spécialité qui leur fait combler les postes non pourvus des spécialistes, sous couvert de ce que j’estime être une fausse croyance, celle de l’apprentissage de la médecine générale par le sacrosaint hospitalo-centrisme. Efficacité. Rentabilité.
Harder Bette Faster
Cas pratique assez courant :  un interne qui, pour des raisons qui sont les siennes, choisit d’user de son droit au remord pour se tourner vers la médecine générale. D’un internat très théorique, loin de toute réalité clinique, il doit intégrer celui d’une maquette hospitalo-centrée. Il intègre donc un service de médecine clinique de spécialité en CHU. Rappelez-vous : efficacité, rentabilité. L’internat de médecine générale dans toute sa splendeur universitaire. 
Cas pratique beaucoup moins courant : c’est un électron libre, ancien thésard de physique reconverti, une personnalité qu’il est assez rare de croiser dans ce milieu de gros poissons formatés et de petites mares : c’est un verbalisateur
Il exprime avec des mots ! ses émotions, il dit ses angoisses, il verbalise ses doutes. Non content de les confier à ses co-internes, il s’emploie à le faire partager à ses supérieurs. 
Harder Better Faster Stronger
Désarçonnés par une telle franchise, ses chefs s’effraient d’abord. L’aveu de faiblesse est un don rare dans cet environnement. Mais il est aussi le catalyseur des rancœurs et de l’ensemble des frustrations d’un service. On lui fait comprendre qu’il devra s’adapter, et vite. On fait peser sur lui par le biais des non-dits et du commérage de service le spectre de l’interdiction de gardes. Curieusement à cet instant, l’interne en question n’a encore jamais fait de garde de spécialité dans le service : aucune erreur à son actif qui pourrait expliquer cette menace fumeuse. Mais en y réfléchissant, un interne qui n’est pas efficace en garde, c’est finalement un chef qui est plus présent sur le terrain et moins dans ses draps de chambre de garde. Pour les néophytes : la garde d’un chef n’est pas bénévole, bien moins en tout cas que celle d’un interne…
Harder Better Faster Stronger
La messe est dite. La survie d’un groupe nécessite la mise en lumière d’une victime. Le verbalisateur fait en général l’affaire. Celui qui dit est en général celui qui dérange. Dans le poulailler de la capitainerie, on fait des gorges chaudes de cet interne qui dit. Sans crier garde, le voilà arraché de son service pour passer une semaine aux urgences avant sa première garde. La déléguée des internes l’en informe le jour même, des noms de chefs sur le bout des lèvres. La surprise est le meilleur anxiolytique. L’équipe soignante des urgences n’ignore rien de ce qui se trame. On attend de rencontrer cet interne qui verbalise. Une forme de bizutage. Des noms de chefs sur le bout des lèvres. Rien n’est officiel. La première garde se profile ensuite. Marche ou crève : l’apprentissage par la souffrance dans cette pédagogie du moyen-âge. Il devra affronter ce qu’interne de premier semestre dans un service d’urgences de périphérique je n’ai jamais eu à affronter. Il s’en sort bien pour quelqu’un qui ne dort quasiment plus et vient le matin brisé par l’angoisse. 
Un certain nombre d’hypothèses me viennent à l’esprit pour expliquer ce comportement. Mais je suis encore effaré par un tel manque d’humanité, d’empathie et de pédagogie de la part de ces quelques soignants universitaires que leurs ergots dressent tour à tour dans leur cacophonie de basse-cour. L’interne n’est dès-lors plus qu’une ressource humaine, que l’on plie ou que l’on brise. Les individualités n’ont plus de sens. Seul compte la rentabilité, l’efficacité. 
Harder Better Faster Stronger
Cet interne a aujourd’hui un certain nombre de gardes à son actif. Parce qu’un chef a pris sa défense, la capitainerie semble lui avoir lâché la grappe. Les noms sur les bouts des lèvres restent pourtant, cristallisent ses craintes, sa juste colère. 
Harder Better Faster Stronger
La médecine générale est une spécialité. Mais à qui profite-t-elle vraiment ?
Work it. Make it. Do it.
Makes us.
Harder Better Faster Stronger

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À portée de clics

« Un gros poisson dans une petite mare
J’te parle de bluff, d’excès d’orgueil, d’abus de pouvoir
Un gros poisson dans une petite mare »
Orelsan, Perdu d’avance

À la croisée de ces improbables chemins : un interne usant de son droit au remord pour rejoindre les bancs chaleureux de la médecine générale. Une décision difficile, un virage violent et courageux. Son premier stage de clinique.

Peut-être me donnera-t-il un jour l’autorisation de raconter ses déboires, fruits de la rencontre de cet électron libre avec la machinerie froide et imbécile qui fait les fondements de la hiérarchie d’un service hospitalier et qui entretient les égos dans ce balai incessant de dominants/dominés. 
Je lui ai parlé de mon blog, poussé par l’intuition sourde qu’il répondrait à ses angoisses, ces lames froides qui s’agitent quelque part sous la cage thoracique et isolent en poison insidieux l’individu qui les abrite.
La glace brisée, nous avons discuté. Et je crois qu’il a trouvé quelque chose entre les lignes qui inondent l’écran de ces chroniques. Je crois qu’il a trouvé ce que moi-même je cherchais quelques mois plus tôt au fil des blogs innombrables, impuissant face à l’autorité implacable que m’imposait ma formation universitaire. La fameuse bouteille jetée à la mer. Parce qu’il suffit parfois d’un seul témoignage.
Dans quelques mois, une nouvelle mouture d’étudiants en médecine s’apprêtera à plonger dans le bain froid et solitaire de l’internat. Ce bain de non-dits, de fausses vérités et d’arguments d’autorité. 
Une nouvelle mouture qui devra affronter les arguments d’autorités de leaders d’opinion très locaux. 
Une nouvelle mouture qui, consciente de ses propres dépendances et faiblesses, devra se défier du déni d’influence qui paralyse le système.
Une nouvelle mouture qui aura à répéter les erreurs de ces prédécesseurs pour se forger une expérience propre et combler les manques d’une formation erratique.
Une nouvelle mouture. Une nouvelle génération. Et ces mêmes problématiques qui se répètent encore. Une nouvelle génération d’internes baignant dans cette petite mare où pataugent de gros poissons, patauds mais redoutables.
Et pour lutter, nous avons cette floraison de témoignages qu’offre la dynamique du web et de la médecine 2.0. 
Le mien n’est qu’un caillou ridicule dans cet immense édifice qui s’élève et qui je l’espère tend à faire de l’ombre à l’inertie d’un système universitaire inadapté.
Toutes ces possibilités d’apprendre sur soi, sur la médecine et sur la vie, le tout à portée de clics. 

Voici donc quelques liens qui me sont aujourd’hui indispensables, liens souvent délicieux, et qui me permettent au quotidien de poursuivre ce fabuleux travail de sape de la verticalisation de la transmission du savoir :
– le club des médecins blogueurs et la liste non exhaustive de blogs médicaux ou paramédicaux qu’il propose : https://www.clubdesmedecinsblogueurs.com/
– le réseau Twitter : https://twitter.com/
– le Formindep :http://www.formindep.org/
– etc
– etc
– etc

Alors ne vous privez pas.
À vos clics, prêts… Partez !


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PMA, ou la brutalisaton d’un couple

Il existe deux types de parkings au CHU : celui des employés et celui des patients. J’emprunte aujourd’hui le second. 
Je prends un ticket et me gare en plein soleil. 
Nous sommes tous les deux assis en salle d’attente. Ma femme et moi. Elle est nerveuse, et je sais ses larmes proches. Elle les attend ces foutus rendez-vous. Elle les attend comme un gamin attend ses paquets enrubannés le matin de noël. Les sièges inconfortables de la salle d’attente sont un début de réponse. Des hauts-parleurs diffusent les émanations sirupeuses de tubes des années 80. Je ne parviens pas à me concentrer sur le bouquin que j’ai amené avec moi. Alors je le referme et caresse, patient, du bout de mes pensées les minutes qui défilent et de celui de mes doigts la peau fébrile de ma compagne.
La première fois que la base de ma formation médicale a tremblé sur ses fondations, c’était il y a trois ans, à la lecture de la pièce Knock, de Jules Romains. Le premier coup qui fragilisa ma foi en la médecine moderne ; comme on retourne un gant pour y découvrir les coutures difformes qui le tend, il m’a été donné de contempler les coutures grossières qui liaient entre elles le patchwork universitaire de ma formation. 
Le premier d’une longue série.
J’ai lu récemment La brutalisation du corps féminin dans la médecine moderne, du Dr Girard. Je ne me suis pas encore remis de la force avec laquelle ce nouveau coup m’a été asséné. 
Ma femme est allongée, les pieds posés sur les étrier. Et les seins ? Je ne vous ai pas examiné les seins la dernière fois. Une masse ? Non, je n’ai rien du tout à l’examen, mais on peut faire une échographie pour se rassurer avant que vous partiez en vacances…
Sa théorie de base est de considérer qu’une société qui éprouve, et ce depuis des centaines d’années, une répulsion médicale à l’endroit du corps féminin ne peut avoir conçu un outil d’émancipation (à savoir la médicalisation de la contraception) de la femme. Il développe l’idée que derrière la fumée médiatique que dégagent les rangs de féministes plus activistes que représentatifs se love une nouvelle forme d’oppression de la femme : la destruction de son autonomie corporelle par une médicalisation brutale à laquelle nous sommes devenus insensibles.
Nous sommes assis derrière son bureau. Elle nous rassure. La coelioscopie n’a retrouvé aucune anomalie, et nous allons pouvoir reprendre le cycle fabuleux des inséminations, prélèvement de sperme, injections hormonales et autres joyeusetés. J’hésite un court instant et demande : ma femme a pris pendant plus d’une dizaine d’années la pilule. Je ne parviens pas à trouver de document à ce sujet, mais peut-il y avoir une incidence sur sa fertilité ?
Je repense à l’essai du Dr Girard, où il écrit : « Est-il censé de s’interroger quant aux effets sur les poissons et autres être vivants des hormones relarguées dans l’environnement par les eaux usées, en tenant pour indifférents les effets de ces mêmes substances sur la principales source de relargage, à savoir le corps des utilisatrices. […] Est-il concevable de bloquer l’ovulation de nos compagnes par des hormones quand les effets d’apports similaires chez les animaux sont tenus pour intolérables ? »
La gynécologue, souriante et amène, plonge son regard bleu dans le mien. Elle me dit : non. Parfaitement aucun risque. C’est un phénomène On-Off.
L’interne qui est en moi a envie de lui répondre : oui, mais à partir de quelles sources basez-vous une telle affirmation ? Non parce que vous avez l’air d’être sacrément convaincue. Autant que moi quand je réponds à mon patient que sa rhinite en question est virale. D’où tirez-vous donc une telle foi ? Non parce que là, je commence sérieusement à douter… Et puis, quel intérêt de reprendre les inséminations ou d’envisager une FIV si aucune anomalie n’est retrouvée au bilan ? Au revoir, ou à jamais. On y arrivera bien seul, loin de toute cette envahissante et violente médicalisation.
Mais l’époux hypofertile de répondre : d’accord. Je comprends. De contempler en silence le corps de sa femme étendu entre deux perches métalliques. De contempler son couple être manipulé et disséqué par les doigts aseptisés de la médecine moderne. 
Parce qu’il existe deux types de parkings au CHU : celui des employés et celui des patients. 
J’emprunte aujourd’hui le second mais c’est le rôle du soignant qui s’impose, imposteur et grimé, pour assister à notre consultation PMA, une demi-heure où j’aurai eu la sensation d’une flagrante brutalisation du couple.
Je prends un ticket et me gare en plein soleil.


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Ascenseur émotionnel

Un jour, je serai seul. Seul décisionnaire. L’échéance approche. Insidieuse. Présente pourtant. Je n’appréhende pas encore. Bien au contraire. 
En attendant, je subis l’ascenseur émotionnel de l’internat. 
Urgences pédiatriques au CHU.
Il est 10 heures du matin. L’enfant a 4 ans. Il vient accompagné de sa mère pour une boiterie à droite que je ne parviens pas à objectiver. L’examen est sans particularité. L’externe me dit que lors de son propre examen, l’enfant boitait. Il boiterait même depuis huit jours. Il s’est d’ailleurs fait irradié le pied droit en clinique. La radiographie étant normale, ils l’ont laissé sortir avec une ordonnance d’échographie de hanche à 48 heures si les symptômes venaient à persister. Et le voilà, ce matin, dans ce box des urgences où j’officie. La mère me dit qu’elle a préféré se rendre directement aux urgences plutôt que faire l’examen prévu. Elle parle un français approximatif. L’enfant ne me semble pas boiter. L’externe me dit qu’elle l’a pourtant vu boiter. On fait des clichés de l’ensemble du membre. Je les parcours. Je ne vois rien. Bassin : rien à signaler. Hanche : rien à signaler. Fémur : rien à signaler. Tibia : rien à signaler. Je demande une échographie de la hanche. Foutrement normale. J’en réfère à mon chef qui me conseille de revoir les clichés avec un radiologue ou un orthopédiste. Je peste mais appelle l’interne. Je tombe sur un chef. Il regarde les clichés de son côté. L’informatisation a du bon. Tibia : fracture en cheveu d’ange.  Il dit : c’est évident sur le profil ! 
L’ascenseur émotionnel de l’internat. Ne pas tout remettre en question sur une erreur. Le pire ennemi : soi-même.
L’ascenseur émotionnel. Le soir, 18 heures. L’enfant a 7 ans. Il est tombé d’un toboggan. Le bras en extension. L’externe, un autre tout aussi sympathique, me dit que l’examen est parfaitement normal. Je rentre dans le box. L’enfant a cette posture typique du traumatisé du membre supérieur. Je m’assois à côté de lui, lui prend la main. Je discute, essaie de le faire sourire. J’appuie doucement sur l’extrémité distale du radius. L’enfant grimace. Sur la radiographie, fracture en motte de beurre. Nous faisons le plâtre avec l’externe. Une résine. Montre en main. Les orthopédistes nous virent presque du box pour leur blount sur salter II. En sortant, le PH d’orthopédie jette un coup d’oeil sur mon oeuvre. Il dit : du beau boulot !
Ascenseur émotionnel. Ne pas se leurrer. 
Des enfants, j’en aurai vu une petite vingtaine ce jour-là : pour la moitié d’entre eux, je me dis que je suis prêt, pour les autres
… 
Un jour, je serai seul. Seul décisionnaire. L’échéance approche. Insidieuse. Présente pourtant. Je n’appréhende pas encore. Bien au contraire. 
En attendant, je subis l’ascenseur émotionnel de l’internat. 

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Des experts sans expérience ?

Ma formation d’interne de médecine générale doit beaucoup à certains blogs, véritables mines d’or d’informations ciselées et de liens acérés. Ces derniers temps, il en est un que je cite fréquemment dans les débats au sujet de l’expertise et de la légitimité actuelle de nos experts médicaux. Celui de GrangeBlanche : ICI
Au cours de ces débats, la question posée est celle du choix de l’expert, et des déterminants de ce choix.  L’expert doit-il être indépendant ? Son indépendance le conduit-il à être moins expert que celui qui baigne dans le conflit d’intérêt honnêtement affiché ? L’expertise ne s’acquiert-elle pas, parallèlement à l’expérience, au sein même de l’industrie pharmaceutique ? 
Je défends la position du conflit 0
C’est à ce moment du débat – et que l’auteur du blog cité puisse me pardonner – que je le cite sans mesure. L’affaire Ivabradine dans les recommandations européennes me paraît une illustration parfaite de ce type de débat.
Quelle confiance (et malgré toute la bonne foi que l’on peut accorder légitimement à ces experts) accorder à de telles recommandations ? Comment prescrire sereinement de l’ivabradine par la suite ? Quel impact sur la mortalité de mes patients ? Quel impact sur ma santé publique ?
Ma position d’interne et mon manque d’expérience de terrain m’oblige à trancher : prescrire ou ne pas prescrire. Mon absence d’expérience, à la lecture de tels articles, m’incite à une certaine rigidité de prescription. Conflit 0. C’est alors que le débat s’enflamme. L’expert est tué par le raisonnement du Conflit 0. Des pseudo-experts, sans expér-ience, sont alors glissés en lieu et place des experts à conflits d’intérêts, dans le seul but d’une réassurance positive du praticien prescripteur. L’expertise perd de sa valeur, et notre système n’est dès-lors plus guidé que par des intellectuels sans valeur ajoutée pratique.
Conflit 0 : une réalité envisageable ? 
Un exemple récent dans le domaine du droit laisse songeur : Affaire Bétencourt
Que faire ? Quels choix pour nos experts ? Des têtes d’experts doivent-elles tomber pour conforter l’idéologie du Conflit 0 que je défends ? Ces têtes alors chues, notre système survivra-t-il à ce défaut d’expertise pratique ?
Putain de blogs.

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Folle journée, fin de journée

Du rouge sur les immeubles, du rose sur les cimes immobiles. Je rentre chez moi, folle journée.
J’explique au senior  – qui fait avec moi la contre-visite et qui s’étonne de ne pas me voir quitter le service – que j’ai besoin de ce temps où je range les dossiers, actualise les transmissions et traîne devant l’ordinateur. Elle me souhaite une bonne soirée. Elle est de garde, elle a déjà une heure de retard. Fin de journée.
Un temps pendant lequel, enfermé dans le bureau des internes, je prends le temps de redescendre. En douceur. Un temps pour faire le point et rejouer le match. Encore une façon de sceller un pacte avec mes patients : vous restez dans le chariot de visite cette nuit, on se revoit demain. Je prends ensuite le tramway, ouvre un bouquin et me laisse glisser dans le rouge d’un soir d’été. 
Quelques jours et je termine mes deux premiers mois dans le secteur nourrissons du service de pédiatrie d’un CHU. 
Du rouge sur les immeubles, folle journée. Je ferme les yeux.
Un couple qui confie son enfant « à particularité » à l’état. Des parents épuisés qui se noient dans une culpabilité terriblement érosive.
Du rouge sur les immeubles. Quelques moteurs dans la tiédeur ouatée de cette fin de journée, folle journée.
Des parents qui consultent parce que leur fille vomit depuis un mois. Un regard en coucher de soleil. Photophobie. Vomissements en jet. Augmentation du périmètre crânien. Scanner en urgences le matin de mon astreinte. Hématome sous-dural bilatéral. Direction la réanimation. Le sang cogne contre mes tempes, contre ses tempes. Neurochirurgie. L’innocence secouée à l’aube d’une vie chaotique. Cette après-midi, elle est de retour dans le service. Le procureur a pris une décision.
Du rouge sur les immeubles. Je lève la tête. Le ciel s’embrase, ouvre une fenêtre de feu sur les toits gris de l’avenue. Folle journée, ou journée banale.
Du rouge sur les immeubles.
Des dossiers qui sommeillent dans la pénombre du bureau des internes.
Du rose sur les cimes immobiles.
Je rentre.

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De garde

Garde.
Ou lendemain de garde.
Ça me rappelle ce premier épisode de la série ER. Couché à deux heures du matin. Et ce foutu téléphone qui résonne déjà dans l’obscurité. Il est maintenant deux heures dix. Dr Green, une douleur abdominale fébrile. Couché à 3h30. Le télépĥone sonne encore. 4 heures. Dr Green, un torticolis et une nouvelle douleur abdominale. Couché à 7 heures. Je dors, enfin. Réveillé à 8 heures. Dr Green, une détresse respiratoire. Se lever, l’enfant hurle. Il a encore du souffle, j’ai encore de la marge. Corticoïdes. Aérosols. Préparation de staff. 24 heures de garde. J’ai mauvaise haleine et la gueule en vrac. Je n’ai pas eu le temps de me laver les dents. À peine une heure de sommeil. Examen apaisant après le premier aérosol. Poursuite des deux autres aérosols. Je peux temporiser pour aller en staff. Il est 8h30. Début du staff à 8h45. Je présente les dossiers des enfants que j’ai fait hospitaliser. La douleur abdominale entre autres, celle de 4 heures du matin. Douleur systématisée en fosse iliaque gauche dans un contexte sensible : déglobulisation majeure trois ans plus tôt sur méléna, pâleur, asthénie et troubles alimentaires nécessitant une transfusion en urgences et un séjour en réanimation. Ce matin, à 4 heures, l’enfant est rassurant. J’explique que j’ai préféré le garder pour surveillance du fait des antécédents. Je ne leur dis pas que l’enfant a fondu en larmes lorsque j’ai parlé de passer la nuit dans le service. On me demande pourquoi je n’ai pas fait de bilan. Je leur explique que je n’avais aucun argument clinique. Rien à voir d’après la maman avec l’hospitalisation trois ans plus tôt. On me demande pourquoi je n’ai pas fait de numération globulaire. Je leur réponds que je n’avais aucun argument clinique. J’entends un PH lâcher et si ça avait été une perforation… Je pense : qui est-ce qui l’a vu cet enfant à 4 heures du matin, toi ou moi ? Je dis : je n’avais aucun argument clinique. Le lendemain, je demande à ma co-interne : et cette numération, vous l’avez fait ? Elle de me répondre : oui, 13,2 grammes d’hémoglobine. Probablement une encoprésie. 
Il est 10 heures du matin. J’ai garé la voiture sur un coin de trottoir et me suis traîné jusqu’au troisième étage de l’immeuble. Un soleil gris me caresse la nuque. Je suis affalé dans mon canapé, défaisant en pâle Pénélope les dernières heures de garde tissées sous l’éclat blanc des néons. Je revois le visage souriant de cet enfant se décomposer dans son box des urgences. Toutes ces situations d’autonomie que je banalise, et celles de nécessaire hétéronomie que je diabolise. Je réalise que ce n’est pas la garde qui m’effraie mais le rapport à la hiérarchie qu’elle induit, ce dilemme insolvable entre la volonté d’être autonome et celle de dépendre d’une autorité et du jugement de ses pairs. Ce juste équilibre que je n’ai toujours pas trouvé. Un pas en avant. Deux pas en arrière.
Lendemain de garde.
Dr Green, un torticolis et une douleur abdominale.

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Bras de fer et cigarettes électroniques

Mardi, je passe mon examen écrit de DU. Un diplôme universitaire d’addictologie, sans grande valeur officielle. Mais au contenu qui m’apparaît désormais indispensable lorsque je soupèse le maigre bagage addictologique de mon cursus initial. 
Un hebdomadaire national faisait sa une cette semaine sur la cigarette électronique. Un écho intéressant à l’article de Robert Molimard, du Formindep.
En parcourant l’article de cet hebdomadaire, je suis tombé sur ce passage : 

« Buralistes, pharmaciens, magasins spécialisés : tous veulent s’approprier l’exclusivité de la e-cigarette. « On ne peut pas nous demander de ne pas faire de publicité pour le tabac tout en laissant se développer partout des cigarettes électroniques contenant de la nicotine« , s’insurge Pascal Montredon, président de la Confédération des Buralistes. Il rappelle aussi ce que prévoit le Code des Impôts : les  » produits à fumer, même s’ils ne contiennent pas de tabac » doivent être distribués par les buralistes… « à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux », qui sont, eux, réservés aux pharmacies. »

Ce passage m’a posé question, me renvoyant à un dossier que j’avais rapidement parcouru pendant mes révisions, dossier qui nous avait été fourni en lectures complémentaires du DU. Un document de la Cour des Comptes. Le titre n’est pas très alléchant : Présentation au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée Nationale du rapport d’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme. Discours de M. Didier Migaud. Jeudi 13 décembre 2012.
Mais je me suis tout de même à nouveau penché dessus, accroché par les propos du président de la Confédération des Buralistes. Accrochez-vous, ça vaut le coup.
Je vous cite les passages que j’avais surligné lors d’une première lecture, et qui prennent tellement plus de sens ce soir :
« La tabaculture française est aujourd’hui résiduelle […]. L’industrie du tabac est pour autant un acteur présent et critique à  l’égard des modalités de la lutte contre le tabagisme, notamment sur l’efficacité de fortes hausses des prix : elle considère que ces hausses ont pour principal effet l’augmentation des achats hors réseau des buralistes. […] Or, selon la convention cadre de l’OMS, l’augmentation des prix du tabac et le levier de l’impôt doivent être considérés comme un « moyen efficace et important ». […] Les buralistes ont, en tant que préposés de l’administration, le monopole de la distribution du tabac. Ils ont bénéficié de près de 2.6 MdEuros d’aides entre 2004 et 2011, soit plus de 300 MEuros par ans, notamment par le biais de deux « contrats d’avenir » successifs, […] destinés à l’origine à compenser la stagnation voir la baisse du chiffre d’affaires qui était attendue au moment où, en 2003, une hausse importante de la fiscalité a été décidée. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : le chiffre d’affaires des buralistes a continué de progresser, et la rémunération moyenne des débitants, hors aides publiques, a progressé de près de 54 % de 2002 à 2011, dès-lors que celle-ci est demeurée proportionnelle aux prix. »

Je comprends mieux ce qui m’a frappé.
Les buralistes ont le monopole de la vente du tabac, et apparaissent comme un levier manifeste dans la lutte contre le tabac. Ancienne SEITA-distribution (jadis publique), ALTADIS-distribution continue d’entretenir avec l’état (par le biais du Code des Impôts) et les buralistes un lien qui freine la lutte contre le tabagisme.
La cigarette électronique est en vente libre, elle doit le rester. Libre au sens où elle n’est liée à aucun de ces deux puissants lobbying qui sont en train de se tirer la bourre : l’industrie pharmaceutique et la Confédération des Buralistes.
Concernant le lobbying de l’industrie pharmaceutique, je vous renvoie à cet excellent article de Robert Molimard, publié sur le site du Formindep : 
« Cette attitude est manifestement dictée par les lobbies de l’industrie. Avertissement sanitaire, critères qu’elle seule peut dépasser, l’industrie pharmaceutique se réserverait en effet le quasi-monopole de la commercialisation de la nicotine sur la base de sa toxicité, quand le tabac reste en vente libre ! Limiter à 4 ng/ml la concentration plasmatique de nicotine après vapotage, quand un fumeur peut obtenir 25 ng/ml de ses cigarettes, 9 ng/ml d’une simple gomme à 2 mg et 25 ng/ml d’un timbre, en est la démonstration. »
Je ne veux rien démontrer avec cet article, je n’ai ni le bagage théorique, ni la verve argumentaire. Il est simplement terrible de constater la force des lobbies en jeu. 
Il semblerait que le seul moyen pour que la cigarette électronique échappe à l’emprise des buralistes, c’est qu’elle devienne un PCN (Produit Contenant de la Nicotine) et se fasse happer par l’industrie pharmaceutique. 
La politique, l’argent et la santé publique : un ménage à trois qui a encore de beaux jours devant lui.

Mais je reste optimiste : mardi, je passe mon examen écrit de DU d’addictologie. Et même si je ne le valide pas, il m’aura ouvert les yeux sur un monde dont je soupçonnais l’existence mais dont j’ignorais les mécanismes et les terrifiants rouages qui l’animent.

Le lien ICI vers l’article de Robert Molimard.


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Correspondance

Le Jour d’après, de Rolant Emmerich, 2004
Demain, je suis de garde.
Encore.
Demain, des milliers d’étudiants en médecine s’assoient derrière des tables trop étroites. Des lignes de visages fermés dans ces entrepôts à examens. De longs traits qui s’étirent sous l’éclat des néons. Demain, ils attendent. Les chaises crissent. Ils attendent qu’il y ait un avant et un après dans ce mode sans échec, et pour tous cette effrayante enchère aux postes.
Demain. 
Il y a deux ans.
La voix dans les hauts-parleurs.
De l’encre.
Du papier.
Ils reniflent.
Demain.
Il y a deux ans.
La merde dans laquelle j’ai marchée, puis dans laquelle je me suis assis.
Des bruissements de tissu.
Des mâchonnements.
Ils toussent.
Le crissement des chaises sur les sols de béton.
La tâche humide sur le pantalon qui remplace celle de merde que je me suis escrimé à effacer.
Ils se raclent la gorge.
Les rumeurs de la rue, ou du périphérique au dehors.
Les murmures des surveillants.
Les chasses d’eau.
Ils toussent encore.
La pénible attente.
La délivrance.
Demain.
Il y a deux ans.
Mais demain, je suis de garde. Un avant et un après. C’était il y a deux ans. 
Alors courage à tous.
Demain. Il y a deux ans. J’ai compris que mes rêves, mes espoirs ou mes idéaux pouvaient ne pas dépendre de ce concours. Un simulacre de rituel de passage. Et s’il y a bien un avant et un après, ce n’est pas pour demain, ou il y a deux ans.
… 
Blouse sur le dos et bip de garde dans une poche, je pense à vous.
Alors courage à tous et bon vent, où qu’il puisse vous porter.
Cordialement.
B., un admirateur.


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J’ai mangé avec un laboratoire

6h35. Je me réveille. Je tire un peu plus la couette sur mon visage, encore 25 minutes. Je ferme les yeux. J’ouvre les yeux. 6h43.  Je ferme les yeux. J’ouvre les yeux. 6h59. Le réveil sonne. Je me douche, péniblement. Avale une tranche de pain de mie entre deux gorgées de café. 7h50. L’heure du départ. J’attrape le tramway. Direction le CHU. 8h17. Je suis encore en avance pour le staff, je suis toujours en avance. C’est maladif. Personne n’est là. 9h00. La visite commence. Premier tour chez les nourrissons : prescription des laits, véritable débâcle de noms commerciaux qui fait écho à l’affichage outrancier étalé dans le bureau des internes : stylos lumineux, blocs-notes, calendriers, fiches récapitulatives, etc. 9h30. Deuxième tour, le vrai. Seulement deux patients. 9h45. Période creuse chez les nourrissons, on m’envoie faire les entrées chez les « grands ». 9h56. Une pensée pour Perruche en Automne : suspicion de syndrome hémolytique et urémique, et un syndrome néphrotique pur. 9h58. J’imprime les protocoles de prise en charge de SHU et de syndrome néphrotique. 10h34. J’essaie toujours de déchiffrer les protocoles. 11h30. Je retourne dans le secteur des nourrissons. Une visiteuse médicale discute avec mon chef à propos d’une invitation à un congrès d’allergologie. 12h35. Mon chef revient nous informer que le service a organisé une présentation sur la dénutrition de l’enfant à 13h00, mais qu’il serait important d’assister d’abord à un cours prévu à 12h30 sur la prise en charge des cancers cutanés. 12h40. Nous assistons à ce cours sur la prise en charge des carcinomes épidermoides présenté par une dermatologue et un chirurgien maxillo-faciale. 12h41. Je m’endors. 12h42. J’ouvre les yeux. 12h43. Ma voisine entame au sandwich. 12h44. Ça y est, j’ai la dalle. 13h05. Je demande : quelle place pour la télémédecine dans la surveillance dermatologique ? La dermatologue me répond que tous les patients d’un cabinet de médecine générale doivent avoir une consultation annuelle chez un dermatologue. Je ne réponds rien, blasé par l’absurdité ubuesque de sa réponse. 13h15. Nous arrivons à la présentation. 13h16. Devant les petits fours étalés sur la table de staff, les dépliants, et l’homme en costume planté devant le rétro-projecteur, je me dis : merde, laboratoire.  Alerte rouge. Trop tard, tout le monde est déjà là. Je m’assois. 13h20. Je me dis ; ne prends pas de gâteaux, t’es indépendant, t’as fait le serment PharmFree. Mon estomac n’est pas d’accord. Ma conscience lutte. Mon estomac n’est décidément pas d’accord. Ma conscience lutte. Mon estomac envoie ma conscience se faire foutre. Je me goinfre. 13h27. Je ne comprends rien à la présentation. Trop spécialisée, ciblée sur une patientèle pédiatrique hospitalo-universitaire. Ma conscience panse ses plaies : pas ta catégorie de patients, rien à te reprocher. Déni d’influence évident. 13h28. Je m’endors. 13h34. On rit autour de moi. Je me réveille. On rit un peu plus. Ma chef me dit : pour une fois que ce n’est pas moi qui pionce. Elle sourit. 13h35. Désormais reposé, je réfléchis à la réalisation d’une charte d’indépendance qui remplacerait le désuet serment d’Hippocrate. Une charte qui, par sa généralisation et son officialisation, écarterait de notre formation l’influence de l’industrie pharmaceutique.  13h36. Je me rendors. L’homme continue de parler. Des chiffres. De la dénutrition. 14h00. Retour dans le service. Trois entrées sont annoncées.
Bref, aujourd’hui, j’ai mangé avec un laboratoire. 

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La case départ, encore ?

Nouveau semestre.
Le parachute a été plus prompt à s’ouvrir. Mes chevilles n’ont pas souffert à l’atterrissage. Je crois que je prends plus rapidement le pli. L’expérience, peut-être. 
Un quatrième semestre, un nouveau semestre. Et déjà la moitié de mon internat achevé. Retour aux sources. Le CHU. Matrice féconde de mon entité soignante, celle contre laquelle je me suis tant révolté étudiant. 
Il y a deux ans, à propos de l’ubuesque échec de l’épreuve de LCA aux ECN, j’avais écrit sur ce blog :

«  »Faculté à étudiant en détresse, je ne vous reçois pas. »
J’aimerais croire que c’est mon poste récepteur qui est défaillant, et que ce message tourne en boucle dans l’atmosphère hertzienne. Mais, je suis sceptique.
Sinon nos élus, notre faculté n’a toujours pas donné de signes de vie. Quel est l’avis du doyen ? Ses conseils ? Ses encouragements ?
Silence radio sur la ligne qui relie les étudiants de la faculté de médecine de … à son califat. 0 sur 5.
Silence radio depuis… La PCEM 2 peut-être, où notre doyen était venu nous féliciter de la réussite du concours de PCEM 1, cette même équipe pédagogique qui avait évoqué que sans mention au bac, point de salut. Je me gausse, s’il savait… 
Mais tout ça, c’est du passé. Aujourd’hui, rien. Dans quelques autres facultés, on parle déjà d’étendre le mois sans solde et de mettre en place des conférences de LCA pour sculpter un peu plus les silhouettes olympiennes de leurs élites. De mon  côté, je me demande simplement si j’aurai le droit de ne pas quitter trop tard les urgences pédiatriques pour plancher sur mes cours et annales.
Le calife est silencieux, son bon vizir l’est aussi, trop occupé à devenir calife à la place du calife. Nous regardons les autres facultés relever des étudiants tombés sur le champs de bataille ; à l’ouest, rien de nouveau. »

Il y a quatre ans, au sujet d’énièmes sessions de « rattrapages pour tous », j’avais écrit :

« La Faculté de médecine de … est une cave sombre. Des bas-fonds sordides dans lesquels se développent les réseaux arachnéens que tissent le doyen et ses sous-fifres.
Règnent dans ces ténèbres permanents les mains anémiées, mais ô combien agiles, de ces marionnettistes aveugles qui ne voient pas venir la chute.

Des araignées qui tapissent dans les ombres glacées de la cave du CHU la toile de l’échec.

Rappelons ici qu’aux dires du chef de cette noble entreprise, l’échec de plus de deux tiers d’une promotion dans une matière – dont les antécédents pédagogiques sont déjà lourdement chargés – ne peut-être que d’origine étudiante.

Nous abhorrons la structure qui est censé bâtir les fondations de notre profession future. Nous vous haïssons, vous et votre vision passéiste d’un enseignement qui n’est que le spectre de souvenirs qui vous hantent. 

Comment vous faire comprendre que les temps changent, que les étudiants ne nourrissent plus le désir de s’enliser dans les ténèbres de cette univers que vous glorifiez ? 

Il faut qu’un journaliste frappe au seuil de votre institution pour que votre infernale machinerie fasse marche arrière.

Comment ne pas vomir ce système ? Comment ne pas détester cette faculté ? Et pourtant, j’aime profondément ce pourquoi je foule son sol corrompu, laissé à l’abandon.

Car vous l’avez abandonné en désignant seul coupable des étudiants face à un échec dont il est flagrant que vous en être les principaux auteurs. »

Il y a 6 ans, après l’échec de plus de la moitié de ma promotion à l’examen de sémiologie, j’avais écrit un papier dans le journal de la faculté :

« La pédagogie est un art qui s’apprend et se modèle.
[…]
Vos titres de professeur ne sont rien d’autres que des mots, tristes illusions de pouvoir et de puissance. Arrêtez de nous faire croire en cette omniscience ridicule et redescendez sur cette bonne vieille terre où il n’y a pas si longtemps, vous traîniez vos godillots usés, avides de connaissances.
Et vous, M le Très Puissant …, médecin … et spécialiste du …, derrière votre masque de clown puéril, que se cache-t-il? Une marionnette scientifique grisée par ses capacités ignorées? Auriez vous besoin que je vous redéfinisse la vraie nature de la sémiologie? L’étude des symptômes et des signes pathologiques et non les principes biophysiques d’un appareillage dont vous êtes le spécialiste. 
 […]
Quand à vous, passéistes étriqués aux morales figées, cessez de projeter sur le corps estudiantin votre haine de ce système hospitalier et universitaire. S’il est ce qu’il est maintenant, à qui la faute? »
Je me rappelle enfin de mes premiers pas dans cette faculté, jour de la pré-rentrée de PCEM 1. Je ne connaissais personne. J’avais changé de région un mois plus tôt, laissant derrière moi une année folle à Lyon. Je revois cette tour se dresser lentement devant moi tandis que nous glissions sur le périphérique urbain. Aujourd’hui encore il m’arrive de ressentir les échos puissants du charisme que m’avait d’abord inspiré ce colosse de béton. Une ombre intimidante que j’étais alors pressé de conquérir. 
Aujourd’hui, je circule dans ses entrailles d’amiante comme en territoire conquis. J’appréhendais mon retour au bercail. Je souris maintenant à la  lecture de ces quelques textes écrits pendant mes études, et à leur véhémence pompeuse.
Le CHU, ce géant qui n’en est pas un.
Parce que désormais je le connais, je souris à l’étudiant que j’étais il y a peu.
Parce que je sens sa respiration épuisée souffler sur ma nuque, je comprends que son ombre est une illusion. Son charisme est une illusion. Percé à jour, il ne me fait plus peur.
Fort de toute la richesse d’un internat de médecine générale, fort des rencontres de la médecine 2.0, j’aborde avec une sérénité nouvelle ce stage en CHU.
Voici un lien indispensable pour comprendre l’échec de l’épreuve de LCA aux ECN 2011 : ICI


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La parole est donnée aux urologues

Dans le numéro d’avril 2013 de la Revue du Praticien, la parole est volontairement donnée à l’AFU (Association Française d’Urologie) pour qu’elle expose son argumentaire quant à sa position sur le « dépistage individuel précoce » du cancer de la prostate.
Je rappelle que l’AFU propose « une détection individualisée précoce du cancer de la prostate après information objective des hommes à partir de 50 ans sur les enjeux de la démarche ».
L’édito, après une piqûre de rappel épidémiologique et contextuelle, explique que ni l’HAS ni l’INCa « ne recommandent un dépistage systématique, même pour les personnes qui ont un risque plus élevé ». L’auteur se pose donc la question du dépistage individuel devant une situation complexe pour le médecin traitant, et propose un espace argumentaire pour les urologues, tandis que le site internet du mensuel donne les liens vers les recommandations de l’HAS et de l’INCa.
La partie qui me pose question est celle rédigée par les docteurs Michel Soulié et Laurent Salomon. Pour justifier leur position d’un dépistage individuel précoce, et non d’un dépistage systématique, les deux auteurs s’appuient sur l’étude européenne ERSPC qu’ils mettent en balance avec celle américaine PLCO.
Au terme du paragraphe concernant l’étude ERSPC, voilà ce qui est dit : « au total, l’étude ERSPC montre la réduction de mortalité de 21 % en cas de dépistage systématique par dosage du PSA par rapport à l’absence de dépistage, entre 55 et 69 ans (suivi au moins 11 ans). Cette réduction est de 29 % pour l’homme ayant effectivement réalisé le dépistage. Dans cette étude, le dépistage par dosage du PSA réduit bien la mortalité. »
Dans ce chapitre, on retrouve un encart intitulé Quand et  comment prescrire un dosage de PSA ? Au fil du texte, on retrouve : « arguments pour : […] l’étude européenne a montré une baisse de la mortalité liée au cancer de la prostate de 21 % après un suivi de 11 ans d’une population de 55 et 69 ans ».
Cette étude apparaît donc comme une pierre angulaire de leur argumentaire.

Pourtant, jeune interne de médecine générale et sans grande expérience, à ce stade de ma lecture s’imposent à moi quelques questions :

1 – il est fait référence en début de paragraphe du gain de survie spécifique concernant ces deux pourcentages (21 et 29 %). Aucune donnée concernant la survie globale. La conclusion omet-elle simplement de la mentionner ? Y a-t-il un impact sur la survie globale, et si non, quel intérêt alors ?
2 – il est nullement mentionné dans cette conclusion le caractère absolu ou relatif des chiffres présentés. En 2009, la baisse du risque relatif de 20% correspondait à une réduction du risque absolu de 0,1 %. L’actualisation des données en 2012 avec ces chiffres de 21 % et de 29 % (après « décontamination du groupe contrôle, ayant eu un dosage de PSA avant le début de l’étude ») ne me pas paraît plus probante en terme de réduction de risque absolu.
3 – l’AFU propose un dépistage « individuel » à partir de 50 ans. La preuve n’étant faite qu’entre 55 et 69 ans, d’où sort ce chiffre ?
4 – d’après les auteurs, le dilemme réside dans « l’idée reçue d’un traitement immédiat quasi-systématique des patients diagnostiqués lors du dépistage ». Pour renforcer leur point de vue, les deux auteurs soulignent « qu’aucune étude n’a comparé la qualité de vie d’hommes non dépistés à celle d’hommes traités ou surveillés pour un cancer de la prostate ».
En tant que médecin traitant, comment expliquer à un patient à qui il a été proposé une « détection individuelle précoce » qu’il a effectivement un cancer, mais que ce cancer ne mérite pour le moment qu’une surveillance active (protocole terrifiant décrit dans un autre chapitre par le Dr Ploussard : « basé sur un rythme de consultations tous les 3 à 6 mois, avec un dosage de PSA et un examen clinique avec toucher rectal. Une nouvelle série de biopsies dans les 6 à 18 mois suivant la mise en route de la surveillance  […] et des biopsies anniversaires avec un intervalle de 2 ans »)?
Anxiogène, non ?
5 – enfin, quelle est la différence entre un « dépistage systématique organisé » et une « détection individualisée précoce après information objective des hommes à partir de 50 ans », sinon la complexe notion d’information ? Doit-on en conclure que le problème, encore une fois, est lié aux médecins généralistes qui informent mal ? Ce n’est pas sans rappeler cette histoire sur les pilules de troisième génération, sur-prescrites par les gynécologues…
Ces questions me laissent perplexes, d’autant que cette monographie a pour objet de représenter « les arguments des urologues », autrement dit l’AFU. 
Les données ne sont pourtant pas claires et les nuances entre « dépistage systématique organisé » et « détection individualisée précoce après information objective des hommes à partir de 50 ans » m’apparaissent vaporeuses.
Vos avis comptent. N’hésitez pas à éclairer ma lanterne.

NdR :Vous pouvez retrouver la monographie dans le numéro 4 du tome 63, avril 2013, de la Revue du Praticien. Voici le lien internet : 

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Derniers jours

Code de conduite de l’interne face aux visiteurs publicitaires que reçoivent ses praticiens :
– Article premier : « tu ne donneras ton avis sur le sujet que s’il t’est directement demandé. »
– Article second : « tu ne t’adresseras à ton praticien que lorsque le visiteur publicitaire reprend son souffle. »
– Article troisième : « tu ne citeras la revue Prescrire qu’en ultime recours.« 
Derniers jours en cabinet de médecine générale.
La tour se dresse dans l’horizon, une tour de béton et d’amiante : le CHU. Cette tour froide et austère qui a pourtant vu mes premiers pas d’étudiant en médecine. Un retour à la source dans ma matrice hospitalière.
En attendant, je passe mes dernières journées en cabinet de médecine générale où j’y rencontre encore quelques derniers visiteurs publicitaires.
Le cardiologue souhaiterait manger avec toi, dit madame NACO à mon praticien, mercredi prochain. Ça fait longtemps et ce serait l’occasion de faire le point sur le dabigatran.
Oui, je dis à mon praticien en lui faisant un clin d’oeil, tu pourras leur amener la revue de littérature que je t’ai imprimé à ce sujet. [erreur : j’ai dérogé aux deux premiers articles de mon code de conduite]
Une revue de la littérature ? Elle tourne la tête vers moi, se rappelant brusquement que le pot de fleur en question est humain et qu’il a fait des études. Et qu’est-ce qu’elle dit votre revue sur le dabigatran? [Cf Article premier]
Que des bonne choses, je lui réponds tout sourire, avec un nouveau clin d’oeil en direction de mon prat’. Que des bonnes choses.
Là, elle s’énerve. Non content d’être doté d’humanité, le pot de fleur semble avoir un avis sur le sacrosaint dabigatran, et le pot de fleur a osé en faire part à son sénior et maître. La grande dame, physiquement et auditivement très imposante, enfonce en profondeur son regard dans celui de mon praticien. Lui se tortille sur la paillasse, mal à l’aise. Ses paupières saignent presque.
Le dabigatran, blablabla, nouveaux protocoles au CHU avec le professeur Tournesol, blablabla, espérons que vous soutiendrez cette initiative, blablabla, peu d’intéractions médicamenteuses, blablabla. Des questions ?
Une alarme s’allume tandis que je sirote mon thé. Elle ne dit pas tout, ou ne sait pas qu’elle ne dit pas tout. [cf Article second du code de conduite] Je dis à mon praticien :
Je crois qu’il faut rester méfiant quant à de possibles interactions avec certains inhibiteurs calciques et l’amiodarone. 
Elle se tourne à nouveau vers moi, furibarde :
C’est faux ! Il n’y a pas d’intéraction avec l’amiodarone !
Elle est vraiment furibarde. Je suis étonné par sa véhémence. 
Je crois pourtant, à propos du système d’inhibition de la glycoprotéine P, qu’il y a bien une interaction avec l’amiodarone qu’il faut tout de même garder cette notion en tête quand on prescrit des…
C’est FAUX ! C’est FAUX ! Quelles sont vous sources ?
Là, c’est à mon tour d’être mal à l’aise. Pas à cause des sources, mais à cause de la violence de ses propos. Je ne veux pas entrer dans une guerre inutile de citations, et pourtant… Peut-être à cause de la virulence de mon interlocutrice, ou de mon goût prononcé pour la polémique. 
Minerva, je murmure à peine. [Cf Article troisième]
Elle enrage : MINERVA ? C’est quoi ça ? Elle sait que sa crédibilité se joue maintenant, là, face à ce pot de fleur qu’elle imaginait inerte à l’entrée, pot de fleur qui soit dit en passant lui avait gentiment proposé du thé tandis qu’il s’en servait une tasse.
Désormais très mal à l’aise et le palpitant cognant à tout rompre, je tente une pirouette : une société savante indépendante. Je suis surpris d’entendre encore le son de ma voix, éraillée, à peine audible. Elle m’effraie vraiment.
Elle sur le point d’exploser. L’ouragan DABI se déchaîne sur la salle de pause :
INDEPENDANTE ? Encore cette nouvelle génération formatée à la faculté par ce CONNARD d’I… Elle fait référence à un jeune enseignant de médecine générale que j’ai quelque fois croisé à la faculté et qui est réputé pour ne pas porter dans son coeur le concept de visite publicitaire. Je bous. Elle insulte devant un interne un enseignant de médecine générale qui a pour ambition l’indépendance de notre formation. Mes phalanges blanchissent. Elle continue : ce mec est un connard. Sans les laboratoires, il n’y aurait pas de recherches. Et vous, pour qui vous prenez vous ? Vous n’avez pas l’expérience d’un rythmologue de CHU qui a vingt années de carrière derrière lui.
Elle reprend son souffle, et pointe son doigt vers moi. [cf Articles 1 et 2] Je réponds : je n’ai pas non plus ses conflits d’intérêts.
Silence.
Mon praticien m’attendait sur le pas de la porte. Nous retournons ensemble en consultation.
Lorsqu’une heure plus tard, je reviens en salle de pause, la secrétaire me confie que la visiteuse est partie furieuse, qu’elle m’a traité de tous les noms, avec entre autres : ce petit con, ce connard qui n’est même pas médecin, tout juste interne, etc, qui se prend pour un médecin, un jeun con, etc. La secrétaire rit. Je lui dis que je suis embêté. Elle me dit de ne pas m’inquiéter, que c’est pas tous les jours que cette dame tombe sur quelqu’un qui lui tient tête. 
Je suis encore très mal à l’aise. Mon praticien feuillette la plaquette que lui a laissé la visiteuse. Il me dit :
tu avais raison à propos de l’amiodarone. Il me tend la plaquette et effectivement (dans la RCP qu’ils sont obligés de publier en queue d’encart promotionnel) il est inscrit que « l’amiodarone peut modifier les concentrations sanguines de dabigatran« .
Mon praticien rit. Je lui dis : merci chef.
Derniers jours avant de fouler du pied le linoléum des urgences pédiatriques du CHU. En attendant, je passe ces dernières journées en cabinet de médecine générale où j’y rencontre encore quelques derniers visiteurs publicitaires. Une thèse se profile franchement.

Liens en question :
ICI et 

à lire aussi : 
“comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre”

et pour se détendre :
Gangnam Style

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PMA : une affaire d’hommes ?

“You shut your mouth. Or I’ll kick your teeth down your throat and I’ll shut it for you.”  Drive
De nombreux blogs ont trait à la procréation médicalement assistée. Des blogs féminins, en particulier. Une centration singulière autour de la technique médicale, de la datation de cycles et des bilans hormonaux. De l’expression d’un deuil contre-nature. Une souffrance presque palpable, entre chaque ligne de chaque billet ou de chaque commentaire. Une souffrance du quotidien, ou de l’absence de quotidien attendu. 
Mais cette souffrance, je ne m’y retrouve pas. Et foutrement pas.

Être un homme, en PMA, c’est plutôt quelque chose comme :
– se lever aux aurores pour se branler dans un pot stérile, la gueule en vrac, en se tapant une captation pornographique vulgaire là où de simples clichés érotiques auraient probablement suffis.
– s’entendre dire qu’avoir des mouettes neurasthéniques à la place de vigoureux et vaillants nageurs ne remet certainement pas en cause la virilité (l’équivalent pour la femme de : n’y pense pas, c’est dans la tête. Ce qu’il faut d’ailleurs répondre mesdames : et si je te fourre mon doigt dans le cul, et que je te dis d’arrêter d’y penser…)
– ruer dans les brancards avec ses potes pour les obliger à aborder le sujet de la PMA : j’ai vu le dernier Katsumi au laboratoire. Tu devrais passer. La scène de l’éjac’ faciale est plutôt sympa. Un peu surfaite. Non, sérieusement… Arrêt des rires gras. Froncement de sourcils. Emballer c’est peser.
– supporter le fait que le gynécologue (en général le gynécologue de la compagne, son gynécologue) ignore superbement l’entité masculine pourtant bien présente, et qui a su patienter fébrilement dans la salle d’attente entre deux visiteurs médicaux très expansifs. 

– accepter l’idée que il n’aura jamais à faire le deuil d’une grossesse, et donc qu’il ne peut vraiment pas comprendre pourquoi c’est une obsession parce que toutes les copines tombent enceintes et pas moi, et que non je ne pleure pas toutes les cinq minutes, et que de toute façon tu veux toujours faire une pause dans la PMA, et qu’heureusement que je suis là parce que sinon on en serait encore à faire des courbes de température…
– proposer à sa compagne de casser les genoux du gynécologue en question qui l’a encore une fois faite pleurer en lui donnant des prises de sang « au cas où » la troisième insémination échoue, ou de crever les pneus de la caisse du prochain couple qui nous annonce une grossesse ( cf item 2 sur le sujet de la virilité)

accepter la culpabilité de ne pas vouloir traiter son varicocelle, parce que c’est peut être pour ça que tu as des mouettes neurasthéniques à la place de tes spermatozoïdes, et cesser d’argumenter en faveur d’un possible biais de confusion entre l’hypofertilité sociétale grandissante et l’incidence élevée de varicocelle. 
– s’obliger à faire le tri des films qu’ils peuvent voir ensemble ; non, je t’assure, tu ne vas pas aimer le dernier Ridley Scott, en particulier le passage où l’héroïne, stérile de son état, se fait inséminer un poulpe extra-terrestre. Holy Lola ? Mmm…
– réaliser après deux années de tentative de PnMA (procréation non médicalement assistée) que le décalage permanent et quotidien qu’il y a entre l’obsession violente et viscérale de sa compagne et son propre désir d’enfant, à lui, ne vient pas d’une quelconque crainte d’engagement.
 sourire bêtement lorsque la gynécologue vante les qualités de son sperme une fois la préparation par le laboratoire terminée ( cf ici encore item 2 sur le sujet de la virilité… Décidément.)
– tenter de rassurer sa compagne sur des valeurs de dosages hormonaux dont il ne comprend en rien la signification, et dont elle sait pertinemment qu’il n’en comprend pas le sens, mais qu’à ce stade, ils s’en foutent tous les deux.
– réaliser qu’en période d’ovulation (confirmée par des tests urinaires achetés en Chine), ça lui arrive de s’entendre dire à sa compagne : non, pas ce soir, ça fait déjà trois fois en trois jours, il est une heure du matin, on rentre du ciné, et je suis claqué… (cf item 2 : rhaaaaaa)

– se faire expliquer plusieurs fois par mois les principes de la phase lutéale
– s’apercevoir que ce n’est pas la première fois qu’il pose la question : ah bon ? on est pris en charge à 100% ? Et regretter aussitôt de l’avoir posée, cette foutue question.
– lire que l’infertilité, c’est une affaire de couples, et réaliser que le couple en question c’est sa compagne et son gynécologue.
– savoir ne plus dire : mais ne t’inquiète pas, tu es encore jeune…

savoir entendre je remets en cause mon statut de femme, d’épouse et de partenaire de vie, et il va falloir que tu assures là, maintenant, tout de suite et me rassurer grave en sortant l’artillerie lourde quand sa compagne lui dit : tu veux toujours un bébé avec moi ?

– savoir dire on est les plus forts quand il a envie dire putain, c’est vraiment la merde. Notre couple va exploser en vol.

– se surprendre à rêver de se présenter devant les ovaires de sa compagne avec le charisme de Ryan Gosling dans Drive, le cure-dent au coin de la bouche et le moteur de l’Impala grondant en fond sonore. De regarder ces foutus ovaires droit dans les yeux, de desserrer lentement les mâchoires et de leur dire : faites pas chier cette fois.
Parce qu’être un homme en PMA, c’est tout ça, et tellement plus encore. Et parce que je ne m’y retrouve foutrement pas sur les blogs ou les forums d’infertilité sur le net, j’écris ce billet que je dédie au mec d’une blogueuse qui saura se reconnaître, et à tous les mecs qui endurent ça à leur façon dans un mutisme qu’ils s’imposent face à la souffrance tellement plus naturelle de leur compagne. 
S’il est aujourd’hui officiel que l’infertilité est une affaire de couple, la PMA est décidément affaire de femmes.

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Publicité : ce déni d’influence

« Après lui avoir donné l’habitude de raisonner juste et de ne pas se laisser payer de vaines paroles, il avait négligé de lui dire que, chez l’être peu considéré, cette habitude est un crime ; car tout bon raisonnement offense. »
Le Rouge et le Noir, Stendhal
Les Smashing Pumpkins hurlent dans mes écouteurs. Quelque part, ça m’apaise. Je rentre chez moi, mais je vais avoir du mal à poursuivre la rédaction de mon mémoire. J’ai besoin d’écrire ce billet. Je découvre, je crois, ce que sera mon cheval de bataille ces prochaines années.
Le déni d’influence. Une conviction profonde qui m’anime. La conviction que ce déni d’influence impacte directement la santé des patients et leur impose une perte de chance indéniable sous couvert de promotions et de campagnes publicitaires indécentes.
Mon lien avec le laboratoire est clair, me dit mon praticien cette après-midi, j’accepte les restos, accueille les visiteurs médicaux, mais je reste celui qui prescrit.
Le déni d’influence. 
Dernier exemple présenté et vendu à mes praticiens comme un miracle de la médecine moderne, et que l’on retrouve dans les les tabloïds médicaux ce mois-ci : la dapoxétine.
En 2009, Prescrire disait :
« En France, pas d’avis de la HAS. Au 2 octobre 2009, aucun avis de la Commission française de la transparence concernant Priligy° n’a été rendu public, ce qui est cohérent en l’absence d’AMM valable en France. »
Mais en 2013, l’HAS ne semble toujours pas connaître, et ça remplit pourtant efficacement les encarts publicitaires prévus à cet effet : à vos marques, prêts, bandez !
La conviction du déni d’influence me met dans une position délicate au quotidien : celle du non
Je n’ai jamais autant dit non que pendant ce semestre.
J’ai encore refusé deux restaurants offerts par des laboratoires aujourd’hui : le premier m’a été proposé par un de mes praticiens, le second par un co-interne qui remplace un de mes praticiens en vacances. C’est le chef de service des urgences qui propose un restaurant à l’ensemble des internes de médecine générale avec le laboratoire JANCU-LASECK. Tu veux venir ?
J’ai aussi refusé un peu moins d’une dizaine de plaquettes publicitaires proposées par deux visiteurs médicaux, aujourd’hui toujours. Une erreur dans le calendrier publicitaire, deux pages de réclamations au lieu d’une.
La semaine dernière, une amie et étudiante en 6° année de médecine m’a dit : si c’est un endocrinologue du CHU qui prescrit, c’est qu’il a ses raisons. Il lit les études. Je lui ai répondu : il est aussi possible qu’il soit une cible plus marquée du marketting pharmaceutique. Elle, à son tour : peut-être, mais on ne peut pas lire toutes les études. Les spécialistes les lisent dans leur domaine de prédilection, et tu sais, un grand nombre de médecins généralistes n’ont pas un très bon niveau.
Chaque semaine, et suite à mon inscription l’an dernier à un syndicat d’internes, je reçois La Revue du praticien de Médecine Générale. Je la lis en général aux toilettes. N’y voyez aucune métaphore. Cette semaine, la une titre : « le bilan allergologique : quels tests ? ». Le dossier est présenté de la page 243 à 247. En pages centrales, c’est-à-dire 242 et 243, on retrouve à droite l’introduction du « dossier », et à gauche – pleine page – une publicité sur le ketolifene « Zen face aux allergies ». Quatrième de couverture : bilastine « contre les symptômes de l’Allergie ». 
Malgré le travail qu’il fournit et l’énergie qu’il dépense, je ne me suis pas inscrit à ce syndicat cette année. 
Alors partout, vous dis-je. Et c’est dans cet état épuisant de vigilance que j’écris ce billet ce soir. Les Smashing Pumpkins hurlent. Quelque part, ça m’apaise. Ma faculté ne joue pas son rôle de filtre. Les internes sont inondés de cette influence omniprésente de l’industrie pharmaceutique. Au détriment du patient. Au détriment d’une formation indépendante. L’état ne joue pas son rôle. Et je suis fatigué de cette conviction qui s’est un jour imposée à moi : le déni d’influence tue.
« Donner moi la force de changer ce qui peut être changé, d’accepter ce qui ne peut pas être changé, et la sagesse de faire la différence entre les deux »

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Une minute de silence

« Je vois les reflets d’une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité. »
Chauteaubriand, Mémoires d’outre-tombe, livre 42°, chapitre 18
Borée décroche sa plaque. 
L’article s’inscrit désormais comme une épitaphe, sous les flashs et les micros des tabloïds médicaux. La pierre tombale de la médecine générale en pleine lumière. Une image qui fera probablement sourire fulminer Christian Lehmann.
Mais Borée décroche sa plaque. Un jeune médecin disparaît dans la poussière des déserts médicaux. On imagine une foule de silhouettes sombres s’agglutiner devant la porte de son cabinet, une foule silencieuse, respectueuse, gonflée d’un hommage séculaire pour cet homme sacrifié.
Son article m’a ému, profondément. Je dois beaucoup à Borée, et aux rencontres qu’il m’a permis de faire.
Le même soir, Genou des Alpages a lancé dans l’océan du web son concentré de désespoir. Une bouteille pleine d’une colère noire et d’une rage débordante. Une dose de charge brutale, violente, consumant tout sur son passage. Je n’y ai pas vu une attaque du système d’aide médical d’urgence. J’y ai vu une usure colorée : du rouge et du noir. Une usure professionnelle. Un homme éreinté par les conditions désastreuses dans lesquelles il travaille et qu’on lui impose. Ce même homme qui avait écrit un effrayant billet sur la médecine française humanitaire.
À son tour, Matthieu Calafiore, symbole pour moi d’optimisme engagé, pousse un cri de colère. 
Merde. 
Interne de médecine générale, il me reste encore trois semestres pour pouvoir exercer une médecine que je construis au quotidien à travers mes lectures et mes rencontres. Quand on veut faire de la médecine en cabinet, trois semestres à bouffer de l’argument d’autorité à l’hôpital, c’est long. Pourtant je suis d’un naturel optimiste. Le ton de mon blog est noir, rude, mais de la même façon que les rayons sous-tendent la structure d’une roue, c’est l’espace entre les rayons qui lui donne sa forme. Mes mots sont noirs, mais ma confiance en l’avenir inconditionnelle : parce que je crois en la médecine par les preuves, parce que je crois en la dé-prescription et au démontage en règle des arguments d’autorité, parce que je crois en l’indépendance de la médecine, mais surtout parce que tout ça, je ne l’ai pas découvert en stage. L’essence du soignant que je suis en train de devenir, je la cultive ici, sur la blogosphère.

Borée décroche sa plaque ?
Je crie : courage, les renforts arrivent !
Et dans un avenir encore brumeux, j’accrocherai la mienne avec confiance.

Les liens cités :
– Borée : http://boree.eu/?p=3204
– Genou des Alpages : http://genoudesalpages.blogspot.fr/2013/03/mi-fevrier.html et ici pour la médecine humanitaire : http://genoudesalpages.blogspot.fr/2012/11/je-fais-de-lhumanitaire.html
– SommatinoRoots : http://sommatinoroots.blogspot.fr/2013/03/de-la-medecine-generale-lindifference.html
et plein d’autres sur https://www.clubdesmedecinsblogueurs.com/


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Le chien aboie, et la caravane…

Ce semestre est marqué par un concept nouveau pour moi, un concept que j’appréhendais, formé dans un univers stérilisé et anonyme : le concept de visite à domicile. 
Comprenez ici que l’on explore une sphère bien plus intime que celle habituellement effleurée par la visite médicale en cabinet ou en service hospitalier. Plus intime, donc plus vulnérable.
Mais lorsque la visite a lieu dans une maison de retraite, ou une unité fermée de patients déments, le concept de visite à domicile prend un sens tout autre. 
Un sens étonnant.
Mon praticien et moi surgissons d’une tempête de neige, hirsutes et blancs. Nous traversons le hall de cette maison de retraite que je pensais connaître. Nos semelles hurlent sur le linoléum : changement brusque de direction. Nous pénétrons dans un secteur qu’il ne m’avait pas encore été donné de visiter. 
La porte s’ouvre et un chien nous accueille. Un petit chien avec un collier argenté. Je n’y connais rien en race de chiens. Des étoiles sur le collier. Il saute entre nos jambes crottées. Jappe. Emmerde un infirmier qui se démène avec son chariot.
Nous faisons quelques pas et l’infirmier, un masque sur le visage, s’approche.
C’est pour Mme U. ? Il nous demande. Elle est dans le salon. Il pointe du doigt la véranda à l’autre bout du couloir.
Ici, les murs sont jaunes. De la briquette. Des tâches de couleur partout. Des linteaux multicolores. Nous progressons dans le fameux couloir qui mène au salon. 
Elles sont trois, assises sur des chaises et elle nous regardent passer. Une sourit. Les deux autres sont impassibles. 
Bonjour mesdames.
Le chien continue son manège épileptogène. La queue frénétique et le bassin oscillant, il nous suit.
Nous arrivons dans le salon en question. Une neige épaisse recouvre le jardin. Des flocons s’écrasent sur le verre qu’une vieille femme semble vouloir orchestrer du bout de l’index. Mme U.  Elle est assise. Nous approchons.
Bonjour Mme U. 
Ah ? Bonjour.
On vous accompagne dans votre chambre, dit mon praticien. Prenez mon bras.
Nous repartons dans l’autre sens. Recroisons la brochette d’octogénaires. Le chien continue de bondir autour du chariot infirmier. 
Mais une petite caresse, dit la première octagénaire à l’infirmier, une petite caresse ! Ça coûte rien ! Allez-donc, une caresse de rien.
Je m’attendris quelques instants devant cet étonnant tableau. L’infirmier moins. Il connaît ses patientes. Moi pas. Il reste pourtant calme, maîtrisant l’équilibre précaire du matériel jeté là sur son chariot.
Oui, une petite caresse !
Et la seconde octagénaire de répondre, haineuse :
Des coups de pied au cul, plutôt. Des coups de pied au cul !
L’autre ne se laisse pas démonter.
Des caresses, ça coûte rien, des
coups de pieds, des

caresses de rien
Derrière nous, déjà, l’infirmier a pris une décision pragmatique dans cet univers de patience : le chien saute et aboie, mais de l’autre côté de la baie vitrée.
Le couloir franchis, un second se présente à l’angle, avec son défilé de portes jusqu’à cet horizon marqué par une nouvelle fenêtre enneigée. Je prends le bras de Mme U pour l’aider à franchir un obstacle inattendu. Une quatrième femme s’est dressée devant nous, souriante, bien décidée à ne pas bouger. Elle tient un peigne dans la main. 
Bonjour, me dit-elle.
Je bredouille quelque chose et guide tout de même la patiente vers sa chambre. Mon praticien reste calme. Son univers à lui. Des maîtres de patience. La vieille femme nous talonne. Je suis obligé de lui fermer la porte au nez. Je  bafouille tout de même quelques plates excuses.
Enfin seuls. Tous les trois. Mme U s’assoit. Lentement. Elle se tourne vers moi, lentement, et me dit :
Vous êtes toujours aussi con, saloperie ?
Un sens étonnant.
Plus intime, donc plus vulnérable.


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PSA* : on parie que…

  « les femme ont des perceptions très variées du dépistage. 68 % d’entre elles pensent que le dépistage réduit leur risque d’avoir un cancer du sein, ce qu’il ne peut pas faire, il peut seulement détecter un cancer du sein ».Peter C. Gotzsche, auteur de Mammography screening. Truth, lies and controversy, extrait de son discours publié dans le numéro 352 de Prescrire, Février 2013, p 154 
Fin de journée. Mon praticien m’a rejoint en fin de consultation pour dire bonjour à ce patient qu’il connaît bien mais qu’il ne croise que rarement dans son cabinet.
Un quinquagénaire inquiet d’une toux persistante. Découverte ce soir d’une hypertension artérielle en consultation. Un quinquagénaire dont le suivi médical se résume à peu de choses. De l’infectiologie hivernale quelques années plus tôt.
La première partie de ma consultation s’achève. Mon praticien entre. Ils se serrent la main. Échanges brefs. Pas de bilan lipidique depuis des années. 
Mon praticien s’adosse au mur. Ils parlent cholestérol. Ils parlent acide urique. Ils parlent suivi cardiologique. L’imprimante vomit des ordonnances. 
Cinquante ans, le patient dit, et il ne manque plus que la prostate.
Mon praticien de répondre aussitôt :
Tiens, oui ! Tu n’as qu’à rajouter ça sur l’ordonnance. 
Il me tend l’ordonnance, et un stylo.
Faille spatio-temporelle.
Théorie de la relativité restreinte d’Einstein. Le temps perd en substance. Je sue à grosses gouttes.
Je me vois, stylo à la main, hésiter sous la ligne du bilan lipidique.
Quelque part, entre mes deux plaques temporales, les sirènes hurlent. Des alarmes rouges enflamment le cortex.
Je ne sais pas si je me lance dans un nouveau débat, là, maintenant, avec mon praticien.
Il sent que j’hésite. Je connais sa position en terme de dépistage. On en a parlé une fois entre deux consultations, sans avoir vraiment pris le temps de développer. Il ne connaît donc qu’approximativement la mienne, de position. Cancer du sein. Cancer de la prostate.
Je ne sais pas si je me lance dans de l’information brute avec le patient de mon praticien, risquant de remettre en question l’assurance tranquille de son médecin en cette fin de consultation. 
Putain de faille spatio-temporelle.
Je voudrais pouvoir finir ce billet en disant que j’ai fièrement reposé le stylo que m’avait tendu mon praticien sans avoir ajouté la mention manuscrite PSA en fin d’ordonnance. Mais non. 
Ce foutu dépistage qui m’avait valu un jour de recevoir un coup de fil de la part de ma mère : ton père a reçu ses résultats biologiques. Qu’est-ce que ça veut dire PSA ? Parce c’est le seul chiffre anormal. Foutu dépistage sauvage. Personne ne lui avait expliqué qu’on lui avait glissé un dépistage du cancer de la prostate dans ses analyses métaboliques, ni quels pouvaient être les risques de ce dépistage
Nous avons pris le temps de discuter en fin de journée avec mon praticien des dépistages de masse. Des notions de sur-diagnostic qu’il n’imaginait pas vraiment. Des lésions silencieuses traitées à tort. Des rapports HAS pour la prostate et des résultats du réseau Cochrane pour le sein.
On a discuté de tout ça. Mais j’ai honte de ne pas avoir reposé le stylo sans avoir ajouté la mention manuscrite PSA.

* PSA : antigène prostatique spécifique utilisé dans le dépistage du cancer de la prostate

Actualisation du 10 mars :
Un lien indispensable de Dominique Dupagne pour mieux saisir les tenants et aboutissants statistiques du dépistage du cancer de la prostate :
ICI
contre-balançant cet article où au terme de dépistage on préfère y employer celui de diagnostic précoce :
LA

Actualisation du 12 mars :
Un lien intéressant pour enrichir la problématique : chasseur chassé.
Encore ICI

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Eaux troubles

Deux semaines, 240 signatures. Une averse de commentaires.
… 
S’il est affligeant de constater la violence et la vulgarité de certains commentaires sur des forums de professionnels médicaux, s’il est intéressant de découvrir ce vaste argumentaire offrant à la publicité médicale une place de choix dans la vie quotidienne du praticien sous influence, il est également étonnant de se voir projeter au centre d’un débat qui se met à enfler brutalement. 
Comme une bouteille jetée à la mer, les courants amicaux qui l’ont initialement portée m’ont en fait conduit en eaux troubles. Loin. Très loin de cet ordinateur où, les doigts à fleur de clavier, je faisais part de mon indignation de jeune soignant. 
Très loin dans l’océan glacé du web, en ces eaux incognita, agitées et furieuses, où les courants contraires sont maîtres, ma bouteille ridicule s’est perdue pour traverser des marécages et leurs miasmes nauséabonds. 
Elle m’est revenue brisée, poisseuse, mais le message intact : celui d’un interne indigné par une pratique dont la cible est l’ambivalence du praticien, et la victime son patient.
Alors, beaucoup de choses ont été dites. Positives. Négatives. Toute la richesse de l’océan du web. 
Je n’attends aucune décision politique de ce coup de gueule noyé dans le flot.
Seulement interne, n’en déplaise à certains, je vais continuer à militer et à lutter pour une indépendance* de prescription dans ma pratique. 
Je n’attends aucune décision politique. 
Mais je garde un oeil sur le nombre de signatures, parce que ça me rassure en tant que jeune soignant en formation, et parce que ça m’aide à cheminer là où ma faculté et mes séniors sont eux-mêmes pris dans l’étau de cette ambivalence terrible.

* Modification suite au pertinent commentaire de P. Charbonnel.

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Pétition, je me lance…

Voici le lien  : Pétition en ligne

Parce que ce soir je me lance.

J’ai beaucoup hésité.
Mais s’est présenté vendredi un nouveau visiteur médical, démarchant pour l’agomélatine, molécule utilisée en psychiatrie comme anti-dépresseur.
Lorsqu’il s’est adressé à un de mes praticiens pour lui demander s’il connaissait cette molécule, mon prat’ s’est tourné vers moi en souriant et m’a incité à prendre la parole.
J’ai souri en réponse, et dit :
Oui, j’en ai entendu parler, mais pas en bien.
S’en est alors suivi un dialogue sans grand intérêt.
Pas d’efficacité clinique démontrée…
Vos sources sont de mauvaise foi. L’étude a été publiée dans le Lancet.
Plusieurs sources pourtant, et pas seulement la revue Prescrire. Et puis vous savez, le facteur d’impact, ça n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui, à mes yeux en tout cas.
Oui, mais une efficacité versus placebo évidente.
Mes praticiens prescrivent de l’agomélatine.

Pourtant là :
 Agomélatine : bilan des effets indésirables

Rev Prescrire 2013 ; 33 (351) : 26-28      
ici : Minerva

et toujours là : Agomélatine – Valdoxan°. Des risques, mais pas d’efficacité prouvée
Rev Prescrire 2009 ; 29 (311) : 646-650 
Ces quelques textes font poser question. Tant sur le plan de l’honnêteté scientifique qu’il y a à démarcher pour une molécule dont la démonstration d’efficacité n’est pas consensuelle, que sur les conséquences de cette malhonnêteté dans la pratique quotidienne du praticien et dans la prise en charge du patient.

La pétition est en ligne, une version légèrement modifiée de l’article Chut, pas de marques.
Voici le lien  : Pétition en ligne
Cette pétition n’est bien entendu pas réservée aux professionnels de santé, et a pour objectif, je veux l’espérer, une décision politique dans un avenir proche.

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Apprentissage : visite médicale, troisième et dernière partie.



Vous ne pouvez pas nier que sans la visite médicale, le médecin n’ a pas accès au modernisme, aux nouveautés médicales.
Vous savez, les revues indépendantes ne sont jamais vraiment indépendantes.
C’est typique de la nouvelle génération, mal éduquée par la faculté et vos nouveaux professeurs de médecine générale.
Refusez les visiteurs médicaux, et ce sont des centaines d’emplois qui disparaîtront en fumée dans les années qui viennent.
Mais ce n’est pas un prospectus, ce sont les dernières recommandations de la société française de spécialité, avec le professeur X en tête d’affiche…
Oui mais regardez, ça modifie le critère intermédiaire, et ce n’est pas moins efficace que le traitement habituel, donc c’est nécessairement une avancée pour votre patient.
Je serais curieuse de savoir ce que vos revues indépendantes pensaient de Diane 35 et des pillules de 3° génération.
Et puis, vous ne vous amuseriez pas autant entre deux patients.

Autant d’arguments que j’ai appris à entendre durant ces trois premiers mois de stage chez mes praticiens. Des arguments qui m’ont permis de rapidement prendre position. Trois praticiens qui accueillent les visiteurs médicaux sur rendez-vous. Très instructif. 
Grâce à cette étonnante expérience, j’apprends à respecter ces agents commerciaux que je diabolisais les premières semaines. J’apprends à les respecter, à considérer ce qu’ils sont et ce pourquoi ils font ce qu’ils font. J’apprends à les écouter lorsqu’ils s’adressent à mes trois praticiens. J’apprends surtout à me taire, à ne pas pousser au débat. J’apprends à me contrôler et à gérer ces vagues de colère confinée qui s’écrasent contre les parois de ma boîte crânienne lorsqu’ils font parader les critères intermédiaires comme autant de mannequins dans un défilé de fashionweek londonienne. 
Bref, j’apprends à la fermer.

J’apprends aussi à exposer mes opinions avec sérénité, lorsque mon avis est sollicité en tant qu’interne devant le parterre attentif de mes praticiens. 
Alors je leur dis ce que je pense. Avec courtoisie. Une tasse de thé à la main. 
L’estime que je porte à la visite médicale, non aux visiteurs médicaux. 
Cette terrible nuisance qui parasite la thérapeutique et décentre le patient de sa propre prise en charge.  Ce cancer qui ronge depuis plusieurs dizaines d’années la formation médicale continue des praticiens, cancer d’autant plus redoutable qu’il est larvé, insidieux, et qu’il se nourrit dans l’ombre de l’ambivalence de médecins aux velléités d’informations.
Un cancer. Le lobbying et le marketing pharmaceutique. Un cancer à l’origine des désastres sanitaires qui pèsent au-dessus de la médecine générale. Le facteur de croissance de ce cancer : vendre du critère intermédiaire, et se jouer de la naïveté statistique des praticiens de bonne foi qui confondent critères intermédiaires et critères principaux de morbi-mortalité. Un cancer généralisé, métastasant partout, se nourrissant des espaces médiatiques multiples, à la portée de tous. Entre deux articles de fond, une publicité pour un gel anti-inflammatoire, ou pour une association d’hypocholestérolémiant. Un véritable cancer, vous dis-je, se développant de toute part, nichant où le seuil de vigilance est au plus bas. Un cancer qui consume la médecine moderne, et qui la détourne de son objectif premier : le patient.
Mais je ne suis qu’interne, de passage dans ce cabinet de médecine générale. Chez des praticiens que j’estime pour cette expérience que rien n’égale, et qui savent apporter ce qui manquait terriblement à ma formation. Alors je n’insiste pas.
Parce que je respecte leur choix et leur exercice quotidien, j’apprends  à la fermer. 


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Chut, pas de marques : visite médicale, deuxième partie.

Pendant des décennies, l’industrie tabagière a conditionné des générations d’hommes et de femmes en associant à l’addiction nicotinique la liberté des grands espaces.
Une addiction rendant plus libre… 
Curieux, non ?
Mais est-ce vraiment étonnant ?
J’ai tendance à penser qu’il ne faudrait pas autoriser l’industrie pharmaceutique à démarcher de manière directe ou indirecte auprès des praticiens en exercice ou en formation.
Directe par l’intermédiaire de ce qu’on nomme communément les visiteurs médicaux.
Indirecte par l’intermédiaire des médias médicaux sponsorisés par l’industrie pharmaceutique.
Parce que c’est une violation directe du droit du patient à pouvoir accéder à une égale qualité de soins sur l’ensemble du territoire médical, dans un contexte où les stratégies thérapeutiques sont rendues caduques par les différents degrés d’influence qu’exerce l’industrie pharmaceutique sur la profession médicale.
Parce que c’est altérer l’intégrité du corps du patient que de l’assujettir à de fausses découvertes thérapeutiques non éprouvées, déguisées et vendues dans une mélasse d’arguments d’autorité et d’idées reçues.
Parce que c’est tromper la confiance du patient que de le soumettre à des molécules qui ont pour seul intérêt, sinon modifier significativement des critères intermédiaires, la rentabilité d’un symptôme ou d’un syndrome.
Parce que le patient est en droit d’exiger des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante.
Parce que le patient qui n’est pas intellectuellement en mesure d’exiger des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante doit pouvoir porter une confiance sans faille à son praticien.
Parce que praticien est en devoir de proposer des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante, soins où les effets de chaque traitement sont mis en balance : bénéfices, et risques.
Parce que traiter un patient n’est pas faire un tour au supermarché avec dans la main les prospectus des dernières nouveautés achalandées.
Parce qu’un patient n’est pas un organe cible.
Parce qu’un patient n’est pas une rhinite ou une démence.
Parce que la visite médicale n’est pas une visite d’informations.
Parce que la visite médicale est avant tout une visite publicitaire et promotionnelle.
Parce que le produit pharmaceutique est maquillé, travesti, rentabilisant ainsi la courte tranche de présentation que lui offre l’exercice du praticien.
Parce que l’industrie pharmaceutique renforce l’hétéronomie médicale et l’aliénation d’une patientèle à son médecin.
Parce que design et stratégie esthétique.
Parce que simulacre d’espoir à travers mannequins retouchés.
Parce que graphismes soignés et slogans accrocheurs.
Parce que conditionnement.
Parce que la cible de la publicité n’est pas le patient, mais le praticien, et son pouvoir de prescription.
Parce que prescription signifie consommation, et consommation loi du marché.
Parce que le patient ne doit pas subir l’ambivalence de son praticien quant à l’influence des visites médicales.
Parce que le visiteur médical est formé à convaincre, non à débattre.
Parce qu’avoir un carnet de post-it STRESAM, un carnet de notes JANUVIA ou un stylo XARELTO influence nécessairement le praticien qui signe l’ordonnance.
Parce que l’entretien de l’ambivalence des praticiens par les stratégies marketing de l’industrie pharmaceutique confine au crime, d’ordre intellectuel à l’égard du praticien et humain à l’égard du patient.
Parce que les résultats que présentent nombre de visiteurs médicaux sont des critères intermédiaires, sans aucune valeur pragmatique dans une pratique quotidienne de médecine générale.
Parce que les notions de morbidité et de mortalité, lorsqu’elles ne sont pas omises, sont bafouées. 
Parce qu’on soigne dès-lors plus que des chiffres, eux-mêmes soumis à la prime à la performance, faisant du praticien une cible commerciale plus marquée encore.
Parce qu’à la maladie se substitue progressivement le disease mongering.
Parce que l’industrie pharmaceutique a compris tout ça, et parce que l’industrie pharmaceutique est avant tout une entreprise qui se doit d’engendrer du bénéfice.
Parce que je crois l’industrie pharmaceutique la vraie responsable des désastres sanitaires par ses tentatives répétées de rentabiliser des molécules non éprouvées en usant de stratégies commerciales publicitaires.
Parce que le patient est la première victime de ce système honteux et outrancier, où le praticien, riche d’une formation et d’une expérience inestimable, est bassement instrumentalisé à des fins commerciales.
Pour toutes ces raisons, je crois profondément qu’il ne faudrait pas autoriser l’industrie pharmaceutique à démarcher de manière directe ou indirecte auprès des praticiens en exercice ou en formation.
Pour toutes ces raisons, je crois, au nom du malade et de notre indépendance de prescription, que la visite médicale, ou publicitaire, est une aberration déontologique.

Au fait, fumer tue…

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Visite médicale. Première partie.

Durant ces trois premiers mois en médecine générale, j’ai découvert chez mes praticiens un ballet étonnant qui se joue avec une régularité de métronome, deux à trois fois par semaine. Comme une page de réclamations cisaille le film du dimanche soir, ils ou elles sont là, majoritairement elles
Sacoche et dépliants, pâtisseries fraîchement acquises. Visiteurs médicaux. Sourires. Ils s’embrassent. Ils se vouvoient. Ronds de jambe. Extrait d’études où les critères secondaires sont valorisés, les termes de morbi-mortalité ignorés, balayés. Arguments d’autorités et idées reçues à la pelle. Rires. Pâtisseries. Gourmandises sucrées comblant le vide des argumentaires commerciaux.
J’ai pensé à vous l’autre jour, docteur, concernant les associations de médicaments, un cardiologue a dit tout le contraire de ce que vous disiez… Oui, j’entends bien, mais c’est un cardiologue !
 
Synonyme du pot de confiture rempli d’urines fraîches, la visite médicale avait un sens tout autre lorsque je ne mesurais pas encore un mètre. Une autorité puissante au-dessus de l’autorité enseignante. Une autorité sévère, à l’aura cléricale, surplombant le temps d’une matinée celle parentale, pourtant si naturelle. Un matin au goût si singulier, où ma mère glissait dans mon sac le carnet de santé qui venait se coincer entre le double décimètre, le pot de colle Cléopâtre et le cahier d’exercice. Une époque passée. Le jour de la visite médicale, les cours n’avaient plus la même substance. On attendait notre tour. Savoir quand s’enfoncer dans l’antre froide de cette entité sublimée. Nous visitions l’autorité médicale. Seul. Sur invitation. Les rumeurs allaient alors bon train. Pour les garçons, en tout cas. La terrible sentence : baisserait-elle (ou il) notre slip pour toucher nos testicules ? 
Aujourd’hui, ces visites médicales ont pris un tout autre sens. Elles sont synonymes chez moi de colère, de crispation, ou de frustration. Ces visites promotionnelles, ces pages de publicité qui interrompent le cours des consultations pour inciter à prescrire ces traitement que l’on retirera dans quelques années. Une incitation à prescrire sous les caresses sucrées et faussement intellectuelles des démarcheurs publicitaires.
Colère, parce que ce sont les arguments d’autorité qui priment, et que ce sont les patients qui en sont les premières victimes. C’est un diabétologue qui l’a dit pendant un congrès auquel j’ai assisté… Frustration parce que débattre avec ces agents commerciaux n’a pas plus de sens que de causer avec un encart publicitaire à un arrêt de bus. La fonction du visiteur médical n’est pas de débattre, mais de vendre. Son arme, c’est la conviction. Assénée avec autorité, camouflée sous des couches poisseuses de séduction sirupeuse.
Je mesure aujourd’hui plus d’un mètre et une inconnue ne me touche plus les couilles.
Alors je refuse d’appeler ça de la visite médicale – terme qui est à mon avis un non-sens -, et je crois que les médias devraient faire cet effort. 
Mais c’est de la formation ! m’a répondu la secrétaire du cabinet lorsque je lui ai dis qu’une fois installé, ma porte sera étanche à la visite promotionnelle. On marche sur la tête.
En attendant, je fais mon stage chez le praticien, et je serre les dents lorsque je les vois débarquer avec cette foutue régularité de métronome.
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Un peu de clientélisme

Réflexions faisant suite à l’article de Dominique Dupagne que vous trouverez ici.

Une consultation de demande de contraception est une consultation singulière au sein de laquelle une femme qui n’est pas malade, ni en passe de le devenir, vient faire part à son médecin de sa volonté d’obtenir un moyen de contraception fiable. 
Une consultation à caractère exceptionnelle, dont on oublie peut-être la singularité.
Le patient est un sujet malade, ou potentiellement malade, dont les stratégies à la disposition du corps médical sont multiples, en particulier le traitement en prévention primaire ou secondaire.
Une femme qui désire une contraception n’est donc pas une femme malade, contrairement à ce que peuvent affirmer les laboratoires lorsqu’ils s’offrent le droit de comparer les risque d’évènements vasculaires entre une femme sous pilule et une femme enceinte.
Une femme qui désire une contraception n’est pas une femme malade, mais elle doit pourtant se soumettre aux rapports de force qu’induit la relation médecin-malade, puisque c’est le médecin, riche de ces années d’études, qui signe l’ordonnance. Alors, et surtout parce que c’est insidieux, elle se soumet.
A renouveler 9 mois
Cette femme devient une femme malade, et la contraception une stratégie thérapeutique de prévention primaire. La voilà désolidarisée de son libre-arbitre, perdant une autonomie qu’elle avait durement et chèrement acquise en ce début de siècle.
L’industrie pharmaceutique saura en faire ses choux gras.
Une femme qui désire une contraception doit devenir à mon sens une cliente, celle qui tranche. Le service que lui vend son médecin est un service de conseils et d’informations ; une information loyale, indépendante et exhaustive, information libre du poids des idées reçues, des arguments autoritaires ou de la puissance d’irradiation de l’industrie pharmaceutique. La notion de clientélisme peut paraître choquante, mais elle libère la femme de ce rapport de force inhérent à une consultation de médecine générale.
Dans ce contexte de clientélisme, ce statut singulier fait de la femme l’unique actrice de sa contraception, pour laquelle le médecin joue un rôle de simple conseiller. Accepter ce rôle, c’est accepter de baisser les armes le temps d’une consultation, et de laisser dans un tiroir ce rapport de force qui permet au professionnel de santé de lutter, à raison, contre le consumérisme médical et l’hétéronomie de sa patientèle. Accepter ce rôle signifie la mise à jour régulière et indépendante de ses connaissances pour que la femme puisse faire son choix en toute connaissance de cause. Accepter ce rôle signifie donner à la femme le choix de disposer de son corps dans cette ère médicale où les moyens à disposition sont nombreux, mais dont les principaux détenteurs peuvent parfois, par déformation professionnelle ou paresse intellectuelle, s’en réserver l’accès.

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Hétéronomie et maltraitance

Je glisse un CD dans le lecteur. Avalé aussitôt. Le moteur est froid. Clé et contact. La musique se déverse dans l’habitacle. Une onde brutale. Suprême NTM. Choc sonore. Les basses rythmées s’enroulent autour de mes tripes, les serrent et les cognent en bradycardie d’échappement.
Je ferme les yeux sur le parking.
Je sors de cours ; parce qu’une fois par semaine, je retrouve les bancs de la faculté.
Je prépare un diplôme universitaire d’addictologie en parallèle de mon stage chez le généraliste. Des cours étalés sur un semestre. Un stage. Un mémoire. Et puis le reste.
Il est 14 heures. Mon système sanguin concentre son énergie sur la digestion.
Le thème de cette intervention est psychosociologie et anthropologie de l’addiction.
Là, comme ça, je ne suis pas vraiment emballé. Je baille. Des citations. Beaucoup de citations. Freud. Kant. Ça me gave.
Un mot pourtant me percute. Hétéronomie. J’ouvre les yeux.
Je ne le comprends pas immédiatement, mais ça me parle. L’intervenante donne une définition. Merde. Je suis ce que les autres disent que je suis. Hétéronomie, induite par la crise de l’altérité, où l’autre est une menace. Le tout généré et motivé par la quête de la performance et de la compétition. Apprivoiser l’autre pour le rendre moins angoissant, moins dangereux pour soi.
Quelque chose en moi s’agrippe à cette phrase. Ce quelque chose qui veut comprendre ce que je suis, et le monde dans lequel j’évolue. 
L’erreur en médecine. Un tabou pour une société trop bien pensante ?
Non, je ne crois pas. Plutôt l’arbre qui cache la forêt. Parce que dans ce système pyramidal archaïque, qui ne laisse que peu de place à l’autonomie de pensée, l’erreur médicale n’est pas la plus grande menace. Elle n’est que la partie émergée d’un vaste monde gouverné par le lobbying, la dictature des idées reçues, et les arguments d’autorité.
L’hétéronomie, par contre
Je me rappelle cette crise d’angoisse qui m’a empêché de faire une garde au deuxième semestre. La veille, un interne m’avait raconté les exploits de sa dernière nocturne aux urgences, et j’avais alors senti cette boule corrosive envahir mon bide, se diffusant aux membres, rapidement, trop rapidement. Sueurs. Tachycardie. Le danger que représente l’autre. Il m’a fallu appeler un pote au dernier moment, un sur qui je sais que je peux compter. Il a repris ma garde au pied levé. Ce semestre à deux doigts du burn. En silence. Dents serrées. Séance d’hypnothérapie. Peu concluante. Pourtant pas d’erreur médicale au sens littéral du terme. Des mots creux. J’ai posé un couvercle là-dessus. Je n’ai donné qu’une garde. Personne n’a rien vu. J’ai continué à bosser, à faire mes nuits aux urgences. On m’a complimenté sur mon travail, dans le service, en gardes, renforçant un peu plus cette hétéronomie qui apaise la menace que l’autre pouvait représenter.
… 
L’hétéronomie que favorise sa formation est la vraie maltraitance de l’étudiant en médecine, et à long terme celle du patient.
L’hétéronomie induite par la crise de l’altérité, elle-même résultante d’un système de performances et de compétitions. Les études médicales sont un système tout entier basé sur ces deux principes. L’erreur n’y a pas sa place, au sens où elle n’est qu’un stigmate dans ce réseau où l’autre se vit comme un danger. La marque honteuse d’un raisonnement ou d’une conduite inappropriée. Mais l’hétéronomie est à mon sens la vraie croyance limitante, celle du quotidien et de la tension qu’il génère dans ce processus de performances. Je suis ce que les autres disent que je suis. Lorsque j’étais en sixième année, une amie devenue interne de pédiatrie, à qui j’avais demandé pourquoi elle ne commençait pas sa maquette par le CHU, m’ avait dit : ici, c’est con un jour, con toujours, et comme c’est ici que je veux bosser…
Je me vois en fin de garde lire et relire mes observations de la nuit, mes stratégies diagnostiques et thérapeutiques, recherchant non pas la faute, mais ce qui pourrait me faire passer pour quelqu’un de moins compétent qu’un autre. Conclusion claire, prise en charge appropriée, sinon justifiée, etc.
Les études médicales françaises sont alimentées par un système aberrant qui commence par un concours stupide, se clôt par un concours stupide, le tout surnageant dans un hospitalo-centrisme qui devrait être une exception de cursus, pas une norme.
Alors j’imagine un autre système, avec ses propres failles et ces aberrations logistiques, mais un système où la maltraitance par l’hétéronomie peut être amendée.
Évaluation sur entretien anonyme dans la région de son choix, par un médecin généraliste, un spécialiste médical, et un spécialiste chirurgical. Pas de professeurs, mais des jurés sélectionnés au sein de la région, véritablement représentatifs de la médecine du plus grand nombre. Deux ans de théorie pure systématisée en organes. Évaluation au terme de ces deux années. Puis trois années d’externat disséminées dans les hôpitaux périphériques et chez les praticiens locaux, avec validation de certificats nationaux chaque année. Nouvel entretien et examen de dossiers à l’issue des cinq années pour le choix de la spécialité. Possibilité de se présenter dans toutes les régions de France. 
Un système où la course à la performance s’effrite. Où la menace de l’autre s’efface. Laissant la place à la motivation positive plutôt qu’à la compétition, la chance ou le bachotage animal.

La musique se déverse dans l’habitacle. Une onde brutale. Suprême NTM. 
J’ouvre les yeux. Est-ce que j’ai rêvé tout ça ?
Je laisse derrière moi le CHU et son ombre gloutonne. Mon prochain semestre se fera là.
Je n’ai pas le choix si je veux faire de la médecine générale…

Contrat Creative Commons

NdA :
Vous pourrez trouver des liens intéressants sur l’erreur médicale dans ces blogs (la liste n’est bien entendue pas exhaustive) :
Perruche en automne
Foulard
Borée

Un lien intéressant sur la maltraitance qu’infligent les médecins à leurs patients :
Martin Winckler

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Émotion, un non-dit au sein de notre exercice

Intégralité de l’article écrit pour l’atelier Émotion, un non-dit au sein de notre exercice, présenté vendredi 18 janvier au Congrès National des internes de médecine générale 2013 de Tours


Partie 1 : vécu du non-dit

Extrait de l’article Six Feet Under, publié en août dernier sur le blog :
«Il est 1 heure du matin, une vague furieuse de patients s’est écrasée sur la digue des urgences. On comble la brèche qui inonde le service. C’est le bordel. Partout. Rien de vraiment urgent. Mais le nombre fait l’urgence. Alors on s’agite, en réponse à l’afflux. Et puis ce service de médecine qui appelle pour la seconde fois. Un décès. Une chambre implantable à retirer. Je leur dis que je termine ce que j’ai commencé, et que je monte dans la foulée. Ça ne me dérange pas. Une façon de souffler, de quitter cette agitation confuse et artificielle qui use les urgences. Je m’apprête à monter. Je le signale au médecin sénior. Un quart d’heure, pas plus. J’ai l’habitude de ces gestes. Elle attrape le téléphone, et appelle le service en réponse. C’est le bordel en bas ! Ce n’est pas une urgence. Ils feront ça au funérarium demain. Elle raccroche. Je boue de colère.
Il est désormais 7 heures du matin, passées de trente minutes. Le patient pour lequel j’ai prescrit une radio est parti. Je suis dans le sous-sol de l’hôpital, j’approche de la porte du funérarium. Merde. Une infirmière et une aide-soignante du service de médecine m’y attendent. Elles ouvrent. 
Un vaste débarras. Une fenêtre rafistolée avec du carton. Un sol tâché. Des placards ouverts. Sur un côté de la pièce, un réfrigérateur de taille plus qu’humaine. Des portes métalliques, plus en accord avec l’image d’une morgue dans mon imaginaire. Mais mon patient est là-bas, sur un brancard aligné avec d’autres, le long du mur opposé.Merde. Le drap sous lequel il gît est tâché, à hauteur des narines. Deux galettes brunes impriment le relief de son visage sur le tissu. Et cette odeur. On soulève le drap. Le patient est en costume, cravate nouée autour du coup. Les mains sont croisées sur la poitrine. Le teint cireux, presque gris, mais serein. Je commence à dénouer sa cravate, et…
Arrêt sur image. 
Ce visage, je le connais. 
Mes neurones déchargent. 
Ce visage.
Patient de 60 ans, hospitalisé dans mon service deux semaines plus tôt pour la découverte de métastases cérébrales sur fond d’adénocarcinome gastrique multi-métastatique. À la retraite depuis moins d’un an, sa tumeur découverte trois mois plus tôt lors d’un bilan d’anémie, et une première cure de chimiothérapie en juillet… 
Ce visage. 
Je le revois me demander, lucide, le jour où je leur explique que ce qu’on voit sur le scanner cérébral est une nouvelle métastase : est-ce que j’en ai pour longtemps ? Sa femme et sa belle-soeur sont présentes lors de cet entretien exceptionnel pour lequel j’avais viré mes co-internes du bureau. Je leur réponds qu’il faut avancer par étapes. La prochaine consultation avec l’oncologue a lieu le lundi suivant, et la chimiothérapie est programmée au décours. Je leur réponds qu’ils doivent se concentrer sur cette prochaine étape. Je crois que ça l’apaise. Je ne suis pas sûr. Moi, ça m’apaise. »

Des histoires de ce type, on en a tous à raconter. Le problème n’est pas tant de vouloir les raconter, mais de pouvoir les raconter au moment approprié, avec la personne appropriée et dans un contexte approprié.


Partie 2 : la place du non-dit dans notre formation


Pendant le deuxième cycle, la faculté dans laquelle je me suis formé ne proposait pas de groupes de paroles ou d’échanges. L’externat m’apparaissait centré sur un objectif, l’ECN. Durant cette période, et d’un point de vue strictement professionnel, rien d’autre ne me semblait avoir d’importance. Autour de cet axe gravitait la base de ma formation scientifique, ne laissant que peu de place à la composante humaine de notre future profession.
Ce constat est probablement en rapport avec le statut d’externe qui est à la fois étudiant et professionnel de santé hospitalier. Une ambivalence, définie par un double statut, qui complique le positionnement de l’individu sur les émotions ressenties. Doit-il se considérer comme un observateur étudiant ou un soignant pratiquant ? Si je suis étudiant, donc observateur extérieur, ma souffrance est-elle légitime face à celle des soignants du service ? Mais si je suis soignant, puis-je m’autoriser à souffrir, plutôt que de garder une distance et une certaine objectivité ?
Le statut d’externe pourrait donc se caractériser par une ambivalence quant à la gestion et à l’expression des émotions.
Entre les deux, la cinétique qu’entretient la préparation au concours permet de répondre de manière provisoire à cette ambivalence délicate. La caution scientifique du concours s’impose alors et permet de soulager l’émotion brute en la niant. On se dit qu’une fois interne, la gestion de l’affect fera parti de notre quotidien, qu’elle sera une part de notre mission et de ce qu’on attend de nous. D’ici là, ça peut bien attendre.

Alors apparaît l’internat, enfin. Une consécration. L’angoisse aussi. Première émotion officielle a géré. L’angoisse de la garde, de l’inconnu, de la solitude. L’angoisse, partout. Dans le train, la voiture, le service, le box des urgences, la chambre de garde. L’angoisse lorsqu’on nous tend le téléphone de garde ou d’astreinte, et que le chef part pioncer en pensant tout haut ces deux mots : oublie moi.

L’année dernière, lorsque j’ai commencé mon premier semestre d’internat, il m’a été donné la possibilité de m’inscrire au groupe BALINT, et je m’y suis inscrit.
Je ne me suis jamais présenté, et le groupe a fermé pendant l’année. J’ai donc à ce moment précis perdu une possibilité d’échanger autour de ma pratique et de mes émotions.
La question est : pourquoi ne me suis-je donc pas présenté en groupe de discussion ?
Deux réponses : trop soudain et trop formel.
Le changement de statut est brutal. De l’ambivalence du double statut, nous voilà devenus soignants. Nous avons pourtant une carte étudiante, et nous continuons de garder le nez dans les bouquins ou les mensuels de formation continu, mais sur le terrain, la réalité est plus tranchée, parce que nous devenons décisionnaires. On s’est préparé scientifiquement à franchir le cap. La théorie est là, plus ou moins solide, et on repose tout entier dessus. Par contre, affectivement, le bagage est vide, nous sommes nus et désarmés. On m’a dit BALINT. J’ai pensé Alcoolique Anonyme. Aucune anticipation dans notre formation pour gérer la gestion de la perte de cette ambivalence. Ce qui paraissait normal est soudain stigmatisé après l’ECN, et nous ne sommes pas assez préparés à gravir cette marche.
Par ailleurs, le caractère formel de cette proposition en début d’internat n’engage pas à l’expression de ce qui n’est pas dit ou ne peut être dit en stage. Je crois que j’étais effrayé aussi, effrayé par la perspective de mettre en scène la parole. Et comme tout sujet ambivalent qui se sent stigmatisé, apparaît ce que Miller et Rollnick appelle en addictologie une résistance. Je me suis dis que je n’avais pas besoin de ça, que j’étais suffisamment fort pour gérer ça, et que ça me ferait toujours des histoires de chasse à raconter plus tard ; on pense généralement que ce sont les coups les plus durs qui font les meilleures récits.

Voici donc deux raisons pour lesquelles je ne me suis finalement pas présenté à ce groupe de discussion, groupe qui n’a pourtant plus à faire ses preuves.
Le bagage scientifique de notre formation est formidable. Mais il est regrettable que l’expression de l’émotion soit inexistante pendant l’externat et remisée au rang d’option pendant l’internat. Reste bien l’espace de la machine à café où s’échangent les anecdotes mais l’essentiel ne reste-t-il pas là encore non dit ?

Partie 3 : Blog et communauté d’internautes : une réponse parmi d’autres

Au début de mon externat, je tenais un blog. J’y disais toutes ces choses que je vivais. Je tentais de verbaliser ces émotions qui bourgeonnaient au quotidien dans les services hospitaliers. Patrons de services, chefs de clinique, doyen, tout le monde y passait. Mais l’anonymat du web a eu raison de ce premier essai. J’ai abdiqué devant l’absence de lecteurs.
J’ai compris que l’acte de dire ne suffisait pas à apaiser le quotidien que je tentais d’exprimer maladroitement. Il me fallait encore trouver la structure qui saurait capter le message et le décoder.
J’ai ouvert un nouveau blog, deux ans plus tard. L’ECN, les premiers jours de l’internat. 7000 étudiants qui au même instant plongent tous dans le même bain. Il y a eu un premier écho. J’ai senti que mes billets entraient en résonance avec des lecteurs qui se régularisaient.
La première année est ensuite passée par là, avec son rouleau compresseur de vie, d’émotions et de non-dits. Il m’a alors semblé que le non-dit était renforcé par l’absence de qualités d’écoute de notre environnement professionnel. Qualité au sens d’une capacité nécessaire à l’amorçage, à la canalisation et au recueil de l’information de celui qui souhaite « dire » ses émotions.
Un article de blog est une bouteille à la mer. Mais le web augmente les possibilités qu’une écoute adaptée trouve le message, se l’approprie, et vienne échanger avec celui qui « dit ». Dans un service hospitalier, cette chance de pouvoir s’exprimer est infime tant l’environnement et les conditions de travail ne se prêtent pas à cette délivrance, et cette chance se réduit avec le temps.
Les communautés de blogueurs ont la capacité de multiplier par un facteur exponentiel la propagation du message, et la probabilité qu’il soit entendu par une oreille adaptée. Les réseaux se forment non par invitation formelle, mais par le biais du hasard, de la sensibilité et de la résonance. Un groupe de pair sur-mesure.
J’ai découvert sur le net une vaste communauté de médecins, d’internes, de soignants ou de patients blogueurs, vivant et revivant encore ces instants que j’avais une ou plusieurs fois vécu, mais sur lesquels il ne m’avait pas été donné la possibilité de témoigner. Et ce que je n’ai pas su prendre dans ma formation scientifique, je l’ai trouvé là, sur le net, sur les blogs, le mien, et tous les autres autour desquels je gravite timidement.
Une réponse parmi d’autres pour ne plus souffrir du non-dit.

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Visite

Arcade Fire 
Visite à domicile.
Un soleil de glace sur la ville. 
Nous parcourons la ville, et le chauffage est défaillant. J’ai froid. Arcade Fire en fond sonore. On discute un peu. Il est encore tôt.
Quelques nuages épaississent l’horizon ; on s’arrête à un feu. Une tâche orange vacille sur le trottoir, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. La démarche chaloupée, elle progresse vers l’épicerie du coin. Une femme. Les barres d’immeubles s’enchaînent.
Nous retournons chez Mathilda. Mathilda. Treize à la douzaine. 
Lorsque nous frappons, le chien se met à hurler de l’autre côté. D’autres cris pour le faire taire. Ça ne semble pas fonctionner. Il hurle un peu plus. La porte s’ouvre. La lumière. L’odeur. Je serre les dents. Nous progressons. La matriarche est attablée. Trois femmes en orbite autour d’elle. Elles s’agitent. L’une disparaît. Il en reste encore deux avec la grand-mère. Mon praticien s’assoit. Je reste debout, je m’agenouille et je caresse le chien qui s’est calmé. Une espèce curieuse de caniche, le poil gras. 
La matriarche : elle est allée au colis ce matin, vous savez. Ils lui ont dit qu’elle avait le SIDA. Et depuis elle va pas.
Une des deux femmes de répondre : oui, le SIDA. Le visage de celle qui vient de parler est émacié, creux. Des dents en broussaille. Elle ressemble à Christian Bale dans le film The Fighter, où il interprète un ancien champion de boxe détruit par le crack.
La matriarche, bol de café à la main : oui, le SIDA, en allant au colis. Et elle va pas depuis. Ils sont fous, l’a pas le SIDA, l’a même jamais couché avec un homme.
Celle qui ressemble à Bale : Oui, jamais. Elle a pas couché. Elle a pas le SIDA.
Mon praticien : elle a maigri ?
Je ne pige pas. De qui parle-t-on ? Mathilda ? 
La matriarche : oui, et je jure qu’elle a jamais couché.
Celle qui ressemble à Bale et sa soeur d’acquiescer avec conviction, de conserve.
Mon praticien se retourne vers moi. Le chien continue de s’agiter. Il me dit de lui prendre la tension, de l’examiner. Mathilda ? 
Désarroi.
Mais de qui parle-t-on, bon dieu ? 
Panique. 
Alors j’attrape le tensiomètre qu’il me tend et jette un regard aux trois femmes. Je tire la chaise en face de moi, invitant l’inconnue. La manœuvre fonctionne, et la femme qui ressemble à Bale vient s’asseoir. Je m’installe, jette un rapide coup d’oeil à mon praticien qui ne semble pas choquer. Ok. 
Examen sans particularité. On discute anxiolytiques.
Une pluie fine arrose le pare-brise. Arcade Fire. Wake up. 
Nous reprenons la route. L’air frais soulage mes sinus.
Il n’était pas question de Mathilda.
Une tâche orange attend au passage piétons. Une femme. Elle tient un sac en plastique et attend au feu de pouvoir traverser la rue. Nous nous arrêtons. Elle traverse, sans un regard vers nous. La démarche oscille, à peine équilibrée par son sac de commissions, elle passe devant le capot qu’une pluie fine arrose.

Visite à domicile.

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Médecine générale, mon amour

À ce statut formidable qu’est celui de l’externat de médecine
5 %  serait le nombre d’externes pleinement épanouis au quotidien pendant leurs études.
Les résultats de cette enquête seront présentés dans 5 jours par l’ANEMF.
Je ne connais pas les détails de cette étude. Mais je plancherai dessus.
5 %
Ce chiffre me laisse songeur. Une note dissonante qui vibre encore en moi.
À cette époque, je tenais déjà un  blog, tandis que je redoublais ma quatrième année et suivais ma femme dans son année de concours à Paris. Un blog beaucoup moins lu. Terriblement moins. Quelques amis, de la famille aussi. J’avais abdiqué. Le web peut parfois se révéler d’un effroyable mutisme ; j’ai connu cet anonymat glacial, un abîme où les mots se noient dans les brumes du néant 2.0. Sans écho. Seul.
Le froid du silence. Comme une ombre molle balaie la façade d’un caveau, j’errais sur le web.
Il a fallu plusieurs années avant que je ne fasse cette rencontre professionnelle fondamentale, essentielle ; mon salut. Rencontre qui me fait aujourd’hui dire : médecine générale, mon amour.
Mais ce chiffre tombe : 5 %
Chateaubriand a écrit le passé ressemble à un musée d’antiques ; on y visite les heures écoulées ; chacun peut y reconnaître les siennes. * Mon propre musée m’effraie.
J’ouvre un dossier, je tombe sur ces textes que la poussière a figé dans l’obscurité des rayonnages informatiques. Je ne pensais pas un jour y revenir.
J’ouvre ce dossier, lance le logiciel. Une diode rouge clignote à fleur de clavier. Un musée d’antiques. Je suis estomaqué par la souffrance que ces quelques paragraphes dégagent. Merde. La souffrance et la solitude.
5 %
Si ce chiffre se révèle un reflet sincère de la souffrance d’un corps étudiant, je veux profiter de la popularité naissante de mon blog pour publier le message de cet externe que j’étais il y a 4 ans. Un externe seul dans le silence du web. Une façon de rendre hommage aux externes, et à leur formidable ténacité.

Hiver 2008, quelque part dans le XI° arrondissement parisien :

« Faculté

Elle se tient là, dominant la ville et sa campagne de son ombre vulgaire. Ce colosse de béton semble être au centre d’une toile complexe de bitume. Tous les chemins mènent à Rome, et Rome est aujourd’hui enfoncée dans l’un de ses derniers cercles dantesques.
Les moteurs surchauffés bourdonnent sur le macadam, glissent sur les rampes sinueuses qui s’élèvent jusqu’au gigantesque cube. On le croît égaré, posé ici par erreur. Mais la tour a belle et bien été arrachée du béton ; une bulle a éclaté à la surface de ***, et des profondeurs a jailli cette aberration d’urbanisme. Le fils longiforme extrait de la cuisse d’un dieu malade.
La faculté se tient là, elle aussi, creusée dans les fondations mêmes du bâtiment. 
Il faut imaginer ces viscères glacées de plâtre et d’amiante, ses murs crasseux de poussière noire, où les plafonniers projettent sur les tableaux une lumière agonisante. Il faut une fois sentir les effluves grasses de sueur qui émanent des amphis surpeuplés pour réaliser l’atmosphère qu’il y règne. Il faut se heurter au murailles épaisses de l’administration pour réellement comprendre ce qu’est la Faculté de Médecine de *** et ce qu’elle représente pour nombres d’étudiants.
La Faculté de médecine de *** est une cave sombre. Des bas-fonds sordides dans lesquels se développent les réseaux arachnéens que tissent le doyen, ses agents et l’indolence de plus en plus significative de fonctionnaires blasés.
Règnent dans ces ténèbres permanents les mains anémiées de ces marionnettistes mous. Aveugles. Qui ne voient pas venir la chute.
Des araignées qui tapissent dans les ombres glacées de la cave du CHU la toile de l’échec.
D’après le chef de cette noble entreprise, l’échec de plus de deux tiers d’une promotion à l’examen de sémiologie – dont les antécédents pédagogiques sont déjà lourdement chargés – ne peut-être que la faute isolée des étudiants…
Nous abhorrons la structure qui est censé bâtir les fondations de notre profession future. Nous vous haïssons, vous et votre vision passéiste d’un enseignement qui n’est que le spectre de souvenirs qui vous hantent. 
Comment vous faire comprendre que les temps changent, que les étudiants ne nourrissent plus le désir de s’enliser dans les ténèbres de cette univers que vous glorifiez ? 
Le dégoût est la seule sensation que vous pouvez inspirer. Je ne parle même plus d’émotions, ni de perceptions raisonnées, mais de réactions viscérales. Le dégoût. Il faut qu’un journaliste frappe au seuil de votre institution pour que votre infernale machinerie fasse marche arrière.
Comment ne pas vomir ce système ? Comment ne pas haïr cette faculté ? Et pourtant, j’aime profondément ce pourquoi je foule son linoleum, laissée à l’abandon.
Car vous l’avez abandonnée en désignant seul coupable des étudiants face à un échec dont il est flagrant que vous en êtes les principaux auteurs. »

Presque 5 années plus tard, je me surprends à dire :
Médecine générale, mon amour.
Et ce que je n’avais jamais ressenti comme une vocation semble pourtant le devenir ; que de chemin parcouru pour parvenir à cette sérénité.

* Mémoires d’outre-tombe, livre XXXI°, Chateaubriand

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Dialogue ou série d’analepses

Au cours des études médicales, la rencontre initiatique se fait généralement en salle de dissection. Analepse 1.
Des visages dissimulés sous des cagoules de coton blanc, épousant les formes émaciées des sujets. Fantasmes du grand public. Et alors la dissection, c’était comment ?
On répond ce qu’ils ont envie d’entendre, on entretient le fantasme. Toutes ces anecdotes. Les peaux grises, les chairs flasques, la graisse jaune qui déborde des contusions volontaires. Les membres éparses. Un réfrigérateur qui renferme d’autres membres, des têtes non couvertes parfois. Regards vitreux. Absents. 
Première rencontre, très officielle. Orchestrée par la faculté de médecine.
Mais je t’ai rencontré bien avant ça. Analepse 2. Essentielle.
Tes doigts osseux ont saisi mon visage qui se détournait, m’ont forcé à contempler ta face crayeuse. J’y ai vu, au travers de ces soignants impuissants qui s’agitaient en vain, j’y ai vu toute la vérité d’un monde. Tu as souri. À lui, à moi. Mais d’un sourire bienfaisant. Tes gencives d’émail se sont tendues sous tes orbites noires. Tu as souri, et tu as murmuré quelque chose au creux de mon être.  J’ai frissonné. Tu as balayé des années d’éducation judéo-chrétienne par ce seul regard. Une seule parole. La canule d’intubation de l’équipe d’intervention y était probablement pour quelque chose aussi. Mais c’est toi que j’ai vu, embrassant le corps de mon ami, la tête tendue vers moi à cet instant.
Après la première rencontre officielle, analepse 1 ou cette simulation de rituel initiatique qu’imposent des centaines d’années de tradition médicale, il y a ces autres rencontres. Analepse 3.
Plus fines. Plus réelles. Au coeur de la nuit. Celles plus singulières ou plus vraies. Ces corps cireux, ces poitrines encore chaudes, saillantes, que la rigidité cadavérique n’a pas encore souillés. Des hurlements silencieux et édentés. Le bip de garde sonne. On pose un stéthoscope sur des cages thoraciques vides. Pas feutrés dans la chambre. On prononce des paroles inutiles. On se rassure. Mais je n’appréhende pas ces rencontres. Elles me rappellent à cette réalité que tu m’avais un jour murmuré des années plus tôt, bien avant la rencontre initiatique et infantilisante des salles de dissection.
Il y a toutes ces fois où je te sens proche, à quelques pas à peine, mais où tu me laisses te devancer. Une façon pour toi d’humaniser l’instant. Le rendre plus digne. J’entre dans la chambre. Je prends une main, la tienne sur mon épaule. J’évalue ce patient que je suis depuis plusieurs semaines. L’équipe s’est mise d’accord sur la suite. On démarre l’Hypnovel ? me demande l’infirmière. J’acquiesce en silence.
Une dernière rencontre me vient encore à l’esprit tandis que mes doigts s’immobilisent au-dessus du clavier. J’étais externe. Analepse 4. Service d’ORL. Un patient en fin de vie, épuisé par un processus cancéreux dont je ne me rappelle pas l’origine. Le fameux lâché de ballons pulmonaire. Des métastases disséminées à l’ensemble des deux champs respiratoires. Avant d’entrer dans la chambre, l’infirmière nous signale que l’épouse vient d’être prévenue de la dégradation brutale de l’état. L’infirmière espère qu’elle arrivera à temps. Nous entrons. Mon interne l’évalue. On s’apprête à sortir, à laisser le patient seul. Je ne me rappelle pas vraiment la façon dont ce sont déroulées les choses, mais ce dont je me souviens c’est d’être resté dans la chambre. Je me suis assis, je lui ai pris la main. Il a parlé, calme, effrayé aussi. Je ne me souviens pas de la conversation, ni du temps passé là. Une éternité. Il faisait sombre dans la pièce. L’homme portait une moustache, des lunettes à oxygène dans la broussaille grise. Sa femme est arrivée. Je suis sorti, les larmes aux yeux. J’ai rejoins mon interne et l’infirmière. Ils discutaient avec un autre interne. Mon interne m’a dit quelque chose comme c’est bien ce que tu as fait. L’autre a répondu : quoi, tu lui as sauvé la vie ? Mon interne de répondre : il a fait mieux que ça.
Fin des analepses.
Des années plus tôt, tu m’as fait réalisé que les notions de justice et d’injustice sont factices, absurdes ; je réalise maintenant que c’est la solitude qui rend la fin effrayante, moins juste ou moins acceptable, dans cette réalité médicale où la responsabilité* de la mort est stérilisée et repoussée à l’hôpital.
Si l’accompagnement des dernières étapes de la fin de vie doit mener à l’euthanasie ou au suicide assisté pour qu’un être humain ne meurt pas seul dans un lit d’hôpital ou entre deux passages infirmiers, alors je suis pour.
Peut-être est-ce en cela que nous pouvons rendre la mort plus juste.

* NdA : responsabilité dans le sens devoir d’accompagnement


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Mathilda

« La vie, c’est comme ça tout le temps ? Ou c’est seulement quand on est petit ?
C’est comme ça tout le temps. »
Une barre comme une autre dans la banlieue défavorisée de mon agglomération. Temps dégueulasse. Gris. Le béton dégouline. Le bitume se dilue dans le ciel trop bas. Orelsan trouve qu’il pleut tout le temps dans cette ville de merde. Nous sortons de la voiture. Il a foutrement raison.
Mon praticien me sourit, il a sonné. Il me dit : tu n’es encore jamais venu ? et il sourit.
La porte s’ouvre, une petite femme d’âge moyen nous accueille, et avec elle les pépiements furieux de perruches qui doivent s’agiter dans une pièce. Des aboiements aussi. Peut-être la rumeur bruyante d’un téléviseur, quelque part. Dans le hall d’entrée, une autre femme nous regarde entrer. L’aide ménagère ? Un lien de parenté tout de même. Bonjour, me dit-on sur ma gauche. Je me tourne. Une troisième femme. L’infirmière à domicile ? Un lien de parenté aussi. Je ne réalise pas encore tout à fait. La première nous guide dans les boyaux surchauffés de cette antre de vie. Nous croisons dans la pièce principale deux hommes, l’un attablé, l’autre à quatre pattes, occupé à démonter une prise électrique. Bonjour. Bonjour. Des bols sont alignés sur la toile cirée. Les perruches sont effectivement furieuses. Un long couloir. Des tapis. Nous arrivons dans une petite chambre occupée par une nonagénaire. Mon praticien entre, j’entre à mon tour. Je ferme la porte derrière moi. Elle gémit, tousse. Un lit immense, qui occupe la quasi-totalité de l’espace habitable. Deux téléviseurs. Je reconnais sur le premier une série française. Les acteurs s’agitent, brassent de l’air. Le son a été coupé. Le deuxième, dans un angle, affiche une interface de console. Le jeu est coupé. La manette gît sur les draps au milieu des magazines de la grand-mère. Le joueur que je suis devine qu’elle est encore chaude, et que le coupable s’est enfui à notre arrivée.
C’est vous qui jouez ? je demande, plaisantant. Non, mon p’tit-fils. Elle ne plaisante pas.
Fragrances très humaines, odeur poisseuse de poussière nocturne. La pièce n’a pas été aérée ce matin. J’imagine un garçon d’une dizaine d’années, noyé dans les couvertures épaisses, massacrant une organisation terroriste internationale sous le regard humide et toussotant de son aînée.
Exacerbation de bronchite sur terrain cardio-vasculaire à risque. Douleurs dorsales.
Lorsque nous revenons dans la pièce principale, deux autres personnes ont fait leur apparition, un jeune homme et une gamine. Elle a le nez dans un bol de chocolat chaud. Le garçon, à peine majeur, doit être le p’tit-fils en question. L’image saute. Grésille. J’imagine maintenant ce grand gaillard dans la chambre de sa grand-mère. Grésillement. Ça ne colle pas. Je ne parviens pas plus à l’imaginer lui, dans la chambre, que la grand-mère elle-même avec la manette de X-box entre ses doigts déformés.
Je m’assois à table. La gamine me regarde. Les yeux cernés. Le chien n’aboie plus, les perruches se sont calmées. 
Je pense à Mathilda, personnage de Besson, clopant dans la cage d’escalier, les jambes fouillant le vide de son existence douloureuse. Je pense à Mathilda, et je lui souris. Elle baisse les yeux. Je griffonne un antibiotique sur l’ordonnance. Nous sortons.
Sous la pluie.
Je m’attends presque à croiser Jean Réno, verres teintés et marcel blanc, s’enfoncer dans les ténèbres de cette barre anonyme, un calibre à la main.
Les portières claquent. Le moteur démarre. 
Je pense à Mathilda : n’y a-t-il pas école en semaine ?
Difficile de ne pas être dans la projection.


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Point de vue et insémination

Le pantalon sur les genoux, j’allume le téléviseur. Le ronronnement d’un lecteur DVD. Sélection des scènes. Je ne sais pas. Au hasard, scène 4. Une femme à la cinquantaine bien contrôlée est assise sur une glissière de sécurité au bord d’une route. Elle porte un tailleur. Elle écarte doucement les jambes, son regard simule un désir vicieux.
Il est 7h30. J’ai encore les paupières gonflées de sommeil. Qu’est-ce que je fous là, je me dis. J’éteins le téléviseur. Vous trouverez les magazines dans cette boîte. Juste là. 
Effectivement. 
Images nettes, en focale fixe. Les corps sont arc-boutés, dressés en torsions douloureuses sur un lit. Une chambre d’hôtel. Plusieurs séries de photo. Clichés dynamiques.
Je tourne les pages, feuillette.
Je me sens un peu plus à l’aise avec ça ; je n’en suis pas à mon premier coup d’essai.
Simulation de plaisir sur papier de mauvaise qualité.
Assailli d’images, je continue pourtant de tourner les pages.
Brutalisation de la sexualité par cette simulation à bas-coût. De la simulation du plaisir naît un simulacre lucratif, une représentation qui s’auto-entretient, dégagée de sa base réelle. Un simulacre qui nous plonge dans une inévitable frustration. La société crée du fantasme en millions d’exemplaires, ou sous couvert d’un haut-débit. Ce bombardement rétinien disperse son étalage de chairs dans une démesure totale. Courbes retouchées ou contrastes photoshopées, il déshumanise l’être et le transforme en un objet sexuel parfait, hygiéniste, un sex-toy imberbe et totalement onirique. Dans les décombres que laissent ces explosifs visuels gît un désir sourd, redoutable, qui peine en vain les corps épuisés. Le simulacre a pris le pas sur la simulation. Une forme d’aliénation nourri par l’inassouvissement du désir. Inaccessible.
Le corps est une icône, cul à l’air, sur ces rayonnages de papier glacé. On a fabriqué un simulacre de réalité sexuelle, une toile de désirs que l’on tisse sans jamais pouvoir s’y fixer. Sexual Web.

7h45.
J’ai les mains encore douloureuses de la brûlure du froid. Températures négatives à l’extérieur.
Je dépose le prélèvement de sperme et quitte la pièce. Laissez la porte bien ouverte, il est écrit sur la pancarte au-dessus de l’évier. Je croise la technicienne en sortant. Je suis nerveux. Elle me rend l’ordonnance. Renouvelable encore cinq fois. Mais en espérant que ce ne sera pas nécessaire, me dit-elle en souriant.

Plus à l’aise ?
Vraiment ?
Au moins le temps d’une première insémination.


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L’ombre d’un doute

« L’Ombre d’un doute » d’Alfred Hitchcock


Les yeux sur l’horizon, me dis-tu. Les yeux sur l’horizon.
Le jeudi est ma journée off.
Je plonge. L’eau est tiède. À cette heure matinale, le bassin extérieur est quasiment vide. Un brouillard épais flotte au-dessus de la lame d’eau que j’écarte du bout des mains. Encore un mouvement. Encore. J’expire sous l’eau. Encore.  L’apnée est interdite. Pourtant je plonge, touche le carrelage au fond, rugueux, et expire complètement. Je reste quelques secondes ainsi. Presque douloureuses. Des secondes brûlantes pour mes poumons. Et je remonte.
Vous n’en verrez pas souvent des patientes comme moi ! 
Un petit rire automatique traverse la paroi clairsemée de sa dentition. 85 ans. Veuve. Visite à domicile pour un renouvellement d’ordonnance. Probablement, je réponds. Je lui souris. Je n’en crois pas un mot. Je signe son ordonnance, un renouvellement en règle sous les yeux du praticien que je suis depuis presque un mois. Mon stage en médecine générale. Sur l’ordonnance, j’ai griffonné avec application un traitement contre la démence et une gliptine récente – anti-diabétique oral – parmi le reste d’une pharmacopée moins sujet à controverse. Je reconnais le nom de baptême de cette glipitine, son patronyme commercial. Le comprimé nous a été présenté par un des visiteurs médicaux qu’accueillent régulièrement mes praticiens, et qui n’a pas compris pourquoi je n’acceptais pas sa documentation. Je prends bonne note de votre avis, je lui ai dis, mais j’ai mes sources. 
L’internat. 
De l’importance de la confiance en ses pairs. Un sujet fâcheux. Sensible. 
La confiance. Un objet que je chéris en profondeur sous d’épaisses couches corticales ; un objet que je ne parviens décidément pas à céder à ces hôtes sympathiques, ces pairs accueillants. Trois praticiens que je suis depuis maintenant un mois. À pied, en cabinet ou en voiture. Trois praticiens dont un en particulier que j’apprécie pour ses qualités humaines.

Alors il m’en coûte d’admettre que la confiance passe d’abord par la qualité prescriptive.
Merde.
À qui la faute ? 
L’Évangile selon Prescrire qui a su séduire mes tendances paranoïaques et contestataires ?
La psycho-rigidité que je me découvre aujourd’hui, et dont la finalité serait un soin épuré de tout cet enrobage publicitaire qui a su se rendre indispensable aux besoins de médicalisation de la population ? 
Ou simplement la peur viscérale de l’échec, de l’erreur médicale, qu’a exacerbé chez moi l’enseignement hospitalier ? 
La prise de risque réduite à son stricte minimum.
Vous n’en verrez pas souvent des patientes comme moi ! 
Alors je plonge, profite de cette journée off  pour réfléchir, faire le point. L’eau est tiède. Une brasse lente, régulière, expiration immergée, qui m’apaise. Je décide de lâcher du lest. De baisser ces défenses qu’a probablement érigées une année douloureuse à l’hôpital. 
Je décide de leur faire confiance, les yeux fixés sur l’horizon. 
Pour le reste, et bien on verra.

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Rencontres

« Who watches the Watchmen ? « 
Le réveil sonne. Il est 4 heures du matin. 
Avec l’alarme, la promesse de deux rencontres aujourd’hui.
Un matin froid de novembre. Il est 5 heures du matin. Le train est déjà à quai. Il gronde, fulmine sur les rails glacés de cette petite gare de province.
C’est sur cette ligne ferroviaire que j’ai fait mes premiers pas d’interne, parachuté pendant près de six mois au-dessus des urgences d’un hôpital périphérique régional. Une angoisse corrosive se rappelle à moi, quelque part entre mes côtes. Le burn-out de l’interne ?, a dit un jour un médecin palliatologue qui m’a été donné de croiser au semestre dernier, le burn-out de l’interne, une mode ! Parce que de mon temps... Six mois suffisent à  une impression indélébile. Je l’écarte pourtant. Ce matin, c’est le terminus que je vise. La capitale. Le ministère de la santé. Et à cette angoisse pavlovienne s’enchaîne aussitôt une curiosité gourmande, doucereuse. La promesse de deux rencontres. L’une nécessaire, l’autre essentielle.
Un matin froid de novembre. L’horizon se déroule dans le noir. Et puis la silhouette massive, lumineuse de la capitale. Les vapeurs chaudes du métro, les effluves humaines qui imprègnent le décor mouvant. Tous ces regards épais, encore éteints, agités par des soubresauts irréguliers.
À la sortie du métro, il fait jour et il est presque 8 heures du matin.
Nous sommes près d’une vingtaine autour de la table. Cette première rencontre, essentielle, parce que je ne les avais encore jamais rencontrés. Eux, ces médecins que des pseudos paraphent sur les réseaux sociaux. Ils sont là ce matin, en chair, en os. IRL.
Madame la Ministre nous fait face. Cette seconde rencontre, nécessaire. 
Une vaste salle de conférence. Elle. Eux. Un journaliste aussi. Son cahier grand ouvert est déjà noirci, et il griffonne en souriant les bons mots de Docteur V.
Près d’une vingtaine de co-signataires parmi les 24 engagés sur la plateforme de réflexion Médecine Générale 2.0 sont présents dans cette salle, et à ce moment précis, nous ne représentons aucun syndicat, aucun organe factuel de contre-pouvoir.
Je ne répéterai pas ce qui a été très bien dit par le Docteur Milie sur le site Egora. Mais il me paraissait important d’insister sur le caractère éclectique de notre groupe, et sur la disparité qui le compose. D’autant plus important que la virulence des commentaires me glace. Parce que c’est justement l’absence de représentativité au sens politique du terme, comme certains détracteurs ont pu nous le reprocher, qui a concrétisé notre démarche. 
Loin du débat d’idées ou des bras de fer sociaux, je me retrouve assis en face de la ministre dans ce même état d’esprit qui me fait m’attarder sur mon blog : poussé par le désir viscéral de témoigner de mes inquiétudes, ce besoin intarissable de partager une expérience, la mienne, pourtant si peu singulière. 
Mais que me faut-il dire de plus ? 
Que répondre à cette dictature de la bonne conscience médicale qui oppresse l’absence de représentativité, que répondre aux sombres hérauts de cette autorité qui ne cessent de relayer l’idéologie obscurantiste du si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi !
Je crois la pluralité des opinions indicateur primordial de la qualité d’une démocratie. Une pluralité qui est difficile à assumer en période de conflit où le préjugé de l’union faisant force est de bon ton. Mais si nous ne parvenons pas à sortir de ce carcan autoritaire que briguent les leaders d’opinion, nous sommes perdus. Ne restera dès lors plus qu’un pouvoir, un contre-pouvoir, et nous, quantité anonyme, écrasée entre les deux lames puissantes de cet étau. 
La médecine générale me passionne. Je suis un interne de médecine générale parmi des milliers, et je ne représente ni leurs intérêts, ni ceux d’une organisation syndicale à petite ou grande échelle. 
Je ne suis qu’un témoignage. Un parmi des milliers. Ma seule prétention est de croire que mon expérience n’est en rien unique.

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