Archives quotidiennes : 1 février 2015

Minoritaire

« J’sais plus, j’sais plus, si je crois en l’homme ou si je crois plus, si Dieu est encore dans ma rue. Oh, j’sais plus, je suis perdu » (J’sais plus, Comédie musicale Roméo et Juliette)

On va mettre une bonne fois les pieds dans le plat, dès le début de la discussion.

Je vais parler un peu de politique de santé.

Je parle en toute franchise, j’espère en connaissance de cause.

Je parle aussi librement, on ne m’a pas promis monts et merveilles pour écrire ce billet (en gros, je ne déclare au conflit d’intérêt pour appeler un chat un chat).

De même, je suis président d’un syndicat d’enseignants de médecine générale, mais si je parle ici, c’est en nom propre. « Mes propos n’engagent que moi » selon la formule consacrée.

J’avais annoncé fin 2014 que je participais au mouvement de grève, car je ne retrouvais pas de traduction dans le projet de loi de santé de la stratégie nationale de santé.

Pour faire court : avant le projet de loi, il y avait eu un travail (la stratégie nationale de santé) qui mettait enfin noir sur blanc des progrès pour l’enseignement de la médecine générale. Par contre dans le projet de loi, plus rien, ou si peu.

« C’est l’effet papillon petites causes, grandes conséquences. Pourtant jolie comme expression, petites choses dégâts immenses » (L’effet papillon, Bénabar)

Parce que oui, ne rien faire pour l’enseignement de la médecine générale, c’est aller au devant de catastrophes immenses.

Les généralistes qui liront cela seront je pense d’accord.

Pour ceux d’entre vous qui n’êtes ni médecin, ni du milieu médical, vous allez vous demander pourquoi je parle d’un scénario catastrophe. Parce que bon, un médecin généraliste, ça se forme à la faculté de médecine. Depuis des années même. Ce que les français veulent c’est qu’il y en ait un peu plus qui s’installent. Le reste… ce n’est pas qu’ils s’en moquent, c’est qu’ils ne voient pas trop l’intérêt de partir en guerre pour ça, vu que de toute façon les futurs médecins sont formés, quoi qu’il arrive.

Pour faire (de nouveau) plutôt court, et pardon aux amis médecins d’autres spécialités qui me liront pour le raccourci que je vais faire, mais jusqu’à il y a encore peu, les futurs médecins généralistes étaient quasi exclusivement formés à l’hôpital.

On forme bien à l’hôpital. On forme même à l’excellence dans les Centres Hospitalo-Universitaires (CHU). La médecine française est l’une des meilleures au monde de ce point de vue-là d’ailleurs.

Mais à l’hôpital on forme bien… des médecins hospitaliers, CQFD.

A l’hôpital on ne forme pas à la médecine de ville car la médecine de ville s’exerce… en ville, Re-CQFD.

Faisons une comparaison, sans doute un peu maladroite, mais peu importe, c’est juste pour comprendre l’idée.

Formons une jeune fille à la coiffure pour femme (oui, taxez-moi avec une alerte « gender » si vous voulez, ou simplement arrêtez de vous prendre la tête et remplacez femme par homme et vice-versa dans le texte, ça marche aussi). Je fais une spéciale dédicace à ma belle-sœur car c’est elle qui m’a apporté cette fameuse comparaison en me parlant de son métier de coiffeuse (justement) il y a quelques années.

Apprendre les coiffures féminines nécessite d’apprendre toute une technique, spécifique.

On ne coiffe pas les hommes comme on coiffe les femmes (enfin, de manière générale).

D’accord, on coupe toujours des cheveux, ça revient à la même chose. On travaille le cheveux.

Mais messieurs allez vous faire couper les cheveux chez un coiffeur pour femme, ou mesdames, allez vous faire coiffer les cheveux chez un coiffeur pour homme…

Vous verrez rapidement que le coiffeur sera sans doute un peu embêté, ne saura pas forcément comment faire. Il choisira peut-être de vous orienter vers un autre coiffeur, plus spécialisé. Ou il tentera de vous couper les cheveux quand même.

Certains seront doués, de façon presque innée, et le résultat sera presque parfait.

D’autres feront de leur mieux. Ce ne sera peut-être pas extraordinaire au début, mais petit à petit avec l’expérience, le résultat sera plutôt pas mal du tout.

D’autres, choisiront de ne pas sortir des sentiers battus, et de rester là où ils ont été formés, parce que ça, ils savent faire, et que c’est moins stressant que d’aller là où on ne sait pas ce qu’il faut faire.

Voilà, fin de la comparaison.

Vous aurez deviné que pour les futurs généralistes, c’est pareil : on les forme presque uniquement à l’hôpital.

Et le jour où ils peuvent voler de leur propres ailes, certains s’installent, beaucoup choisissent de rester à l’hôpital, là où ils connaissent bien le fonctionnement. C’est plus rassurant d’être dans un milieu où on possède des routines. Ce n’est pas plus reposant, loin de là, mais au moins c’est un milieu connu.

Donc, dans le projet de loi, si on ajoute vraiment de quoi former les futurs généralistes dans les cabinets de médecine générale, de quoi leur apprendre leur futur métier de « médecin de ville », et par ceux-là même qui exercent ce métier, on aura un effet papillon… mais sous forme d’un cercle vertueux !

Il faudrait même pouvoir augmenter les contacts dès le début des études avec les enseignants de médecine générale. Pour que tous les futurs médecins, généralistes ou autres spécialistes, connaissent comment fonctionne vraiment la médecine « de ville ».

« Tellement d’erreurs qu’on pourrait s’éviter, si l’on savait juste un peu patienter. Donne-moi le temps, d’apprendre ce qu’il faut apprendre. Donne-moi le temps, d’avancer comme je le ressens » (Donne-moi le temps, Jenifer)

Avoir le temps de travailler, de consulter, d’écouter les patients.

Sauf qu’actuellement, « en ville », le temps c’est de l’argent. Comprenez : plus on voit de patient dans une journée, plus on est payé. Plus on multiplie les actes (les consultations), plus on est payé.

C’est le paiement à l’acte.

C’est absurde.

C’est ubuesque.

Relisez ces quelques lignes : je n’ai pas dit « mieux on travaille, plus on est payé ». Non. Il suffit juste de multiplier les actes. A l’envi.

Je fais entre 20 et 25 actes par jour, au prix de journées de travail remplies.

Je gagne moins que certains confrères qui font 60 actes par jour, avec des horaires à peine plus denses que les miens.

Je me console en me disant que je travaille mieux.

On se console comme on peut…

Sortir du paiement à l’acte serait une grande avancée pour les médecins, à mon sens. Mais aussi (voire surtout) pour les patients.

« J´passe la moitié de ma vie en l´air, entre New York et Singapour, je voyage toujours en première. J´ai ma résidence secondaire dans tous les Hilton de la Terre. J´peux pas supporter la misère » (Le Blues du Businessman, Starmania)

Je pense que beaucoup de patients aimeraient pouvoir chanter cela.

Certains de mes patients me demandent parfois si je peux encaisser leur chèque un peu plus tard. Même si je ne leur fait payer que ce qui dépend de leur mutuelle, soit 6,90€, pour certains d’entre eux, c’est déjà trop.

J’ai choisi ce métier pour l’humain. Pour soigner. Je ne supporte pas la misère, mais pas dans le même sens que la chanson. Je ne veux pas que l’argent empêchent mes patients de venir se soigner.

Bien sûr, comme tout le monde, j’ai envie de gagner ma vie. Et de compenser financièrement le mal que je me suis donné durant toutes mes études, puis au quotidien avec des journées de travail chargées.

Par contre, si je peux me libérer de cette impression de bien gagner ma vie en retirant 6,90€ du porte-monnaie déjà vide de mes patients, ça me plairait assez.

Déconnecter « le soin que j’apporte à mes patients » de « c’est le patient qui me paye » me conviendrait bien.

A quelques conditions toutefois :

– Que celui qui me paye ne me noie pas sous la paperasse pour être payé. Sinon, l’être humain étant fainéant par nature, et étant moi-même un représentant de l’espèce humaine, une partie de mes grands principes fondraient comme neige au soleil… (Comprenez : le tiers payant généralisé ou TPG, je suis pour, si c’est une solution simple comme bonjour)

– Que les patients n’en profitent pas en se disant « Chic ! On ne paye plus le docteur, allons-y tous les jours, c’est gratuit ! » Bon, ce ne sera pas vraiment gratuit. Les cotisations sociales servent à cela, mais cela deviendrait moins visible.

Sur ce point, petit rappel historique : quand la CMU a été décidée et mise en application, tout le monde (moi le premier) était persuadé que le nombre de consultations allait grimper en flèche de la part de ces patients qui n’attendaient qu’une seule chose au monde : pouvoir faire la queue des heures en salle d’attente pour voir le médecin gratuitement…

Toutes les études faites à ce sujet le montrent très clairement : la première année, le nombre de consultation a augmenté. Tout s’est stabilisé dès la deuxième année.

Donc, les patients ayant la CMU ont abusé des soins ? CQFD ?

Non, les patients qui ont obtenu la CMU sont juste venus se soigner… alors qu’ils ne le faisaient pas avant, car n’avaient pas les moyens.

Et il en sera de même si le TPG entre en application : je peux prédire une hausse du nombre de consultations la première année.

Peut-être que nous devons, nous médecins, balayer aussi devant notre porte : éduquons nos patients à leur santé, apprenons-leur à ne pas consulter pour des problèmes bénins. Rendons-nous « moins indispensables » pour les petites infections virales de l’adulte (parce que, grand scoop : le MAXILASE et autre trucs sur certaines ordonnances… et bien ça ne sert à rien… un rhume ça se soigne avec le temps et un peu de paracétamol. C’est tout…)

« Peu a peu j’ai compris les données du débat, que rien ne bouge et l’égalité par le bas. Et tant pis si la foule gronde, si je ne tourne pas dans la ronde. Papa quand je serai grand je sais que je veux faire : je veux être minoritaire. J’ai pas peur, j’ai mon temps mes heures, un cerveau un ventre et un cœur. Et le droit à  l’erreur » (Minoritaire, Jean-Jacques Goldman)

Je me souviens bien d’une discussion avec Eric, un co-interne il y a quelques années, et ami actuel que j’admire. Cette discussion disait en substance que si le système entier (la sécurité sociale) venait à se casser la figure, à titre purement égoïste, nous aurions encore les moyens de nous soigner, parce que notre niveau de vie nous le permettrait.

Ce soir, les internes de médecine générale ont voté la grève. Ils exigent le retrait du TPG du projet de loi.

Ils n’exigent pas, dans ce communiqué de presse, l’effet papillon vertueux dont je parlais au début de ce billet.

Ils n’exigent pas d’être mieux préparés à leur futur métier.

Ils n’exigent pas de pouvoir soigner les patients, peu importent leurs revenus ?

Ils exigent la défense du système libéral actuel ?

Les négociations que nous avons toutes et tous réclamées sont enfin ouvertes. On ne peut pas réécrire l’histoire et faire que ces négociations soient ouvertes depuis des mois.

Nous pouvons écrire l’histoire, en pesant de tout notre poids dans les négociations. En martelant nos exigences.

J’avoue que, ce soir, je suis perdu.

C’est cela, être minoritaire ?

« Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera » (Serment d’Hippocrate)

Nulle part il n’est écrit que le patient devra payer son obole obligatoirement, sous peine de perte de l’autonomie du médecin.

Or, ce soir, il me semble qu’il ne s’agit plus que de cela, dans la bouche de la majorité de mes confrères.

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Remplir un constat sur un smartphone en cas d’accident matériel

En cas d’accident de la route, il est désormais possible de réaliser un constat d’accident sur son smartphone. En effet, tous les assurés français peuvent maintenant utiliser l’application e-constat auto, application officielle des assureurs français, pour déclarer facilement et rapidement grâce à … Continuer la lecture Continuer la lecture

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La leptine

Je ne comprends rien du tout aux hormones de régulation du métabolisme et de la prise alimentaire. Du coup, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de lire sur le sujet. Voici en quelques lignes ce que je retiens de mes lectures sur la leptine. La leptine est une hormone protéique sécrétée … Continuer la lecture de La leptine Continuer la lecture

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Deux vies.

Texte envoyé par D., une lectrice… C’est très beau… Je n’ai touché pas grand-chose… Si vous voulez raconter, c’est ICI. Alors voilà. C’est l’histoire de deux êtres et du temps qui passe. Lui est né pendant la Première Guerre mondiale, entre deux permissions de son père. Elle est née plus tard, la même année qu’Edmonde […]

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En finir avec le tabac : comment faire pour que le cerveau ne trinque pas trop ?

Bonjour « Arrêter du jour au lendemain ». L’alcool. Le poker. La cocaïne. C’est l’exception mais on sait que c’est possible. Avec une aide. Et le tabac ? C’est autre chose et ce n’est pas moins difficile. Et pourtant, là aussi, c’est possible. Nous connaissons tous des hommes et des femmes qui y sont parvenus. Parfois sans aide […] Continuer la lecture

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Le temps, c’est de l’argent

Cette semaine, le C@fé des sciences s’intéressait à un thème en particulier: le temps. Plusieurs blogs membres du C@fé ont donc proposé des billets sur des sujets en rapport avec le temps. N’hésitez pas à aller y jeter un coup … Lire la suite Continuer la lecture

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Dragi Webdo n°35: NACO (HAS), dyslipidémie, HTA gravidique, asthme (NICE), lait et infections, anti-grippaux, anti-arthrosiques, soutien psy

Bonjour,
J’espère que votre semaine a été bonne et que ceux qui ont pu aller aux congrès des internes de médecine générale ont été satisfaits. Pour ceux qui n’y étaient pas, vous pouvez retrouver les principales choses qui s’y sont passé grâce à #congresIMG . On enchaine sur les autres actus!

1/ Cardio-vasculaire

Pour commencer, la HAS a émis un rapport sur les différents NACO (AOD). Elle rappelle que ces traitements sont à utiliser en seconde intention pour les patients non contrôlable par AVK ou ayant une contre-indication aux AVK. Elle note que seule l’Apixaban montre une amélioration mineure du SMR par rapport aux AVK dans la fibrillation auriculaire.

Pour revenir une nouvelle fois à la problématique cholestérol. Il semblerait que chez les adultes jeunes avec un cholestérol non-HDL supérieur à 1,6g/L voient quand même augmenter leur risque de coronaropathie de  39% par dizaine d’année de cholestérol modérément élevé. 85% de ces patients n’ont pas d’indication à débuter un traitement médicamenteux, mais les règles diététiques semblent indispensables pour faire diminuer ce risque.

Pendant la grossesse, les seuils d’objectif de traitements de l’HTA gravidique sont variables. Il semblerait qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir un contrôle particulièrement strict. En effet, un objectif de PAD à  100mmHg n’entraine pas plus de complications maternelles et néonatales qu’un objectif à 85mmHg, et ce même avec un nombre d’hypertension sévère (>160/110) bien supérieur dans le premier groupe.

2/ Pneumologie

Les anglais du NICE ont émis des recommandations pour améliorer la prise en charge de l’asthme. Le problème posé est celui du diagnostic et des nombreux patients étiquetés asthmatiques qui ne le seraient pas. Le diagnostic repose donc sur la clinique associée à des EFR. Et après avoir mis en évidence un syndrome obstructif réversible, ils recommandent de mesurer la fraction expirée de NO qui doit être supérieure à 40 pour confirmer le diagnostic (non nécessaire avant 16 ans si EFR typique). L’algorithme est un peu complexe quand même, et mène au final à de nombreux test pour confirmer ou infirmer la présence d’asthme.

Parlons un peu de lait. En effet, une étude a retrouvé que consommer du lait non pasteurisé était associé, à 12mois, à une diminution des infections respiratoires et des syndromes infectieux de 22% et 30%, et même de  85% pour les otites!

Enfin, alors que le vaccin anti-grippal a une efficacité particulièrement faible cette année, la direction générale de la santé recommande l’utilisation des traitements anti-viraux chez les personnes vulnérables (de plus de 85 ans, en gros, chez qui la mortalité est augmentée). Une méta-analyse publiée dans le lancet. Elle retrouvait une diminution de la durée des symptômes de  24 heures par rapport au placebo. Je lis bien une diminution de 40% des hospitalisations et des complications, mais j’aurai aimé avoir accès à l’article pour voir les chiffres absolus de survenue de ces évènements. Les effets indésirables: 10 % de nausées et vomissements chez les patients traités par oseltamivir. Bref, on n’en attendais pas moins d’une méta-analyse des essais menés par le vendeur du médicament.

3/ Rhumatologie

Il était temps. La glucosamine va être déremboursée au premier mars 2015. Des effets indésirables bien supérieurs au bénéfices prouvés justifient cette décision.

Pour rester dans l’arthrose, une méta-analyse Cochrane a étudié les effets de la chondroitine. Comme attendu, l’efficacité est faible et incertaine, avec une diminution de 6% des douleurs (score WOMAC), pour des durées inférieures à 6 mois de traitement. Les effets indésirables n’étaient pas supérieurs au placebo, mais 3% d’effet indésirable graves, c’est toujours plus que rien…

4/ Psychiatrie

On finira sur un peu de psychiatrie. En soins primaires, les traitements de l’anxiété et de la dépression n’ont pas d’effets très francs compte tenu de la population qui ne correspond pas à celles des grandes études de psychiatrie. Cependant, les thérapies cognitivo-comportementales sont un traitement efficace. Le problème, le prix des thérapeutes qui peut parfois poser problème…

Les dernières lignes de la semaines seront pour les aidants des patients atteints de démence. Les aidants n’ayant pas de soutien psychologique ont 7 fois plus de risque de faire une dépression. Alors, ne les oublions pas.

Passez une bonne semaine, et à bientôt!

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Loi de santé: quand le néo-libéralisme avance masqué


Hôpitaux magnétiques, professionnalisme et régulation professionnelle


« Le bien imposé du dehors aboutit au mal suprême, qui est pour une nation la léthargie, le matérialisme vulgaire, l’absence d’opinion, la nullité officielle, sous l’empire de laquelle on ne sait rien ni n’aime rien. L’administration détruit le ressort des âmes. » Ernest Renan

Le cadavre du professionnalisme bouge encore


« La clinique apparaît comme une dimension essentielle de l’hôpital. J’entends ici par clinique l’organisation de l’hôpital comme lieu de formation et de transmission du savoir. » Michel Foucault.

Les menaces qui pèsent sur professionnalisme médical font aujourd’hui l’objet de nombreux travaux. La France, isolée dans ses enceintes mentales, peine à les intégrer dans ses réformes du système de santé.
Il est urgent de reconnaître la légitimité d’une régulation professionnelle, à tous les niveaux de gouvernance, qui puisse nous protéger, nous et nos patients, de l’infantilisation économisciste et managérialiste qui préside aux lois de santé successives. L’actuel projet est bien une loi HPST 2, il ne faut pas s’y tromper. Les sources internationales de l’affaiblissement du rôle de la profession médicale dans l’organisation des soins de santé peuvent se résumer par le terme de « néo-libéralisme », à condition de bien le définir. A la différence du libéralisme classique qui met en avant les bienfaits de la liberté d’entreprendre mais se trouve confronté à l’impossible définition de l’Etat minimal, le néolibéralisme, lui, réclame un Etat fort, régulateur au nom d’un savoir d’experts scientifiques, de la compétition entre des entités individuelles ou collectives toutes considérées comme des « firmes ». 
Ainsi, d’une part l’économie orthodoxe , par ses théories de la firme, fait de nous de la chair à incitation pour optimiser l’efficience dans la compétition entre entités-firmes, tandis que d’autre part le managérialisme veut nous transformer en techniciens de santé appliquant des procédures mécanistes rationalisées et explicitées d’en haut par des « experts ». La gouvernance « intégrée », définie par les organismes internationaux, se donne pour objectif d’aligner les différents niveaux de « firmes »: Organisation mondiale, République-entreprise ou Etat-stratège, organisation-entreprise, sous organisations et individus entreprises. Le combat classique entre libéraux et républicains devient donc à la fois une « querelle de fous » (Marcel Gauchet) mais surtout un combat de dupes soigneusement entretenu par la propagande du rationnement.

Une guerre généralisée entre firmes, régulée par l’Etat-Léviathan


« La gouvernementalité désigne l’activité qui permet de gouverner par la liberté, de manière à ce que les individus « en viennent à se conformer d’eux-mêmes à certaines normes »


Ce paradigme de l’objectivation quantifiée justifiant le pouvoir légitime du régulateur d’entreprises mises en compétition et celui tout aussi légitime de la normalisation des procédures, ne peut trouver qu’un étalon universel, l’argent. L’ingénierie de l’homme nouveau dans ce meilleur des mondes suppose des attitudes conformes à la généralisation de cette forme entrepreneuriale à toutes les sphères de la vie implique que le sujet se croie libre de ses choix (Foucault), tandis que le management veut avant tout contrôler des sujets dociles aux procédures standardisées définies par les bureaux des méthodes et au comportement soumis à l’autorité. Le managérialisme promeut des méthodes rationalisées et intégrées par la hiérarchie, ayant vocation là encore à envahir toutes les sphères de la vie publique et privée, au nom du calcul d’impacts sur le Bien-être collectif et du principe de prévention. Voilà la source de la quanto-schizophrénie qui multiplie à l’infini les injonctions paradoxales, le désenchantement de l’ensemble de ceux qu’on nomme « professionnels de santé » face à des indicateurs myopes toujours plus insignifiants.
L’économie, science de la production des biens et des services, opère une fusion délétère avec le management, science de rationalisation des activités sociales au service de la « santé bonheur ». Nous n’avons été que trop longtemps passifs et culpabilisés par le discours de l’anti-médecine face aux effets désastreux que cette chimère provoque sur les prises en charge des patients, sur la formation, la combinaison et la transmission des savoirs individuels et collectifs. Ces savoirs en action et par l’action ne trouvent plus de voie pour s’appliquer correctement à des cas concrets, singuliers, imprévisibles et complexes de nos patients. Nous n’avons pas assez vite perçu la destruction de la médecine à visage humain, centrée sur l’intérêt individuel du patient,  derrière l’idéologie et la propagande les stratégies politiques d’ajustement et les inférences utilitaristes douteuses qui les supportent.
Nous constatons au quotidien les conséquences du mépris, institutionnalisé en dogme, du lien essentiel entre savoirs professionnels et la segmentation des activités au sein de l’organisation. Nous ne pouvons que déplorer l’occultation contre-productive et obsédée de production low cost,  de la qualité et de la sécurité réelles qu’apportent des équipes stables, formées et motivées, structurées par ces savoirs et ces pratiques prudentielles. Nous voici enfermés dans la cage d’acier de Max Weber. Il fallait pour cela que la médecine soit avalée toute crue par la politique et que les activités de soins soient asservies à la « fonction de production » de l’action publique.

La nouvelle sociologie des professions


« Entre l’opinion et la connaissance scientifique on peut reconnaître l’existence d’un niveau particulier qu’on propose d’appeler celui du savoir (…); il comporte (…) des règles qui lui appartiennent en propre. » Michel Foucault.

La nouvelle sociologie critique, avec Freidson, Champy, Pierru et Belorgey a intégré les menaces qui pèsent sur le professionnalisme. Elle y jette un regard nouveau face aux impasses de l’interactionnisme critique (Champy). Elle aborde les professions à pratiques prudentielles dans des termes différents de ce qui est enseigné officiellement à l’EHESP, dans les écoles de cadres voire dans les formations pour médecins gestionnaires, reconnaissant le besoin à la fois d’une protection et d’une régulation professionnelle rénovée dans ses partenariats renouvelés avec les usagers, le marché, les managers et les politiques de santé.
L’articulation des connaissances, des activités et de l’organisation n’a pas de modèle unique. Pour sortir de l’impasse actuelle de la gouvernance néo-managériale, le modèle des « hôpitaux magnétiques » fait partie de ceux qui peuvent nous éclairer. Pour repenser la régulation professionnelle et ses liens nécessaires avec les parties prenantes, il est fécond de s’appuyer aussi sur la description des configurations organisationnelles de Minzberg et sur les théories de la « firme », elles-mêmes multiples et contradictoires, notamment sur celles qui mettent en avant les organisations créatrices de connaissances et les noyaux de compétences clés de la véritable performance de l’organisation (core competence).
L’économie, les sciences sociales et les sciences de gestion portent en elles les ressources qui permettent de prévenir leur pouvoir de mystification sur les semi-habiles et de lutter contre leur instrumentalisation par le Prince ou par les ploutocrates.

Les hôpitaux magnétiques : un hôpital où il fait bon travailler en est un où il fait bon se faire soigner. Yvon Brunelle

UNE SOURCE D’ENSEIGNEMENTS : LES HÔPITAUX « MAGNÉTIQUES » AMÉRICAINS Par Yvon Brunelle Direction de l’organisation des services médicaux et technologiques Ministère de la Santé et des Services sociaux

Mayo Clinic: Multidisciplinary Teamwork, Physician-Led Governance, and Patient-Centered Culture Drive World-Class Health Care

Des Hôpitaux magnétiques : pour une gouvernance à visage humain !

La bureaucratie professionnelle. Henry Mintzberg. Structure et dynamique des organisation.

The core competence of the corporation. Hamel Pralahad

Sociologie des professions. Florent Champy. PUF 2ème edition 2012


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Le Dr Michel Cymes, son dernier livre et le «malaise palpable» de la librairie de Strasbourg

Bonjour Il est des papiers qui disent tout. C’est l’une des vertus de la presse écrite. Ainsi celui de Jacques Fortier, fidèle correspondant du Monde à Strasbourg. On le retrouvera en bas de la page 9 de l’édition datée des 1er et 2 février 2015 du journal qui vient de fêter ses 70 ans. Voici […] Continuer la lecture

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Grippe : faut-il continuer à vacciner quand on n’est pas certain de l’efficacité ?

Bonjour C’est l’assurance maladie qui nous le dit : la campagne de vaccination contre la grippe est prolongée jusqu’au 28 février, et ce « en raison de la progression actuelle de l’épidémie en France métropolitaine ». « La grippe étant actuellement en phase ascendante en France, il est encore temps de se vacciner » viennent de faire savoir les autorités sanitaires. […] Continuer la lecture

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