Archives quotidiennes : 12 janvier 2012

Libéral ou fonctionnaire ?

Depuis que l’hiver à commencé, nous enchaînons un week-end de travail toutes les deux semaines et les semaines sont chargées avec des accidents de ski assez nombreux, sur des pistes gelées.

Il y a eu l’ouverture de la station de ski, grâce aux faibles chutes de neige survenues juste avant les vacances de Noël. 
Il y a eu également ces trois jours passés à poursuivre l’apprentissage de l’échographie, trois jours d’échanges d’une grande richesse entre le tourbillon des vacances de noël et la bourrasque du week-end suivant.
Il y a eu la préparation de la V3 dans l’établissement de santé qui m’emploie à temps partiel. 
Et il y a eu cette réunion, organisée à l’initiative du maire de Troufignan qui veut relancer le projet de maison de santé pluri-disciplinaire (ou pluri-professionnelle, puisque le nom officiel du machin semble changer). 
Non, je ne cèderai pas au plaisir facile de faire un billet d’humeur sur ce non évènement. Enfin si, peut-être, mais juste un petit, alors…

C’était un midi, à l’heure du repas, dans un restaurant de Troufignan. 
Il y avait là le directeur de l’offre de soin de l’ARS, un consultant, expert dans l’art de monter des projets de Maison de Santé, le maire de Troufignan, les conseillers municipaux de Troufignant de St Frusquin, les pharmaciens locaux qui ont les miquettes à l’idée de perdre leurs prescripteurs, des kiné, des infirmier(e)s, un conseiller général… 
Et puis il y avait aussi les médecins généralistes de la région. Enfin, ce qu’il en reste. Les survivants. Mal rasés, haves, l’oeil hagard et le cheveu en bataille après une nuit de m… et une matinée de consultation.
Le Directeur Général du Service de l’Offre de Soin de l’Agence Régionale de Santé est donc entré en matière en expliquant que l’ARS était prête, maintenant, à contribuer à la création d’une maison ou d’un pôle de santé pluri-disciplinaire qui rassemblerait les professionnels de santé partageant un même projet de santé pour le territoire, dans une logique de réorganisation de l’offre de soin primaire, et qu’il allait missionner un expert, ici présent, pour auditionner les protagonistes de ce futur projet au service des populations rurales vieillissantes…
Le guignol nous a servi un festival de langue de bois mettant surtout en évidence l’arrogance insupportable de ces bureaucrates et leur totale méconnaissance de la vie et de l’activité des gens dont ils prétendent organiser le travail…
– « Jusque là, vous travailliez seuls (nous sommes tous en groupe, avec des paramédicaux associés)
sans coordination (nous nous sommes bien répartis les compétences, et nous nous concertons toujours avant de décider des vacances…).
Vous êtes peu équipés (tables de radio, ECG, spiromètres, test de diagnostic rapides, défibrilateurs, pompes à mucosité, oxygène, protoxyde d’azote…).
Vous êtes submergé par les personnes âgées (non coco! les vieux quittent très souvent la région lorsque le poids des ans est trop lourd. Le froid, la neige et l’altitude ne leurs valent rien).
Il vous faut accueillir les internes (trop tard, on est déjà maîtres de stage !)
La consultation ne sera plus réévaluée, mais la nouvelle convention et la loi HPST promeuvent de nouveaux mode de rémunération à même de vous aider à assurer vos nouvelles mission (eh banane ! nos patientèles sont touristiques ou de passage pour une bonne partie. La rémunération conventionnelle « à la performance » ne nous concerne donc pratiquement pas. Même l’option démographique ne serait pas intéressante vu le nombre d’actes techniques que nous faisons) « …

Il n’en fallait pas beaucoup pour que la moutarde me monte au nez. La côte d’alerte a été atteinte en moins de 2 minutes.
Visiblement, je n’ai pas été le seul à me sentir insulté, puisque mes confrères ont commencé à s’exprimer sur un mode plutôt agressif.
L’un d’entre eux a profité de la réunion pour rappeler qu’il y a deux ans et demi à peine, l’ARH n’avait opposé qu’une feint de non-recevoir à nos demandes d’aide à la création d’une MdS, puis il a rendu public son départ imminent. 

Un autre a attribué aux cadences infernales le cancer qui le touche et expliqué qu’il arrêtait la médecine générale pour ne plus faire que de la gynécologie.
Un troisième a expliqué que les actes techniques de médecine de montagne n’avaient pas été revalorisés depuis 20 ans et qu’il ne fallait pas chercher plus loin la désaffection de cette médecine particulière par les jeunes médecins n’ayant pas accès au secteur 2…

En quelques minutes, la salle de restaurant était devenue « règlement de compte à OK Corral ».
On aurait dit Astérix et Obélix tombant à bras raccourcis sur une phalange de romains  imprudemment aventurée en territoire hostile… l’hallali, la curée, un lynchage verbal…
Rien à perdre, de toutes manières. Rien à gagner non plus d’ailleurs.
Un dernier baroud d’honneur en forme de « morituri te salutant… »
C’était gratuit. Une sorte de défoulement collectif un peu puéril avec le sentiment que foutu pour foutu, il valait mieux se moquer et en rire. Ça serait toujours ça de pris…

Et puis je suis retourné à mes visites, et c’est comme souvent au volant de mon tacot que j’ai réfléchis aux raisons profondes de ma colère.
Nos technocrates de l’ARS et des ministères ont des à priori sur nos activités de médecins de campagne ou de médecins de montagne (ou de médecins de ville). Il ne veulent/peuvent pas évoluer. C’est irritant.
Ils ont aussi des vélléités de piloter l’évolution de la médecine libérale.
Ça, déjà, ça m’énerve, mais je vais essayer de ne pas en rester à ce sentiment négatif.
Sans doutes ont ils des raisons de souhaiter cette évolution. Peut être ont ils même raison de souhaiter cette évolution.
Que veulent-ils au juste ?
Si j’en crois ce que j’ai entendu ce midi, ils veulent :
– des centres de santé implantés là ou ils l’ont décidé, fonctionnant avec des professionnels de santé rémunérés selon des objectifs de santé publique définis par eux même, obligés à assurer une permanence des soins pilotée également par eux même, assurant des séances d’enseignement thérapeutique dont le programme réponds à des campagnes officielles décidées par eux même ou par l’état.
D’ailleurs, le directeur de l’offre de soin de blablabla… l’a bien dit : « Que vous le vouliez ou non, vous serez de toutes manières de moins en moins libéraux. A vous de vous plier à la nouvelle organisation des soins »
Oui, c’est une phrase que j’ai entendue au cours de cette réunion.
Avouez qu’ils cherchaient la m… quand même. 

Alors oui, nous sommes clairement à la croisée des chemins.
Que voulons nous pour l’avenir ?
Un système de santé de premier recours administré par l’état et ses services déconcentrés, les ARS, géré d’en haut par les politiques, avec des agents plus ou moins fonctionnarisés (les professionnels de santés) rémunérés selon des objectifs définis par l’état (aujourd’hui : diabète, cancer du sein… demain …?)
Ou un système de santé indépendant du pouvoir, avec des professionnels de santé libres de leurs pratiques, mais rendant des comptes directement à leurs patients ?

Personnellement, j’ai choisi. Mais peut être (c’est d’ailleurs probable) ne représenté-je pas la majorité de la population. C’est pour le savoir que je mets en ligne ce petit sondage :
Etes vous pour une fonctionnarisation des médecins généralistes ou souhaitez vous que persiste une médecine vraiment libérale, indépendante des pouvoirs publics ?
Que vous soyez médecin ou non, donnez votre avis en répondant à ce petit sondage perso, (colonne de droite au dessus des blog-lists) et en commentant ce post.
Peut-être que cette évolution de la médecine est effectivement souhaitée par une majorité de français.
Vos réponses m’intéressent.

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