Archives mensuelles : juillet 2009

La veille.

A ma grande surprise, lors des jours qui ont précédé l’internat, ce n’est pas tant l’angoisse qui dominait en moi, même si elle était là, larvée quelque part, mais un grand sentiment de dégoût et de lassitude.
Le dernier mois de révision, où libérés de nos obligations de stage, nous n’avions pour seule perspective au cours de mornes journées que Réviser, réviser, et encore réviser, de plus en plus erratiquement, de façon de plus en plus compulsive, avait été pour moi particulièrement pénible, et, à mon avis, la quintessence de la « Fausse Bonne Idée ».

Ainsi, à la veille de concourir ne restait plus en moi que le sentiment désagréable de ne plus vraiment me reconnaitre.
Un prof nous avait dit, quelques mois plus tôt au cours d’un énième cours de préparation  « C’est vrai que l’on n’en sort pas indemne de ce concours ». L’emphase de la formule m’avait faite rire sur le moment, mais il me faut bien admettre qu’il n’avait pas totalement tort. En ces premiers jours de juin je ne me reconnaissais plus et je n’étais pas fière des changements.

Les deux années précédantes, telle la bonne élève que j’ai toujours été, je m’étais suis pliée aux règles du jeu, j’avais fait des pied et des mains, assité à des conférences de préparation, appris des listes par cœur, rédigé des centaines de fiches, consommé un quart de la forêt amazonienne en brouillons de cas cliniques, dans l’unique but de parvenir à « penser concours ».
Penser concours comme me l’enjoignaient conférenciers, professeurs, internes. Penser concours. Mettant peu à peu de côté ma curiosité intellectuelle, me fichant désormais du pourquoi du comment, me contentant d’apprendre les choses réputées utiles.
J’ai élagué mon désir de connaissances, posé des questions de plus en plus ciblées en stage, laissant glisser les détails qui, en deuxième année, exitaient mon intérêt (on s’amuse comme on peut), en décrétant « on s’en fout, ce n’est pas de notre niveau ». J’ai appris des réponses stéréotypées, classées, hiérarchisées. Avec au fond de moi, un grand doute quant à l’utilité réelle de cette façon d’apprendre.

Bref, j’ai tout fait pour devenir une bête à concours, sans réellement parvenir à me fondre dans le moule. Et à la veille de ce foutu internat, je haissais tout bonnement ce que j’étais devenue, car j’aimais à penser que cela n’était pas moi. Mais alors que je critiquais le système m’ayant amenée là, cet élitisme ambiant, je me méprisais plus encore, sachant pertinemment que dans le fond, je m’étais tiré cette balle dans le pied toute seule, comme une grande, que mon asservissement à ce concours était volontaire.
J’ai juste cédé à la pression et joué au mouton, ce dont je ne suis pas franchement fière.


Lecteur je te rassure (si tant est que tu te soucies de mon bien être), ce sentiment assez déplaisant a fini par s’estomper à mesure que je reprennais une activité humaine normale (lire la pile de romans « en attente », aller au cinéma, faire du roller ou aller nager, boire un pot avec d’autres êtres humains non médecins sans être hantée par la culpabilité de celle qui devrait-travailler-mais-glande-à-la-place (j’ai un surmoi hypertrophié, ce qui est assez pénible en période de concours), ne rien faire).

Je sais cependant, même à présent que ce sentiment me semble bien loin, et probablement aussi le produit d’une très grande fatigue, que je n’avais pas totalement tort.

J’étais vraiment devenue l’un des produits d’un système un peu pervers, où l’on vous intime d’apprendre à penser par « Mots Clefs » (car ce sont ceux qui rapportent des points), d’acquérir des « réflexes de rédaction » (car ils permettent de ratisser large tous les points imaginables), de hiérarchiser nos réponses (pour ne rien oublier et ne pas perdre de points) ; diminuant au passage le réel intérêt pédagogique du programme officiel de l’internat (pas si mal conçu).

C’est assez difficile à expliquer à quelqu’un n’étant pas dans le milieu, mais, alors que cela pourrait sembler être une façon comme une autre de hiérarchiser des connaissances utiles dans notre exercice, bien souvent, cela crétinise les étudiants qui y sont exposés. J’en ai vu plus d’un, dans leur grille de traitement d’une bouffée délirante aiguë, caser « scope et oxygénothérapie si besoin », ou « prise en charge à 100% » à toutes les questions de thérapeutique.


Le plus drôle étant que le jour J, la plupart des sujets n’avaient, dans leur mode de rédaction ou leur thème, que peu de  chose en commun avec ce à quoi  on voulait tant nous préparer.

Et les sujets où une grande partie de mon classement (qui me satisfait pleinement) s’est probablement jouée sont les dossiers et questions les moins typiques et où aucun réflexe pavlovien n’a pu venir à mon secours..

A postériori (et une fois les résultats tombés), c’est plutôt rigolo.

Et rassurant.

 

Prochain article moins soporifique je l’espère. Celui ci ne présentant que l’intérêt de vider un sac devenu bien lourd avec le temps.

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CMU : comment faire échouer une bonne idée.

La couverture maladie universelle ou CMU est une mesure généreuse qui apporte à chaque français privé de ressources une couverture maladie complète. Elle s’inscrit dans une tradition sociale qui honore la France et fait quelques jaloux à l’étranger. Malheureusement, sa mise en place désastreuse génère de nombreux conflits qui font régulièrement la une des journaux. Chaque partie campe sur ses positions, conspuant ses adversaires. Je vais tenter d’expliquer pourquoi, dans (…)


La médecine et le social

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