Archives quotidiennes : 26 août 2007

Farniente en été (non je plaisante)

Et voilà quelques jours de grand soleil qui enterrent le projet d’étude de santé publique qui avait commencé à germer en moi, sur le sujet à la fois opportun et passionnant que voici : Après les morts dus à la canicule de 2003, observerons nous cette année une hausse de la mortalité par suicide post dépression hivernale ? 

Je sais, je sais, santé pub et l’adjectif « passionnante » dans la même phrase, c’est osé, mais c’est ainsi, le soleil de novembre me rend téméraire. Cependant au vu de la météo actuelle, tout risque d’être faussé (combien de gens cette intervention tardive mais héroïque de l’anticyclone des Açorres sauve t elle en ce moment même du désespoir ?), et je n’aurai pas l’occasion de vous le prouver. Zut. Ou pas.

Je vois sur le calendrier de droite que ceci est mon premier post du mois d’août. Je vous rassure tout de suite, c’est du au fait que l’été les connexions internet gratuites sont plus dures à trouver, et non au fait que j’étais en vacances –je l’étais, mais pas tout ce temps. Pendant une bonne partie de ce mois et du mois de juillet, j’ai ainsi eu l’insigne plaisir d’arpenter ce CHU que j’aime tant.

Un CHU est une bête étrange, qui hiberne l’été.

Attention, je ne dis pas que tout s’arrête, non non non. Mais tout marche au ralenti. Des lits ferment. J’ai entendu quelqu’un affirmer sans rire que ces fermetures correspondent au déplacement des touristes… c’est peut être vrai pour certains services, mais quand je vois que les gens hospitalisés dans mon service sont soit à la retraite, soit des gens en situation sociale précaire (qui sont étrangement plus préoccupés de savoir si ils vont continuer à bénéficier de la CMU l’an prochain que de la météo à St Tropez), à quelques exceptions près, j’ai des doutes quant à la pertinence de cet argument, mais passons…

Des gens partent en vacances. Les couloirs sont un peu plus silencieux, il y a moins de monde à la cafèt.

Ca a l’air paisible comme ça, non ?

Non. Parce que des gens en vacances, ça veut dire que vous êtes moins d’externes. Pour faire grosso modo le même boulot. Et que c’est pareil un peu partout. C’est le bordel, ça vous connaissiez, mais c’est pire que d’habitude.
Par exemple vous découvrez un matin que il n’y a plus d’echo doppler disponible pour 3semaines parce que les doppleristes sont en vacances (sauf pour les grandes urgences j’imagine, dans ce cas un autre médecin le fera).
Vous découvrez aussi que, oui, vous téléphoner pour vous prévenir de ce fait était au dessus des forces de la secrétaire qui a préféré en voyant le formulaire demandant l’examen que vous aviez faxé, faire la morte en attendant que vous la relanciez.
Ne vous inquiétez pas pour le patient, hein, il l’aura son doppler, s’il en a besoin. Mais dans un autre hôpital. Ce qui veut dire que, par contre, vous pouvez vous inquiéter pour les nerfs de l’externe ou de l’interne qui va hériter du bébé « tiens, débrouille toi pour trouver comment lui obtenir un rendez vous ailleurs ».

Ça atteint un tel point que vous pouvez facilement (et à tort) passer pour un fumiste.
Staff du service :

[Le chef, décidant, sous effectifs obligent, de s’impliquer dans la prise en charge des patients] : et quelqu’un a appelé le cardiologue habituel de Mme Y ?
[Vous] : ben oui, mais il est en vacances jusque fin août.

[Le chef, derechef (oui, c’était facile)]: Et on sait où M D a eu ses holter en ville ? on peut récupérer des comptes rendus peut être, ça serait bien…
[Vous, in petto] : oui ça serait bien, hein, vu qu’il risque pas d’en avoir un dans le service vu que les 2 cardio qui interprêtent les holter habituellement sont en vacances.. 
[vous, à voix haute] ben, on sait, oui, j’ai appelé, c’est au centre Xxx, qui est fermé jusque début septembre.

[Le chef, persevérant, alors qu’il étudiait le dossier de votre dernier patient] :  Et il a été opéré où ? on a un compte rendu opératoire ?
[Vous, après une grande inspiration]  : ben, c’est à la clinique T, mais tout est fermé pour travaux, et même les archives sont inaccessibles.

Eclat de rire général. A cet instant, vous lisez dans l’œil de votre chef « tu te foutrais pas un peu de ma gueule, toi ? », mais vous restez impassible et décidez que vous avez trop d’intégrité pour vous justifier (et surtout, que ça paraîtrait louche).
Franchement, merci l’été..

Le service étant en sous effectif, les gens qui restent s’impliquent plus, et c’est ainsi que le chef qui d’habitude ne l’est pas, se sent l’âme d’un Iznogoud et décide de nous faire subir de grandes visites quasi quotidiennes.
Ce qui m’a permis de découvrir deux choses à son sujet :

1) je confirme, c’est un cardiologue. Et il en a la déformation professionnelle
A propos d’un patient dans mes lits, 20 ans, hospitalisé pour épanchement pleural réactionnel à une Pneumonie :
« et il a eu son écho cœur ? » « euh, non, il a vingt ans, il est en hébergement en cardio en attendant une place en pneumo, il aucun point d’appel cardio, pourquoi faire une écho cœur ? » « ben, on est en cardio » . Ah ouais, vu sous cet angle…*

2) soit il a oublié ce que c’est que l’externat/le but de l’externat, soit il nous prend pour des cons, soit il est con.
J’avoue avoir un faible pour la dernière solution, parce que quand il suggère, manifestement fier de lui d’y avoir pensé, que Mme X polyvasculaire, triplement stentée, triplement pontée, sous anticoag pour ac fa permanente, a « probablement un cardiologue en ville », et vous regarde ensuite, attendant des félicitations ; il est difficile d’une part de ne pas lever les yeux au ciel, d’autre part d’anoncer que oui, vous avez récupéré son dossier auprès du dit cardiologue (qui n’était pas en vacances, chose suffisament rare pour être soulignée), sans ajouter à la fin « et je t’ai pas attendu pour le faire, ducon ».

Et si je dis que, manifestement, il a oublié ce qu’était l’externat, c’est qu’apparement pour lui, nos compétences culminent dans le rangement de dossier ou l’agrafage. Pire je crois qu’il nous pense heureux de le faire.
Cet abruti a osé me nommer « responsable de l’agrafeuse », pendant une visite.
J’ai pensé très fort « si tu me dis encore une fois combien un dossier est bien rangé et que c’est très bien sauf qu’il faut agrafer là et non là, plutôt que de faire une remarque constructive sur mon observ’, c’est responsable de l’agrafeuse dans ta gueule que je vais devenir », mais je ne l’ai pas dit.

Je le regrette encore.

*si quelqu’un a une explication plus convaincante que « ben on est en cardio », je suis toute ouië et je m’excuserai mentalement auprès de mon chef pour tous mes sarcasmes

j’oubliais : vu pendant ma dernière garde :
Pouvez vous croire que quelqu’un se pointe aux urgaences à minuit quarante cinq pour, et je cite, « Narcolepsie ». (j’ai failli photocopier le papier d’admission, c’était trop beau pour que je sois crue).

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