Archives mensuelles : mai 2007

Solidarité mon cul

Mardi dernier à la visite :
Panda :
« Au fait les jeunes, inutile de vous rappeller que le lundi de pentecôte n’est plus un jour férié, n’est ce pas ? »

Ce matin dans le service :
Tous les externes. Les chefs et les internes en mode « week end » (pas là, sauf les malchanceux de garde).

Quand je pense que la plupart de mes coexternes travaillant dans d’autres services sont restés couchés. Quand je pense qu’on passe une bonne partie de notre temps (enfin, à part en péd) à voir des vieux (et je ne vous parle pas de ce charmant job d’été qu’est le boulot d’aide soignant étage alzeihmer).

Quand je pense que panda ne nous autorise même pas à louper une matinée de stage à tour de rôle les matins de partiels (là où certains services vous dispensent de venir les matins précédants les épreuves) ou à partir tôt…

Quand je pense que notre salaire est forfaitaire donc que ça ne changeait rien…

Je crois qu’on s’est fait avoir.
A sec, avec des gravillons.

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Mai

L’autre nuit, nuit qui suivait une garde, j’ai rêvé qu’un patient m’agressait. La garde avait été très tendue, évidemment. Dans le rêve, j’avais une blessure au bras, et bien d’autres choses encore. Je me rendais en psy ado, le bras blessé et encore en blouse, et je tombais sur un CCA très sympa que j’ai déjà eu, dans la vie réelle en td et que je croise parfois. (il était justement venu donner un avis psy pendant la garde).
J’arrivais donc, le bras en sang, en blouse et au bord des larmes, et il comprenait vite, avisant mon état que je ne vennais pas pour parler d’un patient, et m’emmenait au calme. La fin du rêve n’est plus très claire, mais en gros on me disait : on s’occupe de tout, maintenant, toi tu te reposes. Je me laissais aller et c’était bon.

Mon réveil a sonné à cet instant, et j’ai été surprise par la détresse, en écho au rêve, qui m’a alors submergée, puis qui a persisté quelque part en moi, même une fois les tartines englouties, même une fois l’heure de trajet en bus passée, la porte du service franchie et ma blouse enfilée. Elle a mis la journée à s’estomper, la matinée de stage ne m’ayant pas franchement changé les idées ce matin là.
Ce matin là, Mai puait la mort, les bières en trop, le sommeil en moins, les révisions, et les petits garçons qui disent à leur maman « m’man, j’veux pas mourrir ici, je préfère mourrir à la maison » (4ans, 7mois)

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Pédiatrie, oh oui.

Expliquez à qui veut bien l’entendre que non, la pédiatrie n’est pas une spécialité de filles qui veulent jouer à la poupée, dites que la pédiatrie à l’hôpital c’est pas facile, et que c’est cliniquement intéressant.
Et voilà que, tous les matins, en épluchant les carnets de santé des enfants entrés dans vos lits et dont vous devez faire l’observ’, vous tombez au minimum sur une pédiatre trisomique par jour.
J’entends par « pédiatre trisomique » ce genre de personnes qui, dans les nombreux mots qu’elle écrit dans le carnet de santé, écrit, au lieu du « beau bébé » laconique qui est l’équivalent pédiatrique du non moins laconique « bon état général », voire expéditif « BEG » qui permet de dire en peu de mots que quelqu’un va bien ; voilà que cette pédiatre donc, écrit en conclusion de son examen clinique, « Amour de bébé » ou « Superbe petite fille à croquer ». Et j’en passe.
Ah non, merde, quoi. De grâce, un peu de dignité.
Si vous vous tirez des balles dans le pied les filles, ne comptez plus sur moi pour aller explorer la plaie et parer les lésions.

Mon nouveau CCA (nouveau parce que j’ai changé d’aîle au sein du service de pediatrie pas de service), ressemble à un panda.
Certes, il rentre dans du 34 fillette H&M et il est souvent survolté, ce qui gâche un peu la perfection de ma comparaison avec le paisible herbivore. Mais il en a les cernes (et la touffe de cheveux noirs). Vraiment. Des cernes monstrueuses qui ne le quittent jamais, alors je n’abandonnerai pas cette image si facilement. Disons, un panda anorexique et sous amphétamines

En fait, quand on le voit, on n’a qu’une envie, c’est de lui poser une perf d’Oliclinomel (c’est ce qu’on donne aux gens qui ne peuvent pas s’alimenter), et de le bourrer de lexomil pour le faire entrer dans une hibernation bien méritée. Parce que c’est le genre de type qui, si il s’endort sur quai du TGV qu’il doit prendre pour aller en congrès, ou sur un banc public, peut facilement se faire quelques piécettes en faisant culpabiliser la bourgeoise.

Ajoutez à cela qu’il fait à peu près un mètre douze -talonnettes incluses-, (j’en veux pour preuve qu’il chausse du 6, 6 et 1/2 en taille de gants), et qu’il fait plein de blagues mysogynes juste pour nous faire réagir, vous comprendrez que j’aie du mal à le prendre au sérieux quand il s’excite pour des histoires d’examens complémentaires pas encore rangés à 9h01.
(soit dit en passant, si quelqu’un qui travaille dans mon hosto lit ceci, je suis plus que grillée, il n’y a pas en france 2 pédiatres rachitiques avec des cernes certifiées tatouages permanent, et je lui serais infinimment reconnaissante d’attendre le 1er juillet pour vendre la mèche. Si vous êtes mon chef de service, sachez que même si vous me faites penser au papa de petit ours brun, je vous prends très au sérieux, vous. Certes, quand ça ne va pas, j’ai d’étranges envie de venir me lover contre vous en suçant mon pouce mais je ne crois pas être la seule à qui votre physique imposant et rassurant fasse cet effet).

Vous vous étonnez que le fait qu’à 9h01 des examens complémentaires non rangés soient un sujet d’énervement ? Ce que vous ne savez pas c’est que ce médecin au demeurant plutôt pédagogue et capable d’être sympa (mais pas quand il refuse de nous décharger un peu de boulot en périodes de partiels), a su voir en ses externes, plus que les autres, ce que nous n’avions même pas commencé à soupçonner nous même : la vocation de secrétaires médicales qui sommeillaient en nous.
Alors quand il voit que nous ne donnons pas le meilleur de nous même dans ce qui est pourtant notre passion, il s’agace : « Pourquoi le classeur bleu est il à côté de la pochette marron et non pas dedans? » (à répêter trois fois sur un ton de plus en plus pressant et exaspéré).

Après mon passage en ortho, autant vous dire que ce genre de remarque émanant d’un ailuriné rachitique ne me fait plus guère d’effet. J’essaie de ne pas ricaner et part tracer ma courbe de croissance ailleurs ou voir un gosse.

Comme l’animal est très exigeant, entre deux tri d’examens complémentaires et ordonnage de dossiers, ce stage est relativement formateur (pour un stage de d2 au moins).
Mais épuisant.
Mais formateur.
Les visites ressemblent parfois à du ping pong de questions-réponses. Avec lui dans le rôle de rafaël Nadal à qui on aurait donné cette minuscule raquette sans qu’il comprenne vraiment pourquoi, et qui, du coup, continuerait à frapper la balle à la puissance « Roland Garros, je vais te me l’exploser ce Féderer ».
Je ne me suis toujours pas pris la balle dans l’oeil. C’est plutôt bon signe.

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The time the interns are changin’

Laissez moi partager un petit secret avec vous : deux fois par an, c’est un bordel monstre à l’hôpital.

Je veux dire, plus que d’habitude.

Et ce, toujours aux mêmes dates. (2novembre et 2mai, CHUs à éviter). Pourquoi ? Non, ce n’est pas que c’est le jour de paye. Non, ce n’est pas le jour de congrès géants organisé par des labos, ce n’est pas la journée portes ouvertes, ce n’est pas que tout le monde a la gueule de bois d’avoir trop célébré la fête du travail (a t on jamais vu un fonctionnaire célébrer le travail ?) ou les morts des années précédentes.
Non, c’est tout simplement le jour des changements d’internes.

En effet, les internes faisant des stages de 6mois, il changent deux fois par an, un mois en décalé par rapport aux externes .
Les externes, eux, changent 4 fois par an, mais en provoquant une désorganisation moindre -le service manque juste de coursiers et standardistes téléphoniques pendant une matinée.
Ce changement d’internes n’a pas trop de répercussions sur, mettons, les consultations des PH*, où (par définition), il n’y a pas besoin d’internes… Mais les services.. Ah, les services.
Il faut savoir que les services pendant l’année (du moins, beaucoup de ceux où j’ai eu l’occasion de passer) sont tenus par les internes, chaperonnés de plus ou moins près par les CCA, tandis que le chef de service ou les PH, qui ont d’autres chats à fouetter, ne font que des apparitions épisodiques, généralement à la visite (qui va d’une fréqence quotidienne à hebdomadaire selon les spé).
Mais ces jours là, pendant une bonne partie de la matinée, pas d’internes donc. Ils sont perdus dans les méandres de l’administration ou en train d’être briefés par les chefs. Pas de CCA* : occupés à accueillir les internes. Si vous avez suivi ce que j’ai expliqué au dessus, vous comprendrez aisément que c’est le bordel.
Ainsi dans le service déserté, les externes sont plus ou moins livrés à eux mêmes, jusqu’à ce que quelqu’un, -chef de service, ph, attaché ou autre-, se souvienne de la date et décide de venir donner un coup de main.
Ils passent alors la tête dans le bureau médical, lancent « Ca va les jeunes ? », font semblant de ne pas percevoir l’ironie du « évidement, on gère comme des bêtes » proféré par l’un(e) des externes en réponse, et repartent la conscience tranquille.

En fin de matinée, l’interne qui, en dépit de l’administration, est parvenu à récupérer blouse, badge, papiers officiels divers, et à retrouver son service, débarque, et voit les externes lui tomber dessus « il faut que tu vérifies la prescription que j’ai faite pour Mr X -ou le bébé X en pédiatrie-« , ou « faudrait aller voir Mr Y, il a beaucoup de questions ». Ou les infirmières « alors MrW, ça vaut le coup de le reperfuser ou pas ? ».
Inutile de préciser qu’il n’a aucune idée de qui est Mr X, de ce qu’a MrY, et de ce qu’il y avait dans la perf de MrW, ni même des habitudes de prescription du service.
Il faut finir les prescriptions, boucler les sortants, voir les entrants.
L’interne va passer une mauvaise journée.
L’externe s’en fout, il a presque fini sa matinée.

J’ai même ouï dire que ces jours là et suivants on constatait une légère mais néanmoins perceptible augmentation de la mortalité dans les hôpitaux. Même si elle illustre parfaitement mon article, je suis pas sûre d’avoir envie que cette rumeur soit fondée.

Bref, retenez la leçon, début novembre et début mai, il ne fait pas bon être hospitalisé (enfin blague à part, tout sera juste plus long que d’habitude).
Aux urgences, de « nouveaux internes » (donc ne connaissant pas le fonctionnement de ce services d’urgences précis, le logiciel informatique, les séniors…) différents faisant des gardes chaque soir, le flottement est encore plus prolongé ; soyez donc intelligents évitez les urgences à cette pério… ou même, si comme le très insistant patient de l’autre jour, vous avez « une angine blanche » (selon son propre diagnostic), évitez les urgences, tout court.

Pour conclure, je tiens à préciser que je n’ai aucun sentiment de culpabilité quant à ce bordel monstre deux fois par an.
Mon CHU est construit dans un quartier où certains immeubles portent les traces délavées de fresques publicitaires « Suze, l’amie de l’estomac », ou pour Ricard.
Son entrée principale est au sommet d’une rue en pente, après une place dallée, avec des panneaux avertissant « attention, parvis glissant par temps de pluie ». A proximité d’un hôpital cela relève soit de l’humour noir, soit de la débilité profonde.

Alors franchement, on ne prend personne en traitre. Se faire hospitaliser dans un tel CHU, c’est chercher les problèmes.

 

 

 

*PH=praticienHospitalier, CCA=ChefdeClinique Assistant

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De l’importance de ne pas détester Mme Y

Les vraies ornières, les vraies difficultés dans sa relation au patient ne sont pas nécessairement là où on les imagine de prime abord.

Certes, la pédiatrie, par exemple, lorsqu’on quitte le cadre des maladies « classiques », bien codifiées et souvent bénignes parce que bien pris en charge, cela peut être dur, comme on l’imaginait.
Parce que voir une dysmorphie à la naissance, associée à d’évidents problèmes moteurs, voir qu’il y a effectivement un problème, mais, en dépit des analyses ne pas trouver lequel, et n’avoir au final que l’anxiété de l’attente à offrir aux parents, ce n’est pas facile. Comme ce n’est pas évident de voir une mère s’effondrer dans le couloir au mot « ponction lombaire », d’avoir envie de la rassurer avec la certitude que ça ira, mais sans pouvoir le faire, pas encore, pas sans les résultats.

Certes façon générale, en pédiatrie ou ailleurs, beaucoup de choses sont dures (le spectre de ce terme allant de pénible à atroce) pour le patient ou la familles, et pas toujours évidentes pour l’étudiant -ou le médecin j’imagine. Pas évident l’intox volontaire au paracétamol qui, à 18 ans, vient de foutre son foie en l’air et d’acheter un ticket simple pour la greffe de foie. Pas évident Mr W qui pleure devant vous, parce qu’il a peur, et qu’il a bien raison.

Mais on le savait. C’était, quelque part, non formulé, mais compris dans le contrat. Tu seras confronté à des choses pas jolies jolies, tu seras aussi impuisant, parfois indifférent, et parfois ça éveillera des choses pas nettes en toi. Parfois tu seras même considéré comme le « salaud de docteur », et si ça aide ton malade à dormir la nuit, pourquoi pas.

Alors du coup, on s’arme comme on peut, souvent mal, et ensuite on évacue comme on peut, on le savait, on l’a choisi, on s’en plaint parfois, mais on essaie de faire avec, de sortir, boire, courrir, rire ou manger, diluer tout ça dans la normalité.

Ce qu’on imaginait pas,  c’est tout le reste, tout ce qui sort du cliché, qu’on ne pensait pas devoir gérer, mais qu’il faut quand même intégrer et assumer.
Ca m’a sauté au visage lors de ma dernière garde aux Urgences.

Mme Y me poursuivait dans le couloir, brandissant sa canne, me houspillant et me reprochant de ne pas s’occuper d’elle, affirmant avec aplomb qu’elle était une Urgence Absolue, ne voyant manifestement pas l’absurde contraste entre ses mots et son comportement.
J’avais très envie de lui prendre la canne des mains, et avec de lui péter ses genoux à cette Mme Y et être ainsi sûre qu’une fois remise sur son brancard, elle y reste.

L’anévryse de mon agacement s’est soudain rompu et j’en ai eu marre, de devoir justifier de mes actes, d’entendre remis en question nos protocoles d’accueil, de m’excuser auprès des patients pour une attente qui n’est pas de mon fait.
Il était très tard, ou plutôt très tôt j’en avais assez, pire j’en voulais à la pile de dossier « tri 4 » qui attendaient dans leur coin. Je leur en ai voulu d’être là, à Mme Y et aux autres, et ce ressentiment n’aurait pas du être, car il me fermait à eux. On a souvent des « syndromes méditerranéens » aux Urgences (oui c’est une image très fine pour désigner les hypochondriaques, mais sinon on a rien contre les marseillais hein), mais le piège est que tout ce qui se présente comme tel, qu’on a envie d’étiquetter « grosse chochotte hyponchondriaque » n’en n’est pas forcément un. Et si ce soir là, ma lassitude et mon agacement n’ont pas eu de conséquences, parce que il y a toujours quelqu’un pour passer derrière moi, et que par chance je n’avais rien laissé passé (car il n’y avait rien) je sais que ce n’est pas viable à long terme.
Quand les gens se dispersent et vous font l’historique de leurs rhumes depuis 1972, vous parlent d’un mal là, et là, mais aussi ici, et puis là ; c’est à vous d’être systématique et de rester construit et cohérent. Mais je n’y parvenais pas ce soir là, je me dispersais aussi, oubliant mon fameux plan d’observ et d’examen, qui pourtant, à force d’habitude, m’est quasiment devenu sous-cortical.

Je ne l’avais pas vue venir, la difficulté de savoir rester pro malgré la connerie de certains, malgré la mauvaise foi et le mépris ou la simple antipathie.
De ne pas répondre à cela en miroir mais savoir voir au delà, ne pas étiquetter trop vite, ne pas négliger inconsciemment parce qu’antipathique.
C’est plus dur à maitriser que le reste, que les extrêmes qui éprouvent mais appelent à eux tous les moyens pour les dépasser, pour ne pas rester impuissant. On voyait les difficultés « nobles » et évidentes, la souffrance et la mort, sans voir les quotidiennes, bien plus piégeuses.
C’est plus dur à maitriser car moins aigu et quotidien, presque anondin, et parfois inconscient.
Si je foire, le patient n’est pas foudroyé sur place, ne tombe pas en asystolie sous mes yeux, non, il rentre chez lui, les conséquences ne seront peut être pas immédiates, mais elles seront là, j’aurai foiré, je serai peut être passée à côté de quelque chose, j’aurai retardé sa prise en charge.

Je n’aurai pas su voir la pathologie derrière la chiantise, et aux dernières nouvelles, les cons étant plus nombreux que les agonisants, ce serai pire que tout.

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